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Médecine tibétaine
Guérir en pleine conscience
Dans le système de guérison tibétain, la composante psychique joue
depuis toujours un rôle central. Les conseils comportementaux et
alimentaires sont les premières mesures à prendre pour harmoniser les
Trois Humeurs. Jürg Lendenmann
La médecine tibétaine traditionnelle
(MTT) a des racines qui plongent dans
la tradition chamanique bön. Au cours
de son développement, la MTT a repris
certains éléments issus de la médecine
traditionnelle chinoise (système des
méridiens, diagnostic par les pouls) et
indienne (base intellectuelle du boud-
dhisme, enseignement des fluides cor-
porels et de la diététique ayurvédienne)
et les a fondus en un système auto-
nome de médecine traditionnelle tibé-
taine tel que nous le connaissons au-
jourd’hui. L’ouvrage de référence le plus
célèbre de la MTT est le Gyüshi (Quatre
Tantras), qui date de la période com-
prise entre le 8e et le 12e siècle.
Les Trois Humeurs
«Pour la MTT, la maladie trouve son ori-
gine dans le plan mental; elle est l’ex-
pression visible d’une sourance psy-
chologique ou physique», explique la
doctoresse spécialisée en médecine ti-
bétaine Dönckie Emchi. Les causes pro-
fondes de ces symptômes sont les trois
poisons du mental que sont l’attache-
ment (addiction, envie), la haine (co-
lère, agressivité) et l’ignorance (illusion,
bêtise) conduisant à un déséquilibre
des trois humeurs (fluides corporels ou
énergies de vie) lhung (vent), tripa
(bile), et bedken (mucus). Chaque per-
sonne est en relation harmonieuse ou
non avec ses trois humeurs. Le médecin
spécialisé en MTT essaie toujours de
comprendre et de corriger le déséqui-
libre, avant l’apparition des symptômes.
Traiter les causes,
pas les symptômes
Le diagnostic repose principalement sur
les antécédents médicaux (anamnèse),
la typologie, la prise des pouls ainsi que
l’examen de la langue et des urines. «En
termes de thérapie, nous distinguons
quatre grands axes: nutrition, comporte-
ment (intellectuel, social, physique), mé-
dicaments et applications extérieures
(massage, moxa, saignée, ventouses,
thérapie de l’aiguille d’or et diverses com-
presses chaudes et froides)», explique le
médecin. «Au cours du traitement, nous
progressons toujours du plus subtil
(conseils diététiques) au plus grossier
(saignée) de manière individualisée, en
tenant compte de la constitution du
patient et de la saison. Contrairement
à la médecine conventionnelle, nous
n’essayons pas de faire disparaître les
symptômes, mais nous tentons de com-
prendre comment la maladie est apparue,
puis de traiter les causes.»
Se consacrer au patient,
pas à son argent
Pour la doctoresse, la MTT est très exi-
geante: «Le Gyüshi décrit en détail les
critères que doit remplir un bon méde-
cin. Celui-ci doit d’abord ressentir de la
compassion. C’est la volonté d’aider et
La Dresse méd. tibét. Dönckie Emchi,
née en 1960 à Tingri (Tibet), est arrivée
en Suisse à l’âge de 9 ans. Elle exerce
en tant que libérale depuis 1997.
www.tibetmedizin.org
Photo: Jürg Lendenmann