Juridique La protection du secret des affaires devant l’ARCEP Secret des affaires, secret professionnel, secret protégé par la loi, secret de l’instruction, etc. voilà bien des concepts difficiles à concilier avec les exigences de transparence de la société de l’information ! Aussi, partant de l’idée selon laquelle le secret des affaires constitue une donne importante du jeu économique des démocraties industrielles, convient-il de voir comment sa protection nécessite une subtile conciliation avec les droits de la défense et l’efficacité des procédures mises en place à l’ARCEP. L e droit a depuis toujours entretenu des rapports complexes avec le secret, mais il convient de souligner que cela est peutêtre plus vrai encore avec les industries des nouvelles technologies de l’information à forte concurrence commerciale et dans lesquelles la recherche fait l’objet de gros investissements. C’est pourquoi le secteur des télécommunications fait l’objet d’un grand nombre de dispositions se référant au secret des affaires, aussi bien en droit communautaire (les directives dites du « deuxième paquet télécom » en traitent largement) qu’en droit national. Une pratique avant tout déontologique Considérée comme une prérogative du chef d’entreprise, la pratique du secret des affaires est avant tout déontologique. Cet aspect coutumier du secret prend ainsi la forme d’une série de règles et usages professionnels éminemment subjectifs respectés tacitement par les différents acteurs du monde des affaires. Cette tradition du secret des affaires se trouve consacrée par un ensemble d’obligations légales ou contractuelles qui lui assure son existence, mais il n’en reste pas moins qu’il se présente comme une notion à la fois subjective et soumise aux impératifs économiques. Loin d’être statique, le secret des affaires est à géométrie variable. Sécurité économique Le secret des affaires affecte un ensemble d’informations et de connaissances ayant une valeur économique. Certaines possèdent cette valeur en elles-mêmes et le secret qui les entoure constitue alors un mode de préservation (tels les secrets de production qui représente un investissement de la part de l’entreprise). D’autres, qui ne possèdent pas intrinsèquement cette valeur, n’accèdent à ce statut que parce qu’elles sont tenues cachées des tiers et présentent un intérêt d’un point de vue concurrentiel en raison de leur caractère stratégique. JANVIER-FÉVRIER 2009 Ces secrets expriment une intimité économique que l’entreprise tient à conserver et n’entend pas partager, mais sont toutefois souvent d’essence éphémère et parfois difficiles à maintenir devant la progression du droit à l’information sur les entreprises. Elles ont pourtant intérêt, dans un contexte concurrentiel difficile, à préserver quelques-uns de ces secrets des indiscrétions illégitimes dans la mesure où ceux-ci décident souvent du devenir de l’entreprise. Les procédures mises en place à l’ARCEP La protection des secrets d’affaires figure au nombre des missions assignées à l’ARCEP pendant le déroulement de ses procédures. Elle s’applique ainsi dans trois situations : l’échange d’informations entre autorités, le règlement de différends et la procédure de sanction. D’abord, les informations considérées comme étant confidentielles par l’ARCEP ne peuvent être échangées avec la Commission européenne et les autres ARN « que si cet échange est indispensable » à l’application des textes communautaires (considérant 14 de la directive « cadre »). L’ARCEP informe l’autorité destinataire du degré de confidentialité qu’elle doit garantir aux informations transmises. L’opérateur qui a communiqué ces informations est informé de cette transmission (1). Les informations nécessaires à la procédure sont publiées par l’ARCEP, sous réserve des secrets des affaires et des secrets protégés par la loi. Ensuite, l’entreprise qui souhaite bénéficier de la protection de secrets d’affaires concernant des pièces produites dans le cadre du règlement de différend, doit formuler sa demande auprès de l’ARCEP, qui apprécie si les pièces en cause doivent être communiquées à la ou aux autres parties, mais dans ce cas, elles sont retirées du dossier (2). L’autre partie peut contester la nature de secrets d’affaires G des pièces en cause, ce désaccord étant alors résolu dans le cadre de la procédure de règlement des différends. Les décisions de l’ARCEP sont publiées sous réserve des secrets protégés par la loi (3). En pratique, les parties précisent quels passages de la décision qui leur est soumise avant publication sont susceptibles de relever du secret des affaires. Les passages confidentiels sont occultés dans la décision publiée. La publication sous réserve des secrets protégés par la loi Les décisions de l’ARCEP relatives au secret des affaires ne peuvent être contestées que dans le cadre de l’appel à l’encontre de la décision sur le fond devant la cour d’appel de Paris (4). Enfin, la personne mise en cause par la procédure de sanction, après la notification des griefs, a accès à l’ensemble du dossier ; la ou les autres parties à la procédure, dans sa phase contradictoire, n’ont accès qu’aux pièces qui ne sont pas couvertes par le secret des affaires (5). Les décisions relatives au secret des affaires ne peuvent être contestées que dans le cadre du recours de pleine juridiction devant le Conseil d’État à l’encontre de la décision sur le fond (6). I (1) Cf. article D.295 du CPCE. Cf. articles L.5-6 et L.36-8, 3e al. du CPCE. (3) Cf. articles R.36-8, 5e al. et R.1-2-12 du CPCE. article 17 du règlement intérieur de l’ARCEP. (4) Cf. articles R.11-2 et L.5-6 du CPCE. (5) Cf. article 23 du règlement intérieur de l’ARCEP. (6) Cf. articles L.5-3 et L.36-11 du CPCE. (2) LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES 17