Stage de recherche Master Nanosciences parcours Nanophysique Etude par spectroscopie Raman de monocouches de graphène intégrées dans des transistors à effet de champ Guillaume FROEHLICHER Ecole Normale Supérieure de Cachan Sous la direction de Stéphane BERCIAUD Département Magnétisme des Objets NanoStructurés Institut de Physique et Chimie des Matériaux de Strasbourg Mars - Juillet 2013 Remerciements Je remercie vivement Stéphane Berciaud de m’avoir accueilli à l’Institut de Physique et Chimie des Matériaux de Strasbourg pour ce stage. La liberté et la confiance qu’il m’a accordées dans mon travail l’ont rendu très formateur. Un très grand merci à ses deux doctorants François Federspiel et Dominik Metten. Je les remercie vivement de m’avoir épaulé tout au long de ce stage. Ils m’ont tout appris sur l’expérience de micro-spectroscopie Raman du graphène (ou presque) ! La bonne humeur et surtout l’ambiance de travail dynamique du groupe (merci à Sergey Stepanov !) m’ont sans nul doute permis de mener à bien ce projet. Je tiens également à remercier les différentes personnes qui m’ont aidé tout au long de ce stage. En particulier, le personnel de la salle blanche Sabine Siegwald, Romain Bernard et Hicham Majjad. Mais aussi Michelangelo Romeo et Fabien Chevrier pour leur contribution indispensable au montage expérimental. Je n’oublie pas non plus Ather Mahmood qui m’a initié à l’alignement des masques de lithographie optique avec les échantillons de graphène, Silvia Zanettini qui m’a aidé à fabriquer les grilles électrochimiques et (Dr. !) Guillaume Weick qui m’a épaulé pour la théorie. Enfin, mes derniers remerciements vont à tous les doctorants, post-doctorants et stagiaires du groupe (Christian, Céline, Dimitra, Florian, Manu, Rémi, Vina, etc.) qui ont rythmé mes journées mais surtout la pause déjeuner avec des parties de cartes endiablées ! Je me fais déjà une joie de les retrouver pour la thèse. Présentation de l’Institut de Physique et Chimie des Matériaux de Strasbourg L’Institut de Physique et Chimie des Matériaux de Strasbourg (IPCMS) est un laboratoire de recherche pluridisciplinaire (UMR 7504) associé au CNRS et à l’Université de Strasbourg, regroupant des chimistes et des physiciens. Il a été crée en 1987 et est implanté depuis 1994 au Nord-Ouest de Strasbourg sur le campus Cronenbourg du CNRS. Il est actuellement dirigé par Stefan Haacke. Les nanomatériaux et nanosciences constituent le cœur de l’activité. Les domaines d’expertises des chercheurs vont de la conception de matériaux avancés à l’étude de molécules d’intérêt biologique. Pour se faire, l’institut est doté de moyens de production et de caractérisation d’objets nanométriques. Il possède notamment une plateforme de nanofabrication (STnano) comprenant une salle blanche disposant de tout l’équipement nécessaire pour l’ensemble des procédés de base pour la nanostructuration. En outre les développements s’appuient également sur des compétences en modélisation et simulations numériques. A l’heure actuelle, l’IPCMS accueille environ 140 permanents et 90 non permanents. Il est organisé en cinq départements : • le Département d’Optique ultrarapide et de Nanophotonique (DON) qui a une activité importante en spectroscopie laser résolue en temps. Un intérêt particulier est porté à l’étude des processus de relaxation électronique et de spin à l’échelle femtoseconde dans des nanostructures métalliques et semi-conductrices, ainsi que dans des états excités de polymères et de biomolécules. • le Département Magnétisme des Objets NanoStructurés (DMONS), son domaine de compétence est l’élaboration et l’étude de nanostructures électriques et magnétiques. Les études portent sur des matériaux métalliques, semi-conducteurs, ainsi que sur des structures hybrides. • le Département Structures et Interfaces (DSI) qui s’intéresse aux couches ultraminces et aux corrélations entre les structures et les propriétés de nano-objets en surface tels que la nucléation de surface, la croissance de nanotubes de carbone ou encore de l’auto-organisation d’agrégats métalliques. • le Département de Chimie des Matériaux Inorganiques (DCMI), son activité est centrée sur la synthèse et l’étude de solides inorganiques nanostructurés (nanoparticules, multicouches, matériaux à porosité contrôlée) et de matériaux hybrides organiqueinorganique. • le Département des Matériaux Organiques (DMO) qui concentre ses recherches sur la conception, la synthèse et la mise en forme de matériaux moléculaires et supramoléculaires dotés de propriétés remarquables pour des domaines aussi variés que la thérapie contre le cancer, la nanoélectronique, l’énergie ou encore la catalyse. J’ai effectué ce stage au sein du groupe « nano-opto-électronique moléculaire » du DMONS. Ce groupe, dirigé par Bernard Doudin, développe depuis mi-2011 une thématique nouvelle à l’IPCMS sur les propriétés optiques et électroniques du graphène et plus généralement des nanostructures carbonées et des matériaux lamellaires. L’équipe optique de ce groupe, qui m’a accueilli pour ce stage, est animée par Stéphane Berciaud et se compose de deux doctorants : François Ferderspiel et Dominik Metten. François étudie les propriétés optiques de nanocristaux semi-conducteurs uniques en interaction avec du graphène. Dominik quant à lui s’intéresse essentiellement aux propriétés opto-électronique du graphène au voisinage du point de Dirac. Table des matières Introduction 1 1 Le graphène : propriétés de base 5 1.1 1.2 1.3 Propriétés de base du graphène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 1.1.1 Propriétés cristallographiques : réseau réel et réciproque . . . . . . . . . . . 5 1.1.2 Structure de bande . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 1.1.3 Propriétés optiques : absorption et émission . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 Propriétés vibrationnelles & Spectroscopie Raman . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 1.2.1 Modes de vibration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 1.2.2 Effet Raman : généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 1.2.3 Spectre Raman du graphène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 1.2.4 Les processus Raman dans le graphène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 1.2.5 Dynamique couplée des électrons et des phonons . . . . . . . . . . . . . . . 19 Contrôle des propriétés physiques par effet de champ . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 1.3.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 1.3.2 Transistor à grille par le bas (FET BG) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 1.3.3 Transistor à grille électrochimique par le haut (FET TG) . . . . . . . . . . 22 2 Fabrication et montage expérimental 2.1 2.2 Fabrication et caractérisation d’échantillons de graphène . . . . . . . . . . . . . . . 23 2.1.1 Exfoliation mécanique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 2.1.2 Repérage du graphène au microscope optique . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 2.1.3 Caractérisation du graphène par spectroscopie Raman . . . . . . . . . . . . 25 Fabrication des transistors à effet de champ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 2.2.1 Lithographie optique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 2.2.2 Technique du pochoir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 2.2.3 Contacts et mesures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 2.2.4 Grille électrochimique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 3 Résultats et discussion 3.1 23 33 Transistor à grille par le bas (FET BG) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 3.1.1 Mesures électriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 3.1.2 Mesures optiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 3.2 Transistor à grille électrochimique par le haut (FET TG) . . . . . . . . . . . . . . 42 3.2.1 Evolution des pics G et 2D . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43 3.2.2 Détermination du dopage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44 3.2.3 Corrélations entre les grandeurs mesurées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45 3.2.4 Reproductibilité des mesures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46 Conclusion 47 Appendices 49 A Calcul des courbes théoriques 49 B Inhomogénéité de charge 51 C Echantillon S16 p1 53 Bibliographie 55 Introduction Prenez un crayon à papier et écrivez quelque chose sur une feuille. Vous l’ignorez peut-être, mais vous venez probablement de fabriquer l’un des matériaux les plus en vue de la recherche actuelle 1 : le graphène. Le graphène provient du graphite 2 , le constituant des mines de crayons qui, avec le diamant, est l’une des deux formes cristallines courantes du carbone. Ces deux allotropes du carbone, élément clé du vivant et de la matière organique, sont connues depuis longtemps. Le diamant est un cristal de carbone où chaque atome est lié par des liaisons covalentes à ses quatre voisins les plus proches formant ainsi un tétraèdre (hybridation sp3 du carbone). Le graphite est très différent. Il présente une structure en couches ou plans liés par des interactions de Van der Waals. Chaque plan est constitué d’un réseau d’hexagones de carbone (similaire à une molécule de benzène) : chaque atome de carbone est lié de manière covalente à trois voisins dans le plan (hybridation sp2 du carbone). Le graphène est le nom d’un de ces feuillets. L’utilisation du crayon à mine est relativement récente. Ce n’est en effet qu’au cours du xvie siècle que les Anglais découvrent le graphite et commencent à l’utiliser pour remplacer la plume et l’encre [1]. Après être resté près des carnets de notes pendant de longues années, le graphite est devenu un important objet de recherche après la Seconde Guerre Mondiale en raison de son utilité pour la technologie nucléaire. Au cours des dernières décennies, il a connu un regain d’intérêt avec la découverte de nouvelles formes de carbone dont le graphène est la brique élémentaire (voir figure 1). La première d’entres elles, les fullerènes, a été découvert en 1985 [3] par H. Kroto, R. Curl et R. Smalley, ce qui leur valut le prix Nobel de chimie en 1996. Ces molécules, dont le célèbre « ballon de football » buckyball (C60 ), peuvent être vues comme des feuilles de graphène roulées en boule. De telles structures ne sont étendues dans aucune direction, leur dimensionalité est nulle (0-D). Six ans plus tard, S. Iijima identifiait les nanotubes de carbones 3 [4], des feuilles de graphène enroulées en tubes quasi-unidimensionnels (1-D). Dans cette famille du carbone hexagonal, il manquait toujours un membre éminent : le plan de graphène isolé (2-D). Longtemps, les physiciens ont cru qu’un cristal bidimensionnel ne pouvait exister car thermodynamiquement instable (voir par exemple [5]). Ainsi pendant une soixantaine 1. Comme en témoigne le choix, en autre, du graphène par la Commission européenne, pour être doté d’un milliard d’euros sur les dix prochaines années : www.graphene-flagship.eu 2. Nom dérivée du mot grec signifiant dessiner/écrire. 3. Notons qu’au cours des années 1950, ces édifices moléculaires avaient déjà été observés par des équipes soviétiques mais que dans un contexte de guerre froide leurs résultats n’avaient pas été diffusés. 1 Introduction Figure 1 – Le graphène est la brique élémentaire des matériaux graphitiques à 0-D (fullerènes), 1-D (nanotubes), et 3-D (graphite). Cette figure est tirée de la référence [2] d’années, le graphène est resté un objet théorique surtout utilisé pour décrire les propriétés de divers matériaux graphitiques (fullerènes, nanotubes, graphite) [6]. Cependant, certains chercheurs ont quand même essayé d’isoler du graphène, tout d’abord en tentant de l’extraire du graphite. La méthode la plus utilisée était l’exfoliation chimique [7] qui consiste à intercaler diverses molécules entres les feuillets de graphène. Des plans de graphène se détachaient sans doute au cours du processus, mais on ne les a jamais repérés. Une autre méthode consistait à fragmenter des cristaux de graphite en tranches de plus en plus minces en les grattant ou en les frottant contre une autre surface. Simple, la technique, nommée clivage micromécanique ou exfoliation mécanique, fonctionnait étonnamment bien : il était possible d’obtenir des films de graphite constitués de moins de 100 plans atomiques [1]. Par la suite, cette méthode fut améliorée par l’utilisation d’une pointe d’un microscope à force atomique (abrégé par AFM pour l’anglais Atomic Force Microscope) comme d’un « nanocrayon ». Son utilisation conduisait au dépôt de tranches de graphite de quelques dizaines de couches atomiques d’épaisseur [8]. Parallèlement à ces méthodes d’exfoliation, des techniques n’utilisant pas de graphite mais d’autres éléments carbonés, tels que les hydrocarbures, se sont développées. Elles consistaient principalement à faire croître des couches de graphène (voire une seule) par décomposition thermique de carbure de silicium (SiC) [9] ou par dépôt chimique en phase vapeur (abrégé par CVD pour l’anglais Chemical Vapor Deposition) d’hydrocarbure sur des substrats métalliques [10]. Malgré ces tentatives, personne n’avait réussi à identifier et isoler du graphène. Ce n’est qu’en 2004, qu’A. Geim et K. Novoselov (prix Nobel de physique en 2010) y parvinrent avec une méthode d’exfoliation mécanique des plus surprenantes [11]. Ils ont simplement utilisé un ruban adhésif pour peler les feuilles de graphène du cristal de graphite et les ont ensuite déposées sur un substrat. Un examen attentif de la surface leur a révélé que parmi tous les petits morceaux de graphite éparpillés sur le substrat, certains étaient du graphène. Le plus inattendu fut que ces cristaux étaient d’excellente qualité et stables même 2 Introduction à température ambiante. Dès lors le domaine de recherche a explosé, la référence [11] a été citée plus de 14000 fois ! Pourquoi un engouement si important ? À cela deux raisons. La première est que le comportement des porteurs de charge dans le graphène est particulier [12]. En effet, à basse énergie, ils se comportent comme des particules relativistes sans masse décrites par une équation de Dirac. Il est donc possible d’étudier des phénomènes d’électrodynamique quantique en mesurant les propriétés électroniques du graphène. La deuxième raison est que le graphène possède des propriétés remarquables. Bien que d’épaisseur atomique, le graphène est un matériau extrêmement solide et rigide, à cause des fortes liaisons −2 covalentes entre les atomes de carbones dans le plan [13] (constante de raideur ∼50 eV·Å ). Son module d’Young (∼1 TPa) est l’un des plus élevé connu à l’heure actuelle [13]. De plus, sa conductivité thermique est comparable à celle du diamant (∼50 W·cm−1 ·K−1 ), ce qui en fait un excellent conducteur thermique [13]. Mais c’est également un excellent conducteur électrique : la mobilité des électrons dépasse 100 000 cm2 ·V−1 ·s−1 même à température ambiante [2]. Enfin, sur le spectre visible un feuillet de graphène absorbe ∼ 2 % de la lumière [14]. Toutes ces propriétés en font un candidat de choix pour de nombreuses applications [2, 13, 14] : électronique à base de graphène, détecteurs chimiques ultrasensibles, matériaux composites très résistants, électrode transparente pour le photovoltaïque, détecteurs quantiques, etc. À cela s’ajoute le fait qu’il est possible de structurer et de fonctionnaliser ce système à dessein, ainsi que de contrôler ses propriétés de base. Parmi les nombreux champs d’applications du graphène, l’opto-électronique est particulièrement intéressante [14]. En effet, les dispositifs opto-électroniques se composent souvent d’un système hybride associant une électrode transparente et un milieu actif. Or comme mentionné précédemment, le graphène constitue une très bonne électrode transparente, ce qui en fait un matériau très prometteur pour la réalisation de tels systèmes. A ce titre, l’équipe animé par Stéphane Berciaud à l’IPCMS développe un projet consacré aux systèmes hybrides, à base de graphène et de nanocristaux semi-conducteurs colloïdaux (abrégé par CQD pour l’anglais Colloidal Quantum Dots), dans le cadre du projet ANR Jeune Chercheur « QuanDoGra » (ANR-12-JS10-001-01). Les CQD présentent l’avantage, par rapport à d’autres milieux actifs, d’être stables à température ambiante, d’absorber sur une large gamme spectrale et d’avoir des propriétés optiques accordables en fonction de leur taille [15]. Ce projet se compose de trois volets : • l’étude détaillée du transfert d’énergie résonant entre un CQD unique et un feuillet de graphène, mis en évidence dans l’article [16]. • l’étude du transfert de charge entre un CQD unique et un feuillet de graphène. • le contrôle électrique de ces interactions grâce à des dispositifs hybrides graphène/CQD. Les deux premiers points visent à élucider les conséquences, sur l’émission du CQD, du transfert d’énergie et de charge au sein du système hybride CQD/graphène. Le dernier point, quant à lui, consiste à contrôler électriquement le taux de transfert d’énergie et à étudier la réponse photoinduite d’un dispositif hybride prototype. Cet aspect est particulièrement important en vue d’applications, notamment photovoltaïques. Parvenir à contrôler électriquement l’émission d’un CQD unique est un véritable défi. Les dispositifs hybrides à réaliser doivent notamment respecter 3 Introduction deux contraintes : être optiquement transparents afin de réaliser des mesures optiques et optoélectroniques sans signal de fond parasite, et être capables de déplacer très efficacement le niveau de Fermi du graphène. Pour satisfaire ces contraintes, il faut concevoir des transistors à effet de champ (abrégé par FET pour l’anglais Field Effect Transistor) hybrides graphène/CQD munis d’un grille électrochimique « par le haut » sur un substrat transparent comme le quartz. De tels dispositifs n’ont encore jamais été réalisés à notre connaissance. C’est l’originalité de l’approche proposée dans ce projet. La première étape pour atteindre cet objectif est de fabriquer de tels transistor sans CQD afin de calibrer l’efficacité des grilles électrochimiques par des mesures électriques combinées à des mesures de micro-spectroscopie Raman [17]. C’est sur ce point que j’ai travaillé durant le stage. Pour ce faire, j’ai commencé par fabriquer, par exfoliation mécanique, du graphène sur des substrats de Si/SiO2 . Puis, j’ai repéré et caractérisé par spectroscopie Raman ces échantillons. J’ai alors pu fabriquer en salle blanche des FET à base de graphène, que j’ai ensuite caractérisés afin d’en calibrer le déplacement du niveau de Fermi. Les résultats que j’ai obtenus sont présentés dans ce rapport. Le chapitre 1 introduit brièvement la structure du graphène et ses propriétés de base. Puis, le chapitre 2 décrit les méthodes de fabrication et le montage expérimental. Enfin, le chapitre 3 résume les résultats obtenus et les discute. 