Master spécialisé juriste d’affaires Module : Droit et pratique des sociétés commerciales LA QUALITE D’ASSOCIE ENCADRE PAR : PR. SAÏDA GUENBOUR 2021 / 2022 Préparé par : Tariq ELMOUSSAOUI 1 Introduction La qualité d'associé n’a jamais, en tant que telle, été envisagée par le législateur, à la différence du contrat de société auquel le législateur a donné une définition1. Pourtant cette notion est fondamentale en droit des sociétés, car c’est cette qualité qui va permettre à l’associé de d’exercer les prérogatives qui lui sont dévolus par la loi ou les statuts. Ainsi, appartiennent notamment à l’associé, le droit de participer aux décisions collectives – c’està-dire celui d’assister aux assemblées générales et d’y voter –, le droit aux bénéfices réalisés par la société ou encore, le droit d’agir en justice contre la société ou contre ses dirigeants. Quant aux obligations attachées à la qualité d’associé, elles consistent, entre autres, en l’obligation de libérer l’apport promis, de ne pas abuser des droits conférés par la « propriété » des titres sociaux, de s’abstenir d’exercer un droit lorsque la loi ou les statuts l’imposent. Les associés doivent être au minimum deux, car la société étant un contrat dans son origine, elle suppose nécessairement l'intervention de deux parties. Il suffit donc de deux personnes pour constituer une société, mais la société ne peut, en principe, être constituée si ce minimum légal n'est pas respecté. Pourtant, selon sa forme sociale le législateur peut imposer une exigence renforcée ; c'est le cas de la société anonyme qui doit réunir au moins cinq personnes (L 17-95, art. 1) et de la société en commandite par actions qui doit comprendre au moins un commandité et trois commanditaires, ce dernier chiffre étant nécessaire pour constituer le conseil de surveillance (L 5-96, art. 31). Cependant un nombre maximum d’associés n’est fixé que pour la société à responsabilité limitée qui ne peut en comprendre plus de cinquante2. Il convient de préciser que l’exigence de pluralité d’associé n’est pas absolue, car il peut être constitué une société à responsabilité limitée par une seule personne. L'article 44 de la loi 5-96 permet expressément de déroger aux dispositions de l'article 982 du DOC pour créer des sociétés à responsabilité limitée d'associé unique, encore La loi 19-20 a introduit une nouvelle forme de société à savoir la société par actions simplifiée qui peut ne comporter qu’un associé unique. Certes, la doctrine tente depuis longtemps de se forger une idée générale sur le sujet. Le Professeur Viandier3 avait retenu l’obligation d’apport et le droit d’intervention comme étant les critères de la notion d’associé. Mais si cette opinion est partagée par certains, d’autres la rejettent au profit d’autres définitions. On note, par exemple, d’autres auteurs estiment que l’associé est celui qui est membre de la société 4 ou encore le titulaire des titres sociaux5. Il apparaît que, en dépit des efforts doctrinaux, la notion d’associé demeure toujours en crise. Thierry Debard et Serge Guinchard 6 semble conciliés les deux conceptions 1 Article 982 du DOC. Article 47, de la loi N° 5-96. 3 A. VIANDIER, La notion d’associé, éd., LGDJ, 1978. 4 D. CHOLET, « La distinction des parties et des tiers appliquée aux sociétés », D. 2004, p. 1141, spéc. n°13. 5 F. FORGUES, L’actionnaire indirect, th. Paris I, 2002, n°104. 6 Thierry Debard, Serge Guinchard, Lexique des termes juridiques, éd. 28e, Dalloz, 2020. 2 1 ont définissant l’associé comme : « Membre d’une société, qui a effectué des apports et a vocation à participer au fonctionnement du groupement, à partager les bénéfices ou les pertes. Dans un sens plus étroit, désigne le membre d’une société de personnes, par opposition à l’actionnaire». La notion d’associé inclut donc l’actionnaire, ce dernier étant un associé de certaines sociétés commerciales. Pourtant, la définition qui subordonne la qualité d’associé à la propriété des titres de capital et la participation aux affaires de la société paraît plus satisfaisante. La raison est simple : Pour le premier critère, en l’état du droit positif, il n’existe pas d’exemples d’associés qui ne seraient pas titulaires de titres sociaux. De fait, l'associé est d'abord un apporteur. Qu'il y ait une pluralité ou une unicité d'associés, cette qualité se confond avec celle d'apporteur7. On perçoit ainsi dès maintenant que l'obligation légale de verser un apport constitue l'obligation positive minimale permettant de prétendre à la qualité d'associé. Il est vrai qu’il existe des situations dans lesquelles l’identification du propriétaire des parts sociales ou actions ne relève pas de l’évidence. Pour le deuxième, dit modern, la clé de voute réside dans la reconnaissance du droit d'intervention dans les affaires sociales entendu comme la somme du droit de contrôle et du droit d'information. Ainsi qu'il a été dit, l'associé se définit donc autant par ses prérogatives que par son devoir fondamental8. Quel est donc le cadre et le contenu de « la notion d’associé » ? Dans le but d’apporter une réponse à cette question nous allons donc analyser dans un premier temps les critères d’acquisition de la qualité d’associé, qui est parfois délicate (chapitre1). Pour examiner dans un second temps, les attributs et devoirs assujettis à cette qualité (chapitre2). 7 8 Laurent GODON, Les obligations des associés, éd. ECONOMICA, 1999, p3. A. VIANDIER, ouvrage précité, p206. 