Commercialisation des données détenues par le secteur public et

DROIT DE LA CONSOMMATION
Commercialisation des données détenues
par le secteur public et vie privée*
Sommaire Inhoud
I. Introduction I.
II. La légitimité de la II.
commercialisation
A. Les fichiers exclus du champ A.
d'application de la loi
B. Les fichiers interdits B.
III. La légitimité de la III.
commercialisation à l'épreuve
des principes de la législation
de protection de la vie privée
A. Le critère des finalités déterminées A.
et légitimes
B. Le critère de proportionnalité B.
IV. Les conditions de la IV.
commercialisation
A. L'application des dispositions A.
spécifiques de la loi du
8 décembre
B. La disposition générale de B.
l'article 2 de la loi du 8 décembre
V. Conclusion V.
Inleiding
De wettigheid van
de commercialisering
De bestanden die buiten
het toepassingsgebied van
de wet vallen
De verboden bestanden
De wettigheid van de
commercialisering getoetst aan
de beginselen van de wetgeving
over de bescherming van de
persoonlijke levenssfeer
Het criterium van de duidelijk
omschreven en wettige doeleinden
Het criterium van de evenredigheid
De voorwaarden voor
commercialisering
De toepassing van de bijzondere
bepalingen van de wet van
8 december
De algemene bepaling van het
artikel 2 van de wet van 8 december
Besluit
* Les opinions exprimées ci-dessus n'engagent que l'auteur et non la Commission
de Protection de la Vie privée dont l'auteur est membre.
I. Introduction
1. Un rapport officiel français récentf 1 ) décrivait les banques de données du
secteur public comme un «gisement naturel» d'informations convoité par le
secteur privé. L'intérêt particulier du secteur privé pour ce gisement s'expli-
que par les caractéristiques mêmes
du
mode de collecte
à
l'origine des banques
de données du secteur public. Ainsi, il est clair que le caractère obligatoire de
la délivrance par les citoyens à l'autorité publique d'informations les concer-
nant explique à la fois la fiabilité de telles données (y compris leur mise à
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CONSUMENTENRECHT
jour) et l'exhaustivité des banques de données. Bref, les banques de données
du secteur public sont considérées comme des fichiers de référence indispen-
sables à la connaissance du marché que celui-ci soit celui des abonnés
téléphoniques (annuaire téléphonique), des entreprises (registre de la T.V.A.
ou de l'ONSS), des citoyens (registre national ou fichier électoral), des
propriétés et propriétaires (registre du cadastre), de telle ou telle catégorie
professionnelle (liste des médecins), des automobilistes (registre de la direc-
tion des immatriculations) etc.
2. Si de telles qualités des fichiers publics conduisent à leur reconnaître une
indéniable valeur économique en particulier pour le secteur du marketing,
ces mêmes qualités engendrent une crainte légitime pour la protection des
libertés individuelles. Ainsi, la combinaison de données cadastrales, de
données relatives à la profession, d'informations relatives aux détentions
successives d'automobiles, autant d'indices de richesses, peut permettre de
dessiner un profil type de certains citoyens.
Ainsi, pour prendre un autre exemple tiré de la réalité, une entreprise de vente
d'installations de sécurité pour immeubles, pourra, grâce à une cession
partielle de l'annuaire téléphonique, sélectionner une liste d'abonnés à
contacter par téléphone, particulièrement sensibilisés à la question suite à un
vol commis dans leur voisinage.
Bref, il importe de s'interroger sur l'application des principes protecteurs de
la vie privée à la commercialisation des banques de données du secteur
public.
3. Notre réflexion prend appui sur des textes internationaux; parmi eux, on
signalera les recommandations du Conseil de l'Europe, celle de 1985 relative
au marketing direct(2) et celle de 1991 relative au transfert global de fichiers
du secteur public à destination du secteur privé(3j. En ce qui concerne la
Communauté européenne, un projet de directive est soumis en seconde lecture
au Parlement européen«). A propos de ces textes internationaux, la Commis-
sion belge de protection de la vie privée note: «ces recommandations et
projets de recommandation sectoriels constituent, en effet, dans l'attente de
législations ou de réglementations fédérales plus précises, les standards inter-
nationaux auxquels doivent se référer les autorités et entreprises des Etats
membres ayant adopté, sans réserve, ces recommandations »(5).