4 Chapitre 1 Le graphène : propriétés de base Ce premier chapitre est consacré à la présentation du graphène. Nous commencerons par étudier sa structure cristalline, ce qui nous permettra d’en déduire ses principales propriétés électroniques, optiques et vibrationnelles. Nous pourrons alors décrire comment ces propriétés peuvent être étudiées par spectroscopie Raman. Pour finir, nous montrerons comment il est possible de contrôler les différentes propriétés du graphène par effet de champ. 1.1 1.1.1 Propriétés de base du graphène Propriétés cristallographiques : réseau réel et réciproque Le graphène est composé d’atomes de carbone arrangés en une structure bidimensionnelle hexagonale, semblable à celle d’un nid d’abeille comme le montre la figure 1.1. D’un point de vue cristallographique, un tel cristal n’est pas un réseau de Bravais car tous les atomes ne sont pas équivalents. Il y a en réalité deux types d’atomes de carbone que nous dénoterons par A ( ) et B ( ). Les atomes A ont leurs plus proches voisins à 0 ◦ , 120 les ont à 60 ◦ , 180 ◦ ◦ et 240 ◦ , alors que les atomes B et 300 ◦ . Les plus proches voisins d’un atome A sont trois atomes B et vice versa. Ces deux types d’atomes forment chacun un réseau de Bravais triangulaire 1 mais décalé. Ainsi, la structure du graphène peut être vu comme un réseau triangulaire avec un motif à deux atomes (A et B). La distance entre deux atomes de carbone voisins A et B est a = 1.42 Å, ce qui correspond à la moyenne entre la longueur de la liaison carbone-carbone simple (1.47 Å) et double (1.35 Å), √ comme dans le cas du benzène. Les vecteurs de base de la maille élémentaire sont a1 = a2 (3, 3) √ et a2 = a2 (3, − 3). Les trois vecteurs qui connectent un atome B à ses plus proches voisins A √ √ sont δ1 = a2 (1, 3), δ2 = a2 (1, − 3) et δ3 = −a(1, 0). Le réseau réciproque, défini par rapport au √ √ 2π réseau triangulaire, a pour vecteurs de base b1 = 2π 3a (1, 3) et b2 = 3a (1, − 3). La première zone de Brillouin (PZB) présente en particulier deux points K et K’ non équivalents (voir figure 1.1), ils ne peuvent pas être reliés entre eux par un vecteur du réseau réciproque. Nous verrons plus loin que ces deux points, appelés « points de Dirac », jouent un rôle très important dans la physique du graphène. Leur position est donnée par les vecteurs K = 1. Parfois aussi appelé réseau hexagonale. 5 2π 2π √ 3a , 3a 3 et K 0 = 2π 2π √ 3a , − 3a 3 . Chapitre 1. Le graphène : propriétés de base (a) (b) a A ky B b1 t δ3 a1 δ1 t δ2 t K Γ M K’ a2 y kx b2 x Figure 1.1 – (a) Structure en nid d’abeille du graphène. Elle se décompose en un réseau de Bravais triangulaire de vecteurs de base a1 et a2 et un motif à deux atomes de carbone inéquivalents A et B distant de a. δ1 , δ2 et δ3 sont les vecteurs qui connectent un atome B à ses trois plus proches voisins A. Les électrons peuvent sauter d’un atome à ses trois plus proches voisins avec un coup énergétique t. (b) Première zone de Brillouin du graphène. b1 et b2 sont les deux vecteurs de base du réseau réciproque. Les points remarquables sont indiqués sur la figure. Cette figure est adaptée de la référence [12] En revanche, les quatre autres sommets peuvent être connectés à l’un de ces deux points par un vecteur du réseau réciproque. 1.1.2 Structure de bande Généralités Le carbone possède six électrons. Dans son état fondamental, sa structure électronique est 1s2 2s2 2p2 . Contrairement aux quatre électrons des orbitales 2s et 2p, les deux électrons 1s sont plus proches du noyau et n’interviennent donc pas dans les réactions ou liaisons chimiques. Dans le cas du graphène, les états quantiques 2s, 2px et 2py des atomes de carbone se superposent pour former trois orbitales hybrides sp2, séparées de 120◦ dans le plan xy. L’orbitale non hybridée 2pz est perpendiculaire à ce plan. La combinaison des orbitales sp2 (2pz ) des atomes de carbone adjacents donne naissance aux orbitales moléculaires liante σ et anti-liante σ ∗ (π et π ∗ ). Pour chaque paire d’atomes de carbone du motif, les huit électrons occupent les trois états σ et l’état π. Les orbitales σ ∗ et π ∗ sont donc vides. En généralisant au graphène tout entier, qui se compose d’un grand nombre d’atomes, ces orbitales deviennent des bandes. Les bandes π et π ∗ sont plus proches énergétiquement du niveau de Fermi que les bandes σ et σ ∗ qui sont elles bien séparées en énergie (>10 eV). Or les propriétés électroniques d’un système sont données par les états proches du niveau de Fermi, du moins lorsque les énergies mises en jeu ne sont pas trop importantes. C’est pourquoi, pour décrire les propriétés électroniques du graphène il est suffisant de considérer uniquement les électrons π. Le premier calcul de la structure des bandes π et π ∗ a été mené par P. R. Wallace en 1947 [6] dans le cadre du modèle des liaisons fortes. Son objectif était avant tout de décrire la structure de bandes du graphite. Même si ce calcul a été affiné par la suite [18], il donne néanmoins accès aux principales propriétés électroniques du graphène. Dans ce modèle, les électrons peuvent sauter d’un atome à ses trois plus proches voisins avec un coût énergétique t ≈ 3 eV (voir figure 1.1). Le 6 1.1. Propriétés de base du graphène hamiltionien des électrons peut donc s’écrire [12] H = −t X (a†i,s bj,s + h.c.), (1.1) <i,j>,s où ai,s (a†i,s ) annihile (crée) un électron avec un spin s (s =↑, ↓) sur le site Ri du sous réseau A (la même définition est utilisée pour le sous réseau B). La somme se fait sur les premiers plus proches voisins. De ce hamiltionien, on déduit la relation de dispersion pour les bandes π (−) et π ∗ (+) [12] q E± (k) = ±t 3 + f (k), avec √ √ f (k) = 2 cos( 3ky a) + 4 cos ! (1.2) 3 3 ky a cos kx a , 2 2 (1.3) où k est le vecteur d’onde d’un électron. Cette relation de dispersion est représentée figure 1.2. On remarque tout de suite que les deux bandes se touchent à énergie nulle en six points et qu’en plus elles sont symétriques par rapport à cette même énergie 2 . Comme la bande π (bande de valence) est entièrement remplie et la π ∗ (bande de conduction) complètement vide, le niveau de Fermi EF se situe à l’intersection des deux, i.e. avec le choix d’origine fait ici à énergie nulle. Le graphène est donc un semi-métal. En l’absence de dopage il n’y a pas d’électrons de conduction. En outre, on constate que les six points où se croisent les deux bandes correspondent aux sommets de la PZB (voir figure 1.1). Il n’est pas nécessaire de considérer ces six points, deux suffisent puisque seuls les points K et K’ sont inéquivalents. Ainsi, l’état d’énergie nulle est dégénéré deux fois en plus de la dégénérescence de spin, on parle de dégénérescence de vallée 3 . E/t π* E/t k ya k ya k xa k xa π Figure 1.2 – Relation de dispersion du graphène. Un zoom montre plus en détail cette relation au environ d’un point de Dirac. Au voisinage des points de Dirac Relation de dispersion Pour décrire les états électroniques de faible énergie (i.e. d’énergie très petite devant t), il faut considérer les vecteurs d’onde k proches des points de Dirac K et K’ : k = K (ou K 0 ) + q, avec |q| |K| (ou |K 0 |) ∼ 1/a, soit plus simplement |q| a 1. Dans ces 2. Cela n’est plus vrai lorsqu’on considère les deuxièmes plus proches voisins. 3. Signalons que cela n’a rien à voir avec le fait qu’il y a deux sous-réseau A et B. Par contre cela a à voir avec le fait que les atomes A et B soient de même nature. 7 Chapitre 1. Le graphène : propriétés de base conditions, la relation de dispersion (1.2) s’écrit à l’ordre 1 en |q| a, indépendamment de la vallée considérée, E± (q) = ±~vF |q| , avec vF = 3ta ≈ 1 × 106 m·s−1 . 2~ (1.4) La dégénérescence de vallée est donc conservée pour les états faiblement excités. Une représentation graphique de cette relation de dispersion proche des points de Dirac est visible sur la figure 1.2. C’est le « fameux cône de Dirac » ! Densité d’états La description des différents phénomènes dans le graphène nécessite bien souvent de connaître la densité d’états par unité de surface g(E). Pour calculer g(E) autour des points de Dirac, il faut considérer un gaz d’électron bidimensionnel vérifiant la relation de dispersion (1.4) et tenir compte de la dégénérescence de spin (×2) et de vallée (×2). On obtient alors g(E) = 2E . π(~vF )2 (1.5) Ainsi, la densité d’états est proportionnelle à l’énergie E et est nulle au point de Dirac. La situation est différente de ce qui se passe pour un gaz bidimensionnel d’électrons dans un métal ou un semiconducteur où la densité d’état est constante. Cette différence s’explique par la linéarité de la relation de dispersion (1.4). Fermions de Dirac Qu’est ce qui rend le cône de Dirac si fameux ? La relation de dispersion des électrons n’est pas quadratique, comme c’est le cas habituellement pour les électrons dans les solides, mais linéaire E ∝ p où p est la norme de l’impulsion de l’électron mesurée à partir de K ou K’. A ce titre, elle ressemble à la relation de dispersion des photons, i.e. à des particules relativistes sans masse. En effet, l’expression (1.4) s’écrit sous une forme relativiste E(p) = ± p2 c∗2 + m∗2 c∗4 = ±c∗ p avec p une masse effective m∗ nulle et une « vitesse effective de la lumière » c∗ égale à la vitesse de Fermi vF . Notons que les électrons dans le graphène ne sont pas vraiment relativistes au sens où leur vitesse est 300 fois plus petite que celle de la lumière. On montre que la description effective des électrons au voisinage du niveau de Fermi, ne se base pas sur une équation de Schrödinger mais sur un équation de Dirac pour des particules sans masse et se déplaçant dans un espace bidimensionnel. Le hamiltonien de Dirac s’écrit [12] H = ±~vF S.q, (1.6) où S = (Sx , Sy ) sont les matrices de Pauli et le signe ± correspond respectivement à la vallée K et K’ 4 . Ce problème est similaire à celui d’une particule de spin demi-entier dans un champ magnétique. Le rôle de champ magnétique est joué par q et un pseudo-spin est associé à chaque électron. Le résultat de ce problème est bien connu : par exemple dans la vallée K (c’est l’inverse dans la vallée K’), si le pseudo-spin est parallèle à q (bande π) alors l’énergie propre est ~vF |q|, et s’il est antiparallèle (bande π ∗ ) l’énergie est −~vF |q|. On dit que les électrons ont une chiralité 4. Signalons que cette différence de signe montre bien l’inéquivalence des points K et K’. 8 1.1. Propriétés de base du graphène ou hélicité bien définie. Pour ces différentes raisons, les électrons dans le graphène sont appelés « fermions de Dirac sans masse » (massless Dirac fermions en anglais) [19] et les points K et K’ sont appelés « points de Dirac ». Toutes ces particularités font qu’il est possible d’observer des phénomènes tels que l’effet Hall quantique demi-entier, l’abscence de rétrodiffusion ou encore l’effet tunnel de Klein [12]. E π* 0 K' (−) 0 K (+) ky kx π Figure 1.3 – Pseudo-spin et relation de dispersion autour des points K et K’. Les flèches rouges indiquent la direction du vecteur d’onde, alors que les flèches vertes indiquent la direction du pseudo-spin. π (π ∗ ) est la bande de valence (conduction). Les parties grisées représentent les états occupés. Pour terminer cette partie, il est intéressant de voir quelles sont les conséquences de la symétrie entre bande de valence π ∗ et de conduction π sur les propriétés électroniques. Comme nous venons de le voir, le graphène n’est naturellement pas dopé. En revanche, il est tout à fait possible de le doper en y injectant n porteurs de charges libres (électrons ou trous) par unité de surface 5 . Le niveau de Fermi EF n’est alors plus égal à 0. Or du fait de la symétrie (même relation de dispersion, même densité d’états, etc.), les propriétés électroniques du graphène sont a priori identiques quel que soit le signe des porteurs de charges libres injectés. 1.1.3 Propriétés optiques : absorption et émission Absorption Lorsque qu’une onde lumineuse transverse un matériau une fraction de l’énergie totale est absorbée A, réfléchie R et transmise T . La conservation de l’énergie impose que A + R + T = 1. Dans le cas du graphène, R < 0.1 % [14] et peut donc être négligée devant A et T . L’expression de T est fournie par la loi de Beer-Lambert : T = exp(−κ) où κ est le coefficient d’absorption multiplié par l’épaisseur d’une couche de graphène. κ est relié à la partie imaginaire de l’indice optique n et à la pulsation ω de l’onde lumineuse par la relation κ = 2ω Im(n)/c. De cette manière, pour avoir un expression de T (et donc de A) il suffit de déterminer Im(n). Dans le graphène, l’absorption de lumière provient de deux contributions : les transitions interbande et intrabande 6 [20] (voir figure 1.4). L’importance relative de ces deux contributions dépend surtout de l’intervalle spectral étudié. Dans l’infrarouge (IR) lointain (énergie du photon . 50 meV), l’absorption intrabande (ou en d’autres termes la réponse des porteurs de charge libres) 5. n est compté positivement lorsqu’on injecte des électrons et négativement pour des trous. 