CORRIGÉ
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DÉNONCER LA NOIRCEUR DES HOMMES… • DISSERTATION • SUJET
La poésie Le théâtre
Convaincre… Le roman
Sujets d’oral Les réécritures
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2. Les atouts du théâtre pour dénoncer
Le mal semble ainsi trouver au théâtre un domaine d’expression privilégié –
plus encore que dans les œuvres romanesques. Mais pourquoi le théâtre
serait-il particulièrement efficace dans cette dénonciation ? Quels sont ses
atouts – spécifiques par rapport aux autres genres – pour dénoncer ?
a. Le théâtre-miroir, une forme vivante : un spectacle
C’est tout d’abord un spectacle, une forme vivante : décor, costumes
donnent à la noirceur humaine une présence qui s’impose. Ubu, habillé
d’une toge et couronné, pourvu des insignes du pouvoir, est entouré du
« crochet à Nobles » et du « couteau à Nobles » qui concrétisent sa cruauté
et la dénoncent ainsi plus fortement.
C’est aussi une forme vivante, incarnée : les personnages s’imposent aux
sens du spectateur et ont la force et l’immédiateté contre lesquelles le
public ne peut prendre de recul. L’essai nomme les idées, le théâtre leur
donne la forme d’un être : le mal prend corps et voix, il a une épaisseur.
L’hypocrisie s’appelle Dom Juan, la traîtrise Don Salluste, l’arbitraire Ubu…
Le mal se concrétise dans des gestes, des attitudes que le jeu des acteurs
s’emploie à rendre frappants : Ubu « prend avec le crochet » le Noble et « le
passe dans le trou ». Caligula, dans sa perversité, passe d’un ton « rude » à
un « calme » étonnant qui signale son désordre mental…
b. La parole, le dialogue à plusieurs voix et les ressources de la double
énonciation pour dénoncer
Le théâtre est aussi dialogue. La noirceur s’exprime par les paroles et le
langage agit comme un révélateur : les insultes d’Ubu, même grotesques –
« bouffre, stupide bougre ! » –, celles de Caligula – « imbécile » –, l’emploi
de l’impératif dans presque toutes leurs répliques, le tutoiement méprisant,
tout cela donne une voix à la noirceur humaine.
Le dialogue théâtral permet de confronter plusieurs points de vue et, par
exemple, d’opposer le mal au bien ; ainsi les interventions des personnages
peuvent adopter une forme argumentative et susciter la confrontation ou
même le débat d’idées.
Mais la spécificité la plus remarquable du théâtre réside dans la double
énonciation : les personnages s’adressent aux autres présents sur scène
mais, à travers eux, le dramaturge s’adresse au public et peut ainsi, de
façon détournée, faire le procès d’un groupe social ou d’un vice. La forme
du monologue est à cet égard particulièrement efficace. Don Carlos dans
Hernani, après avoir, au cours du drame, donné l’exemple d’un monarque
sans scrupules, s’est amendé et réfléchit devant le tombeau de Charle-
magne avant de devenir empereur : dans un long monologue, il confronte
les régimes politiques, en analyse les travers et se fait le porte-parole des
conceptions de Hugo qui, indirectement, condamne le pouvoir tyrannique…
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