Elle se fonde également sur l'analyse de la législation belge du 8 décem-
bre 1992 et de son application par la Commission belge de Protection de la
Vie privée dans trois avis non encore publiés(6). Elle s'inspire enfin de
quelques considérations de droit comparé(7).
Le rapport se divise en deux parties : la légitimité de la commercialisation (le
partie) pose la question de principe : peut-on commercialiser des banques de
données du secteur public? En cas de réponse positive, la seconde partie
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DROIT DE LA CONSOMMATION
étudie les conditions particulières de cette commercialisation.
II. La légitimité de la commercialisation
Réflexions préliminaires
4. Avant d'aborder les principes généraux relatifs à la légitimité de la
commercialisation, il nous paraît nécessaire d'émettre deux réflexions préa-
lables :
- l'une a trait à une disposition explicite de la loi du 8 décembre 1992:
l'article 3 par. 2 soustrait à l'application de celle-ci les traitements relatifs à
des données dites publiques;
- l'autre concerne des banques de données particulières dont la commercia-
lisation est a priori interdite.
A. Les fichiers exclus du champ d'application de la loi
5. L'article 3 par. 2 soustrait à l'application de la loi les traitements «portant
exclusivement sur des données à caractère personnel qui font l'objet d'une
publicité en vertu d'une disposition légale ou réglementaire» ou «dont la
personne à laquelle elles se rapportent en fait assurer la publicité
»
pour autant
que le traitement respecte la finalité de cette publicité. Au premier type de
données, visées par l'article 3 par. 2, correspondraient par exemple les don-
nées nominatives du registre du commerce; au second, les données reprises
dans l'annuaire téléphonique.
<5.
A propos de la notion de données publiques par la volonté de la loi ou de
la réglementation, il est évident qu'il ne peut être question de déduire de la
nature publique du titulaire d'un registre, le caractère public des données y
contenues au sens de la loi de protection de la vie privée. Ce n'est que dans
la mesure où la loi ou la réglementation organisent la publicité du contenu
du registre qu' on pourra parler de traitement de données nominatives qui font
l'objet d'une publicité. Le fait que la future loi relative à la publicité de
l'administration^) autorise la consultation de tout document administratif,
hormis les documents portant une appréciation ou un jugement de valeur sur
une personne physique(9), ets lors rend a priori publics la plupart des
fichiers de l'Etat, n'empêche pas l'application des dispositions de la loi du
8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée. Il semble en effet
que la dispense légale prévue par l'article 3 par. 2 ne vise que des traitements
«dont la publicité est organisée par une loi ou une réglementation particulière
et
spécifique»(10).
L'article 6 du projet de loi prévoit d'ailleurs expressément
la soumission des fichiers de l'administration aux impératifs de la loi relative
à la vie privée en assortissant d'ailleurs le principe d'une exception non prévue
par cette dernière loi. «L'autorité administrative rejette en effet la demande
dans la mesure où la consultation ou la communication d'un document ou
d'une information... concerne la vie privée d'une personne, à moins que et
dans la mesure où celle-ci a autorisé par écrit la consultation des dits docu-
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CONSUMENTENRECHT
ments ou informations».
En d'autres termes, le vote du projet de loi relatif à la publicité de l'adminis-
tration pourrait modifier légèrement la situation actuelle puisque même si les
banques de données publiques même rendues accessibles par la loi restent
soumises à la législation du 8 décembre 1992, il n'empêche que le consen-
tement du fiché permettrait à l'administration de révéler les données nomi-
nativesf 11 ).
7. Quant aux données rendues publiques par la volonté du fiché, le traitement
de telles données ne sera exempté de la loi que s'il respecte la finalité d'une
telle publicité. Reprenons l'exemple de l'annuaire téléphonique. Il est évi-
dent que cet annuaire échappe à la loi dans la mesure où le traitement répond
à la finalité de la publicité à laquelle l'abonné a consenti. L'abonné souhaite
en effet que son nom figure dans l'annuaire pour que chaque personne puisse,
à partir de son nom et de son adresse, le contacter par la voie téléphonique.
