Fariba Adelkhah – Les trois piliers de l’Iran – CERI/Alternatives internationales – Juin 2005
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« conservateur » et un projet « réformateur ». Mais de renégocier l’influence des trois
pouvoirs qui structurent la société iranienne : l’Etat, le clergé, la famille. En attribuant à
chacun sa part de responsabilités dans la gestion de la société, notamment sur le plan
éthique. Ainsi, le réformateur Mohammed Khatami a certes dû sa victoire lors de la
présidentielle de 1997 à la mobilisation intellectuelle en faveur de son approche plurielle de
l’islam, mais aussi - et peut-être surtout - à un certain nombre de réseaux financiers et
religieux soucieux de leur autonomie matérielle et spirituelle, généralement soudés par des
liens familiaux. De la même manière, la victoire du courant « néoconservateur » des
Abadgaran lors des législatives de février dernier - sur fond d’abstention massive - s’explique
par le repli de la famille iranienne sur elle-même, pour se tenir à distance d’une scène
politique face à laquelle elle revendique le droit de conserver le contrôle de son espace
privé. Pour y parvenir, le pouvoir familial utilise aussi bien le suffrage universel que la
rhétorique islamique. Ce dont témoignait récemment le vote d’une loi contre la violence faite
aux enfants. Partagé entre l’universalisme et le respect de l’espace privé, le Parlement a
finalement exempté l’autorité parentale (uniquement au sens des géniteurs, et non des
beaux-parents) de toute forme de condamnation en cas d’abus d’autorité contre les enfants.
A l’évidence, le conflit entre ces trois pouvoirs restera dans les prochaines années au cœur
du débat politique dans cette société qui fait des valeurs familiales des valeurs dominantes.
Précisons, dans ce contexte, que le respect des principes religieux, ou l’obéissance à l’ordre
divin, ne s’analyse en Iran qu’au regard des besoins de la société. Ainsi, la revendication du
mariage temporaire - un croyant peut contracter une union provisoire, d’au moins une heure,
afin de satisfaire de manière légitime un besoin sexuel - n’a guère à voir avec la l’application
d’une loi islamique et beaucoup avec la résolution d’un problème de société, le coût prohibitif
des mariages. Au demeurant, cette forme de mariage est fortement contestée dans la
République islamique y compris par les tendances les plus conservatrices. Bref, ce n’est ni la
volonté de sortir de la religion, ni le retour au temps supposé glorieux de l’islam du Prophète
qui structure les débats et la compétition politique en Iran, mais la nécessité de composer
entre le souci de la centralisation d’un Etat fort dont dépend la cohésion nationale, et la
reconnaissance et le respect de la propriété privée et l’autonomie des « quatre murs » (la
sphère privée).