La Lettre du Pharmacologue - vol. 21 - nos 1-2 - janvier-juin 2007
Mise au point
Mise au point
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décret, en 2004, renforce les pouvoirs de police sanitaire du
directeur général de l’AFSSAPS, élargit la composition de la
Commission nationale, harmonise les obligations de déclaration
des laboratoires, et précise les défi nitions clés : eff et indésirable,
eff et indésirable grave, eff et indésirable inattendu, mésusage,
abus de médicaments.
Nous allons dresser la liste des événements les plus marquants
des 20 dernières années, remarquant qu’ils touchent des médica-
ments de classes thérapeutiques variées (certains sont considérés
comme “de médecine douce”), surviennent dans des délais divers
après la commercialisation, et concernent des populations de
patients traités de tailles très diff érentes. Plusieurs enquêtes
ont été conduites sous l’impulsion des médias (cérivastatine,
Viagra
®
, Zyban
®
, THS, coxibs, etc.), souvent au moment du
lancement, compliquant l’expertise scientifi que par leur aspect
événementiel, mais orientant la pharmacovigilance de demain
dans une exigence toujours accrue de transparence, de mise à
jour de l’information et de prévention. Entre autres, le dévelop-
pement des plans de gestion des risques pour les médicaments
à haut potentiel de prescription a pour but de mieux connaître
le profi l de sécurité de ceux-ci, délivrés en situation réelle sur
de larges groupes de malades. Il implique une surveillance
proactive des risques, qui représente l’avancée majeure de la
pharmacovigilance depuis 20 ans :
dix ans d’enquête aboutissent au retrait du Survector
®
, du
fait des abus et de la pharmacodépendance créés par cet anti-
dépresseur dopaminergique ;
amnésies et troubles du comportement sous benzodiazépines,
notamment à demi-vie courte, conduisant aux modifi cations
de durée de prescription de l’Halcion
®
et au retrait des formes
fortement dosées ; retrait de l’Ananxyl
®
, compte tenu de ses
eff ets hépatiques ;
phytothérapie : hépatotoxicité de la germandrée-petit-chêne,
de l’Exolise
®
(“amaigrissantes”) et du kawa (sédatif), eff ets rénaux
graves des plantes chinoises (“amaigrissantes”) et de l’aristoloche
conduisant à leur retrait, mise en évidence des nombreuses
interactions du millepertuis ;
tératogénicité des rétinoïdes utilisés dans le traitement
de l’acné et mise en place de protocoles de suivi et de déli-
vrance ;
retrait de la glafénine (chocs anaphylactiques), retrait de la
ticlopidine, de la noramidopyrine (agranulocytoses), description
du syndrome de Reye lié à la prise d’aspirine, complications
infectieuses cutanées lors de varicelle : évaluation des rapports
B/R des antipyrétiques chez l’enfant, et information très large
des praticiens ;
“scandale” de l’hormone de croissance ;
thrombopénies à l’héparine, risque hémorragique des HBPM
chez les sujets âgés insuffi sants rénaux ;
valvulopathies et HTAP chez des patients sous anorexigènes,
retrait de l’Isoméride
®
et du Pondéral
®
;
vigilance sur les eff ets arythmogènes des médicaments :
retrait du Teldane
®
, enquête sur les antihistaminiques H1 de
seconde génération, neuroleptiques, restriction d’indication
du Prepulsid
®
;
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fl uoroquinolones et tendinopathies ;
eff ets indésirables musculaires des statines, des fi brates, retrait
de la cérivastatine ;
étude des eff ets indésirables des antirétroviraux, entre autres
les cytopathies mitochondriales des adultes et des enfants
exposés in utero ;
chocs sous fl uorescéine lors d’angiographies rétiniennes,
entraînant le retrait de la plus forte concentration et des recom-
mandations d’emploi restrictif ;
présence d’anticorps anti-érythropoïétine, érythroblastopénie
sous Eprex
®
;
longue saga (1994-2006) des cas d’atteintes démyélinisantes
centrales et périphériques observées après une vaccination
anti-hépatite B ;
retrait du Vioxx
®
, bilan sur les eff ets digestifs et cardiovascu-
laires des coxibs, puis bilan étendu à tous les AINS, se terminant
par un tout récent communiqué de presse recadrant le bon
usage de l’ensemble de la classe ;
polémique du THS et de son risque cancérigène mammaire,
diff usion d’une recommandation très complète modifi ant les
pratiques médicales.
Les prises de décision ne concernent pas toujours un médi-
cament ou une classe thérapeutique. Ainsi, des mesures plus
globales sont entreprises à la suite d’enquêtes larges de pharma-
covigilance, telle l’apposition sur les conditionnements médica-
menteux de pictogrammes précisant l’altération de l’aptitude à
la conduite automobile qu’ils peuvent entraîner. Enfi n, une des
grandes lignes récentes de l’action de l’AFSSAPS en matière de
médicaments génériques est l’étude de la problématique générale
spécifi que de la pharmacovigilance de ces médicaments.
Le système d’évaluation français de la pharmacodépendance a été
défi ni dans le Code de la santé publique en mars 1999. Les expres-
sions “mauvais usage”, “usage abusif” ou “détourné”, qui avaient
été introduits dans les textes relatifs à la pharmacovigilance, ont
été remplacés par les termes “pharmacodépendance” et d’“abus”.
Un système propre dont les missions sont de recueillir et d’évaluer
les informations sur l’abus et la pharmacodépendance liés aux
substances psychoactives (plantes, produits et médicaments) a
alors été mis en place à l’AFSSAPS. À cette date, l’évaluation de
la pharmacodépendance se sépare donc de celle réalisée en phar-
macovigilance des constatations d’usage détourné ou abusif. Les
Centres d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance
(CEIP) sont alors créés, rattachés à un service de pharmacologie
afi n de fonctionner en réseau. Dix travaillent au sein de l’AFSSAPS
selon une procédure proche de celle des CRPV : travail en comité
technique et élaboration de rapports discutés par la Commission
nationale des stupéfi ants et psychotropes, qui regroupe diverses
institutions gérant les dépendances : MILDT (Mission intermi-
nistérielle de lutte contre la drogue et les toxicomanies) et OFDT
(Observatoire français des drogues et toxicomanies).
Cette nouvelle expertise s’est dotée d’outils spécifi ques d’éva-
luation : Nots (notifi cation spontanée de pharmacodépendances
ou d’abus), OSIAP (ordonnances suspectes, indicateurs d’abus
possibles), OPPIDUM (observation des produits psychotropes
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