2 Plan : I- Critère de la qualité d’associé. A. La capacité de s’associé : 1) Associé personne physique 2) Associé personne moral B. propriété des titres sociaux critère objectif d’acquisition de la qualité d’associé 1) démembrement des parts sociales 2) situation de l’indivision II- Attribues de la qualité d’associé. A. les obligations de l’associé : 1) Les obligations pécuniaires 2) Les obligations personnelles B. les droits de l’associé : 1) Les droits extrapatrimoniaux 2) Les droits patrimoniaux 3 Chapitre premier : Critères d’acquisition de la qualité d’associé. Les associés peuvent être en principe indifféremment des personnes physiques ou despersonnes morales. Dans les sociétés de personnes, cette règle s'applique dans toute sa plénitude. Une société de personnes peut être constituée exclusivement de personnes morales. Mais pour l’acquisition de cette qualité l’associé doit justifier des conditions liées à sa capacité (section1), et à la propriété des titres sociaux (section2). Section 1 La capacité de s’associé : La capacité est l’aptitude d’une personne à participer à la vie juridique. Faute de dispositions particulières dans les textes régissant les sociétés commerciales, il convient de se référer aux règles du droit commun 9. La capacité requise varie suivant le type de société et la qualité de l’associé10. Il convient donc de distingué la situation des personnes physiques (sous-section1), de celle des personnes morales (sous-section2). SOUS SECTION 1 LA CAPACITE GENERALE : Les conditions de capacité diffèrent selon la nature de la société et l'étendue des engagements pris par les associés. À cet égard, on distingue deux catégories de société : 1. les sociétés de personnes : dans lesquelles les associés sont des commerçants et sont tenus indéfiniment et solidairement du passif social. Il s'agit des associés en nom collectif, des commandités et des gérants des sociétés en participation, à l'exclusion des commanditaires et des participants. À ce titre, il faut avoir la capacité pour faire le commerce. Par conséquence, les mineurs non émancipés et les majeurs incapables sont exclus. Egalement, les personnes soumises à une interdiction d’exercer une activité commerciale ou de gérer une société, ou se trouvant dans une situation d’incompatibilité ou de déchéance se voient écartés. 2. les sociétés de capitaux : auxquelles on assimile les sociétés à responsabilité limitée dans lesquelles les associés ne sont pas des commerçants et ne sont tenus des dettes qu'à concurrence de leurs apports. C'est le cas des actionnaires, des commanditaires et des associés à responsabilité limitée pour lesquels seule la capacité civile est exigée. Un mineur, dûment représenté11, peut être actionnaire dans une société anonyme, commanditaire dans 9 Article 206, LA LOI N° 70-03 PORTANT CODE DE LA FAMILLE. Philipe MERLE, Droit commercial. Sociétés commerciales, éd. Dalloz, 2015, p81. 11 Article 229, LA LOI N° 70-03 PORTANT CODE DE LA FAMILLE. 10 4 une commandite simple ou par actions ou associé dans une société à responsabilité limitée, sous réserve dans ce dernier cas qu'il n'y ait pas de risque de voir la responsabilité du mineur engagée en cas d'apport en nature. À cet effet, il faut la désignation d'un commissaire aux apports et l'approbation pure et simple de son rapport par les associés12. Le tuteur légal peut souscrire, au profit du mineur, des actions de société anonyme ou des parts de société à responsabilité limitée sans avoir besoin de l’autorisation du juge. Néanmoins, la loi interdit à certaines personnes d'être coassociés dans la même société. Aux termes de l'article 984 du DOC, la société ne peut être contractée : 1. entre le père et le fils soumis à la puissance paternelle ; 2. entre le tuteur et le mineur, jusqu'à la majorité de ce dernier et à la reddition et à l'approbation définitive des comptes de tutelle ; 3. entre le curateur d'un incapable ou l'administrateur d'une institution pieuse et la personne dont ils administrent les biens. L'autorisation d'exercer le commerce accordée au mineur ou à l'incapable par son père ou curateur ne suffit pas à le rendre habile à contracter société avec l'un d'eux. Ces interdictions ont pour but d'éviter les conflits d'intérêt dans un souci de protection des personnes pouvant être victimes d'un abus de position dominante. Le législateur marocain n’interdit pas la création d’une société entre époux. SOUS SECTION 2 LA CAPACITE DES PERSONNES MORALES : 1. Personnes morales de droit public : L'État peut être associé dans une société par souscription ou acquisition de parts ou d'actions. Il est même prévu que l'État peut disposer, dans les conseils d'administration de sociétés anonymes dont il est actionnaire, d'un ou plusieurs sièges d'administrateur correspondant à sa participation au capital des dits sociétés13. - Aucune prise de participation d'une entreprise publique dans une entreprise privé ne pourra, à peine de nullité, être réalisée sans une autorisation donnée par décret pris sur la proposition du ministre chargé de la mise en œuvre des transferts et précédée d'un exposé des motifs14. 12 Mohammed ELMERNISSI, Traité Marocain de droit des sociétés, éd. 18, LexisNexis, 2019, p80. (Art. 1 du décret royal du 1er mars 1968). 14 Art. 8 de la loi 39-89 telle que modifiée et complétée par la loi 34-98, autorisant le transfert d'entreprises publiques au secteur privé. 13 5 - Le conseil communal peut décider de la création de sociétés de développement local (SDL) d'intérêt intercommunal, préfectoral, provincial ou régional ou la prise de participation dans leur capital (art. 36 de la loi 78-00 portant charte communale). 