Introduction
Un virus informatique fait des millions de victimes en proclamant : « I love you »,
et les généraux se vantent d’exécuter des guerres à zéro mort. L’économie se
militarise, la guerre se veut humanitaire. Les citoyens réclament des codes secrets,
les espions de la publicité. Nous voulions des technologies douces, voici des
conflits durs. Nous n’avons plus d’ennemi, on se bat partout. Tous ces paradoxes
n’en font qu’un : la société de l’information produit son contraire : conflit et
secret. Au-delà des sempiternels « dangers des nouvelles technologies » (mon
enfant peut-il se faire voler sa carte bleue par un pédophile révisionniste islamiste
sur la Toile?), voici les nouvelles formes du chaos et de la domination, voilà des
fragilités et des agressivités inédites.
Piraterie, attaques contre les géants de la nouvelle économie, surveillance
planétaire par le système Echelon, concurrence « hypercompétitive » - traduisez
élimination cynique des rivaux-, mais aussi cybermilitants, cyberterrorisme…
Tels sont les premiers symptômes, en attendant les cyberguerres zéro défauts que
concoctent les futurologues.
La question est géopolitique : c’est-à-dire politique et militaire d’abord. Le nouvel
ordre mondial n’a pas aboli la violence archaïque qui martyrise les corps : il la
met en scène dans ses cérémonies cathodiques. Au même moment, une autre
violence se gère depuis une chambre de guerre, elle se joue sur des écrans
numériques. Elle accompagne, facilite, occulte, justifie ou remplace la brutalité