Chronique Juridique 17/11/2014
Pour parution Vienne Rurale 21/11/2014
Nu-propriétaire et usufruitier de parts sociales dans les sociétés
civiles agricoles
Le droit de propriété peut être partagé (« démembré », en termes juridiques) entre l’usufruit et la
nue-propriété. L’usufruit correspond au droit d’utiliser le bien et d’en « retirer les fruits » (article
582 du code civil) comme par exemple percevoir les loyers d’un bien loué. Ce droit est par nature
viager, mais il est possible de prévoir des usufruits plus courts (par exemple l’usufruit consenti à
une société ne pourra excéder 30 ans). La nue-propriété correspond au droit de disposer du bien,
mais dans le respect des droits de l’usufruitier. Elle donne vocation à terme à être complétée par
l’usufruit, à échéance de son terme. La réunion des deux donne un droit de propriété plein et
entier.
Démembrer sa propriété est une technique devenue courante en agriculture, surtout dans la
perspective de faciliter la transmission du patrimoine d’un exploitant. Ainsi il est fréquent de voir
des parents agriculteurs céder la nue-propriété de leur exploitation à leurs enfants, en se
conservant l’usufruit des biens.
Mais il apparaît que certains dissocient également la propriété, non-pas de leurs biens eux-mêmes,
mais de parts sociales dont ils disposent.
Se pose alors la question de savoir qui de l’usufruitier ou du nu-propriétaire dispose de la qualité
d’associé et qui aura vocation à percevoir les revenus de ces parts sociales.
Qualité d’associé et droit de vote
En cas de « division » de la propriété de parts sociales, la qualité d’associé est reconnue au seul
nu-propriétaire. Par principe le Code civil, dans son article 1844 alinéa 3, prévoit que le nu-
propriétaire dispose seul des droits de vote dans les assemblées, sauf pour les décisions
concernant l’affectation des bénéfices, qui sont réservées à l’usufruitier. Cependant l’alinéa suivant
précise que les statuts peuvent décider d’une répartition différente des droits de vote.
C’est là que les juges sont venus poser quelques principes :
Concernant le nu-propriétaire : il est possible de le priver de tout droit de vote, mais il
est interdit de l’empêcher de participer aux décisions collectives
. Concrètement il ne
peut pas voter, mais peut donner son avis….
Concernant l’usufruitier : l’usufruitier peut être privé de tout droit de vote, sauf ceux
concernant l’affectation du bénéfice
.
Le bénéfice tiré des parts sociales : un droit de l’usufruitier
Le code civil est très clair sur ce point : l’article 582 précise que « l'usufruitier a le droit de jouir de
toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire l'objet dont il a
l'usufruit.» Le premier droit de l’usufruitier est donc de pouvoir bénéficier des revenus tirés du
bien. Dans notre cas, le droit de l’usufruitier de parts sociales est celui de percevoir les bénéfices
distribués
…ou de contribuer aux pertes, dans les mêmes proportions.
Les bénéfices non-distribués (mis en réserve ou n’ayant pas encore fait l’objet d’une décision
d’affectation) sont eux réputés appartenir au nu-propriétaire, dans l’attente de la décision
d’affectation du bénéfice par l’assemblée des associés.
Solution posée par deux arrêts de la chambre de la Cour de Cassation de la chambre commerciale du 22 février
et de la 2ème chambre civile du13 juillet 2005
Solution de la chambre commerciale de la Cour de Cassation posée par un arrêt du 31 mars 2004
Cour de Cassation chambre commerciale du 5 octobre 1999