1 « Page en construction », de Fabrice Melquiot Mise en scène

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« Page en construction », de Fabrice Melquiot
Mise en scène : Kheireddine Lardjam
L'Algérie et la France. Le comédien et metteur en scène Kheireddine Lardjam navigue
entre les deux pays depuis 15 ans. A travers ce nouveau spectacle, il aspire, par la
création et la confrontation des regards, le sien et celui de l'auteur Fabrice Melquiot, à
soulever la chape de silence qui recouvre leur Histoire commune depuis la fin de la
guerre d'Algérie.
En commandant un texte à Fabrice Melquiot, il ne se doutait pas que l'auteur choisirait
de raconter cette Histoire-là à travers ses yeux et sa mémoire.
C'est une histoire qu'on pourrait prendre pour l'histoire d'un pays, mais c'est l'histoire d'un
homme qui, comme tous les exilés, n'est jamais où il est. Comme tous les exilés, il est une
terre à part entière, une île errante. C'est l'histoire d'un homme qui joue sa vie, dont il a
commandé l'écriture de certaines résurgences à un auteur qui en fera ce qu'il veut. C'est
l'histoire d'un homme qui se donne. Il n'a rien à perdre, à part lui-même. Il s'appelle
Kheireddine Lardjam. Personne, acteur, conteur et personnage : c'est lui, la page en
construction. Il est algérien. Il vit en France. A moins qu'il ne soit français d'origine
algérienne. Il vit en Algérie. A moins qu'il ne soit ni français ni algérien. Il vit entre les deux
pays, nulle part. A moins qu'il ne soit sans patrie, sans drapeau, sans langue à lui, sans corps à
lui : un fantôme consentant, une image, un souvenir du présent. Soyons clair : la guerre
d'indépendance, il ne l'a pas faite. Il est né après. A moins qu'il ne la refasse chaque jour, à
chaque fois qu'il parle, à chaque fois qu'il se rappelle, à chaque fois qu'il oublie.
Sur Scène Kheireddine Lardjam sera accompagné par trois musiciens, trois interprètes
qui incarneront par leurs mélodies cette histoire universelle.
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Note d’intention de l’auteur
Kheireddine Lardjam souhaitait me passer commande d’une pièce de théâtre évoquant
la guerre d’Algérie. J’ai publié en 2005 une pièce qui s’intitule Salât Al-Janâza, dont les
racines s’enfoncent jusqu’à l’insurrection algérienne de 1954. Dans Tarzan Boy, texte à
caractère fortement autobiographique, j’évoque encore le conflit. La Guerre d’Algérie, j’y
pense tous les jours, y compris quand je n’y pense pas. Pourquoi ? Parce que je suis né en
France dans les seventies. La Guerre d’Algérie est l’un des événements majeurs de l’enfance
de ma venue au monde. Je suis né appesanti par cette mémoire-là, qui est l’un des débuts de
mon imaginaire. On a pour les années qui précèdent sa naissance une fascination naturelle ;
ces années non vécues nous fondent et nous dominent. A travers l’écriture, on espère recoudre
le rideau déchiré.
Mais, plutôt qu’écrire la pièce vers laquelle Kheireddine m’orientait, j’ai préféré jouer
avec lui. Comme un boxeur lance un défi à un autre boxeur, genre : voyons ce que t’as dans le
ventre. Je ne le cache pas : ma démarche est perverse et arrogante. La Guerre d’Algérie, ce
n’est pas le sujet. La notion même de « sujet » m’échappe. Le « sujet » d’une œuvre, c’est
toujours le vrac, dont la définition change à mesure que se déplace le regard qu’on pose sur
l’œuvre, et à mesure que le temps l’use. Le sujet, ce sont des accidents aux conséquences
maîtrisées.