6. Remarquons que cette contribution n’est possible que lorsque le graphène est dopé. 9 Chapitre 1. Le graphène : propriétés de base domine. Elle est relativement bien décrite par un modèle de Drude, donnant une conductivité complexe σD . De l’ultra-violet (UV) au moyen IR (énergie du photon typiquement comprise entre 50 meV et 4 eV), l’absorption interbande domine. Dans ce processus un photon est absorbé et crée un paire électron-trou. Pour tenir compte de cette création de porteurs de charge, il est possible de définir une densité de courant interbande et donc une conductivité complexe associée σi [21]. L’expression de cette conductivité est obtenue à partir de la règle d’or de Fermi. En ne tenant compte que de ces deux contributions, la constante diélectrique complexe ε du graphène peut s’écrire sous la forme ε(ω) = 1 + i [σd (ω) + σi (ω)] = n(ω)2 , ωε0 (1.7) où ε0 est la permittivité diélectrique du vide. Dans la suite, on omet la dépendance en ω pour alléger les notations. Un calcul trivial aboutit à : σ 00 1 Im(n) = √ − 1 − ε0 ω 2 s + 1− σ 00 ε0 ω 2 + σ0 ε0 ω 2 1/2 , (1.8) où on a posé σ 0 + iσ 00 = σd + σi pour séparer parties réelle et imaginaire de la conductivité totale. EF ω Bande de conduction Bande de valence E kx ky Figure 1.4 – Transitions interbande (flèche rouge) et intrabande (flèche bleue) provoquées par l’absorption d’un photon de pulsation ω. Les parties grisées représentent les états occupés. Si on s’intéresse uniquement à l’absorption dans le visible et le proche IR, seules les transitions interbandes interviennent : σd ≈ 0 et σi = e2 /4~ ∈ R [20]. Comme pour cet intervalle spectral σi ε0 ω, en développant à l’ordre 1 l’équation (1.8), on obtient κ≈ où α = e2 4π~cε0 σi e2 2ω × = = πα, c 2ωε0 4~cε0 (1.9) ≈ 1/137 est la constante de structure fine. Finalement, la fraction d’énergie absorbée par un feuillet de graphène est A ≈ 1 − exp(−πα) ≈ πα ≈ 2.3 %. Il est remarquable que cette absorption soit constante sur tout ce spectre et qu’elle ne dépende pas des propriétés du matériau (en particulier de vF ). Un moyen simple de le comprendre est d’étudier la dépendance en ω et vF des trois termes principaux de la règle d’or de Fermi : le carré de l’élément de matrice ∝ vF2 /ω 2 , la densité d’état (1.5) ∝ ω/vF2 et l’énergie du photon incident ∝ ω. Le produit de ces trois termes fait disparaître toute dépendance en ω et vF . La valeur de A peut paraître très élevée pour un 10 1.2. Propriétés vibrationnelles & Spectroscopie Raman matériau d’épaisseur atomique. Mais pour des applications en tant qu’électrode transparente, dans des dispositifs d’une ou seulement quelques couches de graphène, cette valeur est très faible. Émission L’émission de lumière est le processus inverse de l’absorption. Or comme discuté dans le paragraphe précédent le graphène absorbe de la lumière. Est-il pour autant un bon émetteur de lumière ? La réponse est non. En effet, à cause de l’absence de gap, les électrons excités relaxent essentiellement de manière non radiative avec un rendement quantique inférieur à 1 × 10−5 [20]. Une solution est de créer un gap. Par exemple, on peut découper le graphène en nanorubans afin de confiner les électrons ou le traiter par un plasma d’oxygène pour réduire la connectivité du réseau d’électrons π [14]. Il est tout de même possible d’observer, dans de bonnes conditions expérimentales, de la photoluminescence due à la recombinaison d’électrons et de trous « chauds » mais avec un faible rendement quantique [20]. On peut aussi voir de l’émission thermique de type corps noir. 1.2 1.2.1 Propriétés vibrationnelles & Spectroscopie Raman Modes de vibration Le graphène, comme vu dans la partie 1.1.1, a deux atomes par maille. En conséquence, il présente six modes de vibration : trois acoustiques (A) et trois optiques (O). Deux sont longitudinaux dans le plan (iLA et iLO), deux sont transverses dans le plan (iTA et iTO), et deux sont transverses perpendiculaires au plan (oTA et oTO). La relation de dispersion des phonons dans le graphène possède donc six branches qu’il est possible d’obtenir expérimentalement par diffusion inélastique de neutrons ou de rayons X, et par spectroscopie de pertes d’énergie (electron energy loss spectroscopy en anglais). La diffusion Raman fournit également de nombreuses informations sur les vibrations du réseau tout en étant plus simple à mettre en oeuvre (voir paragraphe 1.2.3). De nombreuses études théoriques, à la fois analytiques et numériques, ont été menées pour reproduire la relation de dispersion des phonons dans le graphène. Le modèle le plus simple consiste à traiter les interactions interatomiques du réseau cristallin comme des ressorts de raideur −2 constante ∼50 eV·Å [13] (modèle « force constante »). La validité de ce modèle dépend beaucoup du nombre de plus proches voisins considéré. M. Mohr et al. [22] ont montré qu’en allant jusqu’aux cinquième plus proches voisins l’accord avec les résultats expérimentaux est excellent (voir figure 1.5), hormis autour du point K et dans une moindre mesure du point Γ où on observe des anomalies de Kohn [23]. Ce désaccord est prévisible si on tient compte du fait que ce modèle ne prend pas en considération les électrons et donc l’interaction électron-phonon. Or cette interaction ne peut être négligée. Ainsi, en tenant compte des électrons, M. Lazerri et al. [24] ont obtenu un meilleur accord expérimental par des calculs de théorie de la fonctionnelle densité (en abrégé par DFT pour l’anglais Density Functional Theory). 11 Phonon frequency (cm-1) Chapitre 1. Le graphène : propriétés de base Figure 1.5 – (a) Réseau en nid d’abeille du graphène. Dans le modèle « force constante », les liaisons sont modélisées par des ressorts de raideur constante. Les cercles en pointillés indiquent les plus proches voisins successifs de l’atome central jusqu’aux cinquièmes. (b) Relation de dispersion des phonons dans le graphène. Les lignes solides correspondent au modèle « force constante » avec les paramètres utilisés par Mohr et al. [22]. Dans l’identification des modes, le préfixe i est utilisé pour les modes dans le plan (in-plane) et o pour ceux hors du plan (out-of-plane). Les symboles et K correspondent aux mesures expérimentales. Cette figure est adaptée de [25]. 1.2.2 Effet Raman : généralités La diffusion de la lumière est un outil très puissant pour sonder les propriétés de la matière. Lorsque la longueur d’onde de la lumière diffusée est la même que celle de la lumière incidente, le processus est élastique et est appelé diffusion Rayleigh. Mais si après diffusion la longueur d’onde est différente (c’est la cas pour typiquement 1 photon sur 1 million), le processus est inélastique : une ou plusieurs excitations élémentaires ont été crées ou annihilées dans le matériau. Dans le cas où cette excitation correspond à un phonon optique 7 , on parle de diffusion Raman du nom de son découvreur le physicien C. V. Raman (prix Nobel de physique en 1930). L’étude spectrale de cette diffusion constitue la spectroscopie Raman. Elle est aujourd’hui un outil très utilisé, pour caractériser la matière et tout particulièrement les matériaux carbonés dont le graphène [26]. Durant le processus de diffusion Raman, un photon de pulsation ωi et de vecteur d’onde ki perturbe le système (voir figure 1.6). À cause des temps très courts mis en jeu seuls les électrons sont concernés. Cette perturbation augmente l’énergie totale du système d’une quantité ~ωi . Dans la plupart des cas, cette nouvelle énergie ne correspond à aucun état stationnaire du système. On dit alors que le système est dans un état virtuel et que la diffusion est non-résonante. En langage classique, cela correspond à une oscillation forcée des électrons à la pulsation ωi . Au contraire, si la nouvelle énergie correspond à un niveau d’énergie du système, alors le processus est dit résonant car bien plus efficace. Dans les deux cas, pour revenir dans un état stationnaire de plus basse énergie, le système émet un photon de pulsation ωd et de vecteur d’onde kd . L’énergie du photon sortant ~ωd peut être soit plus faible que l’énergie du photon incident ~ωi , soit plus grande. Dans 7. Dans le cas d’un phonon acoustique on parle de diffusion Brillouin. 12 1.2. Propriétés vibrationnelles & Spectroscopie Raman la première situation le processus est qualifié de Stokes, alors que dans la deuxième il est qualifié d’anti-Stokes. Le gain ou la perte d’énergie sont dus à l’interaction avec un phonon de pulsation Ω et de vecteur d’onde q. La conservation de l’énergie et de l’impulsion impliquent que : ~ωi = ~ωd ± ~Ω, (1.10a) ki = kd ± q. (1.10b) Le + correspond à la création (Stokes) et le − à l’annihilation (anti-Stokes) d’un phonon. (a) (b) Ω ωi e-h e' - h' resonant état electronique excité ωd resonant anti-Stokes état vibrationnel Stokes Rayleigh non-resonant non-resonant Stokes anti-Stokes Ω ωi e-h e' - h' ωd état vibrationnel état fondamental Figure 1.6 – (a) Schéma du processus de diffusion Raman. Un photon incident ωi excite une paire électron-trou. Cette paire électron-trou e − h émet (Stokes) ou absorbe (antiStokes) un phonon pour donner une autre paire électron-trou e0 − h0 . Cette dernière en se recombinant émet un photon ωd . (b) Diffusion Rayleigh et Raman dans les conditions résonante et non-résonante. Le spectre de la lumière diffusée se compose donc de raies Stokes et anti-Stokes de part et d’autre de la raie de la lumière incidente (diffusion Rayleigh), issue en pratique d’un laser. Comme le montre l’équation (1.10a), la position de ces raies par rapport à la raie incidente ne dépend pas de la position de celle-ci, mais est caractéristique du système étudié (correspondant aux différentes valeurs possible de Ω). Ainsi, la représentation des spectres Raman ne se fait pas en fonction de la fréquence ou de la longueur d’onde de la lumière diffusée, mais du déplacement Raman (Raman shift en anglais). Ce déplacement correspond à la valeur du nombre d’onde associé à la différence d’énergie entre l’excitation (~ωi ) et la diffusion (~ωd ). Il est donc directement proportionnel à l’énergie du phonon (~Ω) crée (Stokes) ou absorbé (anti-Stokes). L’expression ci-dessous permet de calculer le déplacement Raman en fonction de la longueur d’onde et inversement : δ (cm −1 )= 1 1 − λi (nm) λr (nm) × 107 , (1.11) avec δ le déplacement Raman, λr la longueur d’onde de la raie Raman et λi celle de la lumière incidente. La représentation en fonction du nombre d’onde et non pas en fonction de l’énergie est un choix historique. La conversion en unité d’énergie se fait simplement en utilisant la relation 1 meV ≈ 8.06 cm−1 . De même, afin de comparer facilement le déplacement Raman et la pulsation Ω des phonons (très souvent désignée par fréquence par abus de langage), cette dernière est en général aussi exprimée en nombre d’onde. La conversion se fait simplement en divisant Ω par 2πc. La figure 1.7 schématise un spectre Raman typique. Intentionnellement, la raie anti-Stokes est 13 Chapitre 1. Le graphène : propriétés de base intensité Rayleigh Anti-Stokes -δr Stokes 0 δr Figure 1.7 – Représentation schématique d’un spectre Raman. représentée comme moins intense que la raie Stokes. Cette différence s’explique de la manière suivante, pour le processus de diffusion Stokes le système est initialement dans son état fondamental alors que pour le processus anti-Stokes il est déjà dans un état vibrationnel excité (~Ω). Or la probabilité pour que le système soit initialement dans son état fondamental ou dans un état vibrationnel excité est donnée par la distribution de Boltzmann. De cette façon, le rapport d’intensité des raies anti-Stokes sur Stokes est proportionnel au facteur de Boltzmann exp(−β~Ω) < 1. Pour cette raison mais aussi pour des raisons techniques sur le montage expérimental, dans la suite nous nous intéressons uniquement aux raies Stokes. 1.2.3 Spectre Raman du graphène Le graphène est la brique élémentaire de toute une famille de matériaux carbonés : fullerènes, nanotube et graphite (voir introduction). Les spectres Raman de ces éléments présentent des similitudes. En particulier, les spectres Raman du graphène monocouche et multicouches jusqu’au graphite possèdent un certains nombre de pics communs remarquables. La figure 1.8 montre l’allure typique d’un de ces spectres avec la dénomination des principaux pics. 45000 G 2D Intensité (u.a.) 11000 D N 0 D' D+D'' N 1400 1600 1800 2000 2200 2400 2600 2800 Déplacement Raman (cm-1) Figure 1.8 – Allure typique d’un spectre Raman du graphène avec la dénomination des principaux pics. Ce spectre a été obtenu, avec un laser monomode à 532 nm sur un bord d’une tricouche exfoliée sur un substrat de quartz. 14 1.2. Propriétés vibrationnelles & Spectroscopie Raman Les deux pics le plus utilisés et qui fournissent le plus d’information, sont issus des modes G autour de 1580 cm−1 et 2D autour de 2700 cm−1 8 . Les pics issus des modes D vers 1350 cm−1 et D’ vers 1620 cm−1 sont utilisés pour juger de la qualité des échantillons. En effet, ils sont liés à la présence de défauts : plus il y a de défauts plus leur intensité est grande. La comparaison des spectres Raman pour 1, 2, 3, ∼5 couches de graphène et pour le graphite (figure 1.9) montrent clairement une dépendance du spectre avec le nombre de couches. Les pics G et 2D sont présents sur les quatres échantillons. Le pic G est quasi-identique quelque soit le nombre de feuillets. En revanche, les pics 2D changent : au fur et à mesure que le nombre de couches augmente, sa forme évolue et il se déplace vers la droite. Ainsi, l’étude de la forme et de la position du pic 2D permet de déterminer le nombre de couches jusqu’à environ 3 [27]. Au delà les changements ne sont plus aussi marqués. Intensité (u.a.) 3,0 2,5 1 2 3 ~5 graphite G 3,0 2D 2,5 Intensité (u.a.) 3,5 2,0 1,5 1,0 0,5 0,0 1400 1600 2600 2800 2,0 1,5 1,0 0,5 0,0 2550 2600 2650 2700 2750 2800 2850 Déplacement Raman (cm-1) Déplacement Raman (cm-1) Figure 1.9 – Spectres Raman de 1, 2, 3, ∼5 couches de graphène et du graphite. Les pics D et D’ sont difficilement visibles ce qui signifie qu’il y a très peu de défauts. Le pic G reste quasiment le même quel que soit le nombre de couches alors que le pic 2D change de forme et se déplace vers la droite. Ces spectres ont été obtenus avec un laser monomode à 532 nm sur du graphène exfolié sur un substrat de Si/SiO2 . Voir également figure 2.4. Dans les structures multicouches, il est possible de sonder les modes de respiration (vibration hors du plan) entre les différents feuillets à travers des combinaisons de modes [28]. Ce sont les pics N (voir figure 1.8), qui ne sont pas visibles sur les spectres des monocouches de graphène. Ces pics se décalent significativement, vers des déplacements Raman plus faibles, avec le nombre de feuillets jusqu’à environ 6. Pour un nombre de couches plus élevé, on peut utiliser d’autres répliques des modes de respiration ou des modes de cisaillements entre les couches (pics C) pour compter précisément jusqu’à une vingtaine de feuillets environ. En conclusion, la spectroscopie Raman est un moyen efficace pour déterminer le nombre de couches de graphène. Les avantages d’utiliser cette technique, par rapport à l’AFM par exemple, sont nombreux. Pour en citer quelques uns : elle est non destructive, rapide, simple à mettre en oeuvre, ne nécessite qu’une faible quantité de matière et est relativement bon marché. De plus, elle fournit bien d’autres informations comme nous le verrons dans la suite. 8. Dans la suite, nous désignerons simplement un pic issu d’un mode X par « pic X ». 15 Chapitre 1. Le graphène : propriétés de base 1.2.4 Les processus Raman dans le graphène Les expériences de spectroscopie Raman se font en général dans le visible ou le proche infrarouge, soit typiquement à une longueur d’onde de 500 nm. Comme le paramètre de maille du graphène est de l’ordre de l’Å et que l’ordre de grandeur d’un vecteur d’onde dans la PZB est π/a, |ki | , |kd | π/a. Les vecteurs d’onde des photons peuvent donc être négligés. De la conservation de l’impulsion (1.10b), on en déduit que l’impulsion totale des excitations crées ou annihilées est nulle : qtot ≈ 0. C’est la règle de sélection fondamentale du Raman dans le graphène [26]. En outre, comme expliqué précédemment, l’interaction de la lumière avec le réseau ne se fait pas directement mais via les électrons π. Au vu des ordres de grandeurs des énergies mises en jeu, les transitions électroniques se font autour des points de Dirac K et K’, et sont nécessairement verticales puisque l’impulsion des photons est négligée 9 . Pic G Le pic G est associé aux phonons optiques du centre Γ de la PZB et n’est pas dispersif avec la longueur d’onde du laser incident λi [26, 27]. En effet, dans le graphène sans défaut, les processus à un seul phonon ne sont possibles que proche de Γ afin de satisfaire la règle de sélection fondamentale. En observant la relation de dispersion des phonons (figure 1.5), on constate qu’au point Γ, deux fréquences de phonons optiques sont possibles. La première vers 850 cm−1 correspond au mode de vibration oTO mais ne concorde avec aucun pic dans le spectre Raman du graphène. L’étude des symétries (que nous ne détaillerons pas ici) révèle en effet que ce mode n’est pas actif Raman [27]. La deuxième vers 1580 cm−1 correspond aux modes iLO et iTO dégénérés, et coïncide avec le pic G. Dans l’espace réel, ce mode correspond à la vibration des atomes du sous-réseau A en opposition de phase avec les atomes du sous-réseau B, comme le montre la figure 1.10(a). Le processus Raman qui lui est associé est représenté sur la figure 1.10(b). Il passe obligatoirement par un état virtuel et est donc non-résonant [29]. (a) (b) ħΩ E kx ħωi ħωd ky Figure 1.10 – (a) Déplacement des atomes (flèches rouges et vertes) pour les modes de phonon dégénérés iLO et iTO au point Γ. (b) Processus à un phonon responsable du pic G. Les pointillés représentent des états virtuels. Au moins un état virtuel est impliqué, le processus est donc non-résonant [29]. Pic 2D Le pic 2D provient d’un processus résonant impliquant deux phonons de vecteur d’onde opposé, de sorte que la règle fondamentale de sélection est automatiquement satisfaite puisque q + (−q) = 0 [26, 27]. En principe, n’importe quel phonon peut participer à ce processus. 