Penser avec Spinoza - Les Mardis de la Philo

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Penser avec Spinoza
Les mardis de la philosophie
Sébastien Laoureux
Université de Namur
22 septembre 2015
1.  De la cri+que du dogma+sme à la poli+que 2.  « Le désir est l’essence même de l’homme ». Spinoza cri+que de Descartes 3.  Une éthique de la joie. Spinoza et la liberté 4.  Pourquoi la liberté d’expression est-­‐elle u+le à l’Etat ? 5.  Une concep+on radicale de la démocra+e. Spinoza cri+que de Hobbes 6.  Pourquoi lire Spinoza aujourd’hui ? 1ère séance De la cri+que du dogma+sme à la poli+que Le parcours de Spinoza au cœur des Pays-­‐Bas du 17ème siècle Baruch Spinoza (1632-­‐1677) Naissance à Amsterdam Descendant des Marranes Siècle d’or des Pays-­‐Bas : apogée commerciale et culturelle, ouverture intellectuelle, esprit de tolérance. Néanmoins, les Provinces-­‐Unies ont traversé et traversent durant le XVIIème plusieurs crises poliDques et religieuses. Durant le XVIème : dominaDon espagnole Fin XVIème : indépendance des Pays-­‐Bas 1579 -­‐ 6 janvier Union d’Arras (Flandre) / 23 janvier Union d’Utrecht (Pays-­‐Bas) 1648 Traité de Westphalie Puissance commerciale – Expansion mercanDliste (Compagnies des Indes, Imprimeries,….) Puissance de leur marine – Même si menaces et invasions des autres puissances européennes. A chaque fois, la quesDon se pose de la consDtuDon d’un véritable état naDonal. Deux poliDques s’affrontent, portées par des groupes dirigeants rivaux : Les "monarchistes" : Famille princière d’Orange-­‐Nassau Stadhouder = chef des Armées ParDsans d’un état centralisé et fort ; PoliDque de guerre Les "républicains" : ss Issus de la bourgeoisie montante ; AdministraDon des villes, gesDon des finances publiques ParDsans d’un organisaDon décentralisée ; Plutôt une poliDque de paix Pour compliquer les choses…la quesDon religieuse Succès de la réforme calviniste, avec deux tendances (et d’autres religions) 1.  Les Remontrants : Tolérance religieuse (// Régents) 2. Les Contre-­‐Remontrants : Calvinisme orthodoxe (// Monarchistes) à Où peut-­‐on posiDonner Spinoza dans cede topographie complexe et mouvante ? Durant le 17e, ces deux groupes se disputent l’hégémonie : 1619 hégémonie de la famille d’Orange 1650-­‐1654 renversement du rapport de force au profit des Régents (Jan De WiC à Grand pensionnaire). Moment "républicain". A parDr de 1660, les orangistes mènent une agitaDon de plus en plus forte contre le pouvoir des Régents. SouDen du peuple. Enigme pour Spinoza : "Ces troubles ne m’incitent ni au rire, ni, non plus plus aux larmes ; ils m’engagent plutôt à philosopher et à mieux observer ce qu’est la nature humaine" (Ledre 30 à Oldenburg, 1665) Pourquoi le peuple est-­‐il si irraDonnel ? Pourquoi les hommes "combadent pour leur servitude comme s’il s’agissait de leur salut" (TTP, Préface) 1672 renversement populaire. Les frères De Wid sont massacrés par la foule. Guillaume III devient "stathouder". De lijken van de gebroeders de Wi_, Jan de Baen, 1672, Rijksmuseum, Amsterdam 1632 Naissance de Spinoza 1654 Décès de son père. Spinoza reprend le commerce familial. 1656 ExcommunicaDon (Spinoza a 24 ans) "Par décret des anges, par les mots des saints, nous bannissons, nous écartons, maudissons et déclarons anathème Baruch Spinoza, avec toutes les malédicDons écrites dans la loi. Et nous averDssons que personne ne peut ni lui parler oralement ni par écrit, ni lui consenDr aucune faveur, ni rester sous le même toit que lui, ni lire de papier fait ou écrit par lui". 