Le premier accident, c’est cette rencontre entre Kheireddine et moi : voilà ce que je me
suis dit. Le sujet, c’est son désir d’un espace artificiel habitable pour évoquer des espaces de
vie inhabitables, les liens difficiles qu’il entretient avec la France comme avec l’Algérie. Le
sujet, ce sont ses petites mains nerveuses et les bribes d’histoires ou d’Histoire qu’il distille
dans la conversation, sa « gueule d’Arabe » comme il dit ; moins son parcours que
l’imaginaire pur qu’il ignore porter et qu’en pervers prétentieux, j’ai l’idée de mettre à jour,
en lui écrivant de la parole. Parole écrite pour lui, avec lui, depuis lui. Mes mots, comme si
c’était les siens, pour dire ce qu’il ne saurait dire si je ne les lui imposais pas.
En précisant les enjeux du travail que nous entreprenons, je pense beaucoup au film de
Lars Von Trier et Jorgen Leth : Five Obstructions. Ce jeu du chat et de la souris, cette amicale
séance de torture, ce portrait fragmentaire à la fois dégueulasse et splendide, cette vraie
déclaration d’amour fraternel qui appuie là où ça fait mal, réflexion sur la trilogie identitaire
qui fonde nos individualités : identité personnelle, identité sociale et identité d’emprunt.
J’impose donc à Kheireddine Lardjam de jouer ce personnage qui s’appelle
Kheireddine Lardjam. Je lui impose de devenir son propre masque et je ne lui épargnerai rien.
Il a accepté le jeu. Ce jeu où je le cogne avec fraternité, après lui avoir lié les mains.
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Note du metteur en scène
Si on m’évoquait l’année 2006, je dirai que c’est l’année où j’ai découvert Fabrice
Melquiot. Non! Il ne s’agit pas de découvrir l’homme mais plutôt l’œuvre. Un texte aussi fort
que la mort. Son titre ? « Salât al-Janâza » ou la prière du mort. N’est ce pas là le sens même
du texte : une prière, mais non à la mort mais à la vie ? Qu’est ce qu’un titre à part quelques
mots agencés pour dire une histoire, une Histoire ?
Trois jeunes, nés en Algérie, me ramènent à ma ville natale. C’était aussi la leur: Oran el
bahia, Oran la merveilleuse. Cette ville aux Histoires multiples, a marqué les personnages
comme elle m’a marqué moi. Je n’ai pu que m’émerveiller devant cette force de transcrire
MA ville sans y mettre les pieds. Je vivais à Oran à cette époque-là et ce qui est encore plus
fascinant c’est que l’auteur a réussi, chose qui n’est guère facile, de voyager chez moi par les
mots et à travers les maux de simples « êtres en papier ». Moi, l’Oranais du centre ville, des
quartiers dits populaires, je me suis retrouvé dans son texte, dans les ruelles qu’il décrivait,
dans les coins et les recoins des bas fonds des cités. J’étais bien présent dans ce texte qui était
présent en moi. Il me provoquait, me titiller, me forcer à sourire et à pleurer. Bref, je m’y
trouvais comme si c’était moi qui l’avais crée.
Après tant d’années passés à errer en Algérie puis en France, et par la suite entre les deux
pays, je me suis retrouvé au croisé des chemins. Face à un public qui change aux changements
des villes et des pays, je me suis trouvé à me poser une question persistante : pourquoi tant de
clichés circulant entre les deux pays ? Je voyais dans le regard de chaque spectateur venu voir
mes spectacles une soif de savoir, une curiosité inouïe à découvrir cet Autre diabolisé dans la
presse et dans le discours politique. Ma position était délicate. Je me situais dans l’entre-deux
et j’avais une meilleure vision du fossé qui se creusait au fil des années entre deux peuples
liés par une Histoire commune, qu’on le veuille ou pas. C’est un fait !
C’est à ce moment-là que j’ai pensé à mener mon projet artistique autour de ce lien qui unit
plus qu’il ne sépare. Le premier nom qui m’est venu à l’esprit était celui de Fabrice Melquiot.
C’est l’auteur français le mieux placé à prendre part à cette aventure. Et le hasard a fait que
nos chemins se re-croise au moment même où je songeais à ce projet.
Ma première rencontre, « réelle » cette fois-ci, avec Fabrice fut autour de l’écriture, quand
j’ai participé à un atelier d’écriture. C’était lui l’animateur de cet atelier. N’est-ce pas le destin
qui fait bien les choses ? J’en ai profité alors pour lui faire part de mon dessein suscité par un
désir, voire un besoin de créer un spectacle ayant pour décor cette période douloureuse de
l’Histoire de la France : la guerre d’Algérie.