9. Dans la géométrie utilisée ici (voir paragraphe 2.1.3), comme la lumière est en incidence normale qtot est rigoureusement nulle dans le plan. 16 1.2. Propriétés vibrationnelles & Spectroscopie Raman En pratique, seuls les phonons de la branche iTO proches des points K et K’ participent à ce processus Raman à cause du couplage fort entre ces phonons et les électrons [27]. Le processus associé au pic 2D est représenté sur la figure 1.11. Il se décompose en quatre étapes (les points K et K’ peuvent être échangés) [27] : (i) un électron, autour de K, de vecteur d’onde k (mesurée à partir de K) absorbe un photon incident ωi du laser créant un paire électron-trou (première résonance). (ii) l’électron est diffusé inélastiquement par un phonon de vecteur d’onde q et de pulsation Ω vers un état autour de K’ de vecteur d’onde k + q (deuxième résonance). (iii) l’électron est de nouveau diffusé inélastiquement par un phonon de vecteur d’onde −q et de pulsation Ω vers un état virtuel de vecteur d’onde k autour de K, voir figure 1.11(a). ou le trou est diffusé inélastiquement par un phonon de vecteur d’onde q et de pulsation Ω , vers un état autour de K’ de vecteur d’onde k + q (troisième résonance), voir figure 1.11(b). (iv) l’électron et le trou se recombinent, dans la vallée K ou K’, en émettant un photon de pulsation ωd = ωi − 2Ω. (a) (b) e q, ħΩ - q, ħΩ e- -q, ħΩ ħωi ħωd K' ħωi K K ħωd K' E h+ kx h+ ky -q, ħΩ Figure 1.11 – Processus Raman associés au pic 2D. (a) Processus résonant. L’électron est diffusé inéslastiquement deux fois par deux phonons de même énergie mais de vecteur d’onde opposée. La paire électron-trou (e− −h+ ) se recombine dans la même vallée où elle a été crée. L’état virtuel est en pointillé. (b) Processus complètement résonant. L’électron et le trou sont diffusés chacun par un phonon dans l’autre vallée ou ils se recombinent. Comme ce mécanisme nécessite les deux vallées K et K’, on le qualifie d’intervallée. Dans tous les cas, il y a au moins deux conditions résonantes sur trois. C’est la raison pour laquelle on parle souvent de double résonance (DR) (voir figure 1.11(a)) [30, 31]. Parfois, lorsque tous les états sont réels (voir figure 1.11(b)) certains auteurs préfèrent parler de triple résonance [27] ou de processus complètement résonant [32, 33]. Dans la suite, nous ne ferons pas de distinction et utiliserons le terme de processus résonant pour toutes les situations. Ce processus peut également être compris dans l’espace réel [32, 33] : (i) le photon incident ωi crée un paire électron-trou, (ii) & (iii) l’électron (le trou) émet un phonon de vecteur d’onde q (−q) et de pulsation Ω, et (iv) l’électron et le trou se recombinent en émettant un photon ωd . Au cours du processus, les phonons de vecteurs d’onde ±q (mesuré à partir de K ou K’) se couplent préférentiellement aux états électroniques de vecteur d’onde k (mesuré à partir de K ou K’) tel que |q| ≈ 2 |k| [27]. Or |k| est fixé par l’énergie du laser via la relation de dispersion électronique (1.4). Ainsi, le processus 17 Chapitre 1. Le graphène : propriétés de base est sensible à la structure de bande et donc au nombre de couches de graphène. Cela explique le changement de forme et de position du pic 2D avec le nombre de couches, mais aussi avec la longueur d’onde du laser λi . En faisant varier cette longueur d’onde, on peut observer la relation de dispersion électronique et phononique [27]. ωi e- h+ Ω Ω ωd Figure 1.12 – Processus Raman résonant associé au pic 2D dans l’espace réel [32, 33]. Les flèches grises indiquent le sens de déplacement de l’électron (e− ) et du trou (h+ ). Les autres flèches désignent les photons (ωi et ωd ) et phonons (Ω) diffusés. Pic 2D’ Le pic 2D’ n’est pas visible sur le spectre typique de la figure 1.8. Il se situe autour de ∼ 3250 cm−1 [26]. Le mécanisme qui lui donne naissance est identique à celui du pic 2D mais au lieu d’être intervallée il est intravallée, i.e. il se déroule entièrement dans une même vallée (voir figure 1.13). La probabilité que ce processus ait lieu est plus faible que pour le 2D, il en résulte une intensité moindre [33, 34]. q, ħΩ eħωi K K ' ħωd E kx ky h+ -q, ħΩ Figure 1.13 – Processus Raman du pic 2D’. Le mécanisme est identique à celui du pic 2D hormis qu’il est intravallée. Pic D et D’ En présence de défauts dans le graphène, un processus résonant à un seul phonon est possible. En effet, une diffusion élastique par un défaut peut remplacer une des deux diffusions inélastiques par un phonon [26]. Le mécanisme intervallée correspond au pic D alors que le mécanisme intravallée au D’ (voir figure 1.14). Pour ce dernier, les phonons proviennent uniquement de la branche iLO [27]. L’intensité du pic D’ est environ 10 fois plus faible que celle du pic D car le processus associé à ce dernier est plus probable [33, 34]. En revanche, dans les deux cas plus il y a de défauts plus la probabilité que de tels processus aient lieu augmente. Ainsi, l’intensité des pics D et D’ permet de juger de la qualité des échantillons de graphène étudiés. En 18 1.3. Contrôle des propriétés physiques par effet de champ outre, les intensités ne sont pas les mêmes selon le type de défauts : covalent, impureté chargée, etc. [34]. (a) (b) e q, ħΩ - e- q, ħΩ -q -q ħωi ħωd K' K ħωi ħωd K ou K' E h+ kx h+ ky Figure 1.14 – (a) Processus Raman associé au pic D. Il correspond à un processus résonant où l’un des deux diffusion inélastique est remplacé par un diffusion élastique par un défaut. (b) Processus Raman associé au pic D’. Il est identique à celui du pic D mais est intravallée. Les pointillés représentent des états virtuels. 1.2.5 Dynamique couplée des électrons et des phonons Ces différents processus impliquent tous la création d’un ou plusieurs phonons. Or un phonon provoque un changement dynamique de la longueur de la liaison carbone-carbone, ce qui résulte en une variation temporelle de l’énergie de saut t et donc une modification de la relation de dispersion électronique 1.4. En ce sens, les vibrations du réseau et les électrons sont couplés l’un à l’autre, ou en d’autres termes électrons et phonons interagissent. De cette façon, tous les processus Raman dans le graphène sont sensibles à la strucuture électronique. 1.3 1.3.1 Contrôle des propriétés physiques par effet de champ Généralités Les propriétés du grahène dépendent fortement de la position du niveau de Fermi EF (i.e. du niveau de dopage). Comment faire en pratique pour contôler EF ? Il existe différentes manières d’introduire des porteurs de charges libres dans un matériau. Par exemple, on peut y implanter des impuretés (dopage chimique) qui vont ajouter des électrons (donneur) ou des trous (accepteur). Une autre technique consiste à utiliser l’effet de champ électrique (en anglais electric field effect). Cet effet est employé dans les transitors à effet de champ (FET) où l’on cherche à contrôler la conductivité d’un matériau. Ces transistors sont au coeur de la technologie moderne des circuits intégrés. Ils se composent de trois électrodes : la grille, le drain et la source. Le drain et la source connectent le matériau afin d’y faire passer un courant. La grille quant à elle ne contacte pas le matériau mais permet le contrôle du dopage. Le principe de fonctionnement des FET repose sur un « effet condensateur ». Leur structure est en effet similaire à celle d’un condensateur où l’une des deux électrodes est constituée du matériau dont on veut contrôler la conductivité et l’autre est la grille. Ainsi, lorsqu’une différence de potentiel V est appliquée entre les deux électrodes, des électrons ou des trous (selon le signe de la différence de potentiel) sont injectés dans le matériau ce qui en modifie sa conductivité. 19 Chapitre 1. Le graphène : propriétés de base La densité de porteurs de charges introduits n est obtenu à l’aide d’une capacité équivalente C : ne = CV . Très rapidement après avoir isolé les premières feuilles de graphène, A. Geim et K. Novoselov à Manchester, mais aussi P. Kim à Columbia, ont réalisé des FET au graphène. Diverses expériences effectuées avec ces structures leur ont permis de mettre en évidence le caractère particulier des électrons dans le graphène [19, 35]. Dans un FET où l’une des électrodes est un gaz bidimensionnel d’électrons, la capacité C n’est pas simplement égale à la capacité (dite géométrique) CG d’un condensateur plan. Il faut tenir compte de la capacité quantique CQ [36]. C’est le cas dans les FET à base de graphène ou de type Métal-Oxyde-Semi-conducteur (en anglais MOSFET). Pour comprendre d’où vient cette capacité quantique considérons, comme sur la figure 1.15, un condensateur plan constitué d’une électrode en métal et d’un gaz bidimensionnel d’électrons (graphène ou zone d’inversion du semiconducteur dans le cas d’un MOSFET) séparés par un diélectrique d’épaisseur d et de constante diélectrique ε. En appliquant une tension V aux bornes du condensateur, on crée une différence (a) (b) V métal (grille) V CG ε d gaz 2D d'e- CQ Figure 1.15 – (a) Schéma en coupe d’un condensateur plan constitué d’une électrode en métal et d’un gaz bidimensionnel d’électrons séparés par un diélectrique d’épaisseur d et de constante diélectrique ε. (b) Schéma électrique équivalent. CG est la capacité géométrique et CQ la capacité quantique. de potentiel électrostatique φ (donc un champ électrostatique) entre les deux électrodes et on injecte n porteurs de charge libres par unité de surface dans chacune. L’addition des porteurs de charges introduit un déplacement du niveau de Fermi EF dans le gaz bidimensionnel d’électron mais pas dans le métal puisque celui est un réservoir d’électrons. En conséquence, la tension V induit une différence entre les potentiels électrochimiques du gaz bidimensionnel d’électrons µ2D et du métal µM [17] : µ2D − µM = eV = EF + eφ. (1.12) Or V et φ sont reliées respectivement à la capacité totale C et géométrique CG par les relations ne = CV et ne = CG φ. L’équation (1.12) se réécrit alors 1 1 1 = + , C CQ CG (1.13) où CQ = ne2 /EF (n) est la capacité quantique. Le circuit électrique équivalent se compose donc de deux condensateurs en série (voir figure 1.15). Dans le cas du graphène, l’expression de EF est donné par un calcul simple de mécanique 20 1.3. Contrôle des propriétés physiques par effet de champ quantique : EF (n) = sgn(n)~vF q π |n|, (1.14) où vF est la vitesse de Fermi et sgn la fonction signe. Il est intéressant de constater qu’encore une fois la situation du graphène est différente des autres gaz bidimensionnels d’électrons, à cause de la linéarité de la relation de dispersion (1.4). L’énergie de Fermi dans le graphène varie comme la racine carré de n alors qu’en général elle varie comme n. Notons également qu’en l’absence de dopage (n = 0) le niveau de Fermi est bien nul. Grace à cette relation il est facile de passer du dopage n au niveau de Fermi EF et vice versa. C’est pourquoi dans la suite nous emploierons indifféremment l’un ou l’autre lorsque nous parlerons de dopage. L’expression de la capacité quantique pour le graphène est [37] CQ = sgn(n) e2 q e2 √ |n| = g(EF ), ~vF π 2 (1.15) où g(EF ) est la densité d’états au niveau de Fermi. Remarquons que dans la limite classique, ~ −→ 0, CQ −→ ∞ et qu’ainsi CQ disparait dans l’équation (1.13). L’origine de CQ est donc bien quantique d’où son nom. De nombreuses structures de FET ont été développées durant les décennies passées, notamment par l’industrie microélectronique. Au cours de ce stage, nous nous sommes intéressé à deux structures différentes de FET à base de graphène (voir figure 1.16) : la première est munie d’une grille par le bas et est désignée par BG pour l’anglais back gate ; la deuxième possède une grille électrochimique par le haut et est désigné par TG pour l’anglais top gate. (a) (b) VTG VTG Grille + ~ 1 nm - Grille Polymère électrolyte Source Si02 V VTG Drain VBG Longueur de Debye ~ 1 nm Si + - + Source + - + + - Polymère CG' - R + + + + + + ----- Drain CG CQ Si/Si02 Figure 1.16 – (a) Schéma en coupe d’un FET avec grille par le bas (BG) et grille par le haut (TG). Le substrat de silicium est fortement dopé de manière à être utiliser comme électrode de grille par le bas. Un FET uniquement BG n’a pas de polymère et d’électrode de grille par le haut. (b) A gauche, schéma en coupe d’un FET avec grille par le haut (TG). Les doubles couches électriques aux abords des deux électrodes sont représentés. A droite, 0 est la capacité de la double couche électrique à l’interface schéma électrique équivalent. CG grille/polymère, R est la résistance du polymère, CG et CQ sont respectivement la capacité géométrique et quantique de la double couche électrique à l’interface polymère/graphène. 1.3.2 Transistor à grille par le bas (FET BG) La feuille de graphène est déposée sur un substrat composé d’une couche d’oxyde de silicium SiO2 (diélectrique) d’épaisseur dBG ∼ 300 nm et de silicium Si très fortement dopé (chimiquement) 21 Chapitre 1. Le graphène : propriétés de base pour le rendre métallique et s’en servir comme électrode de grille. Des contacts métalliques source et drain permettent de mesurer la résistance de la feuille de graphène. Le dispositif est relativement simple à réaliser, c’est pourquoi il a servi à effectuer les premières études des propriétés du graphène [19, 35]. Pour avoir une idée de l’efficacité de dopage d’un tel dispositif, donnons quelques ordre de grandeurs. CG est de l’ordre de 10−8 F·cm−2 , alors que pour une valeur typique de n ∼ 1013 cm−2 , CQ est de l’ordre de 10−6 F·cm−2 [17]. La capacité totale C est donc approximativement égale CG . Mais pour atteindre un tel niveau de dopage, il faut appliquer une tension VBG ∼ 100 V ! 1.3.3 Transistor à grille électrochimique par le haut (FET TG) Le graphène est déposé sur un substrat quelconque (par exemple Si/SiO2 ou du quartz) et est recouvert d’un polymère électrolyte (ou d’un gel ionique). Une électrode de grille métallique contact le polymère. Cette structure a d’abord été développée pour des FET à base de nanotube de carbone [38, 39]. Lorsqu’une différence de potentiel est appliquée entre la grille et le graphène les ions se déplacent dans la matrice de polymère sous l’effet du champ électrique créé. Des doubles couches électriques se forment aux interfaces grille/polymère et polymère/graphène, comme illustré sur la figure 1.16(b), aussi longtemps que la tension n’excède pas le seuil des réactions électrochimiques impliquant le métal et les ions de l’électrolyte. Une double couche électrique peut être assimilée à une condensateur plan dont la distance entre les couches de charges opposées est donnée par la longueur de Debye dT G = (2ce2 /εkB T )−1/2 , où c est la concentration en électrolytes, kB T l’énergie thermique et ε la constante diélectrique de la matrice de polymère [17]. Comme cette longueur est typiquement du l’ordre de 1 nm, la capacité géométrique est de l’ordre de 10−6 F·cm−2 soit 100 fois plus grande que dans le cas BG. En revanche, le schéma électrique équivalent est plus compliqué puisqu’il y a une capacité géométrique à chaque interface (voir figure 1.16(b)) [37]. Mais en régime permanent, presque toute la chute de potentiel est répartie sur les deux doubles couches électriques et le courant ionique dans le polymère est presque nul [40]. 0 , C et C en série. Ces trois capacités Ainsi, le dispositif se résume au trois condensateurs CG G Q étant du même ordre de grandeur, la capacité totale C l’est également. Pour atteindre une valeur de n ∼ 1013 cm−2 , une tension VT G ∼ 1 V est suffisante. A tension de grille équivalente, il est a priori possible d’atteindre des niveaux de dopage bien plus importants dans un géométrie TG que BG. Mais puisque CG ∼ CQ , la relation reliant EF et VT G n’est pas triviale comme pour le FET BG (voir chapitre 3). 22 Chapitre 2 Fabrication et montage expérimental Ce deuxième chapitre est consacré à la fabrication de FET au graphène. Nous commencerons tout d’abord par décrire les étapes de fabrication puis de caractérisation du graphène, en détaillant le montage expérimental de micro-spectroscopie Raman monté à l’IPCMS. Puis nous finirons par exposer les deux méthodes de fabrication utilisées pour réaliser les FET. 2.1 Fabrication et caractérisation d’échantillons de graphène 2.1.1 Exfoliation mécanique A l’heure actuelle, il existe trois grandes voies de fabrication du graphène (voir introduction) : l’exfoliation (mécanique ou chimique), l’épitaxie (SiC) et la CVD. Durant ce stage, nous n’avons fabriqué du graphène que par exfoliation mécanique de graphite naturel car il est d’excellente qualité, facile à obtenir et peu cher. La technique d’exfoliation mécanique du graphène à partir du graphite naturel a été mis au point en 2004 par A. Geim et K. Novoselov [11]. Elle consiste à peler les feuilles de graphène du cristal de graphite à l’aide d’un ruban adhésif. En pratique, la démarche à suivre est la suivante (voir figure 2.1) : (a) déposer du graphite sur un morceau de ruban adhésif. (b) pour augmenter la surface de graphite sur le ruban, plier le morceau en deux et l’ouvrir doucement. (c) coller un deuxième morceau de ruban adhésif sur le premier. Appuyer délicatement dessus. (d) décoller lentement les deux morceaux et garder uniquement le deuxième morceau. Recommencer ces deux étapes (c) et (d) jusqu’à observer des zones transparentes sur le ruban adhésif. (e) coller le ruban adhésif sur un substrat et masser délicatement pendant quelques minutes. (f) retirer lentement le ruban du substrat. 