Article paru dans La Lettre de l`Autorité n° 65 en février 2009

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Juridique
La protection du secret
des affaires devant l’ARCEP
Secret des affaires, secret professionnel, secret protégé par la loi, secret de l’instruction, etc. voilà bien des
concepts difficiles à concilier avec les exigences de transparence de la société de l’information ! Aussi, partant de
l’idée selon laquelle le secret des affaires constitue une donne importante du jeu économique des démocraties
industrielles, convient-il de voir comment sa protection nécessite une subtile conciliation avec les droits de la
défense et l’efficacité des procédures mises en place à l’ARCEP.
L
e droit a depuis toujours entretenu des rapports complexes
avec le secret, mais il convient
de souligner que cela est peutêtre plus vrai encore avec les industries des
nouvelles technologies de l’information à
forte concurrence commerciale et dans
lesquelles la recherche fait l’objet de gros
investissements. C’est pourquoi le secteur
des télécommunications fait l’objet d’un
grand nombre de dispositions se référant
au secret des affaires, aussi bien en droit
communautaire (les directives dites du
« deuxième paquet télécom » en traitent
largement) qu’en droit national.
Une pratique
avant tout déontologique
Considérée comme une prérogative du
chef d’entreprise, la pratique du secret des
affaires est avant tout déontologique. Cet
aspect coutumier du secret prend ainsi la
forme d’une série de règles et usages professionnels éminemment subjectifs respectés
tacitement par les différents acteurs du
monde des affaires. Cette tradition du secret
des affaires se trouve consacrée par un
ensemble d’obligations légales ou contractuelles qui lui assure son existence, mais il
n’en reste pas moins qu’il se présente comme
une notion à la fois subjective et soumise aux
impératifs économiques. Loin d’être statique,
le secret des affaires est à géométrie variable.
Sécurité économique
Le secret des affaires affecte un ensemble
d’informations et de connaissances ayant
une valeur économique. Certaines possèdent cette valeur en elles-mêmes et le secret
qui les entoure constitue alors un mode de
préservation (tels les secrets de production
qui représente un investissement de la part
de l’entreprise). D’autres, qui ne possèdent
pas intrinsèquement cette valeur,
n’accèdent à ce statut que parce qu’elles
sont tenues cachées des tiers et présentent
un intérêt d’un point de vue concurrentiel
en raison de leur caractère stratégique.
JANVIER-FÉVRIER
2009
Ces secrets expriment une intimité
économique que l’entreprise tient à
conserver et n’entend pas partager, mais
sont toutefois souvent d’essence éphémère
et parfois difficiles à maintenir devant la
progression du droit à l’information sur les
entreprises. Elles ont pourtant intérêt, dans
un contexte concurrentiel difficile, à
préserver quelques-uns de ces secrets des
indiscrétions illégitimes dans la mesure où
ceux-ci décident souvent du devenir de
l’entreprise.
Les procédures
mises en place à l’ARCEP
La protection des secrets d’affaires
figure au nombre des missions assignées à
l’ARCEP pendant le déroulement de ses
procédures. Elle s’applique ainsi dans trois
situations : l’échange d’informations entre
autorités, le règlement de différends et la
procédure de sanction.
D’abord, les informations considérées
comme étant confidentielles par l’ARCEP
ne peuvent être échangées avec la
Commission européenne et les autres ARN
« que si cet échange est indispensable » à
l’application des textes communautaires
(considérant 14 de la directive « cadre »).
L’ARCEP informe l’autorité destinataire
du degré de confidentialité qu’elle doit
garantir aux informations transmises.
L’opérateur qui a communiqué ces informations est informé de cette transmission (1). Les informations nécessaires à la
procédure sont publiées par l’ARCEP, sous
réserve des secrets des affaires et des secrets
protégés par la loi.
Ensuite, l’entreprise qui souhaite bénéficier de la protection de secrets d’affaires
concernant des pièces produites dans le
cadre du règlement de différend, doit
formuler sa demande auprès de
l’ARCEP, qui apprécie si les pièces en
cause doivent être communiquées à la ou
aux autres parties, mais dans ce cas, elles
sont retirées du dossier (2). L’autre partie
peut contester la nature de secrets d’affaires
G
des pièces en cause, ce désaccord étant alors
résolu dans le cadre de la procédure de
règlement des différends. Les décisions de
l’ARCEP sont publiées sous réserve des
secrets protégés par la loi (3). En pratique, les
parties précisent quels passages de la décision qui leur est soumise avant publication
sont susceptibles de relever du secret des
affaires. Les passages confidentiels sont
occultés dans la décision publiée.
La publication sous réserve
des secrets protégés par la loi
Les décisions de l’ARCEP relatives au
secret des affaires ne peuvent être contestées que dans le cadre de l’appel à
l’encontre de la décision sur le fond devant
la cour d’appel de Paris (4).
Enfin, la personne mise en cause par la
procédure de sanction, après la notification des griefs, a accès à l’ensemble du
dossier ; la ou les autres parties à la procédure, dans sa phase contradictoire, n’ont
accès qu’aux pièces qui ne sont pas
couvertes par le secret des affaires (5). Les
décisions relatives au secret des affaires ne
peuvent être contestées que dans le cadre
du recours de pleine juridiction devant le
Conseil d’État à l’encontre de la décision
sur le fond (6).
I
(1)
Cf. article D.295 du CPCE.
Cf. articles L.5-6 et L.36-8, 3e al. du CPCE.
(3)
Cf. articles R.36-8, 5e al. et R.1-2-12 du CPCE.
article 17 du règlement intérieur de l’ARCEP.
(4)
Cf. articles R.11-2 et L.5-6 du CPCE.
(5)
Cf. article 23 du règlement
intérieur de l’ARCEP.
(6)
Cf. articles L.5-3 et
L.36-11 du CPCE.
(2)
LA LETTRE DE L’AUTORITÉ DE RÉGULATION DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DES POSTES
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