2. Personnes morales de droit privé : Les sociétés peuvent être –si leur objet social le permet - membres d'autres sociétés ou n'être constituées que par des sociétés. Les sociétés civiles ne peuvent pas être associées dans des sociétés qui requièrent la qualité de commerçant ; il en est de même des associations et des syndicats qui ne peuvent être associés en nom ou commandités. Les groupements d'intérêt économique peuvent participer à la constitution de tous types de sociétés. La prise de participation d'une société dans une autre société est considérée comme un acte de gestion qui relève de la compétence des gérants, du président directeur général, du directeur général ou du président directoire. Mais il est souvent stipulé dans les statuts que l'opération doit être autorisée par une décision collective des associés ou par une délibération du conseil d'administration ou du conseil de surveillance15. Section 2 propriété des titres sociaux critère objectif d’acquisition de la qualité d’associé : Tous les propriétaires d'actions et de parts sociales peuvent avoir la qualité d'associé. Aussi faut-il déjà s’assurer de remplir les conditions pour y entrer. Dans la plupart des cas, les conditions juridiques liées à la capacité, au consentement, aux incompatibilités, etc., sont remplies, sans peine. Elles sont souvent de simples barrières franchies très rapidement. La condition qui fait la plupart du temps souci, la condition essentielle, est celle relative à l’apport en société. « Sans apport, il n’est pas de société ». Mais il faut examiner la question délicate des situations de concours. Seront donc évoquées ici les situations les plus générales. Ainsi, le concours vertical, c'est-à-dire, celui qui porte sur les droits sociaux en usufruit (sous section1), est différent du concours horizontal, relatif aux droits sociaux indivis (sous section2). Ces deux situations sont généralement subies et résultent des droits successoraux. Mais un actionnaire ne peut pas céder à une autre personne certains des droits attachés à l'action tels que le droit aux dividendes ou le droit de vote, car cela irait à l'encontre du principe de l'indivisibilité de l'action16. SOUS SECTION 1 LE DEMEMBREMENT DES PART SOCIAL OU ACTIONS : 15 16 Mohammed ELMERNISSI, ouvrage précité, p81. Idem, p775. 6 En cas de démembrement des titres sociaux, une personne détient la nue-propriété du titre alors que l'autre détient l'usufruit. L'usufruitier et le nu-propriétaire sont respectivement titulaires d'une partie des prérogatives du propriétaire. Comme une grande partie des mécanismes issus du droit des biens, la réception par le droit des sociétés de la technique de l’usufruit a fait naître beaucoup de doutes. Pour autant, la licéité de la constitution d’un usufruit sur des parts sociales ou des actions n’a jamais été contestée. Néanmoins, la question de la répartition des prérogatives d’associé a rapidement posé des difficultés. Le législateur a donc pris position, mais uniquement s’agissant des prérogatives principales. Toutes les autres relèvent du domaine de l’incertitude. Parfois, les statuts prévoient une répartition sommaire, mais dans la plupart des hypothèses, ils demeurent silencieux. L’attribution certaine de la qualité d’associé permettrait de mettre fin à ces difficultés pratiques. Cependant, pour l’heure, la dualité du débat n’a pas été dépassée : à la position favorable à la qualité d’associé de l’usufruitier. S’oppose toujours celle qui défend l’exclusivité de la qualité d’associé du nu-propriétaire. Pour la doctrine française la question reste controversée17, même si, pour certains auteurs, il faudrait, au nom du bon sens, reconnaître la qualité d'associé à la fois au nupropriétaire et à l'usufruitier, la doctrine dominante, le Code civil et la jurisprudence semblent affirmer que seul le nu-propriétaire a cette qualité, en vertu du principe de l’indivisibilité de l’action, affirmé par l’article L228-518. Mais l’argument de l’apparence a pourtant été réutilisé très peu de temps après le Professeur Derruppé, par le Professeur Cozian : « est-il raisonnable de continuer à affirmer que le créateur de la société (il a effectué les apports initiaux), qui a seul vocation aux bénéfices et qui de surcroît concentre sur sa tête la totalité du pouvoir politique n’a pas la qualité d’associé ? N’est-ce pas une insulte au bon sens ? »19. L’auteur défendait cette opinion en prenant pour exemple l’associé qui cède la nue-propriété de ses titres. Il observe ainsi que « les objections qui sont traditionnellement invoquées ne sont pas invincibles (…). L’usufruitier n’a pas, dit-on, la qualité d’apporteur ; quand c’est le fondateur qui se dépouille de la nue-propriété, l’objection ne tient pas ». Mais l’analyse défendue a, par la suite, été contredite par la Cour de cassation : la cession, par l’apporteur, de la nue-propriété des titres, lui fait perdre la qualité d’associé20. 17 Clément BARRILLON, thèse doctorale, Le critère de la qualité d’associé, soutenue publiquement le 30 mars 2016 à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense, p 442. 18 « A l'égard de la société, les titres sont indivisibles, sous réserve de l'application des articles L. 225-110 et L. 225-118. », art. L228-5 du Code de commerce français. 19 M. COZIAN, « Du nu-propriétaire ou de l’usufruitier, qui a la qualité d’associé ? », JCP E 1994, 374. 20 V. Cass. civ. 3ème, 29 nov. 2006, n° 05-17.009. 