23 Chapitre 2. Fabrication et montage expérimental (a) (b) (c) (d) (e) (f) Figure 2.1 – Les différentes étapes de l’exfoliation mécanique du graphène à partir de graphite. Voir le texte pour leur description. Photos prises durant le stage. Le graphène a été déposé sur des substrats de Si/SiO2 , nettoyés au préalable dans un bain piranha 1 et exposés pendant 10 minutes à un plasma d’oxygène. Le silicum de ces substrats est fortement dopé par des trous et l’épaisseur de la couche d’oxyde (SiO2 ) est de dBG = 285 ± 5 nm. 2.1.2 Repérage du graphène au microscope optique En observant à l’oeil nu les substrats sur lequels ont été exfoliés du graphène, on remarque qu’il y plein de petits morceaux de graphite. Au milieu de ces morceaux, il y a des bouts de graphène multicouches dont un très petit nombre sont des monocouches de graphène. Pour les repérer, on se sert d’un microscope optique. En effet, d’après le paragraphe 1.1.3 un feuillet de graphène absorbe environ 2.3 % et réfléchit moins de 0.1 % de la lumière visible. En première approximation, l’absorption de structures de moins d’une dizaine de couches est proportionnelle au nombre de couches, chacune absorbant environ 2.3 % [14]. De plus, pour de telles multicouches la réfléxion est inférieure à 2 %. Ainsi, au microscope optique on observe une différence de contraste selon le nombre de feuillets de graphène (voir figure 2.2). Le graphite quant à lui réfléchit quasiment toute la lumière incidente, il apparaît brillant sur les images. A côté de cela, l’ensemble couche d’oxyde plus multicouche (lorsque le nombre de couches n’est pas trop élevé) constitue une cavité résonnante, tel un interféromètre de Fabry-Pérot, pour la lumière. De cette manière, un phénomène d’interférences donne des couleurs différentes (du rose clair au bleu foncé en passant par le mauve) selon l’épaisseur de la multicouche. C’est un moyen supplémentaire de se faire une idée du nombre de couches mais pas de le déterminer quantitativement. Pour ne rater aucun bout de graphène sur un échantillon, on le balaye entièrement au microscope optique. C’est un travail relativement long et minutieux. Lorsqu’une zone intéressante est 1. Un piranha est un mélange de 2 volumes d’acide sulfurique pour 1 de peroxyde d’hydrogène. 24 2.1. Fabrication et caractérisation d’échantillons de graphène repérée, on en prend des images à différents grossissements et on repère ses coordonnées par rapport à un repère (en général l’un des quatres coins du substrat), comme montré sur la figure 2.2. En procédant ainsi, il est facile de retrouver ces zones lors de manipulations futures. Un fois cette tâche accomplie, il faut s’assurer que les morceaux repérés soient bien du graphène. Historiquement, les premières mesures utilisaient l’AFM [11], mais très rapidement la spectroscopie Raman s’est imposée comme la meilleure solution pour déterminer le nombres de couches de graphène (voir le paragraphe 1.2.3 pour les principales raisons) [41]. (a) (a) (b) (c) Figure 2.2 – Images optiques, à différents grossissement, de la surface d’un substrat de Si/SiO2 sur lequel a été exfolié du graphène. (a) ×2.5 (b) ×20 (c) ×100 2.1.3 Caractérisation du graphène par spectroscopie Raman Comme expliqué dans le paragraphe 1.2.3, la spectroscopie Raman est une méthode permettant d’établir de manière non ambiguë le nombre de couches de graphène d’un échantillon. Elle fournit de plus de nombreuses autres informations, notamment sur le dopage (voir chapitre 3). Les zones repérées au microscope optique sur un échantillon sont caractérisées à l’aide du montage de spectroscopie Raman décrit sur la figure 2.3. Un laser vert de longueur d’onde λi = 532 nm, dont la puissance (en général choisie inférieure à 1 mW pour éviter d’échauffer excessivement l’échantillon et de le détériorer) peut être ajustée à l’aide de densités optiques, est focalisé sur l’échantillon par un objectif de microscope de grande distance de travail. L’objectif est monté sur une platine piézoélectrique. Ceci permet de déplacer le faisceau laser avec une précision de l’ordre de 1 nm et de réaliser des balayages. Les photons rétro-diffusés par l’échantillon sont collectés par le même objectif et sont envoyés dans le système de détection. Un miroir dichroïque réalise un première séparation entre les photons diffusés élastiquement (Rayleigh) et ceux diffusés inélastiquement (signal Raman). Le faisceau résultant est filtré spatialement à l’aide d’un montage se composant de deux lentilles convergentes et d’un trou de confocalité (en anglais pinhole) de 50 µm de diamètre. La première lentille permet de focaliser le faisceau incident au centre du trou et la deuxième lentille de récupérer en sortie un faisceau parallèle. L’intérêt d’un tel dispositif est d’améliorer le rapport signal sur bruit. La résolution spatiale ainsi atteinte est de l’ordre de 0.1 µm3 , c’est pourquoi on parle de micro-spectroscopie Raman. Cette approche est nécessaire pour pouvoir mesurer en un endroit bien défini d’un échantillon de graphène. À la sortie de ce dispositif, un filtre coupe-bande (en anglais notch) élimine les résidus du laser vert. Le système de détection peut être soit un spectromètre, soit une caméra. Dans ce dernier cas, un cube séparateur 25 Chapitre 2. Fabrication et montage expérimental et un miroir amovibles sont introduits sur le chemin optique avant la première lentille. Le cube séparateur permet d’envoyer, en plus de la lumière du laser, une lumière blanche afin d’observer la surface de l’échantillon. Une caméra CCD (1340x100 pixels), refroidie à l’azote liquide à −120 ◦C, est montée en sortie d’un spectromètre à réseaux (avec trois réseaux de 300, 900 et 2400 traits/µm ). Une calibration à l’aide de lampes à vapeur atomique est réalisée avant chaque série de mesures. De plus, la caméra CCD et la platine piézoélectrique sont interfacées par un script Labview, qui permet de réaliser des balayages spatiaux en enregistrant un spectre Raman en chaque point. (a) spectromètre cryostat piézo objectif Laser laser Laser @ 532 nm (b) Caméra CS Spectromètre + Caméra CCD L3 F L2 T L1 M MD Piézo XYZ Echantillon Objectif Signal Raman Lumière blanche Figure 2.3 – (a) Photos du montage expériemental de micro-spectroscopie Raman. Une partie des trajets lumineux et quelques éléments clés sont indiqués. (b) Schéma de ce montage. Li lentilles, F filtre coupe-bande, T trou de confocalité, M miroir plan, MD miroir dichroïque, CS cube séprateur 50/50. Les flèches rouges signifie que les éléments sont amovibles. L’objectif est monté sur une platine de translation piézoélectrique. La platine, le spectromètre et les caméras sont interfacés par un ordinateur. Sur l’exemple de la figure 2.2, l’acquisition de spectres sur différents morceaux de la zone et l’étude de ces spectres (voir paragraphe 1.2.3) a permis d’identifier notamment une mono-, une bi- et une tricouche de graphène (voir figure 2.4(a) et (b)). Remarquons que sur les différents spectres les pics D et D’ sont difficilement visibles, ce qui signifie qu’il y a très peu de défauts. Pour la monocouche de graphène, les points expérimentaux des pics G et 2D des spectres Raman sont ajustés respectivement par une lorenztienne et une « baskonienne » (voir figure 2.4(c)) [33]. Cette dernière fonction correspond à une lorentzienne modifiée, qui phénoménologiquement ajuste mieux le pic 2D qu’une lorentzienne. L’ajustement fournit la position ω, la largeur à mi-hauteur Γ (en anglais Full Width at Half Maximum) et l’intensité intégrée I (i.e. l’aire sous la courbe) de chacun des pics. À partir de ces données, il est possible d’en tirer des informations sur le dopage 26 2.1. Fabrication et caractérisation d’échantillons de graphène et les contraintes mécaniques [42]. En effet, la position ωG du pic G augmente avec le dopage et les contraintes alors que la largeur ΓG diminue avec le dopage et augmente avec les contraintes (voir chapitre 3). Il est alors possible de se faire une idée du dopage et des contraintes en comparant ces valeurs à celles en l’absence de dopage et/ou contraintes (respectivement ∼ 1580 cm−1 et ∼ 14 cm−1 ) [43]. En se servant aussi des grandeurs extraites du pic 2D, il est même possible de séparer quantitativement dopage et contraintes mécaniques [42]. Mais cela sort du cadre de ce rapport. Cependant, le rapport des intensités I2D /IG augmente uniquement avec le dopage [44]. On peut donc s’en servir pour se faire une idée du niveau de dopage. (a) (b) (c) 3.5 Intensité (u.a.) 2.5 1 2 3 ~5 graphite 2500 G 3c 2D 2c g 2.0 ~5c 1.5 G expérience ajustement 2D 2000 1c 1.0 0.5 Intensité (u.a.) 3.0 1500 1000 500 0.0 1400 1600 2600 Déplacement Raman (cm-1) 1500 2800 1550 1600 1650 2600 2700 2800 Déplacement Raman (cm-1) Figure 2.4 – (a) Spectres Raman obtenus à l’aide d’un laser monomode à 532 nm. (b) Image optique de la partie de l’échantillon correspondante. Les zones où ont été réalisées les mesures sont marquées. Le c signifie couche et le g graphite. Le substrat utilisé est Si/SiO2 . (c) Ajustement des pics G et 2D du spectre de la monocouche de graphène. Pour caractériser entièrement une monocouche de graphène, on réalise un balayage spatial en enregistrant un spectre en chaque point. En ajustant les pics G et 2D de chaque spectre, il est possible de tracer des cartes des différentes grandeurs en fonction de la position. Sur la figure 2.5, nous avons tracé la position ωG du pic G, la largeur ΓG de ce même pic et le rapport des intensités des pics G et 2D, I2D /IG . On observe certaines corrélations entre ces trois cartes avec des zones plutôt contraintes où ωG et ΓG sont élevés alors que I2D /IG est faible, et inversement d’autres zones vraisemblablement dopées. Toutefois les cartes ΓG et I2D /IG sont relativement uniformes ce qui témoigne d’un dopage homogène de la monocouche. En général, on observe très souvent un dopage par des trous (de l’ordre de 1012 − 1013 cm−2 ) des monocouches de graphène exfolié sur Si/SiO2 . Les charges présentes à la surface du substrat mais aussi les molécules environnantes adsorbées expliquent ce dopage [43, 45]. 27 1595 50 1590 1585 100 1580 150 (d) 15 50 −1 ΓG (cm ) Y (µm) 0 10 100 150 0 50 100 Y (µm) (c) 0 0 50 100 X (µm) 0 X (µm) 4 2 150 5 1575 50 100 50 100 −1 0 I2D/IG (b) Y (µm) (a) ωG (cm ) Chapitre 2. Fabrication et montage expérimental 0 X (µm) Figure 2.5 – (a) Image optique d’une monocouche de graphène, avec quelques petits morceau de multicouche (zones plus foncées en bas à droite) sur Si/SiO2 . (b)-(c)-(d) cartes Raman correspondantes représentant respectivement ωG , ΓG et I2D /IG . On remarquera que les morceaux de multicouche sont bien visible sur ces cartes. 2.2 Fabrication des transistors à effet de champ Une fois les morceaux de graphène identifiés et caractérisés, on peut les intégrer dans des structures FET. Pour se faire, il faut contacter le graphène. Pendant ce stage, j’ai utilisé deux méthodes différentes pour y parvenir : la lithographie optique et la technique du « pochoir » (en anglais stencil). La première est une méthode de microfabrication couramment employée alors que la deuxième est plus exotique mais aussi plus rudimentaire et limitée. Elle présente néanmoins l’avantage de ne pas utiliser de résine. Dans les deux cas, les dispositifs ont été fabriqués en salle blanche de façon à limiter au maximum les contamination de l’environnement. 2.2.1 Lithographie optique Les principales étapes du processus de lithographie optique sont illustrées sur la figure 2.6. Un film mince de résine AZ5214 est formé à la surface de l’échantillon par enduction centrifuge (en anglais spin-coating), puis est chauffé à 120 ◦C pendant 2 min. A l’aide d’un aligneur de masques, un masque en chrome reproduisant les motifs désirés (source, drain et grille) est aligné avec le feuillet de graphène repéré au préalable sur l’échantillon. L’alignement est relativement simple puisque la résine est transparente. Une fois celui-ci terminé, l’échantillon et le masque sont mis en contact, et les zones non protégées par le chrome sont exposées à un rayonnement UV pendant 3.5 s. L’échantillon est ensuite plongé sans agitation dans un développeur pendant 1 min afin de dissoudre les parties exposées, les motifs deviennent progressivement visibles. Après cela, l’échantillon est placé dans un évaporateur à canon d’électrons pour y déposer une couche de 28 2.2. Fabrication des transistors à effet de champ 60 nm d’or. L’or a été choisi car c’est un métal noble et bon conducteur. En revanche, il n’accroche pas bien à la silice (SiO2 ), c’est pourquoi il faut d’abord déposer une couche d’accroche de 2 nm de titane. Pour finir, la résine recouverte de métal est enlevée en trempant le tout dans un solution d’acétone ou de remover 2 (c’est l’étape de lift-off ). (a) (b) graphène Si/SiO2 Si/SiO2 (c) UV AZ 5214 Ω (d) Or Si/SiO2 Si/SiO2 Figure 2.6 – Schéma résumant les principales étapes du processus de lithographie optique. (a) Spin-coating de la résine. (b) Alignement du masque et exposition de la résine aux UV. (c) Dépôt d’une couche d’accroche de 2 nm de titane et de 60 nm d’or. (d) Lift-off de la résine. 2.2.2 Technique du pochoir La figure 2.7 décrit les trois principales étapes de la technique du pochoir [46]. Le pochoir utilisé est une grille TEM, i.e. une grille utilisée dans le microscope électronique à transmission (en anglais Transmission Electron Microscopy). Cette grille est alignée, manuellement sous microscope optique, avec un morceau de graphène repéré précédemment sur l’échantillon. Un support avec une languette permet de maintenir les deux éléments ensemble une fois l’alignement terminé. Le tout est ensuite placé dans un évaporateur pour déposer une couche d’accroche de 2 nm de titane et une couche de 60 nm d’or. Enfin, la grille est enlevée de la surface de l’échantillon. (a) graphène Grille TEM Si/SiO2 (b) (c) Or Si/SiO2 Si/SiO2 Figure 2.7 – Schéma résumant les principales étapes de la technique du pochoir. (a) Alignement de la grille TEM. À droite, image optique d’une grille TEM. (b) Dépôt d’une couche d’accroche de 2 nm de titane et de 60 nm d’or. (c) Retrait de la grille TEM. 2. Produit spécialement conçu par le fabricant de la résine pour réaliser cette étape. 29 Chapitre 2. Fabrication et montage expérimental Un exemple de résultat obtenu pour chacune des techniques est visible sur la figure la figure 2.8. (a) (b) Figure 2.8 – Images optiques de dispositifs obtenu par (a) lithographie optique, (b) technique du pochoir. Les zones où se trouve le graphène sont entourées en rouge. 2.2.3 Contacts et mesures Une fois ces deux processus de fabrication terminés, les échantillons sont découpés et collés avec de la laque d’argent dans un porte-échantillon (en anglais chip carrier). Comme pour les FET BG la couche de silice (SiO2 ) sert de diélectrique et le silicium (fortement dopé) de grille par le bas, la laque d’argent permet de rendre le contact entre le silicium et le fond du porteéchantillon conducteur. Les contacts sont reliés au porte-échantillon par des microfils d’or. Ce câblage par fil (en anglais wire bonding) est réalisé à l’aide d’un appareil qui utilise des ultrasons pour faire fondre l’or et ainsi « microsouder » les fils. Le porte-échantillon peut ensuite être placé dans un cryostat muni d’un accés électrique et optique (voir figure 2.9). Il est relié à un sourcemètre Keithley interfacé par un script Labview. Ce source-mètre possède deux canaux permettant d’imposer une tension (un courant) et de mesurer le courant (la tension). Bien que l’échantillon ne soit pas forcément mis sous vide, ni refroidi, le cryostat sert de porte-échantillon pour toutes les expériences menées avec ces dispositifs. Accés électrique Echantillon Contrôle température Flux d'Hélium liquide Vers pompe turbomoléculaire Figure 2.9 – Image d’un cryostat identique à celui utilisé durant le stage. 