Il faut souligner une chose. Passionné d’Histoire que je suis, et depuis 10 ans, je travaille sans
relâche entre les deux pays, à créer des spectacles et les faisant voyager entre les deux rives de
la méditerranée. C’était comme si je cherchais à faire le médiateur efficace d’un travail de
mémoire. Et ceci, je le précise, non pas pour le seul plaisir d’invoquer l’Histoire mais afin de
servir le présent, sans désir de polémique ni de mise en accusation. Je ne mène pas un
discours culpabilisateur ou accusateur. Loin de moi cette idée !
Qu’en est-il de la réponse de Fabrice Melquiot ?
L’auteur convoité répondra favorablement à mon invitation, mais à une seule condition. Il
souhaiterait écrire un texte que je porterai moi-même sur scène. Ce n’est pas tout ! Il exige
aussi autre chose. Non seulement que je sois porteur de texte mais que le texte-même me
porte. Quelle idée ! Faire face à un public en racontant mon parcours, mon histoire à travers
l’Histoire des deux pays, un va et vient qui ne ferait que traduire ma quête d’un terrain
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d’entente pour un avenir meilleur. Je semble idéaliste, tout comme cette idée que j’ai accepté
avec une grande joie, mais que m’importe les jugements des autres si mon projet aboutisse.
Cette condition est plus un chalenge, un défi que je me fais à moi-même avant de le faire à
Fabrice. Certes, ça pourrait paraitre prétentieux d’un jeune homme de 35 ans de se raconter
sur scène. Après tout, qu’ai-je vécu d’important à raconter ? Mais, j’ai accepté. Pourquoi ?
Parce que je sais que Fabrice Melquiot est un de ces auteurs, en traitant des sujets délicats,
usent de bribes de vies banales. Ce n’est guère ces vies qui seront mises en lumière mais la
souffrance tacite qui s’en dégage. Fabrice parle des hommes, de leurs blessures, de leurs
fêlures pour mieux nous interroger sur le monde dans lequel nous vivons. Fabrice Melquiot, à
travers ses pièces, pose incessamment la question de l’origine, de l’héritage ancestral, de la
construction de chacun à partir d’une histoire héritée mais qui doit être questionnée pour
permettre de devenir un homme libre. Il sait créer un univers parlant du monde sans pour
autant le copier. Son œuvre est littéraire au sens noble du terme.
Doté d’une écriture originale, l’auteur ne suit pas le cours de ce que l’on pourrait appeler
« logique rationnelle », mais plutôt les mouvements d’une logique des sentiments. Il fait
partie de ces écrivains dont les mots ont besoin d’être dits, d’être représentés. Une fois sur
scène, tout devient simple. Je porterai alors non mes mots mais ceux de Fabrice Melquiot.
Ce spectacle sera donc une fiction. C’est ainsi que je compte vivre cette aventure assez
particulière. Tout le spectacle reposera sur l’idée que même l’Histoire, avec un grand
H, n’est qu’une grande fiction foisonnante – et dangereusement floue, aux contours peu
clairs.
Chaque pays, chaque continent, chaque ville a sa propre vision de l'histoire. Et dans tout récit
historique, il y a, comme son nom l'indique, une part de récit. L'Histoire est subjective. Ce qui
veut dire que tout ce qui nous définit, notre identité, notre passé n'est qu'un récit.
On peut s’attendre, tout au long de notre projet, à ce que se réveillent de vieilles blessures en
moi et qui ne sont que le reflet des blessures entre nos deux pays, qui n’ont pas fini de se
cicatriser. Il faut en prendre le risque car, loin de toute récupération, de tout esprit partisan,
ou autre « Nostalgérie », je souhaite inviter avant tout à une réflexion sensible sur la
complexité d’une histoire douloureuse. Cette dernière ayant conduit à une tragédie écrite dès
les premières heures de la colonisation.
