sur la Paracha Be`houkotaï - Grand Rabbin Alexis Blum

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La paracha de la semaine est la section hebdomadaire de la Torah, lue rituellement chaque Chabbat, dans toutes les synagogues à travers le monde
Ces cours ont été dispensés dans le cadre de journées d'études organisées à la mémoire du regretté Grand Rabbin de Paris David Messas (zatsal),
par et à l'initiative de son fils, rav Ariel Messas, en la synagogue Beth Hamidrach Maguen David - Ahavat Shalom, fondée par son père zatsal en
2005.
PARACHAT BE’HOUKOTAï
Grand Rabbin Alexis Blum
Messieurs les Rabbins et chers collègues, Monsieur le Président.
Je félicite le Rabbin Ariel Messas pour son dynamisme en général et pour cette excellente initiative de faire
commenter chacune des péricopes de la Torah pour honorer la mémoire de son père, le Grand Rabbin David
Messas zatsal.
Le Rav Ariel Messas m’a confié de porter ma réflexion sur la section Bé’houkotaï, qui est la dernière section
du Lévitique.
Beaucoup d’entre nous retiennent que cette parachah comporte surtout une longue énumération de
« menaces », en hébreu, des « quélalot », « des malédictions », pouvant atteindre le peuple d’Israël s’il lui
arrivait de s’éloigner de l’alliance conclue avec l’Eternel, en négligeant l’obéissance aux mitsvoth, aux
commandements divins.
En fait, ce texte commence par des bénédictions. Par ailleurs, Rachi souligne, qu’à « l’intérieur » même des
« malédictions », on peut reconnaître une part de bénédictions !
Ainsi, un verset de la Torah dit :
Vahachimoti ani et haarets,
Véchamémou âléa oïvékhém hayochovim bah.
« Moi-même, dit D.ieu, Je dévasterai le pays, si bien que vos ennemis qui l’occupent en seront stupéfaits ».
(Lévitique 26, 32)
Rachi commente : « Je dévasterai : Ceci est un bienfait pour Israël, car votre pays sera dévasté et
dépeuplé et de la sorte jamais il ne procurera d’apaisement à vos ennemis».
Autrement dit, le pays sera si désolé que les ennemis préféreront ne pas y rester. Cette prophétie s’est
réalisée. Elle a été confirmée par le témoignage de grands sages, tel que Nahmanide qui, ayant fui
l’Espagne, découvrit en arrivant en terre d’Israël, en 1267, une terre totalement désolée.
Il écrivit alors : « Les endroits les plus sanctifiés comme Jérusalem sont encore plus désolés que d’autres
moins sacrés tels que la Galilée. »
Nahmanide, et dans son sillage Rabbénou Béhayé, considèrent que c’est là « une bonne nouvelle » de savoir
que la terre d’Israël ne sera florissante, hospitalière et agréablement habitable qu’avec le retour de
nombreux Juifs.
Cette « prophétie » a été confirmée depuis le XIXème siècle, avec le développement de l’émigration juive.
Quoi qu’il en soit, les difficultés décrites dans ces versets ne doivent pas être considérées comme l’annonce
certaine de futures catastrophes et de malheurs inéluctables, mais comme une mise en garde ayant pour
finalité de faire réfléchir Israël à l’importance d’un comportement conforme aux exigences de la Torah.
© Consistoire de Paris
Dans le temps qui m’est imparti, j’aimerai maintenant aborder un autre point. Je vais réfléchir avec vous
sur le dernier verset de la parachah Béhoukotaï qui conclut le livre de Vayikra :
Elé hamitsvoth achère tsiva Hachem ète Moché ele béné Israël béhar Sinaï.
« Tels sont les commandements que l’Eternel a ordonnés à Moïse pour les enfants d’Israël au mont Sinaï. »
(Lévitique 27, 34).
A partir de ce verset, nos sages, cités dans le Talmud de Babylone, au traité Yoma 80a et au traité Chabbat
104a, enseignent :
Ein navi rachaï léhadech davar mé’âta.
« Il est interdit à tout prophète de créer de nouveaux commandements ».
Cette déclaration nous étonne puisque dès l’ouverture du quatrième livre de la Torah, le livre de Bamidbar,
de nouveaux préceptes sont enseignés !
La question vient alors à l’esprit : Pourquoi cet enseignement accompagne-t-il le dernier verset du livre de
Vayikra, alors qu’il paraitrait mieux à sa place pour commenter le dernier verset du livre suivant, le de
Bamidbar, le livre des Nombres ?
Le verset concluant Bamidbar ressemble en effet à s’y méprendre à celui qui conclut le livre de Vayikra !