7 Pour le droit marocain, le professeur EL MERNISSI dans son traité marocain de droit de société affirme que pour la SNC, seul le nu-propriétaire a la qualité d’associé21, de ce faite il lui incombe de supporter l'obligation au passif indéfinie. Tandis que pour la SA le législateur attribue le droit de l’information au nu-propriétaire et à l’usufruitier d’actions22. Quand-à la question de participation au vote l’article 129 dispose que « Sauf dispositions contraires des statuts, le droit de vote attaché à l’action appartient à l’usufruitier dans les assemblées générales ordinaires et au nu-propriétaire dans les assemblées générales extraordinaires. En dehors des démembrements, d'autres situations impliquent plusieurs personnes. Le problème de la qualité d'associé se pose alors également quand les titres sont détenus par plusieurs personnes, dans un concours horizontal ceci est le cas des co-indivisaires. SOUS SECTION 2 LA SITUATION DE L’INDIVISION : L'indivision est la situation dans laquelle se trouvent des biens sur lesquels s'exercent des droits de même nature appartenant à plusieurs personnes. Le fait que, dans l'usufruit, les droits des nu-propriétaire et ceux des usufruitiers ne soient pas de même nature, fait que les dispositions sur l'indivision ne s’appliquent pas à leurs rapports23. Les droits sociaux d'une société peuvent être détenus en indivision par plusieurs personnes. Cette indivision peut trouver sa source dans plusieurs situations. Elle peut être provoquée à la suite d'un décès, elle peut avoir pour origine l'acquisition de titres par deux personnes ayant apportés des biens indivis24. Enfin, l'indivision peut également naître de la création, par des associés, d'une société en participation à laquelle ils conviennent d'apporter leurs titres afin d'exercer leurs droits en commun25. La doctrine française a d'abord été partagée pour définir qui avait la qualité d'associé26. L'article L. 228-5 du Code de commerce dispose que les titres d'une société ne sont pas indivisibles. Cette disposition a incité certains auteurs à dire que l'associé était l'indivision. Monsieur le Professeur Claude Champaud a notamment adopté cette position en affirmant que la qualité d'associé « suppose que l'intéressé soit devenu titulaire des droits sociaux et maître de les exercer personnellement. Ce n'est pas le cas d'un co-indivisaire même si aucun obstacle ne s'oppose à ce qu'il devienne un jour propriétaire d'une partie des parts indivises. A notre avis, seule l‘indivision [...] doit être prise en compte pour le décompte du nombre d'associé ». D'autres considéraient qu'il y avait un seul associé en plusieurs personnes distinctes27.D'autres encore pensaient enfin que chaque indivisaire avait la qualité 21 Idem, page 171. Article 150 al 2, loi 17-95. 23 dictionnaire-juridique.com/definition/indivision.php, consulté le 10/12/2021. 24 Mohammed ELMERNISSI, ouvrage précité, p31. 25 Article 90, de la loi 5-96. 26 Déborah ESKINAZI, thèse doctorale, « LA QUALITE D'ASSOCIE », Présentée et soutenue publiquement le 1er décembre 2005, à l'université de Cergy-Pontoise, p137 et s. 27 HEMARD (J), TERRE (F), et MABILAT (P), Sociétés commerciales, Dalloz 1972, Tome 2, p 616. 22 8 d'associé28. La Cour de Cassation française, dans l'arrêt rendu le 6 février 1980 a pris position en faveur de cette dernière proposition29. Le droit marocain a aussi retenu la même solution, car en cas d'apport de biens indivis, il peut être attribué à chaque indivisaire des droits sociaux proportionnels à ses droits dans l'indivision comme il peut être attribué à la masse des indivisaires des droits sociaux indivis. Dans ce dernier cas, chaque indivisaire aura la qualité d'actionnaire, mais l'exercice des droits attachés à cette qualité ne peut se faire que par l'intermédiaire d'un représentant désigné par les indivisaires. Ainsi disposent les articles 129 al2, 150 al2, et 252, en plus le dernier article impose une solidarité entre les co-indivisaires « … Les copropriétaires de l’action sont solidairement responsables des obligations attachées à la qualité d’actionnaire. » 28 VIANDIER (A), ouvrage précité, p239, Cass. 1ère civ. 6 février 1980, https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007005038/, consulté le 10/12/2021. 29 9 Chapitre deuxième : Attribues de la qualité d’associé. La détermination de la qualité d’associé n’est pas sans utilité, car il permet à l’associé de jouir des prérogatives qui lui sont attachées. Ainsi le titulaire de cette qualité se trouve soumis à un régime particulier, de ce fait il convient de s’attarder sur les droits (section2), et obligations de l’associé (section1). Section 1 les obligations de l’associé : Dans la conception classique du droit des sociétés, l'associé a des droits, mais n'a que peu de devoirs. Il a vocation aux bénéfices, il a le droit d'être informé et de participer aux décisions collectives qui orientent la vie sociale. Enfin, sauf cas particuliers, il a le droit de se maintenir dans la société et de ne pas y être marginalisé. Cette situation est singulière car les droits sont habituellement contrebalancés par des devoirs. On peut distinguer les d’obligations pécuniaires (sous-section1) des d’obligations personnelles (sous-section2). SOUS SECTION 1 LES OBLIGATIONS PECUNIAIRES : A. Pas d’apport, pas d’associé : L’article 982 du DOC prévoit expressément l’obligation de faire un apport. La libération des apports est fondamentale, c’est l’acte qui fonde l’attribution de la qualité d’associé ainsi que le droit à intervenir dans les affaires sociales. Ce même article précise que les apports peuvent être fait-en numéraire, en nature et en industrie. Si les différentes modalités de libération des apports sont d’avantage précisées par le droit spécial à chaque société ainsi que par les statuts, un élément doit être néanmoins précisée : l’apport en industrie n’est admis que dans la SARL, sous des conditions précises30. Chaque associé doit nécessairement faire un apport effectif pour permettre à la société d'avoir les moyens de fonctionner31. L'absence d'apport rend la société nulle. Il doit en être de même si l'apport est fictif : - soit que l'apport se révèle sans valeur ; c'est le cas des droits de propriété industrielle tombés dans le domaine public ou de créances irrécouvrables ; - soit qu'il est grevé de dettes qui dépassent sa valeur vénale ; c'est le cas d'un immeuble hypothéqué ou d'un fonds de commerce nanti. 