Touché par l’utopie méditerranéenne d’un Camus rêvant d’une fédération permettant à des
peuples différents de vivre en paix et dans l’égalité sur une même terre, je souhaite aussi
conduire les spectateurs, avec lucidité, sur un chemin passionnant, poétique et fraternel. On y
découvre un véritable emboîtement de souvenirs où s’entrecroisent plusieurs mémoires : celle
de ma famille, de nos pays et celle d’un comédiens-conteur.
Distribution
Texte : Fabrice Melquiot
Mise en scène : Kheireddine Lardjam
Scènographie : Estelle Gautier
Création Lumière : Manu Cottin
Création Son : Pascal Brunot
Interprètes : Kheireddine Lardjam, Distribution en Cours
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Fabrice Melquiot, directeur du théâtre Am Stram Gram de Genève
Fabrice Melquiot est écrivain pour le théâtre.
Il a publié une quarantaine de pièces chez L’Arche Editeur : L’inattendu, Percolateur Blues,
Le diable en partage, Kids, Autour de ma pierre il ne fera pas nuit, La dernière balade de
Lucy Jordan, Ma vie de chandelle, C’est ainsi mon amour que j’appris ma blessure, Le laveur
de visages, Exeat,
Je rien Te deum, Marcia Hesse, Tasmanie, Lisbeth…
Ses premiers textes pour enfants Les petits mélancoliques et Le jardin de Beamon sont publiés
à l’Ecole des loisirs et diffusés sur France Culture. Il reçoit le Grand Prix Paul Gilson de la
Communauté des radios publiques de langue française et, à Bratislava, le Prix européen de la
meilleure oeuvre radiophonique pour adolescents.
En 2003, Fabrice Melquiot s’est vu décerner le prix SACD de la meilleure pièce
radiophonique, le prix Jean-Jacques Gauthier du Figaro et deux prix du Syndicat National de
la Critique : révélation théâtrale de l’année, et pour Le diable en partage : meilleure création
d’une pièce en langue française.
Perlino Comment inaugure la collection de théâtre jeunesse de l’Arche éditeur, suit Bouli
Miro, également sélectionné par La Comédie-Française ; ce sera le premier spectacle jeune
public à être présenté au Français. La suite des aventures de Bouli, Bouli redéboule, a été
présentée, toujours à la Comédie-Française en 2005-2006. Depuis, Bouli Miro a élu domicile
au Théâtre de la Ville où Emmanuel Demarcy-Mota a mis en scène Wanted Petula et Bouli
Année Zéro.
Associé pendant six ans au Centre Dramatique National de Reims, Fabrice Melquiot voit ses
pièces montées au Théâtre de la Bastille et des Abbesses, à Paris.
De nombreux metteurs en scène ont choisi de se confronter à son écriture (Dominique Catton,
Patrice Douchet – qui a mis en scène Bouli Miro, accueilli au TJA en 2002 –, Paul Desveaux,
Vincent Goethals, Michel Belletante, Michel Dydim, Gilles Chavassieux, Jean-Pierre Garnier,
Christian Duchange – qui a créé Le Cabinet de Curiosité au TNG en 2010 –, Stanislas
Nordey, Gloria Paris, Jean-Pierre Garnier, Marion Lévy, Franck Berthier, Roland Auzet, Nino
D’Introna...).
Ses pièces, traduites en plusieurs langues, ont été créées en Espagne, Grèce, Allemagne,
Canada, Russie, Italie, Japon, Etats-Unis, Canada, Mexique…
Si l’essentiel de son écriture est tourné vers le théâtre, une autre passion l’anime : la poésie.
Deux recueils ont été publiés à L’Arche : Veux-tu ? Et Graceful.
En 2008, il a reçu le Prix du Jeune Théâtre de l’Académie Française pour l’ensemble de son
oeuvre. Depuis 2009, Fabrice Melquiot est auteur associé au Théâtre de la Ville à Paris et dès
la saison 2012-2013, il est le nouveau directeur du théâtre Am Stram Gram de Genève, créé
en 1992 sous l’impulsion de Dominique Catton.
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Kheireddine Lardjam
Metteur en scène
Kheireddine Lardjam Directeur artistique de la compagnie « EL Ajouad ». Après l’obtention
d'une licence de musique, il entame des études théâtrales au conservatoire national d’Oran en
Algérie. Il suivra plusieurs, stage de formation théâtrale en France, dans plusieurs pays arabe
(Tunis, le Caire, Beyrouth, Damas et à Amman) et en Afrique de l’ouest.