Elé hamitsvoth véhamichpatim achère tsiva Hachem béyad Moché el béné Israël bé’ârvoth Moav ’âl
yarden Yérikho.
« Tels sont les commandements et les statuts que l’Eternel a ordonnés par l’intermédiaire de Moïse aux
enfants d’Israël dans les plaines de Moav, au bord du Jourdain, près de Jéricho. »
(Nombres 36, 13)
Certes, il y a quelques différences entre ces deux versets, entre autres notamment : la conclusion du livre
de Bamidbar contient l’expression « béyad Moché », « par l’intermédiaire de Moïse », littéralement « par
la main de Moïse » ; il ya d’autres différences que nous commenteront dans la suite de notre propos.
Cette remarque à conduit nos sages à la conclusion que la nature de l’alliance entre D.ieu et son peuple a
connu un changement essentiel lors des pérégrinations des hébreux dans le désert.
L’alliance mentionnée dans le livre de Vayikra est fondée sur les premières tables de l’alliance, celles que
Moïse avait brisées.
L’alliance dont il est question dans le livre de Bamidbar est établie autour des deuxièmes tables de la loi,
celles que Moïse à garder dans ses mains, « Béyad Moché » ; celles qui n’ont jamais été brisées. Ce qui
souligne le caractère éternel de cette alliance.
Par ailleurs, vous l’aurez remarqué, le dernier verset de Vayikra, évoque le « Har Sinaï », les
commandements ordonnés au « mont Sinaï », tandis qu’en conclusion du livre de Bamidbar, il est question
de « Ârvot moav », « des plaines de Moab ».
Il semble évident qu’il y a une corrélation entre les deux versets qui concluent, respectivement, le
troisième et le quatrième livre de la Torah.
Il paraît non moins évident que la référence « au mont Sinaï » d’une part, et « aux plaines de Moab »
d’autre part, n’exprime pas seulement une différence d’ordre géographique.
Cela nous mène à chercher une différence qualitative entre les lois enseignées dans le livre de Vaykra, et
celles ordonnées dans le livre de Bamidbar.
© Consistoire de Paris
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Un rapide regard que l’ensemble du Sefer Bamidbar nous permet de constater que ce livre fait le récit des
expériences vécues par les enfants d’Israël durant les tribulations qui les ont conduits d’Egypte jusqu’à la
terre promise, Erets Israël.
Ce livre rapporte les événements qui se sont produits lors des diverses étapes du voyage. Un grand nombre
de lieux et de dates y sont précisés.
En revanche, dans le livre de Vayikra, le Lévitique, il y a très peu d’indications de lieux ou de dates. Le
livre de Vaykra ne comporte presque aucun événement dont il soit rendu compte. Le Lévitique est un livre
riche surtout en préceptes, en recommandations.
Le contenu des lois respectives, des livres de Vayikra et de Bamidbar est également différent.
Les mitsvot contenues dans le livre de Bamidbar répondent à des situations particulières, rencontrées par
les enfants d’Israël. Elles ont pour but d’aider à résoudre certains problèmes.
Nahmanide, explique dans son introduction au livre de Bamidbar, que les mitsvot, les lois, qui y sont
mentionnées correspondent à des situations d’actualité immédiate.
Le livre de Bamidbar contient peu de lois valables pour toutes les générations, à l’exception des tsitsit, des
franges rituelles à fixer au vêtement à quatre coins.
Les lois relatives aux dons que l’on doit faire aux cohanim, aux prêtres, ont été précisées dans le sillage de
la rébellion de Kora’h.
La législation des héritages a été indiquée pour répondre à la requête des filles de Tsélop’had.
Dans le livre de Vayikra, la plupart des mitsvot, des lois, se rapportent au culte sacrificiel, aux règles de
pureté et d’impureté, autant de lois évoquant la vie spirituelle de l’homme sans rapport aucun avec la
gestion de sa vie terrestre.
On comprend ainsi la conclusion du livre de Vayikra : « Elé hamitsvoth », « Voici les lois », tandis que le
livre de Bamidbar se termine par la précision : « Elé hamitsvoth véhamichpatim », « Voici les lois et les
jugements ».
Les jugements visent à apporter des solutions à des problèmes concrets qui méritent des solutions
immédiates.
« Ainsi parle l'Eternel, je te garde le souvenir de l'affection de ta jeunesse, de ton amour au temps de tes
fiançailles, quand tu me suivais dans le désert, dans une région inculte.»
(Jérémie 2,2)
Jérémie compare la situation des enfants d’Israël se trouvant au Sinaï à un mariage.