30 31 Article 51 de la loi 5-96. Article 996 du DOC. 10 La fictivité de l'apport doit s'apprécier au moment de la constitution de la société ou de l'augmentation de capital. Par ailleurs, en cas de retard, l’associé sera tenue au paiement d’intérêts, voir même de dommages et intérêts32. B. Les pertes, un risque que cours l’associé : L’article 1832 du code civil français énonce clairement que « les associées s’engagent à contribuer aux pertes ». Si l’alinéa premier de l’article 1033 du DOC préconise que la répartition des pertes soit faite à proportion des droits sociaux détenus, les modalités d’exécution de cette obligation sont généralement prévu par les statuts. L’article 1035 pose néanmoins une réserve : la prohibition des clauses léonines, car celle-ci contreviennent au pacte social. Ainsi pour assurer l’exécution de cette obligation, il sera réputée non écrite toutes clauses qui exonèrent l’associé de la contribution aux pertes. C. Contribution au passif social et participation de paiement des dettes : Bien que l’étendue de l’obligation aux dettes soit propre à chaque type de société, elle est néanmoins commune à l’ensemble des entreprises. En effet les associés s’engagent à payer les créanciers de celle-ci. Cette responsabilité peut être indéfinie, limitée aux apports, conjointe, ou solidaire. Par définition la responsabilité indéfinie s’oppose à celle qui est limitée aux apports, ainsi lorsqu’un associé est soumise à une responsabilité indéfinie, cela implique que les créanciers sociaux agiront contre lui jusqu’à leur complet désintéressement et ce indépendamment de sa participation effective dans le dans le capital social. Par opposition l’associé qui supporte une obligation aux dettes limitée à ses apports, celui-ci bénéficie d’un régime moins rigoureux. L’obligation aux dettes peut être alternativement conjointe ou solidaire. S’agissant de la solidarité passive, cela implique que les créanciers sociaux pourront poursuivre indifféremment les associés et ce pour le tout, à charge pour eux de se retourner contre les autres associés pour se faire rembourser en exerçant une des actions que leur offre le droit commun des obligations. Par opposition, lorsque la responsabilité aux dettes qui pèse sur l’associé est conjointe alors chacun d’eux pourront être poursuivi que pour leur part. Ces critères peuvent être cumulatifs ou alternatifs. En tout état de cause cette obligation existe et pèse sur les associés quel qu’il soit et souvent guide le choix de la forme du groupement. SOUS SECTION 2 LES OBLIGATIONS PERSONNELLES : 32 Idem. 11 A. Devoir de loyauté33 : C'est l'affectio societatis qui explique l'interdiction qui est faite par l'article 1004 du DOC aux associés de faire, sans le consentement de la société, d'opération pour leur propre compte ou pour le compte d'un tiers ou de s'immiscer dans des opérations analogues à celles de la société lorsque cette concurrence est de nature à nuire aux intérêts de la société comme le confirme l’arrêt par la cours de cassation le 22/06/201734. Un arrêt de la Cour de cassation française, largement commenté, va dans le même sens. C'est une obligation légale de loyauté à laquelle est tenu l'associé à l'égard de la société et des autres associés. Il ne doit pas y avoir de conflit d'intérêts entre la société et ses associés. L'associé ne doit pas porter atteinte aux intérêts essentiels de la société. La notion de conflit d’intérêts n’a pas été définie par les lois existantes, la doctrine l’a défini comme toute « situation dans laquelle les intérêts personnels d’une personne sont en opposition avec ses devoirs »35. L'obligation de non concurrence s'applique sans conteste aux associés des sociétés de personnes. D'une part, elle est conforme à la nature de ces sociétés dans lesquelles la personnalité des associés est déterminante. D'autre part, la loi 5-96 rend expressément applicable aux sociétés de personnes 1es dispositions du DOC, et donc celles de l'article 1004. Ces deux séries de considérations ne s'appliquant pas à la société anonyme, les actionnaires ne sont tenus d'aucune obligation de non concurrence, sauf convention contraire. C'est la position actuelle de la jurisprudence française36. Il peut exister dans les sociétés anonymes une obligation de non concurrence en vertu de dispositions statutaires ou extrastatutaires. Cette obligation de loyauté se trouve accentuée, lorsque l’associé fait un apport en industrie37. Ce type d’apport ne pouvant être compensé d’aucune façon, la réalisation de celui-ci étant personnelle, pèse alors sur cet associé une véritable obligation de faire. Corollairement, l’apporteur en industrie se retrouve face à une obligation de ne pas faire, celle de ne pas faire concurrence à la société à laquelle il s’est associé. B. Responsabilité pour faute détachable : La responsabilité de l’associé d’une société commerciale est susceptible d’être engagée à l’égard des tiers lorsque celui-ci s’est rendu coupable d’une faute intentionnelle d’une particulière gravité, incompatible avec l’exercice normal des prérogatives attachées à 33 Laurent GODON, Les obligations des associés, éd. ECONOMICA, 1999, p89. CC N° 332, le 22/06/2017, ch. Com. N° 60/3/1/2015. 35 Saida GENBOUR, Art. LE DEVOIR DE LOYAUTE : UN VECTEUR DE LA MORALISATION DE LA VIE DES AFFAIRES, RCDEC, Vol 1 No 1 2020, p15. 36 Cass. Com 10 sept 2013. 