En parallèle il travaille dans plusieurs journaux indépendants algériens. Son parcours
journalistique influence son travail scénique. L’actualité est toujours au cœur de ses créations.
En 1996, après sa sortie du conservatoire, il crée la compagnie « El Ajouad » : titre d’une
œuvre d’Abdelkader Alloula, premier artiste et dramaturge assassiné en Algérie en 1994 par
les islamistes. Il reste un auteur déterminant dans le trajet de Kheirredine qui s’engage à
défendre son œuvre en créant cinq de ses textes : « L’Alag » (les sangsues), « Habib
Errebouhi », « El lithem », « Les Dires » et « Le pain ».
Depuis il crée des pièces d’auteurs arabes : « La récréation des clowns » de Noureddine Aba,
« Coquelicots » de Mohamed Bakhti, « La pluie » de Rachid Boudjedra, « Le cadavre
encerclé » de Kateb Yacine, « Pygmalion » de Tawfiq al-Hakim, « Al-Fajr al-kâdhib »
(L’aube trompeuse) de Naguib Mahfouz. Mais également des pièces d’auteurs occidentaux :
« Roméo et Juliette » de William Shakespeare, « En attendant Godot » et « Fin de partie » de
Samuel Beckett, « Ubu roi » d'Alfred Jarry, « Les Justes » d’Albert Camus, « Syndromes
aériens » de Christophe Martin...
Depuis 1999, ses spectacles tournent en Algérie, dans plusieurs pays arabes et également en
France de façon régulière.
Dès 2002, il collabore avec des metteurs en scène français comme Arnaud Meunier et Guy
Alloucherie. La compagnie « El Ajouad » est jumelée avec la compagnie « La Mauvaise
Graine » sous la direction d'Arnaud Meunier.
En 2003, il est artiste associé au Forum du Blanc-Mesnil, où parallèlement à son travail de
création il mène des projets artistiques en direction de jeunes de la ville du Blanc-Mesnil.
En 2004, il dirige le théâtre « El Mouja » à Mostaganem en Algérie. Un théâtre condamné à
la démolition par le pouvoir Algérien en 2006.
En 2005, il met en scène le spectacle d’ouverture du festival international du théâtre
indépendant en Algérie. Un spectacle qui regroupera 90 artistes de 15 pays différents.
Dès la fin 2005, il entame des résidences de créations dans plusieurs pays arabes : à l'automne
2005, il crée « Le roi Lear » de William Shakespeare et « Murail » de Mahmoud Darwich en
collaboration avec l’auteur, au théâtre Masrah el Hamra à Tunis.
En 2006, il crée « Roberto Zucco » de Bernard-Marie Koltès au théâtre SHAMS à Beyrouth
au Liban
En 2007, il crée « Le jeu de l’amour et du Hasard » de Marivaux au Théâtre Royal de
Marrakech au Maroc.
Durant la saison 2007/2008, il est artiste associé à la scène nationale du Creusot. En parallèle
à son travail de création, il mène un projet en direction de plusieurs quartiers sensibles de la
ville du Creusot. Ce projet donne naissance à un événement intitulé « L’échappée » qui
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regroupe une exposition, des collectes de témoignages et un spectacle réunissant 30 habitants
et plusieurs artistes professionnels.
Il est aussi membre fondateur et organisateur de l’évènement Siwa. Cette dernière propose
une plate-forme de réflexion sur les modes de création et de représentation dans le monde
arabe contemporain.
Sa volonté est de se situer entre les cultures, entre les langues, de rendre visibles des
expériences artistiques et leurs modalités de manifestation et de déploiement, à travers des
présentations d’étapes de création.
Ces réflexions se nourrissent à partir d’échanges et de dispositifs de rencontre entre artistes
issus de l’« Occident » d’un côté et artistes du « monde arabe » de l’autre.
Il s’agit à partir de ces expériences artistiques d’engager une pensée qui se déplace et travaille
tous les acquis non questionnés des deux côtés.
