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É
D I T O R I A L
-
A D P C
14e Journée d’étude de l’Association pour le développement
de la pharmacologie clinique (ADPC)[1]
De l’étude de la tolérance à la sécurité d’emploi
des médicaments : une révolution socioculturelle ?
# P. Jaillon*
L
e thème retenu pour la 14e Journée d’étude organisée par
l’Association pour le développement de la pharmacologie
clinique est un thème de grande actualité. Rappelons-nous
qu’il y a quelques mois, alors que la plus grande partie des patients
et des professionnels de santé se doraient au soleil, fut brutalement
retirée du marché une statine qui avait été rendue responsable d’un
certain (?) nombre de décès par rhabdomyolyse.
Le scandale du sang contaminé a profondément secoué la population française. Du coup, les professionnels de santé se sont vu suspectés de cacher la vérité à leurs patients ou de systématiquement
minimiser les risques des traitements. Les politiques se méfient
désormais des déclarations rassurantes des représentants du corps
médical, qui avaient comme objectif premier de défendre les
collègues attaqués.
Quelle information exhaustive, objective et référencée fut-elle alors
donnée au public et aux professionnels de santé ? Rien ou presque, en
dehors de communiqués de presse laconiques ou difficiles à analyser !
Même l’Agence française de sécurité sanitaire et des produits de santé
(AFSSAPS) s’estimait mise devant le fait accompli sans avoir eu le
temps de préparer une communication sérieuse sur le sujet. Et les
patients inquiets qui cherchaient auprès de leur médecin ou de leur
pharmacien des informations documentées en étaient pour leurs frais
(dans tous les sens du terme !).
Ces nouvelles missions de la pharmacovigilance en France nécessitent de revoir le mode de fonctionnement des trente et un centres régionaux de pharmacovigilance, de redéfinir leurs missions en les élargissant et de leur donner les moyens nécessaires pour qu’ils puissent
les assumer de façon satisfaisante. La coordination régionale entre les
Centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV), les hospitaliers et
les professionnels de santé libéraux est la base de cette réorganisation.
Si l’on veut qu’à la mission originelle d’alerte destinée à la seule
AFSSAPS s’ajoute désormais la mission d’assurer (ou de développer)
la sécurité d’emploi des médicaments, et donc leur bon usage, il faut
que les pharmacologues, les médecins, les pharmaciens et les infirmiers développent ensemble cette nouvelle culture de la sécurité et
qu’ils élaborent les nouveaux outils de formation et d’intervention
dont ils vont avoir besoin.
Nous vivons actuellement une révolution socioculturelle que bien peu
de décideurs politiques ou d’acteurs des professions de santé avaient
réellement prévue. Cette révolution s’inscrit dans une évolution vers
une plus grande démocratisation sanitaire (comme l’explique plus loin
J.P. Demarez), c’est-à-dire que le patient “est en mesure de participer
au choix du traitement qu’on lui propose, et que ce choix passe aussi
bien par la présentation du bénéfice du médicament que de ses risques,
présentation des risques dont on doit tenir compte dans
l’appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre”.
Et la pharmacovigilance, dans tout cela ? Elle est en train d’évoluer,
car ses missions premières (l’alerte) d’identification des effets indésirables liés aux médicaments et d’évaluation du lien de causalité entre
ces effets et ces médicaments doivent aujourd’hui être complétées par
des missions à forte connotation sociale :
! l’information des professionnels de santé sur les risques des traitements ;
! la lutte contre la iatrogénie médicamenteuse grâce à la formation
des prescripteurs (aujourd’hui) et des patients (demain) au bon usage
des médicaments ;
! la mise en place de mesures préventives de la iatrogénie médicamenteuse et l’évaluation de leur efficacité (le retour d’expérience).
Nos sociétés industrielles aspirent à la sécurité. Même si le principe
de précaution a été largement galvaudé, les décideurs sont contraints
aujourd’hui à une grande vigilance concernant les risques auxquels
sont soumis leurs électeurs.
[1]
Paris, le 25 octobre 2001.
* Service de pharmacologie, hôpital Saint-Antoine, 75571 Paris Cedex 12.
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Et puis, il faut que l’information circule dans ce pays ! Que les patients
puissent avoir accès à une information objective sur les médicaments
et le risque iatrogène médicamenteux. C’est une véritable cellule de
communication, animée par des professionnels compétents, dont ont
besoin l’AFSSAPS et la Direction générale de la santé (DGS). Comme
le dit plus loin J. Dangoumau : “La qualité essentielle de l’information pour les praticiens de santé est d’être utilisable”. C’est encore
plus vrai – et plus difficile – lorsqu’il s’agit de vulgariser une information compréhensible pour le public.
Si le risque est la probabilité de survenue d’un danger, il est de
notre devoir de professionnels de santé d’évaluer et de réduire ce
risque lié à l’utilisation des médicaments. L’évaluation du rapport
bénéfice/risque d’un traitement est sûrement l’exercice le plus
compliqué auquel doivent perpétuellement s’exercer les professionnels de santé. Nous savons tous qu’il n’y a rien de plus difficile à enseigner aux étudiants en médecine et en pharmacie. Mais
c’est grâce à cet exercice que les choses avancent, que les esprits
évoluent et que la qualité de l’information sur les médicaments
progresse.
Le remarquable système national de pharmacovigilance qui a été mis
en place en France il y a vingt-cinq ans constitue l’ossature des réseaux
qui doivent se développer, afin d’apporter aux professionnels de santé
et au public l’information qu’ils attendent sur le risque iatrogène médicamenteux.
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La Lettre du Pharmacologue - Volume 16 - n° 3 - mai/juin 2002
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