PAGE 16. indicEs | | Novembre 2013 | Matières premières
Dans les conditions de marché actuelles caractéri-
sées par des politiques d’assouplissement moné-
taires exceptionnelles, une protection contre l’in-
flation et contre les risques de change s’avère une
priorité pour la plupart des investisseurs.
L’or offre à ce titre une protection dans les pério-
des d’incertitude sur les marchés, contre l’inflation mais souvent
également contre les fluctuations monétaires. L’or constitue donc
une protection naturelle, notamment contre les dépréciations liées
à la dévalorisation du dollar.
LES TRANSACTIONS sur l’or physique sont en effet souvent
libellées en dollar. Un investissement sur l’or comporte donc un
important risque de change lié à la devise américaine. En règle
générale, le cours de l’or en dollar s’apprécie tandis que le dollar
se déprécie, et inversement. Hausses et baisses respectives ne sont
pas toujours proportionnelles.
Afin de se protéger des dévalorisations du dollar, un investisseur
souhaitant effectuer un investissement sur l’or se tournera donc
naturellement vers les ETC sur l’or couverts contre les risques
de change. Les investisseurs suisses privilégieront, par exemple,
les ETC sur l’or libellés en franc suisse. En effet, l’or constitue
traditionnellement une valeur-refuge acquise dans la monnaie na-
tionale d’un investisseur. En l’occurrence, pour les investisseurs
suisses, les fluctuations du prix de l’or sont bien moindres en franc
suisse qu’en dollar.
Investir dans un ETC sur l’or libellé en franc suisse, par exemple,
permet de poursuivre deux objectifs distincts, selon s’il est cou-
vert ou non. En effet, lorsque l’on investit dans des ETC non cou-
verts, c’est la progression du cours de l’or en franc suisse que l’on
vise. A l’inverse, les ETC couverts viseront avant tout la hausse du
cours en dollar.
Les frais associés à un ETC couvert sont liés au coût de la pro-
tection de change courante liée à l’écart des taux entre les devi-
ses. L’écart de rendement par rapport au cours de l’or en dollar
des ETC sur l’or couverts en franc suisse s’est élevé à -3%, à son
plus haut, entre octobre 2008 et mars 2010. Un écart dû avant
tout aux frais de gestion et de couverture imputés. En résumé, les
fluctuations permanentes des cours ont empêché une couverture
parfaite, ce qui a nui à la performance.
LES INVESTISSEURS choisissant les ETC sur l’or dans une op-
tique d’investissement dans une valeur refuge doivent également
considérer le risque de contrepartie sur la banque de dépôt im-
pliquée dans la vente des devises. Investir sur un ETC sur l’or
couvert suppose donc l’achat d’or à l’initiation de l’opération et la
vente du dollar à l’échéance.
Enfin, les frais associés à un ETC couvert sont liés au coût de la
protection de change courante. Il peut arriver que les fluctuations
permanentes des cours ne permettent pas une couverture parfaite
et influencent ainsi négativement la performance.
ETC sur l’or
et couvertures
de change
Les ETC sur l’or couverts contre les risques
de change représentent une alternative
pertinente lorsqu’un investisseur souhaite se
protéger contre les dépréciations du dollar.
aLain FrEymond
Partner, CIO BBGI Group SA
La demande physique
donne un nouveau
souffle au marché de l’or
Les spéculateurs à court terme
ont cédé leurs positions aux
investisseurs asiatiques à long
terme. L’or devrait atteindre
1600 dollars l’once en 2014.
La dernière phase haussière des mar-
chés actions a été fatale au métal
jaune. Les cours de l’or avaient
progressé de 180% depuis le début
de la crise financière (680 dollars
l’once) jusqu’aux sommets atteints
en septembre 2011 (1921 dollars l’once), mais
ils n’auront pas résisté ensuite à l’amélioration
des perspectives économiques aux États-Unis en
2013 et à l’amélioration du climat des investis-
sements. Recherché tout d’abord par des inves-
tisseurs en panique et en quête de valeur refuge,
l’or avait refait son apparition dans les porte-
feuilles diversifiés et les stratégies de placement
des investisseurs privés et institutionnels sous
diverses formes. La hausse régulière de l’or avait
aussi fini par motiver une demande spéculative
grandissante. Cet intérêt se matérialisait par
exemple dans l’évolution croissante des tonnes
d’or physique détenues dans les ETF spécialisés.
La hausse de 30 millions d’onces à 85 millions
d’onces entre 2008 et 2012 témoignait de cet
engouement.
Alors que la croissance restait pourtant relative-
ment faible en 2011 et que l’incertitude persistait
au point que le président de la Fed annonce un
nouveau plan de relance quantitative (QE3) en
septembre 2012, l’or rentrait dans une phase de
doute marquée par une consolidation horizonta-
le dans une volatilité élevée, mais ne subissait en-
core que timidement la concurrence des actions.
La hausse de 37% de celles-ci entre septembre
2011 et septembre 2012 s’effectuait en effet dans
une tendance horizontale pour le métal jaune.
Paradoxalement, l’annonce du QE3, après une
année relativement calme sur le front de devi-
ses et une nouvelle élection présidentielle, aura
avant tout renforcé les espoirs d’une sortie de
crise définitive pour 2013, plutôt que relancé les
anticipations inflationnistes, traditionnel soutien
au cours de l’or.