En mai 2009, Il est en résidence au Centre dramatique de Valence pour la création de « Bleu
Blanc Vert » de Maïssa Bey. Il est aussi artiste associé du festival « Temps de parole »
organisé au CDN cette même année.
Kheireddine Lardjam réfléchit également à la transmission, qui est une autre forme
d’engagement.
Il met en place un projet de formation pour comédiens professionnel à Alger. En partenariat
avec l’ambassade de France en Algérie durant trois ans (2005 à 2008), une quinzaine de
comédiens professionnels algériens suivent une formation animée par plusieurs metteurs en
scène internationaux. En France, il dirige aussi plusieurs ateliers, le dernier en date : en
novembre 2010 à l’université d’Aix en Provence dans le cadre des ateliers de la Méditerranée
organisés par Marseille 2013, capitale de la culture européenne.
En 2011, Il est invité par Scènes du Jura pour être artiste associé du festival Scène
Méditerranéenne. A cette occasion, il dirige deux projets en direction de quartiers des villes
de Dole et Lons-le-Saunier. L’objectif étant d’inventer une nouvelle forme de présence
artistique au plus près des habitants, dans le théâtre bien sûr, mais aussi hors les murs, en
différents endroits de la ville. En collaboration avec toute une équipe artistique, et l’auteur
Samuel Ballet, il met en scène deux spectacles avec une vingtaine de participants dans chaque
ville. « Les terriens » à Lons-le-Saunier et « Nedjma ou les paraboles » à Dole.
En Janvier 2011, il répond à une commande du Centre dramatique de Sartrouville, pour une
création Jeunesse dans le cadre du Festival Odyssées en Yvelines. Il met en scène le texte de
Pauline Sales : « De la salive comme oxygène ». Durant cette saison, il mène aussi un chantier
artistique sur la thématique liberté, en collaboration avec l’auteur Christophe Martin. Le
projet proposé par Sartrouville est d'aborder par le biais d'une création théâtrale avec 150
habitants de Sartrouville, les libertés individuelles, la question de la liberté dans l’espace
public et l’espace privé. Un projet qui s’articule d’octobre 2010 à juin 2011, avec la mise en
place de plusieurs ateliers dans différents espaces culturels de la ville de Sartrouville. La
finalité étant deux restitutions regroupant les 150 participants sur la scène du Centre
dramatique de Sartrouville, les 19 et 20 juin 2011.
Pour la saison 2010/2011, il intègre le collectif d'artistes du Préau, Centre Dramatique
Régional de Vire, où il crée « Réanimation » de Samuel Gallet.
Durant la saison 2011/2012, il crée deux spectacles. « Le poète comme Boxeur », une
adaptation théâtrale du recueil éponyme de Kateb Yacine. Et « Les Borgnes », de Mustapha
Benfodil.
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En avril 2013, il crée « End/Igné » de Mustapha Benfodil au Caire au théâtre Imad Eddine.
Ce spectacle sera présenté au festival d’Avignon 2013 à la Manufacture
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CULTURE
MIS EN FICTION
Depuis 1998, Kheireddine Lardjam met en scène des auteurs algériens.
Avec Page en construction, il décide de donner la parole à l’Autre.
Au Français, à Fabrice Melquiot, qui pour traiter des relations
franco-algériennes s’inspire de la biographie du metteur en scène.
PAR ANAÏS HELUIN
“La Guerre d’Algérie a toujours été là, en
ombre, dans ma biographie. Parce que je suis
né dix ans après la fin de cette guerre, parce
que le visage de la France en a été modifié.
Parce que j’ai grandi devant ce visage-là”.
Depuis que le metteur en scène Kheireddine
Lardjam lui a proposé d’écrire une pièce sur
les relations franco-algériennes, Fabrice
Melquiot poétise son lien avec un sol qu’il
n’a foulé que récemment. En février dernier,
peu avant les élections présidentielles. Il
voulait s’imprégner des odeurs, des sons, des
sensualités algériennes. Il a rencontré “un
mélange d’ébullition, de contestation et de
résignation anticipée”. Et surtout, une jeunesse. “Des filles et des garçons qui te regardent
droit dans les yeux et n’hésitent pas à appeler un chat un chat”.