1656-­‐1660 Spinoza étudie les humanités laDnes, les sciences et la philosophie à l’école de l’ex-­‐jésuite Van den Enden. Il apprend la taille des verres Il dessine également 1660 Spinoza s’installe à Rijnsburg, lieu de résidence des collégiants. 1661 Spinoza commence la rédacDon de son grand ouvrage : L’Ethique. 1663 Il s’installe à Voorburg (banlieue de La Haye). Il publie les Principes de la philosophie de Descartes. 1665 InterrupDon de la rédacDon de l’Ethique. Spinoza entame la rédacDon du Tractatus Theologico-­‐poli+cus. "Je compose actuellement un traité sur l’Ecriture et en voici les raisons : 1° Les préjugés des théologiens : je sais, en effet, que ce sont eux surtout qui empêchent les hommes d’appliquer leur âme à la philosophie; je m’efforce donc de dévoiler ces préjugés et d’en débarrasser les esprits les plus averDs. 2° L’opinion qu’a de moi le public, qui ne cesse de m’accuser d’athéisme : je suis contraint de le combadre le plus possible. 3° La liberté de philosopher et de dire notre senDment : je désire la défendre par tous les moyens" (Ledre 30 à Oldenburg, 1665) Sous-­‐Dtre du TTP : "La liberté de philosopher ne menace aucune ferveur véritable ni la paix au sein de la communauté publique. Sa suppression, bien au contraire, entrainerait la ruine et de la paix et de toute ferveur" 1670 Spinoza publie anonymement le TTP et se remet à la rédacDon de l’Ethique. 1671 Spinoza s’installe à La Haye. Il fait stopper la traducDon hollandaise du TTP (probablement à la demande de J. de Wid lui-­‐
même) : "Lors d’une visite récente, le professeur N. N… m’a raconté, entre autres choses, qu’il avait entendu parler d’une traducDon hollandaise de mon Tractatus Theologico-­‐poli+cus (…). Je vous prie donc instamment de vous renseigner avec soin sur cede affaire et d’empêcher l’impression, s’il est possible. Ce n’est pas moi seulement qui le demande, beaucoup de mes amis et connaissances se joignent à moi ; ils verraient avec peine que ce livre fût interdit, ce qui arriverait sans aucun doute s’il est publié en hollandais. Je sais que vous ne refuserez pas vos services à la cause et à moi-­‐même » (Ledre 44 à J. Jelles, 1671) 1672 Renversement des frères de Wid. Spinoza rédige un placard : « Ul+mi Barbarorum ». 1675 Spinoza termine l’Ethique mais renonce à publier l’ouvrage. Il entame la rédacDon du Tractatus Poli+cus…qui restera inachevé. 1677, 21 février, mort de Spinoza. Novembre, ses amis publient les Opera posthuma. 1.  De la cri+que du dogma+sme à la poli+que 2.  « Le désir est l’essence même de l’homme ». Spinoza cri+que de Descartes 3.  Une éthique de la joie. Spinoza et la liberté 4.  Pourquoi la liberté d’expression est-­‐elle u+le à l’Etat ? 5.  Une concep+on radicale de la démocra+e. Spinoza cri+que de Hobbes 6.  Pourquoi lire Spinoza aujourd’hui ? L’Ethique De 1661 à 1665 puis de 1670 à 1675. Ethique, démontrée suivant l’ordre Géométrique… DéfiniDons, axiomes, proposiDons, corollaires, scolies,… ParDe 1 : De Dieu ParDe 2 : De l’esprit ParDe 3 : Des affects ParDe 4 : De la servitude humaine ParDe 5 : De la liberté humaine "Par Dieu, j’entends un être absolument infini, c’est-­‐à-­‐dire une substance consistant en une infinité d’adributs, dont chacun exprime une essence éternelle et infinie » (Eth., I, déf. VI). "Deus, sive Natura » (Eth., IV, p. 4, dém.) Dieu perd son statut de transcendance L’idée d’un Dieu créateur et personnel est récusée Chaque parDe du monde exprime