LE 1
er
SEMESTRE 2013 aura clairement été celui
des nouvelles certitudes, même le président de la
Fed s’est laissé aller à l’optimisme en annonçant
un peu vite que la croissance américaine était
désormais sur une tendance positive de plus en
plus solide, justifiant l’interruption prochaine de
son QE3. Comment ne pas laisser tomber séance
tenante sa police d’assurance dans ces conditions,
alors que le premier banquier central annonçait
haut et fort que le succès de sa politique lui per-
mettrait très prochainement d’interrompre son
soutien. Il n’annonçait ni plus ni moins le retour
de plus en plus probable de la croissance et de
l’emploi, tout en relevant que cette prouesse se
réalisait sans accélération de l’inflation. Quoi de
plus normal pour les marchés financiers que de
considérer en ce début d’année 2013, que tout
était sans doute en train de rentrer dans l’ordre,
après cinq années de crise.
L’année 2013 devait donc être celle des actions
et de la prise de risque. Les marchés obligataires,
comme l’or, ont naturellement subi très rapide-
ment des dégagements de plus en plus significa-
tifs pour générer les liquidités qui devaient être
investies sur les actifs risqués. Un choix ration-
nel privilégiant les actifs qui devaient largement
bénéficier de l’amélioration sensible du cadre
conjoncturel aux États-Unis. La hausse de +30%
des actions depuis novembre 2012 portait ainsi
la performance globale enregistrée depuis 2011
à +60%. L’or avait résisté aussi longtemps que
possible, mais le dernier mouvement d’allocation
d’actifs en faveur des actions sonnait le glas de
sa gloire récente. Les flux de fonds sont devenus
négatifs dans les ETF sur l’or à partir de février
et ceux-ci se stabilisent seulement aujourd’hui
après un déclin de -25%.
Mais est-on bien certain que le scénario privilé-
gié au 1
er
semestre 2013 se réalisera? Les com-
mentaires de Ben Bernanke ont déjà produit une
hausse de 1% des taux longs et des taux hypothé-
caires. Depuis trois mois, l’économie américaine
a subi un choc de taux longs non désiré, aux
effets potentiels sans doute beaucoup plus im-
portants que ceux mêmes qui auraient été in-
duits par un resserrement
des conditions monétaires
et une remontée des taux
d’escompte de 0,5% ou
1%. Les chiffres de crois-
sance et les statistiques de
l’emploi ne cessent depuis
quelques semaines de re-
mettre en question l’hypo-
thèse de l’accélération de la
dynamique conjoncturelle.
La chute des devises émer-
gentes ajoute à l’instabilité
naissante. La surprise du
revirement de position du
FOMC a déjà provoqué un
début de prise de profits
sur les marchés actions et
relancé l’intérêt des inves-
tisseurs pour les obligations et l’or, qui enregis-
trait tout de même une première hausse de +21%
entre juin et août. A l’heure où nous écrivons ces
lignes, le 1
er
«shut down» depuis 1995 a débuté
et constituera selon nous sans doute le prélude à
une négociation dure sur le plafond de la dette
américaine. Celle-ci trouvera certainement un
épilogue favorable, mais à quelques semaines de
la fin de l’année, l’optimisme élevé qui avait ré-
gné en première partie d’année devrait donc être
au moins quelque peu tempéré.
L’OR ne devrait plus, dans ce contexte, être affec-
té négativement par des mouvements majeurs de
réallocations d’actifs. Il profitera donc désormais
plus à court terme des périodes de faiblesses sur
les marchés actions, mais c’est avant tout proba-
blement beaucoup plus la demande physique qui
influencera son évolution. La correction observée
cette année aura par ailleurs complètement effacé
la composante spéculative de la demande, comme
le suggère par exemple l’évolution des positions
nettes longues non commerciales en chute de
-52% depuis 2011. En Asie, la Chine devrait dé-
passer l’Inde comme premier consommateur d’or
au monde. La demande locale étant soutenue par
une classe moyenne chinoise en fort développe-
ment. Les transferts d’or physique ont d’ailleurs
été largement dirigés vers cette région, qui a été
la grande bénéficiaire de la correction des cours
de l’or en 2013. On assiste donc sans doute à une
normalisation très positive du marché et à un
changement de leadership dans les composantes
de la demande, plus favorable à la reprise d’une
tendance haussière moins spéculative et plus
durable. L’or devrait donc enfin bénéficier d’un
second souffle qui le poussera progressivement
vers 1600 dollars l’once en 2014.
nima pouyan
Spécialiste gestion passive
Deutsche Asset & Wealth Management
Source: Deutsche Asset & Wealth Management
250
200
150
100
50
0
20092008 2010 2011 2012
ÉVOLUTION DE LA PERFORMANCE DE L’OR EN DOLLAR ET EN EURO
EUR
USD
ON ASSISTE
SANS DOUTE À UN
CHANGEMENT DE
LEADERSHIP DANS
LES COMPOSANTES
DE LA DEMANDE
PLUS FAVORABLE
À LA REPRISE
D’UNE TENDANCE
HAUSSIÈRE
DURABLE.