37 Article 999 du DOC. 34 12 la qualité d’associé. Les critères de la faute détachable étant restrictifs, l’application de ce régime de responsabilité reste exceptionnelle et donc c’est la responsabilité de la société, qui sera engagée. Il convient de préciser que l’existence d’une telle faute détachable résulte d’une appréciation subjective effectuée par les juges du fond, qui tient compte pour partie du caractère normal de l’exercice de prérogatives attachées à la fonction sociale en cause. Cette notion de faute détachable ou séparable est la transposition en droit des sociétés de la distinction faite en droit administratif entre la faute de service et la faute personnelle38. section 2 les droits de l’associé : En contrepartie de leurs apports, les associés reçoivent des parts sociales ou des actions, selon la forme sociale, qui vont intégrer leur patrimoine personnel. La détention de ces titres confère à l’associé divers droits. Si leur expression collective est généralement assurée par le biais d’assemblées leurs droits individuels sont plus nombreux et relèvent de deux catégories : patrimoniaux (sous-section2) et extrapatrimoniaux (sous-section1). SOUS SECTION 1 DROITS EXTRAPATRIMONIAUX : Ces droit peuvent étre rangés dans deux catégories : politique et financiers. A. Les droits politiques : L’associé est citoyen de cette cité qu’est la société, c’est pourquoi il dispose de prérogatives politiques. La participation de l’associé aux affaires sociales trouve plusieurs expressions fondamentales au sein du droit des sociétés, il s’agit ici de droits qui permettent aux associés d’une part, de contrôler leur investissement dans la société, d’autre part de prendre part à la vie sociale. 1) Le droit à l’information : L’information des associés peut prendre trois formes : une information permanente39, une information préalable à chaque assemblée40 et une information contenue dans le rapport de gestion des dirigeants41. Les vecteurs de l’information sont multiples et se sont diversifiés au cours des dernières années : documents disponibles au siège social, envoyés à l’associé, en réponse à des questions écrites posées, publiés dans des journaux spécialisés ou encore diffusés sur le site Internet de la société. Le droit à l’information ne fait l’objet d’aucune disposition générale mais se déduit des règles propres à chaque type de société ; étant précisé que l’information visée ici est majoritairement de nature comptable. En effet, il s’agit de faire connaître aux associés la 38 EL MERNISSI, ouvrage précité, p512. Loi 17-95 : Article 146 : Droit d'information permanent de tout actionnaire 40 Loi 17-95 : Article 141 : Documents à mettre à la disposition des actionnaires avant toute A.G.O. 41 Loi 17-95 : Article 142 : Le rapport de gestion du conseil d’administration ou du directoire. 39 13 situation financière de la société par le biais des principaux documents comptables : bilan, compte résultat, annexe, inventaire…Dans les sociétés de taille importante et dans les sociétés admises sur les marchés réglementés, l’information est renforcée, notamment sur les rémunérations des dirigeants ainsi que sur les opérations réalisées par ceux-ci et pouvant générer un conflit d’intérêt. Il faut préciser que l’autorité des marchés financiers veille à la bonne diffusion de l’information par les sociétés cotées et qu’en cas de doute sur l’exactitude de l’information que les dirigeants lui a communiqué, l’associé peut diligenter des expertises, de gestion ou préventive. La violation des règles relatives à l’information des associés est sanctionnée par la mise en cause de la responsabilité des dirigeants fautifs (arrêt N° 1787, rendu par la cours d’appel commerciale de Marrakech, le 01/11/2012) et par l’annulation de la délibération litigieuse voire de l’assemblée elle-même dans les hypothèses les plus graves. 2) Le droit de participer aux décisions collectives : Le droit de participation est un droit fondamental et d’ordre public. L’article 1014-1 du DOC l’énonce clairement " Tout associé ou gérant peut convoquer l’assemblée des associés". L’interprétation de cet article a fait l'objet de nombreux débats en doctrine. A première vue, le droit de participer est incontestablement lié au droit de vote. En effet, voter c’est de la manière la plus évidente de participer aux décisions collectives. En revanche, participer aux décisions collectives sans voter est possible mais singulier : cela suppose à minima que l’associé soit convoqué aux assemblées, qu’il puisse y assister, poser des questions et recevoir l’information mise à sa disposition. 3) Le droit de vote : Le droit de suffrage reconnu à chaque associé permet de distinguer la société d'un autre contrat et fait toute son originalité. En tout état de cause, par principe : - Tout associé a le droit de vote aux assemblées générales ordinaires et extraordinaires, ou lors des consultations hors assemblée ; - Tout associé a la liberté de voter ou de ne pas voter ou d’exprimer le vote qu’il souhaite, sous réserve que l’exercice de ce vote ne constitue pas un abus ; - Ce droit de vote ne peut être réduit ou retiré sans le consentement de l’associé ; - Ce droit de vote n’est pas dans le commerce juridique et ne peut faire l’objet de cession, de renonciation contractuelle et vénale. Les associés utilisent ce droit de vote pour participer à la définition de l’intérêt commun, mais aussi de protéger et défendre leur intérêt particulier. Ainsi, peut-il exister des zones de conflits : l’associé pourrait être tenté d’abuser de son droit de vote. La jurisprudence a trouvé la parade à cela en forgeant les concepts d’abus de majorité et de