30 2.2. Fabrication des transistors à effet de champ 2.2.4 Grille électrochimique Dans le cas des FET TG, il faut encore déposer un film de polymère électrolyte sur l’échantillon. Le polymère utilisé est un mélange de perchlorate de lithium (LiClO4 ) et d’oxyde de polyéthylène (abrégé par PEO pour l’anglais Polyethylene Oxide). Le sel de LiClO4 et la poudre de PEO sont dissous dans du méthanol avec un ratio de 0.12 pour 1 en masse [38]. Le mélange est placé dans un bain à ultrasons chauffé pendant 30 min afin de bien dissoudre tous les cristaux. Il est ensuite filtré et déposé à l’aide d’une micropipette sur l’échantillon. Le méthanol s’évapore et un fin film de polymère électrolyte transparent se forme. Plutôt que de déposer une électrode de grille sur le polymère, comme schématisé sur la figure 1.16, il est possible d’utiliser une électrode sur le côté. Par exemple pour l’échantillon de la figure 2.8(b) l’électrode de grille peut être un ou plusieurs carrés voisins des deux carrés qui contactent le graphène (entourés en rouge). L’effet et le fonctionnement de la grille sont alors les mêmes que lorsque celle-ci est posée sur le polymère. En revanche, une étape de fabrication est économisée puisqu’elle est déposée en même temps que les contacts sur le graphène. 31 Chapitre 2. Fabrication et montage expérimental 32 Chapitre 3 Résultats et discussion Dans ce troisième et dernier chapitre, nous allons présenter et discuter les principaux résultats des mesures obtenus pendant le stage. Dans un premier temps, nous nous intéresserons à l’étude électrique et optique d’un FET BG. Puis dans un second temps, nous nous focaliserons sur l’étude uniquement optique de FET TG. 3.1 Transistor à grille par le bas (FET BG) Le FET BG étudié dans cette partie a été fabriqué par la technique du pochoir décrite dans la partie 2.2. Une image optique de l’échantillon est visible sur la figure 3.1(a). Les mesures électriques et optiques ont été réalisées grâce au montage de micro-spectroscopie Raman décrit au paragraphe 2.1.3 avec pour porte-échantillon un cryostat. Ce cryostat est mis sous vide (∼ 10−5 mbar) par une pompe turbomoléculaire et est refroidi à environ 4.4 K par de l’hélium liquide. Ainsi, on limite les perturbations de l’environnement et on se rapproche du cas théorique à température nulle. 3.1.1 Mesures électriques Caractéristique I vs VBG Tout d’abord, nous avons commencé par imposer une tension V = 10 mV entre source et drain. Nous avons alors mesuré l’intensité du courant I qui circule entre les deux électrodes en balayant la tension de grille VBG de −80 V à +80 V et inversement par pas de 0.1 V. Les courbes obtenues sont celles de la figure 3.1(b). On observe qu’il y a un léger hystérésis entre les deux sens de balayage mais que la forme des courbes est similaire. En particulier, on constate que le courant présente un minimum non nul pour VnBG = 25.1 V et qu’il croit de part et d’autre de manière quasi symétrique. Ces observations se comprennent qualitativement en utilisant le modèle de Drude. Dans ce modèle, la conductivité σ est proportionnelle à la densité de porteurs de charges mobiles n. En appliquant une tension de grille VBG finie, on ajoute des porteurs de charges, que ce soient des électrons dans la bande de conduction ou des trous dans la bande de valence, selon la relation ne = CVBG (voir partie 1.3). Ainsi, la conductivité et donc le courant augmentent avec la valeur absolue de la tension de grille. Par contre, à tension de grille nulle, le niveau de Fermi est juste au point de Dirac, précisément là où la densité d’états s’annule, il n’y 33 Chapitre 3. Résultats et discussion (a) (b) 5x10-5 Source V = 10 mV T = 4.4 K 4x10-5 W=36 µm I (A) L=45 µm 3x10-5 2x10-5 1x10-5 0 Drain -80 -60 -40 -20 0 20 40 60 80 VBG (V) Figure 3.1 – (a) Image optique de la monocouche de graphène connectée entre les électrodes source et drain en or. (b) Intensité du courant source-drain I en fonction de la tension de grille VBG . a pas de porteurs de charges mobiles n = 0 (voir paragraphe 1.1.2) : le courant devrait être nul. Or expérimentalement il n’est pas nul mais minimal. Précisons que cette valeur minimale n’est pas atteinte pour une tension de grille nulle car le graphène est initialement dopé par des trous sur un substrat Si/SiO2 (voir paragraphe 1.1.2), en accord avec le fait que VnBG > 0. La bonne valeur de tension de grille à utiliser est donc VBG − VnBG de sorte qu’à tension de grille nulle 1 le courant (et donc la conductivité) soit minimal. La symétrie de ces courbes s’explique par la symétrie électron-trou du graphène (voir partie 1.1.2). De ces mesures, nous pouvons extraire la résistivité ρ (inverse de la conductivité) de la feuille de graphène en fonction de la tension de grille. Résistivité et mobilité Résistivité La résistivité se calcule à l’aide de la formule ρ = W L × V I , où L est la longueur et W la largeur du morceau de graphène entre source et drain (voir figure 3.1(a)). Les courbes obtenues sont montrées sur la figure 3.2(a). La densité de porteurs de charge n est calculée à partir de la capacité géométrique CG de la grille puisque dans la cas BG la capacité quantique CQ est négligeable (voir les ordres de grandeurs de la partie 1.3). La couche d’oxyde de silicium SiO2 a une épaisseur dBG = 285 nm et une constante diélectrique ε ≈ 3.5 × 10−11 F·m−1 [17], d’où une capacité CG = 1.2 × 10−8 F·cm−2 . Cette valeur de capacité est semblable aux valeurs obtenues par des mesures d’effet Hall [19]. En accord avec ce qui a été dit précédemment, la résistivité n’est pas infinie à tension de grille (ou dopage) nulle mais a une valeur maximale finie ρmax ≈ 3.5 kΩ. La résistivité maximale (conductivité minimale) ne dépasse jamais une certaine valeur qui est de l’ordre de grandeur du quantum de résistance h/e2 ∼ 10 kΩ [19]. La valeur trouvée ici est légèrement plus faible que ce qui est mesuré habituellement 2 alors qu’on s’attendrait à ce qu’elle soit plus importante. En effet, les mesures sont faites dans une configuration deux points qui ne permet pas de s’affranchir des résistances de contact, contrairement au montage quatre points. 1. Il est courant d’utiliser les termes point de Dirac, de charge neutre ou encore de conductivité minimale pour qualifier ce point. 2. Bien qu’elle telle valeur est déjà été mesurée [2] 34 3.1. Transistor à grille par le bas (FET BG) Une explication possible (qu’il reste à prouver) est la suivante. En regardant plus attentivement la figure 3.1(a), on remarque qu’il y a un fin bout de multicouche qui connecte également les deux électrodes. Le schéma électrique équivalent est formée de deux résistances en parallèle, l’une pour la monocouche de graphène et l’autre pour la multicouche. Compte tenu des dimensions et du dopage probablement faible de la multicouche, sa résistance est bien plus importante que celle de la monocouche. Il est donc légitime de ne pas en tenir compte. Mais lorsqu’on approche du point de Dirac, la résistance du graphène augmente et n’est plus très petite devant celle de la multicouche dont l’influence n’est alors plus négligeable. Proche du point de conductivité minimale, on est donc plus sensible à la contribution de la multicouche. En outre, il est également possible qu’il y ait des inhomogénéités de charge dans l’échantillon qui font que le conductivité minimale n’est pas aussi faible que prévu. Nous détaillerons plus ce point dans le paragraphe 3.1.2 suivant. Mobilité Pour finir, nous avons calculé la mobilité µ en fonction du dopage n à l’aide du modèle de Drude. La légitimité de ce modèle est ici justifié par le fait que la longueur L est très grande devant le libre parcours moyen (∼ 100 nm) des porteurs de charges dans le graphène [2]. La mobilité s’obtient donc en utilisant la formule µ= 1 I L 1 = × × . enρ V W CG |VBG − VnBG | (3.1) Le résultat est tracé sur la figure 3.2(b). La position du niveau de Fermi EF a été calculée en utilisant l’expression (1.14). On observe que la mobilité µ varie avec le dopage n. Pour des valeurs de n proches de 0, µ prend des valeurs très importantes (> 100 000 cm2 ·V−1 ·s−1 ) et diverge en 0. En revanche, pour des dopages plus importants (de l’ordre de 5 × 1012 cm−2 en valeur absolue), µ est quasi contant et vaut environ 3500 cm2 ·V−1 ·s−1 3 . C’est en général cette définition qu’on utilise lorsqu’on parle de mobilité du graphène. Au regard des nombreuses mobilités mesurées dans le graphène [2], la valeur trouvé ici n’est pas extraordinaire mais est tout de même raisonnable compte tenu du fait que ces mesures soient non locales et que l’échantillon soit assez « grand ». (a) -9 -6 n (x1012 cm-2) -3 0 (b) 3 EF (meV) -340 -300 -250 -200 -125 0 125 200 250 T = 4.4 K T = 4.4 K 100000 µ (cm2 V-1 s-1) ρ (Ω) 3000 2000 1000 0 -100 -50 0 VBG-VnBG (V) 10000 1000 -9 50 -6 -3 0 3 n (x1012 cm-2) Figure 3.2 – (a) Résistivité ρ en fonction de la tension de grille VBG ou du dopage n. (b) Mobilité µ en fonction du dopage n ou du niveau de Fermi EF . 3. Pour de tels dopages, on est suffisamment loin du point de conductivité minimale pour que l’effet de la multicouche soit a priori négligeable. 35 Chapitre 3. Résultats et discussion 3.1.2 Mesures optiques Nous avons ensuite effectué des mesures de spectroscopie Raman sur ce même échantillon dans les mêmes conditions. Mais à la différence des mesures de transport, ces mesures sont « locales » car elles se font en un point de la monocouche de graphène. On est donc sûr de sonder uniquement la monocouche. Le laser est monomode à 532 nm de puissance inférieure à 1 mW et le spectromètre est équipé du réseau 900 traits/µm. La tension source-drain V est mise à 0 et la tension de grille VBG est balayée de −40 V à +80 V par pas de 5 V. Tous les spectres obtenus sont tracés sur la figure 3.3. Sur ces spectres, on observe principalement les pics G et 2D. En revanche, on ne distingue pas les pics de défaut D et D’, ce qui signifie que l’échantillon étudié est de très bonne qualité. −1 Déplacement Raman (cm ) 2710 2600 7000 2D 6000 2400 5000 2200 5000 4500 4000 2690 3500 2680 3000 2500 2670 2000 2660 1500 1000 2650 500 2640 −40 4000 −20 0 20 VBG (V) 40 60 80 2000 3000 1800 G 1000 1400 −40 −20 0 V 20 BG (V) 40 60 80 −1 1600 1620 2000 Déplacement Raman (cm ) −1 Déplacement Raman (cm ) 2800 5500 2700 4500 4000 1610 3500 1600 3000 1590 2500 1580 2000 1500 1570 1000 1560 500 1550 −40 −20 0 20 VBG (V) 40 60 80 Figure 3.3 – Spectres Raman en un point de la monocouche de graphène en fonction de la tension de grille VBG . L’intensité est arbitraire. Evolution des pics G et 2D en fonction du dopage En examinant attentivement les pics G et 2D, on constate que conformément aux attentes (voir paragraphe 1.2.5) ils évoluent avec la tension de grille VBG . Pour étudier plus précisément cette évolution, ces deux pics ont été ajustés pour en extraire leur position, leur largeur à mi-hauteur et leur intensité intégrée. Pour chacun des pics, ces deux grandeurs ont été tracées en fonction de VBG sur la figure 3.4. La position ωG du pic G présente un minimum autour de 1581 cm−1 pour des tensions VBG comprises entre environ 15 V et 40 V. Cette fréquence est proche de celle attendue lorsque le graphène n’est pas dopé (voir partie 1.2.3). Le milieu de cet intervalle est en accord avec la valeur de VnBG = 25.1 V déterminée par les mesures électriques du paragraphe 3.1.1. Comme les mesures Raman ne sont effectuées que sur la monocouche, ce résultat conforte la fiabilité des mesures électriques et le fait que l’effet de la multicouche n’est a priori pas trop important. De plus la largeur ΓG du pic G est maximale autour de cette même tension. Ainsi, 36 3.1. Transistor à grille par le bas (FET BG) 1590 (b) EF (mev) -250 -200 -150 0 150 200 250 T = 4.4 K 16 T = 4.4 K 2678 1584 8 1582 ΓG (cm-1) 10 ω2D (cm-1) 12 1586 ω G (cm-1) 250 14 1588 1580 EF (mev) 0 150 200 -250 -200 -150 6 -40 -20 0 20 40 60 80 26 2674 24 2672 22 20 -40 VBG (V) 28 2676 2670 4 30 Γ2D (cm-1) (a) -20 0 20 40 VBG (V) 60 80 18 Figure 3.4 – (a) Position ωG et largeur à mi-hauteur ΓG du pic G en fonction de la tension de grille VBG . (b) Position ω2D et largeur à mi-hauteur Γ2D du pic 2D en fonction de la tension de grille VBG ou du niveau de Fermi EF . Les traits verticaux en pointillés 0. indiquent les positions où 2 |EF | = ~ωG comme pour les mesures électriques la tension de grille effective est VBG − VnBG . La position ω2D et la largeur Γ2D du pic 2D ne varient pas de la même manière que pour le pic G. Premièrement, l’intervalle de variation des deux grandeurs est plus faible. Deuxièmement, ω2D ne fait globalement que diminuer et Γ2D qu’augmenter. Il n’est pas possible d’en extraire VnBG . Il est intéressant de noter que la symétrie électron-trou induit a priori une évolution symétrique de ωG et ΓG autour du point de Dirac que l’on retrouve que pour des dopages « faibles ». Le niveau de Fermi EF se déduit de la tension VBG −VnBG et a été tracé sur les graphiques de la figure 3.4. Le déplacement maximal est d’environ 250 meV. Au-delà de VBG = 60 V, ωG n’augmente plus mais diminue légèrement et ΓG ne diminue pas autant que pour VBG négative, ce qui est relativement surprenant. Cela ressemble à une saturation de l’effet de champ. On a l’impression que la grille ne parvient plus à fournir les charges. Fonctionne-t-elle encore correctement ? Le courant de fuite IBG toujours négligeable et l’évolution du pic 2D laissent penser que oui. Aucune explication convaincante ne nous est venue à l’esprit pour expliquer ces observations. Interprétation de l’évolution du pic G Pourquoi les spectres Raman du graphène changent-ils de cette manière avec le niveau de Fermi ou le dopage ? Comme expliqué à la fin du paragraphe 1.2.4 sur les processus Raman, le ou les phonons créés dans le graphène interagissent avec les électrons. Le processus Raman du pic 2D est plus complexe que celui du pic G puisqu’il fait intervenir au moins deux phonons de vecteur d’onde non nul et éloignés du point K (ou K’), où le couplage électron-phonon est maximal. C’est pourquoi son évolution avec le niveau de Fermi est plus compliquée à décrire. Dans ce rapport, nous nous contenterons uniquement d’expliquer les variations de positions et de largeur du pic G. D’après le paragraphe 1.2.4 sur les processus Raman, le pic G correspond à la création d’un 0 ≈ 1580 cm−1 et de vecteur d’onde q = 0. phonon au centre Γ de la PZB, i.e. de fréquence ωG 0 interagit avec le système électronique selon deux Après avoir été créé, ce phonon d’énergie ~ωG processus (voir figure 3.5) : 37 Chapitre 3. Résultats et discussion • la désintégration du phonon en une paire électron-trou réelle (figure 3.5(a) et (c)). L’énergie et l’impulsion doivent être conservées. La conservation de l’impulsion implique que la transition soit verticale puisque l’impulsion du phonon est nulle. La conservation de l’énergie impose quant à elle que l’électron ait une énergie + 0 ~ωG 2 et le trou − 0 ~ωG 2 . • l’« habillage » du phonon par des excitations électroniques (paires électron-trous virtuelles) dont l’énergie peut être supérieure, inférieure, ou égale à celle de phonon (figure 3.5(b) et (d)). En conséquence, la fréquence du phonon « habillé » est renormalisée par rapport à sa valeur non perturbée. Dans ce processus, l’impulsion et le nombre de phonons sont conservés. Dans les deux cas, les transitions verticales autorisées sont données par le principe de Pauli : l’état initial doit être occupé et l’état final vide (figure 3.5(e) et (f)). De manière générale, le couplage électron-phonon est décrit par une self-énergie dont la partie imaginaire correspond au premier processus et la partie réelle au second [47]. Mais dans ce rapport nous étudierons ces deux processus séparément. Précisions que pour l’explication de ces deux processus, la variation 0 ) avec le dopage est négligée devant celle de du phonon non d’énergie du phonon ~(ωG − ωG 0. renormalisé ~ωG (a) ph (b) e- ph h+ temps e- ph h+ (c) (d) ph ħωG (e) ph ph ph ph (f) ph ħωG E kx ky Figure 3.5 – Diagrammes de Feynman de la désintégration d’un phonon en une paire électron-trou (a) et de la renormalisation d’un phonon (b). (c) Transition d’un phonon en une paire électron-trou dans le graphène. (d) Renormalisation de la fréquence du phonon. (e) et (f) Les transitions électroniques sont interdites par le principe de Pauli. Des schémas analogues s’obtiennent pour un dopage par des trous. 38 3.1. Transistor à grille par le bas (FET BG) Largeur ΓG du pic G Le premier processus est responsable de la largeur ΓG du pic G. En effet, lorsque le niveau de Fermi EF est compris entre − 0 ~ωG 2 et + 0 ~ωG 2 la transition de l’état phononique vers l’état électronique est possible, alors qu’elle ne l’est plus en dehors de cet intervalle. De cette façon, ΓG est plus importante pour de faible valeur de EF , en accord avec les données de la figure 3.4(a). Plus quantitativement, ΓG est donnée par ΓG = Γ0 + Γe−ph , (3.2) où Γe−ph correspond au taux de transition du phonon en paire électron-trou, et Γ0 tient compte de toutes les autres sources indépendantes de l’interaction électronique (largeur du spectromètre, couplage phonon-phonon, etc.) [43]. Ce dernier terme ne dépend donc pas du dopage. Γe−ph peut être calculé en utilisant la règle d’or de Fermi [23] : Γe−ph Γ0e−ph " ~ω 0 = f − G − EF 0 2 tanh(β~ωG /4) ! −f 0 ~ωG − EF 2 !