Le Talmud, traité Pessa’him, compare la faute du veau d’or, suivant immédiatement le don de la Torah au
Sinaï, à une jeune mariée qui aurait une relation adultère très peu de temps après son mariage.
L’alliance entre Dieu et Israël au mont Sinaï est souvent comparée par notre Tradition aux liens conjugaux.
Un grand maître contemporain, remarquait qu’un homme et une femme qui décident de se marier
rencontrent toujours toutes sortes de problèmes financiers, techniques… Mais, sous le dais nuptial, les
problèmes sont complètement oubliés. Les mariés se concentrent sur ce qui doit les unir, leur amour
réciproque, leur projet d’ordre spirituel. Ils évacuent de leur esprit tout autre problème.
© Consistoire de Paris
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Au mont Sinaï, Israël et D.ieu s’engagèrent dans une alliance fondée sur une chaîne de mitsvot, de lois. Les
enfants d’Israël ne peuvent ignorer à ce moment là qu’ils connaîtront dans l’avenir des difficultés, mais en
cet instant ils les oublient volontairement.
Le livre de Vayikra décrit la nature de la relation maritale existant entre D.ieu et d’Israël.
On comprend dès lors que la nature des lois contenues dans ce livre ne vise pas à résoudre de quelconques
problèmes d’actualité immédiate.
Même les lois sociales ou interpersonnelles telles que : « Véahavta léréakha kamokha », « Tu aimeras ton
prochain comme toi-même », n’ont pas pour objet de solutionner une souffrance en particulier, mais sont
données comme une part intégrale et permanente de l’alliance.
Le midrach enseignant à propos du verset : «Elé hamitsvot », « Voici les lois », qu’aucun prophète n’est
autorisé à innover en créant de nouvelles lois, signifie que le lien créé entre D.ieu et Israël sur le mont
Sinaï est achevé.
La connexion est complète. Le couple nouvellement marié est maintenant définitivement engagé dans sa
vie nouvelle.
Il est désormais impossible d’ajouter quoique ce soit au fondement sur lequel cette relation repose.
Remarquons également que le dernier verset du livre de Vayikra paraît assez étrange dans son expression :
« Voici les commandements ordonnés au mont Sinaï. »
En effet, un grand nombre de lois ont été enseignées depuis « l’ohel moed »,
donc dans le désert, et non pas vraiment au « pied du Sinaï » ?
« la tente d’assignation »,
Le livre de Vayikra débute par :
« Dieu appela Moïse et il parla depuis « l’ohel moed », depuis la tente d’assignation.»
Les paroles entendues au mont Sinaï ont été accompagnées d’éclairs et de tonnerres. La parole entendue
dans la tente, dans le « ohel moed » l’a été sans aucun tumulte, mais dans le calme pastoral, bucolique de
la tente, éloigné du campement d’Israël.
La Tradition nous enseigne ici que le message transmis depuis la tente d’assignation gardait la même
dimension que celui qui a été révélé au pied du mont Sinaï.
Nahmanide, au début de son commentaire sur la parachah Téroumah explique que le Michkan, le sanctuaire
portatif du désert, portait en lui la Gloire de D.ieu sensible au Sinaï.
C’est comme si le mont Sinaï était transporté et se déplaçait avec la tente d’assignation.
Dans la vie de chaque juif, il arrive que le lien avec D.ieu soit plus facile, qu’il soit accessible grâce à la
concentration dans l’étude de la Torah, de la Guémara, sans problème extérieur.
La difficulté est d’être conscient de l’amour et de la présence de D.ieu, dans le tumulte, dans la tempête,
lorsque l’on entend « le tonnerre » et que l’on voit les éclairs. En d’autres termes, même lors des activités
quotidiennes toujours pleines de difficultés.
Une Tradition ancienne voulait que l’on débute l’enseignement de la Torah aux enfants par le livre de
Vayikra.
Il s’agissait de faire en sorte que les enfants commencent par s’attacher à D.ieu et à son amour de façon
fusionnelle sans que cette relation vise à trouver des solutions à d’éventuels problèmes de tout ordre.
© Consistoire de Paris
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Plus tard, quand les enfants deviendront des hommes, l’enjeu qui sera alors le leur sera de maintenir aussi
fort le lien d’amour avec l’Eternel à travers les épreuves qu’ils ne manqueront pas de rencontrer dans la vie
quotidienne.
Que ces paroles de Torah soient le ilouï nichmat Rabbi David, pour l’élévation de l’âme du Grand rabbin
David Messas zal qui durant toute sa vie a si bien su illustrer la notion d’amour de D.ieu.
Téhi nafcho tséroura bitsrour hahaïm amen.
© Consistoire de Paris
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