minorité. Le premier est constitué lorsqu’une décision adoptée régulièrement en la forme de majorité des associés a été prise contrairement à l’intérêt sociale et dans l’unique dessein de 14 favoriser les membres de la majorité au détriment des membres de la minorité. Cette forme d’abus est sanctionnée par la nullité de la délibération adoptée ainsi que la condamnation des majoritaires à verser des dommages et intérêts à la société. Le second, c’est-à-dire l’abus de minorité sera constitué dès lors que l’attitude des minoritaires se trouve en contrariété avec l’intérêt social. Il s’agit ici de l’hypothèse où ils s’opposent ou interdisent la réalisation d’une opération essentielle pour la société et ce dans l’unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment de l’ensemble des autres associés. Cette forme d’abus sera sanctionnée par la condamnation des minoritaires au versement de dommages et intérêts à la société ainsi qu’à la désignation judiciaire d’un mandataire ad hoc chargé de voter en lieu et place des minoritaires dans le sens voulu par l’intérêt sociale. Dans l’hypothèse d’une indivision, la question ne se posera pas car la loi rend obligatoire la nomination d’un mandataire et en cas de désaccord le mandataire sera désigné par le président du tribunal, statuant en référé à la demande du plus diligent42. En cas de démembrement de propriété, l’article 129 de la loi 17-95 relative à la SA énonce que « le droit de vote attaché à l’action appartient à l’usufruitier dans les assemblées générales ordinaires et au nu-propriétaire dans les assemblées générales extraordinaires »43. B. Les droits financiers : La société n’est pas une institution désintéressée, selon les termes mêmes de l’article 982 du DOC, les associés y entrent pour partager un bénéfice ou profiter d’une économie. Cet espoir de profit constitue souvent la cause de leur engagement. Ces droits pécuniaires s’expriment essentiellement par la vocation à percevoir des dividendes, qui peuvent trouver leur origine dans une distribution des bénéfices de l’exercice ou dans une distribution des réserves, ou à la dissolution de la société, on parle alors du boni de liquidation. 1) Le droit aux bénéfices : Le dividende est un bénéfice distribuable. Autrement dit, il s’agit ici du produit net de l’exercice moins les pertes antérieures et les réserves légales et statutaires augmenté de l’éventuel report bénéficiaire, par exemple : Une société qui réalise un bénéfice de 150K au cours de l’exercice 2019, qui a réalisé 25K de pertes au cours de l’exercice précédent et qui doit affecter 5K à la réserve légale, fait apparaître un bénéfice distribuable de 120K . Ce bénéfice peut être intégralement distribué ou bien faire l’objet d’un report à nouveau total ou partiel sur l’exercice suivant ; étant précisé que la distribution d’un bénéfice non distribuable est par conséquent constitutive du délit de distribution de dividendes fictifs. Ceci dit, la distribution est librement décidée par les associés (AGO). 42 43 Article 129, loi 17-95. Idem. 15 2) Le droit aux réserves : Le droit applicable à la société anonyme, rend obligatoire la constitution de réserves, on distingue trois catégories de réserves : légale, statutaire et libre44. Dans la mesure où les réserves constituent, des résultats non distribués, ils demeurent la propriété des associés par conséquent les associés ont des droits sur ces réserves. Les réserves pourront être distribués en cours de vie sociale, s’agissant des réserves libres et à la dissolution de la société, concernant les réserves statutaire et légale. 3) Le droit au boni de liquidation : A la dissolution de la société, après la réalisation des actifs, remboursement des créanciers, paiement des droits et taxes dus au titre de la dissolution et puis la reprise des apportes par les associés, s’il reste quelque chose, celui-ci doit être partagé selon les mêmes modalités que le dividende (article 1844-9 al.1 C.Civ.). C’est le boni de liquidation. Dans la conception classique du droit des sociétés, l'associé a des droits, mais n'a que peu de devoirs. Il a vocation aux bénéfices, il a le droit d'être informé et de participer aux décisions collectives qui orientent la vie sociale. Enfin, sauf cas particuliers, il a le droit de se maintenir dans la société (sous-section1) et de ne pas voir ses engagements s’accroitre. SOUS SECTION 2 DROITS PATRIMONIAUX : Les droits sociaux confèrent des droits à caractère politique et financier. Mais chaque associé dispose également de prérogatives sur les droits sociaux (parts sociales ou actions) qui font partie de leur patrimoine. A. Le droit de rester associé : Cela signifie demeurer détenteur des droits sociaux qui confèrent cette qualité. D’où la question de savoir si un associé peut être contraint à céder ses parts contre son gré. Cette question revêt une grande utilité pratique en effet, il suffit d’imaginer qu’un associé soit en parallèle salarié de la société et qu’il soit licencié pour faute lourd son seul licenciement, aussi grave qu’en soit la cause, ne permet pas de lui ôter la qualité d’associé. Toutefois, la cession forcée sera parfois reconnue par la loi dans des cas spécifiques et principalement à titre de sanction45. Un associé a le droit de rester dans la société sans risque d'être exclu ou d'être forcé de céder ses droits sociaux. À ce principe, la loi elle-même a apporté des exceptions : 1. Lorsque la dissolution d'une société est poursuivie pour justes motifs et dans tous les cas où la société est dissoute par la mort, l'absence, l'interdiction ou l'insolvabilité déclarée de l'un des associés ou par la minorité des héritiers, les autres associés peuvent continuer la 44 45 Article 329, loi 17-95. Article 1055 du DOC. 16 société entre eux en faisant prononcer par le tribunal l'exclusion de l'associé .qui donne lieu à la dissolution (DOC, art. 1060). La même exclusion peut être poursuivie à l'encontre de tout associé qui n'a pas effectué son apport (DOC, art. 996) ou qui viole l'interdiction d'exercer, sans le consentement de ses coassociés, la même activité que celle de la société pour son propre compte ou pour le compte de tiers (DOC, art. 1004). 