une part de la puissance de Dieu "Tout est en Dieu, et dépend tellement de lui que sans lui rien ne peut ni être ni se concevoir" (Eth., I, Appendice). CriDque de toute forme d’anthropomorphisme. Doit-­‐on adribuer une libre volonté à Dieu (Descartes) ? « Je crois que le triangle, s’il était doué de parole, dirait de même que Dieu est éminemment triangulaire, et le cercle, que la nature de Dieu est éminemment circulaire » (Ledre 56 à H. Boxel) Le Dieu de l’Ethique est défini comme une substance composées d’une infinité d’adributs (dimensions, aspects). Nous en appréhendons deux : la Pensée et l’Etendue. Plus de dualisme comme chez Descartes : 3 substances, avec la quesDon complexe des interacDons entre pensée et étendue Dieu í 
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Pensée Etendue Pour Spinoza, la pensée et l’étendue sont des adributs de Dieu. ≠ des réalités disDnctes = des aspects d’une seule et même réalité Au contraire de Descartes, pas d’interacDon entre la pensée et l’étendue. Strict parallélisme des adributs : chaque adribut exprime de son propre point de vue le tout de la substance (de Dieu, de la nature). La pensée se comprend par la seule pensée, l’étendue par la seule maDère. Les lois de la causalité doivent être appliquées à l’intérieure de chaque domaine considéré (pensée ou étendue). Chacune des chaines causales (suite infinie d’idées, suite infinie des mouvements) se suffit à elle-­‐même. Le réel dans son ensemble (dimension matérielle comme "spirituelle") répond à une forme de nécessité. Mais chez Spinoza, la nécessité n’est pas le contraire de la liberté. "Est dite libre la chose qui existe par la seule nécessité de sa nature, et se détermine par soi seul à agir" (Eth., I, déf. VII). Notre manque de connaissance, selon Spinoza, nous conduit à invoquer quelque finalité (ou quelque principe transcendant) Cf. l’Appendice au Livre I de l’Ethique : "Si par exemple une pierre est tombée d’un toit sur la tête de quelqu’un, et l’a tué, c’est de cede manière qu’ils démontreront que la pierre est tombée pour tuer l’homme. En effet, si ce n’est pas à cede fin, et par la volonté de Dieu, qu’elle est tombée, comment tant de circonstances (il y faut souvent, en effet, le concours de beaucoup) ont-­‐elles pu se trouver concourir par hasard ? Tu répondras peut-­‐être que c’est arrivé parce que le vent a soufflé, et que l’homme passait par là. (…) (…) Mais ils insisteront, pourquoi le vent a-­‐t-­‐il soufflé à ce moment-­‐là ? Pourquoi l’homme passait-­‐il par là à ce moment ? Si de nouveau tu réponds que le vent s’est levé à ce moment-­‐là parce que la mer, la veille, par un temps encore calme, avait commencé à s’agiter; et que l’homme avait été invité par un ami; de nouveau ils insisteront, car poser des quesDons est sans fin, et pourquoi la mer s’était-­‐elle agitée ? Pourquoi l’homme avait-­‐il été invité pour ce moment-­‐là ? Et c’est ainsi de proche en proche qu’ils ne cesseront de demander les causes des causes, jusqu’à ce que tu te réfugies dans la volonté de Dieu, c’est-­‐à-­‐dire dans l’asile de l’ignorance » "Qui recherche les vraies causes des miracles, et s’emploie à comprendre les choses naturelles comme un savant, au lieu de les admirer comme un sot, est pris un peu partout pour un héréDque et un impie, et proclamé tel par ceux que le vulgaire adore comme les interprètes de la nature de Dieu" Parmi une masse de publicaDons consacrées à Spinoza… 
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