Publié sur CERI (http://www.sciencespo.fr/ceri)
l’habitude de vivre avec une inflation élevée en spéculant sur de nombreux actifs (immobilier, biens
de consommation durables, tapis, or, dollars) dont la valeur progresse avec l’inflation. En
contrepoint, les liquidités versées à l’ensemble de la population, estimées à au moins 15 % des
revenus moyens des ménages ruraux en 2012, ont représenté une part non négligeable des revenus
des plus pauvres, leur permettant d’atténuer ces chocs inflationnistes. Enfin, la forte solidarité
familiale joue toujours son rôle « d’amortisseur social » en Iran. Toutefois, il est clair que cette
inflation élevée accroît les inégalités sociales entre ceux qui peuvent spéculer et les autres.
En revanche, en ce qui concerne les exportations non pétrolières, on constate une très nette
augmentation : elles auraient atteint 34,9 milliards de dollars en 2012 (douanes iraniennes), soit une
progression de 8,3 % par rapport à 2011 et de plus de 50 % par rapport à 2010. Si plus de 30 % de
ces exportations sont des produits pétrochimiques, on remarque également la forte progression de
minerais, matériaux de construction, produits manufacturés et agricoles. Cette hausse résulte de
plusieurs facteurs. D’une part, les exportateurs iraniens, face au recul des exportations pétrolières,
ont redoublé d’efforts en se recentrant sur le marché régional. L’Irak est ainsi devenu le premier
marché pour les exportations non pétrolières (avec des ventes de près de 6 milliards de dollars)
alors que l’Inde et l’Afghanistan sont respectivement au 4eme et 5eme rang. Avec les pays d’Asie
centrale, on observe aussi une très forte hausse des transactions. Cette situation s’explique par la
reprise des relations diplomatiques de l’Iran avec l’Afghanistan et l’Irak ces dernières années (à ce
propos les exportations vers l’Egypte ont progressé de plus de 800 % en 2012). D’autre part, ces
succès sont également le résultat d’une proximité culturelle entre l’Iran et ses voisins et bien sûr
géographique, l’Iran occupant une place « centrale » dans la région. En outre, les entrepreneurs
iraniens, habitués à « survivre » dans un environnement difficile depuis la révolution, ont des
capacités d’adaptation qui leur rendent ces marchés d’autant plus accessibles que les produits
iraniens sont devenus compétitifs du fait de la faiblesse du rial. Ce recentrage sur le marché régional
permet également de contourner les sanctions puisqu’il est alors possible de se faire payer en
liquide, d’utiliser des banques locales ou de réimporter de ces pays en utilisant la monnaie locale.
Ces évolutions ont fait naître un vent d’optimisme quant à la capacité de l’Iran à diversifier ses
exportations. Les prévisions sont maintenant relativement optimistes quant au potentiel des
entreprises à exporter dans la région mais aussi en Amérique latine ou en Afrique (les exportations
iraniennes ont augmenté de près de 170 % en Afrique du Sud en 2012). Ces évolutions ont
également des conséquences sociales puisqu’elles favorisent une nouvelle classe d’exportateurs (et
notamment ceux du secteur privé) alors que de nombreux importateurs (et donc de nombreux
bazaris) connaissent de graves difficultés financières. Finalement, les sanctions sont peut-être le
choc externe dont avait besoin l’économie iranienne pour véritablement limiter sa dépendance
pétrolière …
Dans un tel contexte, tout le monde en Iran met l’accent sur la nécessité pour le prochain président
d’avoir un programme économique permettant de faire face aux difficultés actuelles, notamment
aux conséquences économiques et sociales des sanctions. Pourtant, comme souvent, les nombreux
candidats mettent l’accent sur les erreurs commises par l’actuel président plutôt que sur leur propre
programme ! Les critiques adressées à la politique économique de Mahmoud Ahmadinejad sont
toujours les mêmes, celles que l’on entend depuis 2005 : il a supprimé des organismes comme
l’organisme du plan qui permettait d’avoir une vue à long terme en matière de politique
économique ; il s’est reposé sur un gouvernement composé de proches et pas assez d’experts ; il a
pris des décisions de manière trop précipitée ; il a mené des politiques qui lui ont permis de
communiquer sur son activisme. Or, très souvent, ces politiques ont eu des résultats
catastrophiques : ainsi la politique de soutien aux « projets à rendement rapide » a conduit à
l’accumulation des créances douteuses dans les bilans des banques. Toutefois, c’est plus la méthode
qui est remise en cause que l’essence de sa politique. Ainsi, la politique de suppression des
subventions n’est pas contestée sur le fond mais dans la manière dont elle a été appliquée. Mohsen
Rezaï, candidat conservateur et secrétaire général du Conseil du discernement de l’intérêt supérieur
du régime, considère ainsi qu’il aurait fallu limiter l’effet inflationniste des versements de liquidités
(en les bloquant durant plusieurs mois sur des comptes bancaires) et qu’il aurait fallu également
verser des subventions aux entreprises et non pas simplement à la population5. De même, le
programme Mehr visant à faciliter l’accession des Iraniens à faibles revenus à la propriété n’est pas
critiqué quant à ses objectifs mais pour ses nombreux dysfonctionnements dans son application.
Certains journaux se moquent même de la platitude des programmes de la plupart des candidats :
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