2. L'article 274 de la loi 17-95 permet à la société anonyme de faire vendre, sans autorisation de justice, les actions non libérées. L'actionnaire qui ne possède que ces actions se trouvera exclu de la société du seul fait de la vente de ses actions. 3. Les statuts peuvent donner à la société la faculté, avant leur émission, d'exiger le rachat des actions à dividende prioritaire sans droit de vote (L. 17-95, art. 270). Les actionnaires qui ne détiennent que ces actions seront exclus ipso facto par l'effet de l'opération de rachat. 4. Les statuts d'une société anonyme simplifiée peuvent stipuler qu'un associé peut être tenu de céder ses actions et que s'il ne procède pas à cette cession, il sera suspendu de ses droits non pécuniaires (L. 17-95, art. 429, al. 3). 5. Lorsque la survie de l'entreprise en redressement judiciaire le requiert, le tribunal peut ordonner la cession des actions ou parts sociales détenues par les dirigeants de droit ou de fait (C.C., art. 600). 6. Lorsque les dirigeants sociaux sont frappés de déchéance commerciale, le tribunal peut leur enjoindre de céder leurs actions ou parts sociales dans la société soumise à une procédure de traitement des difficultés de l'entreprise ou ordonner leur cession forcée par les soins d'un mandataire de justice (C.C., art. 750, al. 3). B. Le droit de ne pas rester associé : Juridiquement, l’exclusion conduit à la perte de la qualité d’associé contre la volonté de l’exclu. C’est donc un phénomène subi et donc contre toute volonté de l’associé. Il convient d’ailleurs de distinguer l’exclusion de la notion voisine concourant au même résultat qui est le retrait. Cependant, le droit de retrait n'existe pas dans toutes les sociétés. Il semblerait que le principe de l'intangibilité du capital social fasse obstacle à l'octroi d‘un droit de retrait direct aux associés des sociétés commerciales. Ce retrait est prévu par la loi généralement dans les sociétés où l’intuitu personae est le plus fort mais à la condition que l’associé fasse valoir un juste motif. On retrouve ainsi des cas de retrait par exemple dans les sociétés civiles c’est l'article 1010 et 1011 du Code civil qui le prévoit mais sans préjudice du droit des tiers, c'està-dire que l'ex-associé reste tenu du passif existant à la date du retrait. Précisons que le retrait est l’une des voies du départ volontaire d'un associé. En effet, l’associé peut emprunter une voie indirecte qui résulte de la cession des droits sociaux ou une voie directe, qui est le retrait de la société. 17 Le droit de retrait de l’associé se distingue de l’exclusion par le fait que le premier traduit la volonté de l'associé désireux de mettre fin à sa participation sociale. Il marque en quelque sorte la disparition de l'affectio societatis chez l’associé retrayant. Conclusion : L’évolution et l’émergence du droit de l’entreprise a rendu indispensable de mettre en application les principes de bonne gouvernance d’entreprise mais aussi de les repenser. Cela n’a pas été sans effet sur le fonctionnement des sociétés. En effet l’un des axes majeurs de réflexion et d’action a été de redonner sa place à l’associé, c’est la raison pour la quelle la notion d’associé –acteur central de la vie sociale- suscite beaucoup d’attention. 18 Bibliographie : Ouvrages spéciaux : Alain VIANDIER, La notion d’associé, éd., LGDJ, 1978 ; Laurent GODON, Les obligations des associés, éd. ECONOMICA, 1999. Ouvrages généraux : Mohammed ELMERNISSI, Traité Marocain de droit des sociétés, éd. 18, LexisNexis, 2019 ; Maurice Cozian, DROIT DES SOCIETES, ed. 24, LexisNexis, 2011 ; Philipe MERLE, Droit commercial. Sociétés commerciales, éd. 18 Precis-dalloz, 2015 ; Thierry Debard, Serge Guinchard, Lexique des termes juridiques, éd. 28e, Dalloz, 2020. Thèses : Clément BARRILLON, thèse doctorale, Le critère de la qualité d’associé, soutenue publiquement le 30 mars 2016 à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense, p 442 ; Déborah ESKINAZI, thèse doctorale, « LA QUALITE D'ASSOCIE », Présentée et soutenue publiquement le 1er décembre 2005, à l'université de Cergy-Pontoise ; Articles : Aurélie Brès. L’obligation de non-concurrence de plein droit de l’associé. RTDCom. Revue trimestrielle de droit commercial et de droit économique, Dalloz, 2011, pp.463510. ffhal-01931120 ; Saida GENBOUR, Article LE DEVOIR DE LOYAUTE : UN VECTEUR DE LA MORALISATION DE LA VIE DES AFFAIRES, RCDEC, Vol 1 No 1 2020, p15. Lois : Dahir formant code des obligations et des contrats ; Loi n° 17-95 relative aux sociétés anonymes ; Loi n° 5-96 sur la société en nom collectif, la société en commandite simple, la société en commandite par actions, la société a responsabilité limitée et la société en participation. Webographie : CC N° 332, le 22/06/2017, ch. Com. N° 60/3/1/2015. (Artemis.ma) CC N° 2731, le 07/05/1997, ch. Civ. N° 96/4/1/833. (Artemis.ma) CA Com. Marrakech, N°1787, le 01/11/2012 (Artemis.ma) Cass. Com 10 sept 2013. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000027949544/, consulté le 10/12/2021. Cass. 1ère civ. 6 février 1980, https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007005038/, consulté le 10/12/2021. 19