Applications cliniques du modèle transthéorique de la disposition au changement Dr Rob Nolan, Ottawa General Hospital / Université d'Ottawa «C'est en changeant que les choses trouvent le repos» (Héraclite, vers 480 avant J.C.) Comment décrire avec précision le phénomène du changement dans le comportement humain? Que faut-il observer pour distinguer le changement naissant du changement mûr, c'est-à-dire le changement voisin d'un nouveau repos ou d'une solution? Quel genre d'observations faut-il faire pour faciliter le changement thérapeutique? Sur quels critères faut-il se fonder pour évaluer l'efficacité de nos efforts visant à créer, à fortifier et à renforcer les processus de changement? La première réponse systématique à certaines de ces questions peut se trouver dans les fragments d'écrits d'Héraclite, qui mettaient en lumière un changement de paradigmes dans la science présocratique de l'époque. Plus récemment, dans le contexte de la psychologie clinique de la santé, Prochaska et ses collègues ont formulé une réponse systématique à ces questions, qui réside dans le modèle transthéorique de la disposition au changement (MTT). Issu de leur examen préliminaire des thèmes convergents dans la pratique de la psychothérapie, ce modèle reflète un paradigme visant à déterminer les vues transthéoriques et à les assimiler aux méthodes afin de faciliter le changement dans le cadre de la psychothérapie. De nombreux spécialistes de la promotion de la santé qui oeuvrent dans le domaine de la psychologie clinique de la santé sont à jauger le bienfondé du MTT. Le présent article offre un résumé succinct et non critique des principales sphères de la pratique clinique où les cliniciens peuvent mener leur propre examen du modèle. Comme guide de diagnostic, le MTT offre des jalons fondés sur des éléments de preuve, qui font ressortir les points communs à tons changements liés à différents problèmes et à différentes situations, notamment le tabagisme, l'exercice physique, les habitudes alimentaires, les pratiques sexuelles sûres, l'usage du condom, la consommation d'alcool, la consommation de cocaïne, l'examen mammographique, la délinquance juvénile, l'usage d'un filtre solaire, le recours à des méthodes de prévention cliniques par les médecins et la disposition d'entreprendre une psychothérapie. Des applications plus récentes du MTT portent sur la disposition à faire face à des problèmes de santé urgents à l'aide de la RCR (réanimation cardio-respiratoire) et sur la disposition à autogérer la douleur chronique. Dans chacun de ces domaines ainsi que dans des études étayées de rapports subjectifs qui décrivent des changements autodéterminés et des changements découlant de la thérapie, un modèle comportant plusieurs étapes apparaît comme le meilleur moyen d'illustrer le phénomène de la disposition au changement. Le MTT comporte les étapes que voici : étape précédant l'intention (aucun changement envisagé), intention (disposition à changer dans les six prochains mois), préparation à l'action (disposition à changer dans les 30 prochains jours et expérimentation concurrente du changement), action (changement amorcé au cours de la période de six mois) et persévérance (changement maintenu pendant six mois ou plus). La rechute, ou le fait de réadopter une mauvaise façon de gérer un problème, est considérée comme le résultat normatif des premiers efforts déployés pour changer un comportement. Il s'agit donc d'un modèle dynamique, où chacun des nouveaux cycles correspondent aux différentes étapes offre de nouvelles expériences permettant d'apprendre à surmonter définitivement les obstacles. Les interventions axés sur le MTT ont été conçues à l'aide de jalons empiriques qui se dégagent des observations susmentionnées. Les interventions axées sur le MTT ont été conçues à l'aide de jalons empiriques qui se dégagent des observations susmentionnées. Ces interventions thérapeutiques se distinguent des autres formes d'intervention dans la mesure où elles associent les objectifs thérapeutiques à l'étape de changement où se trouve le client. Leur fondement tient au fait que l'étape de changement reflète des relations systématiques entre trois facteurs qui contribuent de façon non négligeable à l'évolution du client dans la voie du changement (envisager, planifier, amorcer et maintenir un changement). La disposition d'esprit du client à l'égard du changement est un important prédicateur de changement dans les premiers stades de la disposition. Elle se définit sur le plan opérationnel comme un équilibre décisionnel, par lequel le client pèse les avantages et les inconvénients liés à l'amorce du changement. Les processus de changement qui sont mis en évidence et qui sont surveillés durant les étapes précédant l'action sont de nature cognitive et affective. Ils témoignent de l'exploration et de la réévalution que fait le client de ses priorités et valeurs personnelles. En réalité, les clients qui en sont à l'étape précédant l'intention et à l'étape de l'intention sont invités à dresser un résumé de leurs problèmes afin de prendre plus clairement conscience des schèmes pertinents. Les modes de comportement sont mis en évidence au cours des dernières étapes de changement, lorsque les clients ont les ressources voulues pour conserver les gains thérapeutiques dans des situations pouvant entraîner une rechute. En général, l'autoefficacité croit uniformément au fil des étapes. Au cours des étapes précédant l'action, l'auto-efficacité est d'abord soutenue par le thérapeute, qui renforce le choix et l'engagement du client à l'égard du changement. Quand le client passe à l'action, une rétroaction concernant les résultats permet de soutenir l'efficacité. Le MTT constitue pour les cliniciens une méthode et un guide heuristique grâce auxquels ils peuvent déterminer l'efficacité du traitement en évaluant les changements thérapeutiques dans l'équilibre décisionnel, les processus de changement et l'efficacité perçue. Ces renseignements sont souvent utilisés à des fins de motivation et d'efficacité tant pour le client que pour le clinicien. Le modèle s'est révélé fort utile en thérapie, car il reflète les avantages découlant du traitement avant que les améliorations manifestes sur le plan du comportement ne soient démontrées à l'évidence. Thomas Kuhn pense que les découvertes scientifiques suivent la même voie. On observe une anomalie. On tente ensuite de rendre cette anomalie prévisible, puis on finit par comprendre ou par utiliser sous un nouvel angle un phénomène connu. Le jury n'a pas encore déterminé si le MTT sera accepté comme nouveau paradigme des relations entre le désir de changement exprimé, le changement manifeste et la rechute, ou le fait de reprendre des comportements nuisibles. À ce propos, Héraclite est connu pour une autre réflexion judicieuse : Il vaut mieux cacher son ignorance, mais il est difficile de le faire quand on se détend sous l'effet du vin. Il est cependant risqué d'examiner le MTT avec une sobriété stérile ou de l'utiliser avec un enthousiasme délirant. Jusqu'ici, on peut raisonnablement le considérer comme un bon modèle fondé sur une méthode empirique. Le jugement définitif qui sera porté à l'endroit du MTT reposera à toutes fins utiles sur les expériences informelles menées dans notre pratique clinique et sur la mesure dans laquelle nous estimons que ce qui est bon rehausse notre confiance en notre capacité de trouver ce qu'il y a de meilleur dans la psychologie clinique de la santé, à la fois art et science.