# , (3.3) où Γ0e−ph est le taux de transition phonon-électron à dopage nul et f (x) = 1/(exp βx + 1) est la distribution de Fermi-Dirac. A T = 0 , ΓG en fonction de n ou EF à la forme d’un « chapeau 0 et une valeur minimale Γ dès que 2 |E | > ~ω 0 . A plat » avec des bords nets en 2 |EF | = ~ωG 0 F G température non nulle, le profil s’adoucit d’autant plus que la température est élevée. Position ωG du pic G Le deuxième processus est responsable de la position ωG du pic G. L’interaction phonon-électron provoque une renormalisation de l’énergie du phonon, i.e. une modification de ωG . Formellement, cette interaction est décrite par des diagrammes de Feynman comme celui de la figure 3.5(b). La sommation de tous ces diagrammes sur un intervalle limité par le principe de Pauli permet d’en déduire ωG . Un changement de EF induit un changement dans l’intervalle de sommation et donc dans l’énergie du phonon. Les calculs étant relativement complexes, nous allons nous contenter d’expliquer qualitativement l’évolution de ωG avec EF . Le couplage du phonon avec des états électroniques d’énergie comprise entre − 0 ~ωG 2 et + 0 ~ωG 2 a tendance à faire augmenter ωG d’autant plus que le nombre d’états contenus dans cet intervalle est important. C’est l’inverse pour le couplage avec les états d’énergie supérieure à 0 ~ωG 2 en valeur absolue. Finalement, ωG est donnée par l’équilibre entre ces deux contributions. Lorsque |EF | augmente, le principe de Pauli interdit certaines transitions et donc l’interaction avec les états électroniques correspondants. De cette façon en augmentant progressivement |EF | à partir de 0, on commence par diminuer uniquement le nombre d’états qui font augmenter ωG . Par conséquent, 0 , plus aucun état ne fait augmenter ω qui diverge donc. Cette ωG diminue. Pour 2 |EF | = ~ωG G 0 , le divergence (logarithmique) est appelée anomalie de phonon [48]. Dès lors que 2 |EF | > ~ωG nombre d’états faisant diminuer ωG baisse ce qui fait augmenter ωG . Comparaison entre expérience et théorie Evolution théorique de ωG et ΓG À partir de l’équation (3.3) et des travaux notamment de M. Lazerri et F. Mauri [23, 48], nous avons simulé l’évolution de ωG et ΓG avec n et EF 39 Chapitre 3. Résultats et discussion en écrivant un script Matlab (voir annexe A). Les courbes en continu de la figure 3.6(a) montre le résultat de ces calculs. L’allure de ces deux courbes est en accord avec ce qui vient d’être expliqué. En particulier, on observe bien le profil en « chapeau plat » et l’anomalie de phonon 0 . A noter que cette anomalie n’est pas exactement la même pour les deux lorsque 2 |EF | = ~ωG types de porteurs de charges. 1590 (b) EF (meV) -250 -200 -150 0 150 200 250 1590 16 EF (meV) -250 -200 -150 0 150 200 1588 14 14 1586 1588 12 1584 12 10 1580 ωG (cm-1) 1582 1586 ΓG (cm-1) ωG (cm-1) 250 10 1584 8 8 1578 1576 1582 6 ΓG (cm-1) (a) 6 1574 -6,0x1012 -4,0x1012 -2,0x1012 4 2,0x1012 4,0x1012 6,0x1012 0,0 1580 -6,0x1012 -4,0x1012 -2,0x1012 -2 4 2,0x1012 4,0x1012 6,0x1012 0,0 -2 n (cm ) n (cm ) Figure 3.6 – Position ωG et largeur à mi-hauteur ΓG du pic G en fonction du dopage n ou du niveau de Fermi EF . Les points correspondent aux données expérimentales et les courbes en continue à la théorie dans le cas (a) d’une distribution de charge homogène, (b) d’une distribution gaussienne de charge de largeur δn = 7 × 1011 cm−2 . Les traits 0. verticaux en pointillés indiquent les positions où 2 |EF | = ~ωG Comparaison avec l’expérience On constate sur la figure 3.6(a) que les données expérimen- tales de ωG suivent l’allure de la courbe théorique, sauf qu’elles ne présentent pas l’anomalie de phonon. En revanche, les mesures de ΓG ne suivent pas la courbe théorique, elles évoluent de manière plus « douce ». L’écart entre expérience et théorie s’explique par une inhomogénéité de charge dans l’échantillon [49, 50]. Cette inhomogénéité a tendance à masquer l’anomalie de phonon et à élargir la courbe de ΓG . En supposant une distribution non uniforme de charge gaussienne de largeur δn (voir annexe B), il est possible de déterminer une valeur de δn pour laquelle l’accord entre les points expérimentaux et la théorie est bon 4 (voir figure 3.6(b)). Pour l’échantillon étudié dans cette partie, on trouve une largeur δn = 7 × 1011 cm−2 , ce qui est cohérent avec les valeurs trouvées par J. Yan et al. [49, 50]. Corrélations entres les grandeurs mesurées Nous venons de voir que les valeurs de ωG et ΓG proviennent toutes les deux de l’interaction électron-phonon. Il est intéressant de tracer ΓG en fonction de ωG (voir figure 3.7(a)), d’autant plus que cette courbe ne fait pas intervenir la tension de grille VBG (et en conséquence ni n, ni EF ). On observe premièrement, un comportement similaire pour un dopage par des électrons et 4. On pourrait aussi penser que le laser, en chauffant légèrement l’échantillon, est également responsable de l’écart entre expérience et théorie. Mais on constate en pratique que cet effet est négligeable devant l’inhomogénéité de charge. 40 3.1. Transistor à grille par le bas (FET BG) des trous. Deuxièmement, il y a clairement une corrélation entre ces deux grandeurs puisque les points s’alignent sur une courbe décroissante. Lorsque ωG augmente ΓG diminue, et le dopage augmente (quel que soit son signe) conformément à ce qui a été dit dans le paragraphe 2.1.3. En outre, on constate que l’expérience est bien en accord avec les courbes théoriques tenant compte d’une inhomogénéité de charge gaussienne δn = 7 × 1011 cm−2 . A priori, connaissant le niveau de dopage en chaque point, on pourrait utiliser ces courbes pour déterminer le dopage d’un échantillon donné. Or ωG et ΓG dépendent aussi des contraintes mécaniques. Il faudrait donc étudier ces courbes pour différentes contraintes. On peut seulement les utiliser pour l’échantillon étudié ici puisque les contraintes mécaniques, s’il y en a, sont constantes. Le rapport des intensités intégrées I2D /IG tracé sur la figure 3.7(b) varie avec le dopage comme indiqué dans le paragraphe 2.1.3. On observe que ce rapport est maximal autour du dopage nul, mais sur un intervalle de tension assez large. Pour des tensions de grille VBG − VnBG > 40V , il y a une saturation du rapport qui suggère à nouveau un dysfonctionnement de la grille. On peut utiliser ce rapport pour se faire une idée du dopage puisque le dopage est connu en chaque point. Mais l’intensité des pics est relativement sensible aux réglages du montage expérimental, tout particulièrement à la focalisation du faisceau laser qu’il faut veiller à maintenir identique tout au long des mesures si l’on veut pouvoir s’en servir. Comme cela ne constituait pas l’objectif premier de ce stage, nous ne nous y sommes pas intéressés davantage. Néanmoins, ces deux corrélations confirment, indépendamment du fonctionnement de la grille, que le FET dope bien le graphène. (a) (b) 16 4,8 expérience h+ expérience ethéorie h+ théorie e- 14 -200 -150 0 150 0 2 200 250 4,6 4,4 4,2 4,0 10 I2D/IG ΓG (cm-1) 12 EF (meV) -250 3,8 3,6 8 3,4 6 3,2 3,0 4 1580 1582 1584 1586 1588 1590 ωG (cm-1) -6 -4 -2 4 6 n (x1012 cm-1) Figure 3.7 – (a) Largeur à mi-hauteur ΓG en fonction de la position ωG du pic G pour un dopage par des trous (h+ ) et des électrons (e− ). Les courbes en continu correspondent à la théorie tenant compte d’une inhomogénéité de charge. (c) Rapport des intensités intégrées I2D /IG des pics 2D et G en fonction de la tension de grille VBG − VnBG . La ligne en pointillés correspond au dopage nul. Les résultats obtenus avec ce FET BG sont conformes à ce qui se trouve dans la littérature [48, 49]. Ils suggèrent que nous ne sommes pas loin d’observer l’anomalie de phonon et qu’a priori nous pouvons espérer l’observer sur du graphène suspendu (i.e. pas en contact avec un substrat). Les niveaux de Fermi atteints avec ces dispositifs ne sont pas suffisants dans le cadre du projet de réalisation des dispositifs hybrides graphène/CQD. Cependant, ces mesures nous ont permis de tester les dispositifs et surtout de valider le fonctionnement du montage expérimental. 41 Chapitre 3. Résultats et discussion 3.2 Transistor à grille électrochimique par le haut (FET TG) Les FET étudiés dans cette partie ont été fabriqués par lithographie optique (partie 2.2). Un exemple de dispositif (dénommé LRG6) est visible sur la figure 3.8. (a) (b) source source drain drain grille Figure 3.8 – (a) Image optique du dispositif LRG6 avec les différentes électrodes en or. La monocouche de graphène est fendue au milieu ce qui empêche de faire des mesures de courant source-drain. (b) Image optique du même dispositif lors de l’apparition du fond sur les spectres. Une tache (entourée en vert) est apparue sur la partie où les mesures ont été faites. Pour des raisons techniques 5 , nous n’avons pu réaliser que des mesures optiques de spectroscopie Raman (avec seulement un contact sur le graphène) à pression et température ambiante (≈ 295 K). Les mesures ont été effectuées de la même manière que pour les FET BG. Tous les 1 2800 2600 0.9 2D 2400 0.8 2200 0.7 2000 0.6 1600 0.4 0.3 1400 −1 0 VTG (V) 1 2 −1 G 0.9 2700 0.8 2690 0.7 2680 0.6 2670 0.5 2660 0.4 0.3 2650 0 V TG 0.5 1800 1 2710 −1 Déplacement Raman (cm ) Déplacement Raman (cm−1) −1 Déplacement Raman (cm ) spectres obtenus sont tracés sur la figure 3.9. (V) 1 2 1630 1 1620 0.9 1610 0.8 0.7 1600 0.6 1590 0.5 1580 0.4 1570 1560 0.3 −1 0 V TG (V) 1 2 Figure 3.9 – Spectres Raman en un point de la monocouche de graphène en fonction de la tension de grille VBG . L’intensité est arbitraire. La flèche grise indique le début de l’apparition du fond et la flèche noire son augmentation brutale. 5. Lors de la mise sous vide de FET TG, un fond recouvrant tout le signal Raman apparaissait systématiquement. Nous essayons actuellement de comprendre l’origine de ce fond. 42 3.2. Transistor à grille électrochimique par le haut (FET TG) Positions (ωG , ω2D ), largeur à mi-hauteur (ΓG , Γ2D ) et intensité intégrée (IG , I2D ) des pics G et 2D ont été extraites des spectres par ajustement des pics. Leur évolution en fonction de la tension de grille appliquée VT G est tracé sur la figure 3.10. Comme dans le cas BG, le point de Dirac n’est pas en VT G = 0 mais en VnT G = 0.3 V à cause du dopage initial. 1610 14 1605 12 1600 10 1595 8 1590 2705 2700 2695 6 1585 1580 4 -2,0 -1,5 -1,0 -0,5 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 2690 2685 T = 295 K 36 34 32 30 2680 28 2675 26 2670 24 Γ2D (cm-1) T = 295 K ΓG (cm-1) 1615 ωG (cm-1) (b) 16 ω2D (cm-1) (a) -2,0 -1,5 -1,0 -0,5 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 VTG (V) VTG (V) Figure 3.10 – (a) Position ωG et largeur à mi-hauteur ΓG du pic G en fonction de la tension de grille VBG . (b) Position ω2D et largeur à mi-hauteur Γ2D du pic 2D en fonction de la tension de grille VBG . Les flèches grises indiquent le début de l’apparition du fond et les flèches noires son augmentation brutale (voir figure 3.9). 3.2.1 Evolution des pics G et 2D Position et largeur On constate que le comportement de ωG , ω2D , ΓG , et Γ2D en fonction de VT G est similaire à ce qu’on observe pour le FET BG. L’explication des variations des spectres est exactement la même (voir paragraphe 3.1.2). Mais on remarque que pour des valeurs identiques de ωG ou ΓG les valeurs prises par VT G sont environ 50 à 100 fois plus faibles que pour VBG . Ceci est en accord avec les estimations de capacités faites au paragraphe 1.3.3. De plus, ωG prend des valeurs bien plus importantes ce qui laisse supposer un dopage plus fort. ΓG n’a pas un profil en « chapeau plat », les bords sont moins abrupts ce qui est cohérent avec l’équation (3.3) et le fait que la température est plus élevée. En revanche, on observe un comportement suspect (augmentation, diminution brutale et réaugmentation) de ΓG pour des tensions VT G . −0.6 V. De plus, ωG , ω2D et Γ2D augmentent brutalement alors que ΓG chute brusquement pour VT G = −1.1 V. Ces comportements s’expliquent vraisemblablement pour l’apparition progressive d’un fond sur les spectres (voir figure 3.9) pour VT G . −0.6 V qui devient brutalement plus important à partir de VT G = −1.1 V. Il est probable que ce fond soit la manifestation de réactions chimiques comme le laisse à penser l’image optique de la surface de l’échantillon (voir figure 3.8(b)). Quoiqu’il en soit, l’apparition de ce fond n’est pas une fatalité puisqu’il disparaît à chaque fois que VT G est ramenée à 0 V. 43 Chapitre 3. Résultats et discussion 3.2.2 Détermination du dopage Détermination de la capacité géométrique Pour quantifier l’efficacité de ces grilles, il faut convertir la tension de grille VT G en dopage n et position du niveau de Fermi EF . Cette conversion est à la fois importante et compliquée. D’après la partie 1.3, dans le cas d’un FET TG la tension de grille VT G est relié au dopage par la relation VT G − VnT G = sgn(n) ~vF p π |n| e + ne . CG (3.4) Le premier terme correspond à la capacité quantique CQ et le deuxième à la capacité géométrique CG . Pour calculer CG , on suppose que les doubles couches électriques forment un condensateur plan dont les armatures sont séparées de la longueur de Debye dT G = (2ce2 /εkB T )−1/2 où c est la concentration en électrolyte dans le polymère (voir paragraphe 1.3.3). La capacité est alors donnée par CG = ε/dT G . Mais dans le cas d’un polymère électrolyte c est difficile à évaluer notamment parce que les ions de l’électrolyte forment des complexes avec les chaines du polymère. Pour déterminer une valeur de dT G , nous nous sommes servis de la valeur employée par A. Das et al. [17] qui ont utilisé le même polyèmere électrolyte dans les mêmes proportions. Les auteurs se fondent sur l’hypothèse d’une longueur de Debye de dT G = 2 nm, soit une capacité de CG = 2.2 × 10−6 F·cm−2 . A partir de cette valeur, on convertit VT G en un dopage n puis en niveau de Fermi EF . Il est alors possible de tracer les données expérimentales en fonction de n et EF (voir figure 3.11(a)). Les points expérimentaux ωG sont relativement proches de la courbe théorique, ce qui est moins le cas pour ΓG . Est-ce parce que dT G n’est pas correcte ? Pour le vérifier nous avons augmenté et diminué dT G . Pour la position ωG , dans les deux cas la différence entre les points expérimentaux et la courbe théorique augmente. En ce qui concerne la largeur ΓG , l’accord entre expérience et théorie est d’autant meilleur que dT G est grand. Mais il y a toujours un écart entre la valeur maximale calculée et celle mesurée. Cela suggère que la valeur de dT G est correcte et que les écarts observés s’expliquent autrement. Prise en compte de l’inhomogénéité de charge Comme dans le cas du FET BG (voir paragraphe 3.1.2), ces écarts s’expliquent pas une inhomogénéité de charge. En effet, celle-ci affecte plus ΓG que ωG . En supposant une distribution non uniforme de charge gaussienne de largeur δn = 9 × 1011 cm−2 (voir annexe B), on obtient un bon accord entre expérience et théorie (voir figure 3.11(b)). Ceci valide la conversion de la tension de grille VT G en dopage n. La largeur de l’inhomogénéité de charge δn est du même ordre de grandeur mais n’est pas égale à celle obtenue pour le FET BG, ce qui est logique puisque les échantillons de graphène sont différents. De plus, le dopage initial du graphène est d’environ −1.7 × 1012 cm−2 . Ce dopage est plus important que les −3 × 1010 cm−2 de l’échantillon du FET BG car le polymère électrolyte qui sert de grille dope probablement le graphène. L’accord entre expérience et théorie est moins bon pour des niveaux de dopage plus élevés (> 1012 cm−2 en valeur absolue), particulièrement pour les trous. On peut légitimement se demander si pour de tels niveaux l’efficacité de la grille est plus meilleure (dopage autre que par effet de champ ?) ou si la théorie est incomplète ? Nous n’avons malheureusement pas la réponse à ces questions pour 44 3.2. Transistor à grille électrochimique par le haut (FET TG) l’instant. Malgré cela en supposant que la détermination du dopage est correct, le déplacement maximal du pic G (ωG ≈ 1615 cm−1 ) laisse supposer une niveau de Fermi dépassant les 500 meV quel que soit le signe du dopage. 