La commercialisation de l'annuaire dans la mesure où elle permet à certaines
entreprises de cibler une clientèle accessible par la voie téléphonique à partir
d'un nom de rue ou de tout autre critère ne répond plus à cette finalité
originaire. Ce traitement tombes lors sous le champ d'application de la
loi.
8. Enfin, qu'il s'agisse du premier type de données ou du second type de
données, tout enrichissement de la banque de données par des données qui
ne font l'objet d'aucune publicité soit réglementaire, soit volontaire, entraîne
l'application de la loi. Ainsi, si une entreprise reprend la liste des personnes
inscrites au registre de commerce et ajoute à cette information, une informa-
tion supplémentaire telle que la mention de la voiture des personnes inscrites,
la loi s'appliquera à cette banque de données comprenant une plus-value
informationnelle.
B. Les fichiers interdits
9. A l'opposé des fichiers précités qui ne font l'objet d'aucune protection
légale sur base de la loi de protection de la vie privée, d'autres fichiers se
voient interdits toute commercialisation.
Mentionnons quelques cas exemplaires :
- le registre national dont la loi du 8 août 1983(72) organisant un registre
national des personnes physiques restreint sévèrement l'accès;
- les registres de population (ou fichiers électoraux) et le registre des
étrangers qui selon l'article 6 de l'arrêté royal du 16 juillet 1992 modifié par
l'arrêté royal du 2 juillet 1993(13) ne peuvent être communiqués à des tiers
sous réserve d'exceptions strictement délimitéesf 14);
- les registres enregistrant les incidents de paiement, registres réglementés
par la loi du 12 juin 1991 relative aux crédits à la consommation^75),
modifiée par la loi du 6 juillet 1992.
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DROIT DE LA CONSOMMATION
III. La légitimité de la commercialisation à l'épreuve
des principes de la législation de protection de la vie
privée
A. Le critère des finalités déterminées et légitimes
10. L'article 5 de la loi belge de protection de la vie privée consacre le
principe de finalités déterminées et légitimes comme critère essentiel d'ad-
missibilité des traitements de données(76).
Sur cette base, les données à caractère personnel faisant l'objet d'un traite-
ment doivent être « enregistrées pour des finalités déterminées et légitimes et
ne peuvent être utilisées de manière incompatible avec ces finalités »(17). Par
ailleurs, les informations enregistrées doivent être adéquates et pertinentes par
rapport aux finalités poursuivies.
La diffusion commerciale des données que le secteur public détient entre
rarement dans les finalités initialement définies pour justifier la collecte et
le traitement de ces informations par 1 ' administration^ 18). Ainsi, le fichier
des immatriculations automobiles détenu par la direction des immatricula-
tions de véhicules (DIV) répondait clairement lors de sa création en 1953, à
la volonté d'améliorer la sécurité routière. Une telle finalité légitime certes
la communication de données du fichier de la DIV aux administrations
judiciaires de police et de sûreté tant sur une base individuelle que de façon
globale et ce pour l'accomplissement des missions légales de ces adminis-
trations. La même finalité justifie la communication d'informations :
- aux autorités administratives chargées de missions de police et de sûreté;
- aux entreprises d'assurance à la fois pour la vérification de la prise
d'assurance et pour assurer la poursuite en cas d'accidents de la circulation;
- aux entreprises automobiles pour des opérations de rappel de voitures
automobiles atteintes d'un vice.
Au-delà de ces communications, que penser de la communication par la DIV
des données nominatives du registre et ce à des fins de marketing direct? Il
s'agit sans aucun doute d'une finalité différente qui n'est certes pas à exclure
a priori. Ainsi, les cas français et luxembourgeois admettent que la finalité
naturelle du fichier des immatriculations décrite ci-dessus, se double d'une
autre finalité, à savoir la promotion des activités du secteur automobile(79).
Les mêmes réflexions peuvent être faites mutatis mutandis aux banques de
données d'enseignants que constitueraient les Communautés aux fins d'as-
surer une gestion administrative plus aisée(20| La commercialisation de
telles données par exemple auprès d'éditeurs d'ouvrages scolaires représente
certes un traitement à finalité différente de celle originale. Que penser de la
légitimité d'un tel changement de finalité?
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