Un postulat classique de la sociologie, pointé notamment par Durk-
heim, est que l’environnement social influe sur les conduites individuelles,
au-delà des caractéristiques personnelles des acteurs, une question non
moins classique étant celle de la manière dont s’articule de façon causale le
niveau "macro", celui des structures, et le niveau "micro", celui des com-
portements individuels.
Depuis ses débuts empiriques, dès les années cinquante (aux Etats-
Unis, notamment à l’Université de Colombia), la sociologie de l’éducation
s’est interrogée sur l’existence d’effets contextuels1, c’est-à-dire tenant spé-
cifiquement aux caractéristiques de l’environnement social (environnement
scolaire, quartier et communauté d’appartenance...) sur les aspirations et la
réussite des élèves. C’est ainsi que Wilson (1959) prend explicitement en
compte, dans ses analyses des projets de jeunes lycéens, l’appartenance so-
ciale définie à la fois au niveau individuel et au niveau de l’environnement
scolaire, en insistant sur la pression normative du groupe d’appartenance et
l’impact de ses valeurs sur ses membres ; à la même période, Blau (1960),
toujours pour analyser l’influence spécifique de l’environnement sur les
conduites individuelles, inclut, à côté de la pression normative, le rôle du
réseau de relations sociales qui lie toute institution à ses “clients” et ses
membres entre eux. Chez ces deux pionniers, on a bien affaire à la recher-
che d’un effet spécifique du groupe, comme agrégation d’individus, dont il
marque les conduites au-delà des effets tenant aux caractéristiques indivi-
duelles. Dans cette même Université de Colombia, des sociologues comme
Merton et Lazarsfeld reprendront ce type d’interrogations, le premier en
mobilisant des analyses d’organisations, le second sur la base de grandes
enquêtes statistiques. Les travaux de Coleman, dont l’influence sur l’agenda
de la sociologie de l’éducation américaine sera très importante, abordent
cette même question, mais en étant plus novateurs sur le plan de la mé-
thode, pour dissocier facteurs individuels et facteurs contextuels, qu’en ce
qui concerne l’élucidation des processus qui génèrent ces effets de contexte
eux-mêmes. Par la suite, à partir des années soixante, vont co-exister à la
fois des travaux cherchant avant tout à évaluer les effets du contexte sco-
laire de manière externe en particulier la mouvance du school effectiveness,
sur laquelle nous reviendrons, et des travaux plus qualitatifs tels que ceux
de Campbell et Alexander (1965), affirmant que les analyses des effets
structurels doivent “se déplacer, des caractéristiques du système dans sa
globalité, aux situations sociales auxquelles les individus se trouvent
confrontés”. Cette perspective invitera à explorer en particulier les voies par
lesquelles la composition sociale d’un groupe, d’une classe ou d’un établis-
sement, influe sur les comportements des élèves, avec un développement
des travaux sur le school mix, que nous présenterons en I.3.
1 Rappelons que la sociologie définit un effet contextuel comme l’effet, sur le phénomène à expli-
quer, des propriétés collectives d’un groupe ou d’un agrégat collectif, au-delà de l’effet, sur ce
même phénomène, des caractéristiques individuelles des membres de ce groupe.
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