450 500 16 1610 1595 1580 -20 -15 -10 -5 0 5 12 10 15 1600 10 1595 1590 6 1585 12 8 8 1590 14 1605 ωG (cm-1) 10 16 1610 12 1600 450 500 1615 14 1605 EF (meV) -500-450 -375 -300 -200 0 200 300 375 Γ G (cm-1) 1615 ωG (cm-1) (b) EF (meV) -500-450 -375 -300 -200 0 200 300 375 ΓG (cm-1) (a) 6 1585 4 1580 -20 -15 -10 -2 -5 0 12 n (x10 cm ) 5 10 15 4 -2 n (x10 cm ) Figure 3.11 – Position ωG et largeur à mi-hauteur ΓG du pic G en fonction du dopage n ou du niveau de Fermi EF . Les points correspondent aux données expérimentales et les courbes en continue à la théorie dans le cas (a) d’une distribution de charge homogène, (b) d’une distribution gaussienne de charge de largeur δn = 9 × 1011 cm−2 . La capacité géométrique utilisée dans les deux cas est CG = 2.2 × 10−6 F·cm−2 . Les traits verticaux 0. en pointillés indiquent les positions où 2 |EF | = ~ωG 3.2.3 Corrélations entre les grandeurs mesurées (a) (b) 2688 2686 10 8 2684 5,0 h+ ajustement h+ eajustement e- 4,5 4,0 I2D/IG ΓG (cm-1) 12 expérience h+ théorie h+ expérience ethéorie e- ω2D (cm ) 14 (c) 2690 16 2682 2680 4 1580 1585 1590 1595 1600 1605 1610 1615 ωG (cm-1) 2,0 2676 1580 3,0 2,5 2678 6 3,5 1585 1590 1595 ωG (cm-1) 1600 1,5 -20 -15 -10 -5 0 5 10 15 20 n (x1012 cm-2) Figure 3.12 – (a) Largeur à mi-hauteur ΓG en fonction de la position ωG du pic G pour un dopage par des trous (h+ ) et des électrons (e− ). (b) Position ω2D du pic 2D en fonction de la position ωG du pic G pour les trous et les électrons. Les points expérimentaux ont été ajustés par une droite dont la pente est respectivement 0.67 ± 0.02 et 0.13 ± 0.01. Les points correspondant à ωG > 1600 cm−1 ont été volontairement enlevés. (c) Rapport des intensités intégrées I2D /IG des pics 2D et G en fonction de la tension de grille VT G −VnT G . La ligne en pointillés correspond au dopage nulle. De même que pour les mesures sur le FET BG, ΓG et ωG sont corrélées quel que soit le signe du dopage (voir figure 3.12(a)). De plus, ω2D en fonction de ωG est une droite (voir figure 3.12(b)) dont la pente dépend du signe du dopage. Comme signalé précédemment dans la partie 2.1.3, il est possible d’utiliser cette courbe pour séparer contraintes mécaniques et dopage [42]. Le 45 Chapitre 3. Résultats et discussion rapport des intensités intégrées I2D /IG (voir figure 3.12(c)) dépend comme dans le cas du FET BG du dopage. Contrairement à ce dernier, le rapport est clairement maximum pour une valeur de dopage non nul d’environ −1.7 × 1012 cm−2 . Cette valeur est proche de l’inhomogénéité de charge δn = 9 × 1011 cm−2 , ce qui explique peut-être cette observation. 3.2.4 Reproductibilité des mesures Les mêmes mesures ont été effectuées sur plusieurs échantillons et en différents points d’un même échantillon. Nous pouvons alors comparer les variations de ωG et ΓG en fonction de VT G − VnT G pour ces différentes séries de mesures. On observe globalement un comportement identique. En particulier, l’apparition d’un fond plus ou moins important est systématique pour VT G . −1 V. On constante que les séries de mesures effectués en des postions différentes d’un même échantillon sont très proches, mais qu’entre les échantillons les différences sont plus importantes. Ces disparités s’expliquent en partie par une inhomogénéité de charge différente comme le montre l’annexe C. Ainsi, l’expérience et les résultats sont relativement reproductibles. (a) (b) 1620 S16 p1 S16 p2 LRG6 p1 LRG6 p2 1615 1605 Γe-ph (cm-1) ωG (cm-1) 1610 1600 1595 1590 (c) -2 -1 0 1 VTG-VnTG (V) 2 3 4 -2,0 -1,5 -1,0 -0,5 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 VTG - VnTG(V) 12 S16 p1 S16 p2 LRG6 p1 LRG6 p2 ΓG (cm-1) 14 ΓG (cm-1) -3 Trous (VTG<VnTG) 16 5 0 1585 1580 S16 p1 S16 p2 LRG6 p1 LRG6 p2 10 10 8 6 1580 1585 1590 1595 1600 1605 1610 1615 ωG (cm-1) 17 16 15 14 13 12 11 10 9 8 7 6 5 4 Electrons (VTG>VnTG) S16 p1 S16 p2 LRG6 p1 LRG6 p2 1584 1587 1590 1593 ωG (cm-1) 1596 Figure 3.13 – Comparaison des résultats obtenus pour deux échantillons (S16 et LRG6) en deux points différents de la feuille de graphène pour chacun (p1 et p2). (a) ωG en fonction de VT G − VnT G . Pour les séries de mesures sur LRG6, on observe clairement une augmentation brutale de ωG vers VT G = −1.5 V et VT G = 2 V (b) ΓG en fonction de VT G − VnT G . (c) ΓG en fonction de ωG pour un dopage par des trous et des électrons. Les résultats obtenus dans cette partie sont en accord avec ceux obtenus par A. Das et al. [17]. Ils suggèrent que des déplacements élevés du niveau de Fermi peuvent être atteints au prix d’une maîtrise moins exact de la postion de EF pour l’instant. 46 Conclusion Bilan Pendant ce stage, nous avons mis en place des procédés de fabrication, de mesure et d’analyse de transistors à effet de champ avec grille par le bas et par le haut. Nous avons fabriqué, repéré et caractérisé pas moins d’une cinquantaine d’échantillons de graphène. A partir de ces feuillets, nous avons fabriqué une vingtaine de dispositifs dont plusieurs ont donné des résultats très encourageants et conformes à la littérature [17, 51, 52]. En particulier, nous avons réussi à doper le graphène de manière relativement efficace (EF > 700 meV) avec des grilles électrochimiques par le haut. En comparant nos résultats à ceux attendus théoriquement, nous avons pu mettre en évidence des inhomogénéités de charge dans les échantillons. Les objectifs fixés au début du stage ont donc été presque remplis. Mais plusieurs questions restent en suspens et nécessitent des investigations futures. Perspectives concernant le stage La détermination du dopage pour les FET TG se fonde sur la comparaison des données expérimentales avec les courbes théoriques. Cette comparaison est justifiée par le bon accord entre expérience et théorie pour le FET BG, i.e. pour des niveaux de dopage « faibles ». Ainsi, il serait intéressant de confirmer ces niveaux en les déterminant d’une autre manière. Les pistes à explorer sont les suivantes : • réaliser des dispositifs à la fois BG et TG (voir figure 1.16) et utiliser des mesures BG pour calibrer celles TG du moins pour des dopages faibles. • mener des études plus précises sur le rapport des intensités des pics 2D et G en fonction du dopage n [44], afin d’utiliser ce rapport pour déterminer un niveau de dopage. • se servir du courant de fuite de la grille IT G pour en déduire le nombre de porteurs de charges injectés [53]. En effet, l’intégration du courant par rapport au temps sur une durée donnée est directement égale à la charge totale injectée durant cette même période. Connaissant la surface des électrodes, on peut en déduire n. • utiliser l’effet Hall. La mesure du coefficient de Hall RH = 1/ne [37] en fonction de la tension de grille permet de connaître précisément n pour chaque niveau de tension. C’est certainement la meilleure méthode mais elle requiert la fabrication de dispositifs adaptés 47 Chapitre 3. Résultats et discussion (des barres de Hall) et la modification du montage expérimental afin de pouvoir appliquer un champ magnétique. L’apparition systématique d’un fond et les changements brutaux de la postion ωG et de la largeur ΓG du pic G pour des tensions de grille élevées, en valeur absolue, posent les questions de l’origine du fond et d’un éventuel dopage autre que par effet de champ. Pour trancher cette dernière question, il est possible par exemple de se servir de l’évaluation de n à partir du courant de fuite IT G et de comparer cette valeur à celle attendue pour un dopage uniquement par effet de champ. Bien que ces observations aient été plutôt des problèmes pendant ce stage, leur compréhension et surtout leur maîtrise permettront sûrement d’atteindre des niveaux de Fermi encore plus élevés ! Ce travail ouvre la voie à de futures expériences sur l’étude des répliques de processus multiphonons en particulier le mode 4D, réplique du mode 2D. L’étude du rapport d’intensité entre les pics 4D et 2D pourrait donner des informations quantitatives sur les taux de collisions électroniques inélastiques [33]. Ces collisions sont très importantes pour comprendre le transport dans le graphène. Plus généralement la corrélation entre mobilité électronique et spectre Raman demeure inexplorée. Cette étude serait un premier effort dans cette direction. Perspectives en lien avec le projet « QuanDoGra » Ce projet consiste à étudier l’interaction entre un CQD unique et une feuille de graphène. Il comporte une partie visant à étudier les propriétés opto-électroniques de dispositifs hybrides graphène/CQD. Cette partie constitue mon projet de thèse que je vais commencer à la rentrée dans ce même laboratoire. Dans un premier temps, l’objectif sera de contrôler l’émission d’un CQD unique par une tension de grille. Pour ce faire, il faut pouvoir déplacer le niveau de Fermi d’une quantité au moins égale à la moitié de l’énergie du photon émis. Les dispositifs développés durant le stage sont très prometteurs puisqu’ils permettent de déplacer précisément le niveau de Fermi jusqu’à 500 − 600 meV, voir de manière moins précise (pour le moment) au-delà de 700 meV. Ces niveaux permettent de travailler avec des photons d’énergie de l’ordre de 1.2 eV. Des études sont actuellement menées à l’IPCMS sur des CQD de CdSe/CdS qui émettent autour de 2.0 − 2.2 eV, ce qui est trop élevé pour ce projet. En revanche, il est possible de réaliser des expériences avec des CQD en sulfure de plomb (PbS) ou des molécules fluorescentes qui émettent autour de 1.2 eV, i.e. à une longueur d’onde d’environ 1 µm. La difficulté majeure réside dans le fait qu’à cette longueur d’onde les détecteurs actuels ne sont pas très performants. Peut-être que l’utilisation d’un gel ionique [52] au lieu d’un polymère électrolyte permettrait d’avoir des grilles encore plus efficaces, ce qui permettrait de choisir des CQD dont la longueur d’onde d’émission est plus faible. Des études préliminaires ont déjà été menées à ce sujet durant le stage. 48 Annexe A Calcul des courbes théoriques La variation de la fréquence du phonon du mode G (ωG ) avec la dopage n par rapport à 0 a deux contributions : l’une statique adiabatique ∆ω prenant la valeur à dopage nulle ωG s en compte la variation du paramètre de maille et l’autre dynamique non adiabatique ∆ωd . L’expression de ∆ωs est obtenue à partir de l’ajustement des calculs DFT de M. Lazerri et F. Mauri [23] : ∆ωs = −2.13n − 0.0036n2 − 0.00329n3 − 0.226 |n|3/2 , 2πc (A.1) où n est en 1013 cm−2 et ∆ωs /2πc en cm−1 . L’expression de ∆ωd est donnée par [48] : Z ~∆ωd = α0 − +∞ −∞ où R − [f (E) − f (E − EF )]E 2 sgn(E) dE, 0 )2 /4 E 2 − (~ωG (A.2) est la valeur principale de Cauchy, f (x) = 1/(exp βx + 1) la distribution de Fermi-Dirac à la température T et α0 un coefficient. Ce dernier est déterminé grâce au taux de transition électron-phonon à dopage nul Γ0ph−e [23] : α0 = Γ0e−ph 2 2πc × 0 × 0 /4) , π ωG tanh(β~ωG (A.3) 0 /2πc sont en cm−1 . L’intégrale (A.2) n’a pas d’expression analytique. Néanmoins, où Γ0G et ωG elle se calcule numériquement. Pour ce faire il faut commencer par séparer chacun des pôles : Z +∞ ~∆ωd = − −∞ où h(E) = +∞ h(E) h(E) dE − − dE, 0 0 E − ~ωG /2 −∞ E + ~ωG /2 α0 2 0 [f (E) − f (E − EF )]E sgn(E). ~ωG Z (A.4) Puis un changement de variable permet de ramener les singularités en 0 : Z ~∆ωd = − +∞ −∞ 0 /2) +∞ h(E − ~ω 0 /2) h(E + ~ωG G dE − − dE. E E −∞ Z 49 (A.5) Chapitre A. Calcul des courbes théoriques 0 /2) − h(E − ~ω 0 /2). Par définition de la valeur principale de On pose alors k(E) = h(E + ~ωG G Cauchy, on a Z ~∆ωd = − +∞ −∞ k(E) dE = lim ε→0 E Z −ε −∞ k(E) dE + E Z +∞ +ε k(E) dE . E (A.6) En changeant E en −E dans la première intégrale, on se ramène à Z ∞ ~∆ωd = lim ε→0 +ε k(E) − k(−E) dE. E (A.7) Il est facile de vérifier que l’intégrande z(E) = (k(E) − k(−E))/E converge vers une valeur finie lorsque E tend vers 0. En d’autres termes, l’intégrale existe et le calcul se résume à une simple intégrale. Pour calculer numériquement l’intégrale jusqu’à l’infini, il est préférable de faire un changement de variable pour se ramener à un intervalle fini. Finalement, l’intégrale à calculer numériquement est Z ~∆ωd = 1 1 1 z 2 E E z(E) + 0 dE. (A.8) L’intégration numérique est faite par la méthode des trapèzes à l’aide d’un programme écrit en Matlab. Le programme calcule l’intégrale (A.8) pour différentes valeurs du niveau de Fermi EF . Puis, après avoir converti EF en dopage n, il additionne la contribution statique (A.1) pour obtenir le résultat final. Il calcule également la courbe de la largeur ΓG en utilisant la formule (3.3). La 0 est déterminée dans chaque cas à partir des données expérimentales. La valeur de fréquence ωG α0 = 4.39 × 10−3 cm−1 utilisée est celle déterminée par M. Lazerri et F. Mauri dans la référence [23]. Un exemple de figure de sortie du programme est montré sur la figure A.1. Dynamique Dynamique + Statique 1610 ωG (cm−1) ωG (cm−1) 1610 1600 1590 1580 −1000 0 E F (meV) 1600 1590 1580 −5 1000 5 Trous Electrons −1 ΓG (cm ) 15 −1 ΓG (cm ) 15 0 n (x1013 cm-2) 10 5 −5 0 n (x1013 cm-2) 10 5 1580 5 1590 1600 ωG (cm−1) 1610 Figure A.1 – Exemple de courbes théoriques obtenues à l’aide du programme Matlab 50 Annexe B Inhomogénéité de charge La fréquence ωG (n) et la largeur ΓG (n) du phonon du mode G pour un dopage uniforme de charge n sont données par les calculs de l’annexe A. A partir de ces valeurs, il est possible de tracer le pic G théorique qui est une lorentzienne : L(n, ω) = ΓG (n) . 4(ω − ωG (n))2 + ΓG (n)2 (B.1) Pour tenir compte de l’inhomogénéité de charge, nous faisons l’hypothèse que celle-ci est modélisée par une distribution gaussienne : " # (n − n0 )2 G(n, n0 , δn) = exp − , 2δn2 (B.2) où n0 est la densité de charge moyenne et δn caractérise la largeur de l’inhomogénéité. Le spectre du pic G est alors donné par la convolution de la lorentzienne avec cette gaussienne : Z S(ω, n0 , δn) = +∞ −∞ G(n, n0 , δn)L(n, ω) dn. (B.3) Ce spectre est ensuite ajusté avec une autre lorentzienne afin d’en extraire sa position ωG et sa largeur ΓG pour un niveau de dopage moyen n0 . Des exemples de spectre théorique dans le cas d’une distribution uniforme et non uniforme est présenté sur la figure B.1. Un script Matlab permet de réaliser ces différentes opérations et de tracer les courbes théoriques des figures 3.6(b) et 3.11(b). Remarquons que si δn −→ 0 alors la distribution gaussienne G(n, n0 , δn) est remplacée par un « Dirac » δ(n − n0 ) et on retrouve le résultat d’une distribution de charge homogène égale à n0 . 51 Chapitre B. Inhomogénéité de charge (a) (b) Intensité (u.a.) 0,8 1,0 gaussienne homogène 0,8 Intensité (u.a.) 1,0 0,6 0,4 0,2 0,0 gaussienne homogène 0,6 0,4 0,2 0,0 1550 1560 1570 1580 1590 1600 1610 -1 1550 1560 1570 1580 1590 1600 1610 Déplacement Raman (cm-1) Déplacement Raman (cm ) Figure B.1 – Exemples de spectres Raman théoriques autour du pic G pour une distribution de charge uniforme n0 et une gaussienne de largeur δn centrée en n0 . (a) n0 = 1 × 1011 cm−2 et δn = 8 × 1011 cm−2 .(b) n0 = 6 × 1012 cm−2 et δn = 8 × 1011 cm−2 . On observe que l’effet de l’inhomogénéité de charge gaussienne est plus important lorsque n0 ∼ δn, i.e. en général à de faibles dopages. 52 Annexe C Echantillon S16 p1 Comme pour la série de mesure LRG6 p1 présentée dans la partie 3.2, nous avons converti la tension de grille VT G en dopage n en supposant une longueur de Debye de 2 nm (soit une capacité CG = 2.2 × 10−6 F·cm−2 ). Le résultat obtenu est présenté sur la figure C.1(a). Encore une fois l’accord entre expérience et théorie n’est pas entièrement satisfaisant. C’est pourquoi nous avons également pris en compte une inhomogénéité de charge gaussienne de largeur δn = 6 × 1011 cm−2 , pour obtenir la figure C.1(b). La valeur de δn trouvée est différente de celle de la série LRG6 p1, ce qui permet d’expliquer en partie les écarts entre les différentes séries de mesures (voir figure 3.13). (b) 1596 T = 295 K 1594 1584 1582 -9 -6 -3 0 3 ωG (cm-1) 8 1586 ΓG (cm-1) 10 1588 14 1592 12 1590 16 T = 295 K 1594 14 1592 ωG (cm-1) 1596 16 10 1588 8 1586 6 1584 4 1582 6 12 1590 6 4 -9 n (x1012 cm-2) ΓG (cm-1) (a) -6 -3 0 3 6 n (x1012 cm-2) Figure C.1 – Position ωG et largeur à mi-hauteur ΓG du pic G en fonction du dopage n ou du niveau de Fermi EF . Les points correspondent aux données expérimentales et les courbes en continue à la théorie dans le cas (a) d’une distribution de charge homogène, (b) d’une distribution gaussienne de charge de largeur δn = 6 × 1011 cm−2 . La capacité géométrique utilisée dans les deux cas est de CG = 2.2 × 10−6 F·cm−2 . Notons que pour la position ωG du pic G, l’accord entre expérience et théorie est meilleur pour un dopage par des trous que par des électrons. Ce n’est pas le cas pour la série de mesure LRG6 p1. L’efficacité de la grille est-elle différente ? C’est possible sachant que la position et la forme de l’électrode de grille sont différentes entre ces deux échantillons. 53 Chapitre C. Echantillon S16 p1 54 Bibliographie [1] A.K. Geim and Kim P. Carbon wonderland. Scientific American, 298 :90–97, Apr 2008. [2] A. K. Geim and K. S. Novoselov. The rise of graphene. Nature Materials, 6(3) :183–191, March 2007. [3] H.W. Kroto, J.R. Heath, S.C. O’Brien, R.F. Curl, and R.E. Smalley. C60 : Buckminsterfullerene. Nature, 318(6042) :162–163, 1985. [4] Sumio Iijima. Helical microtubules of graphitic carbon. Nature, 354(6348) :56–58, Nov 1991. [5] L.D. Landau and E.M. Lifshitz. Statistical Physics Part I. Pergamon Press, 1980. [6] P. R. Wallace. The band theory of graphite. Phys. Rev., 71 :622–634, May 1947. [7] M. S. Dresselhaus and G. Dresselhaus. Intercalation compounds of graphite. Advances in Physics, 51(1) :1–186, 2002. [8] Yuanbo Zhang, Joshua P. Small, William V. Pontius, and Philip Kim. 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