C’est pour eux que Fabrice Melquiot veut écrire.
Pour eux aussi que Kheireddine Lardjam a
tenu à donner la parole au dramaturge français, dont il apprécie et partage le désir d’an-
84 AlgerParis | JUILLET - AOÛT 2014 # 04
crage dans le présent. Page en construction, le
spectacle qui naîtra en janvier 2015 de cette
collaboration, n’aura toutefois rien d’une
création jeune public. Il sera une partition
faite de regards croisés : ceux d’artistes et de
jeunes gens des deux côtés de la Méditerranée.
Persuadé que “c’est des jeunes générations
que peut venir une résolution des tensions
qui persistent entre France et Algérie”, Kheireddine Lardjam a entamé fin mars 2014 un
échange avec de jeunes Algériens du lycée
Khelaf d’Oran qu’il poursuivra début septembre, puis en octobre avec les optionnaires
théâtre du lycée du Creusot. Pas à travers
des ateliers ni une quelconque action pédagogique, mais “par un dialogue libre autour
des répétitions du spectacle”, tient-il à préciser. Une méthode inédite pour lui, qui
depuis la création de sa compagnie El Ajouad
en 1998 a pourtant souvent travaillé avec
des jeunes. “Cette fois, je veux les impliquer
dans le processus de création et non leur
proposer des ateliers pédagogiques. Leur
manière de parler, de bouger, leurs connaissances et préjugés sur l’Autre nourriront ma
mise en scène”, explique l’initiateur de Page
en construction.
FANTÔMES EN GOGUETTE
Son but : trouver un équilibre entre deux rives.
Celles qu’il traverse sans arrêt avec son théâtre
d’ici et de là-bas, et qui font de lui “un homme
avec deux passeports, qui se demande toujours
lequel il faudra cacher”, observe Fabrice
Melquiot qui a choisi de placer Kheireddine
Lardjam au cœur de son processus d’écriture.
Page en construction dira alors le rapport schizophrénique du metteur en scène à ses deux
cultures et son occultation de certains pans
de son histoire familiale.
Sur scène, Kheireddine Lardjam jouera alors
son propre rôle. Ou quelque chose qui s’en
rapproche. Il sera le héros d’une quête généalogique qu’il aurait pu entreprendre, mais
© DR
KHEIREDDINE LARDJAM
CULTURE
dont il a préféré se détourner. Trop douloureuse. Trop pleine d’une histoire trop fraîche
pour être regardée en face. Pourtant, elle
est inscrite dans son nom et dans son prénom,
cette histoire. “Un de mes grands oncles
s’appelait Kheireddine. Militant pour l’indépendance de l’Algérie, il est mort sous la
torture. Mon patronyme est lui aussi marqué
par ce pan de l’histoire algérienne ; une ville
porte d’ailleurs le nom de Lardjam”, révèlet-il avec l’expression de qui est rattrapé par
le passé.
Depuis que Fabrice Melquiot a mis le doigt
sur ses fantômes, le metteur en scène ne peut
plus se dérober. Il fait resurgir d’autres souvenirs. Son apprentissage du piano, entre
autres, qui le destinait à une carrière de
musicien. Mais cette bribe de passé-là ne fera
pas l’objet d’un récit : elle sera portée par
trois musiciens qui accompagneront le parcours du double fictif de Kheireddine Lardjam.
Deux Algériens, un Français ; trois univers
musicaux qui se fondront en un seul pour
évoquer un jeune artiste prodige devenu
grand, et illustrer la possibilité d’un échange
constructif entre deux pays encore empêtrés
dans leur passé colonial. Les fantômes ont
bien le droit de danser, eux aussi. Pour brouiller les frontières entre réel et imaginaire,
et ouvrir un espace de tous les possibles.
De tous les doutes, aussi.
UNE VERVE POPULAIRE CAPABLE DE S’INSTALLER
N’IMPORTE OÙ...
