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La révolution psychologique
« La maturité physique est devancée. Mais la maturité sociale, elle, arrive beaucoup plus tard.
Avec les études qui se prolongent, les adolescents restent dépendants de leurs parents
beaucoup plus longtemps », souligne Ellen Moss, professeur de psychologie à l’Université du
Québec à Montréal. Voilà, selon la chercheuse, pourquoi on entend tellement parler de nos
ados aujourd’hui. « Avant, l’adolescence, ça n’existait pas. À 15 ou 16 ans, on était un adulte »,
dit-elle.
L’ado se retrouve ainsi plongé dans un no man’s land prolongé
entre l’enfance et l’âge adulte, au sein duquel il devra construire
son identité psychologique. Là encore, c’est la révolution.
L’ado doit d’abord redéfinir qui il est. « Il va expérimenter des
choses, se tester lui-même. C’est extrêmement important pour
le développement », explique Mme Moss. Ceux qui se fixent trop
tôt risquent de passer à côté de leur adolescence… et le
regretter. « Les expériences vont se faire à 50 ans. Et là, les
conséquences sont plus graves, car on a des responsabilités »,
dit Mme Moss. À l’opposé, soit parce qu’ils sont perdus dans les remous du changement, soit
parce qu’ils y prennent gout, certains ados repoussent les engagements de la vie adulte de plus
en plus tard.
Les parents, ces héros de l’enfance, en prennent aussi pour leur
rhume. « L’ado va déconstruire l’image idéalisée qu’il avait de ses
parents. Il y a un renversement. Alors qu’avant, il ne voyait que du
positif, il se met à ne voir que le négatif », explique Mme Moss.
Une étape nécessaire, selon la psychologue, et qui aboutira
éventuellement à une image équilibrée. Pendant ce temps, l’ado
délaisse papa et maman pour se retrouver entre amis. « Ça fait
partie de la transition vers l’indépendance », dit Mme Moss.
L’ado devra aussi apprendre à gérer sa sexualité, accepter qui il est, songer à un choix de
carrière réaliste. « Il y a beaucoup de mythes à propos de l’adolescence. Mais pour la plupart
des adolescents, c’est une période qui se déroule bien », dit Mme Moss. Une révolution…
tranquille.
Philippe MERCURE, « L’âge de toutes les révolutions », La Presse, cahier « Actuel », 11 mars
2006, p.2.
L’expression no man’s land est une
expression anglaise qu’on a gardée telle
quelle, en français, durant la Première
Guerre mondiale. Elle désignait l’espace
qui était située entre les deux lignes
ennemies et qui n’était contrôlé par
personne. Aujourd’hui, l’expression
renvoie à une zone abandonnée ou à une
zone tampon.