Selon Fabrice Melquiot, “mettre Kheireddine
au centre de la pièce, c’est aussi troubler la
relation entre spectateur et personnage, entre
document et fiction. C’est travailler pour
l’instabilité, l’inconfort de l’écoute et la mobi-
lité du regard”. Le metteur en scène croit lui
aussi en la nécessité d’un grand brouillage
des repères traditionnels, dans ce projet. Le
goual ou “conteur”, surtout, incarnera
l’effacement de toute certitude, et donc de
tout cliché identitaire. Figure centrale du
théâtre de Abdelkader Alloula (1939-1994)
auquel s’est longtemps consacrée la compagnie El Ajouad, il sera dans Page en construction une entité voyageuse. Une parole sans
corps. Ou plutôt, une verve populaire capable
de s’installer n’importe où.
Chez Larbi Bestam, leader du groupe El Ferda
qui interrompra alors un moment son malhoun, poésie marocaine chantée méconnue
en France. Chez Sacha Carmen aussi, chanteuse algéro-russe au jazz métissé, ou encore
chez le guitariste électro-rock Romaric Bourgeois et dans le jeu de Kheireddine Lardjam
lui-même. “Tour à tour, nous raconterons
tous les quatre l’histoire de cet homme qui
me ressemble. La parole circulera entre nous,
comme elle devrait se mouvoir entre France
et Algérie”, affirme ce dernier.
Mais le goual de Page en construction ne sera
pas seulement franco-algérien. Incitation au
mélange des cultures et des disciplines, il
parlera toutes les langues qui lui chantent.
Invité à porter un regard sur les corps des
quatre musiciens et comédiens, le chorégraphe
Hamid Ben Mahi donnera une dimension
physique à ce mouvement verbal et culturel
porté par la figure éclatée du conteur. Car
chez Kheireddine Lardjam, les mots ne vont
jamais sans la chair. Sa mise en scène du
Poète comme boxeur de Kateb Yacine, qu’il présente à Avignon du 6 au 26 juillet, en donne
déjà la preuve. De quoi patienter jusqu’à Page
en construction…
Page en construction,
projet de Kheireddine Lardjam écrit
par Fabrice Melquiot.
EN SAVOIR PLUS
Fabrice Melquiot, du théâtre pour enfants
à la guerre d’Algérie
Création les 14 et 15 janvier 2015 à la
Filature, scène nationale de Mulhouse.
Le 21 janvier 2015 à l’Arc, Scène nationale
du Creusot.
Du 1er février au 10 février 2015 en tournée
en Algérie (Théâtre Régionale d’Oran,
théâtre régional d’Annaba, théâtre régionale
de Béjaia, théâtre régional de Tizi Ouzou).
Du 22 au 24 mai au Centre Dramatique de Dijon.
Le poète comme boxeur, de Kateb Yacine,
à la Manufacture du 6 au 26 juillet.
Tel. : 04 90 85 12 71
© DR
Bouli est un bébé gros comme son père Daddi Rotondo et miro comme sa
mère Mama Binocla. Il est le héros de Bouli Miro, premier spectacle jeune
public à être présenté à la Comédie-Française. C’était en 2002. Une belle
reconnaissance pour Fabrice Melquiot, auteur de la pièce qui depuis 1998
publiait des textes pour enfants à l’École des Loisirs. Ensuite, les choses
s’accélèrent. En 2002-2003, Emmanuel Demarcy-Mota l’invite à rejoindre
comme auteur associé la Comédie de Reims.
À ce jour, Fabrice Melquiot a écrit une quarantaine de pièces qui font de
lui l’un des auteurs de théâtre français les plus joués. Des metteurs en scène
comme Dominique Catton, Michel Didym, l’Américain Ben Yalom ou encore
le Chilien Victor Carrasco ont monté ses textes poétiques et ancrés dans
le présent. En 2005, il écrit Sâlat Al-Janazâ pour deux frères et sœurs d’origine
algérienne vivant en France. C’est pour lui une première approche de
l’histoire franco-algérienne. Avec Page en construction, il poursuit son
exploration de “ceux qui flottent, et habitent en esprit la Méditerranée”.
Résidence au Lycée Khelaf
à Oran du 2 au 12 septembre.
Et du 08 au 17 octobre,
au lycée Léon Blum au Creusot.
JUILLET - AOÛT 2014 # 04 | AlgerParis 85
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