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La commission franco-allemande du barreau de Paris s'est réunie le
18 novembre à la maison du Barreau sous la présidence de Christian ROTH
à 19 heures.
Christian ROTH présente aux nouveaux membres présents, la composition du bureau : Karl BELTZ
et Catherine Catherine STARY vice-présidents Thierry HIBLOT secrétaire.
Il rappelle l'ordre du jour de cette réunion :
-
le secret professionnel et la confidentialité des échanges entre avocats.
Remise du prix de l'avocat allemand
le point sur l'activité de la commission en 2010 et projets de programme pour 2011
M. Bernard VATIER ancien bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris et ancien président
du conseil des barreaux européens intervient sur le secret professionnel dans les échanges francoallemands et plus généralement dans les échanges européens.
En introduction, le bâtonnier VATIER rend hommage à l'action de Christian ROTH notamment en sa
qualité de président de l'association des juristes européens. C'est ainsi que Christian ROTH a été
amené à effectuer des missions confiées par le Conseil de l'Ordre dans lesquelles il a révélé son souci
de servir le bien public.
Le bâtonnier VATIER présente ses observations sur le secret professionnel dans une dimension
européenne.
Il convient tout d'abord de distinguer le secret professionnel et la confidentialité des échanges entre
avocats, ces deux solutions ont tendance à être confondues.
Le secret professionnel est en France un principe étatique dont le non-respect peut constituer un délit
tandis que la confidentialité des échanges n'est qu'une règle professionnelle.
Cette notion de secret professionnel est propre à chaque pays. Le secret professionnel est très défendu
dans des pays comme la France et la Belgique. L'Allemagne connaît aussi cette notion mais n'y
attache pas la même importance tandis que les pays de common law l’ignorent complètement.
Le bâtonnier VATIER a procédé à des recherches qui l’ont amené à considérer que ces divergences
s'expliquent par des options philosophiques differentes.
Tandis qu'en Europe centrale on a tendance à considérer que les valeurs sont conçues par l'État, dans
les pays de common law on a tendance à considérer qu’elles émanent des individus. Partant, chez ces
derniers, la gestion des conflits est un combat entre deux espaces de liberté en application d'un droit de
common law issu de la règle du précédent qui confère une place particulière au juge, tandis que dans
les pays de droit européen continental c'est l'État qui diffuse les valeurs, d’où l’importance de la règle
étatique.
La notion anglo-saxone approchante de « professional secrecy » est une notion vide car c'est un secret
qui repose uniquement sur un accord contractuel des parties.
Le « légal privilège » confère la possibilité à l'avocat anglo-saxon de communiquer confidentiellement
avec son client mais le client peut libérer son avocat du secret professionnel tandis qu'en France le
secret doit être respecté obligatoirement.
C'est un secret absolu et le client ne peut pas délier l'avocat de son obligation.
La notion de confidentialité des échanges entre avocats français est issue du code de déontologie. C'est
une règle ancienne.
En Allemagne il n'existe pas de règle de confidentialité. Il existe tout au contraire une règle de nonconfidentialité.
Ces différences tiennent à une différence de conception du rôle de l'avocat. L'avocat français est à
l’origine un « locataire d'ouvrage ». Il est présent à côté de son client. Il n'est pas à proprement parler
son mandataire. Il peut certes suggérer des idées, donner des conseils mais il n'est pas couvert dans ses
initiatives par son client. Il peut tout au plus conseiller à son client de prendre telle option et faire
valoir à la partie adverse qu’il suggérera à son client d’accepter telle position mais il ne peut pas la
prendre à sa place.
Le conseil des barreaux a rédigé un règlement de déontologie européen. Le conseil des barreaux
européens est une institution importante qui date de 1960. Il représente la profession au niveau
européen. L'acronyme CCBE provient de l’ancienne appellation « Conseil Consultatif des Barreaux
Européens. Le CCBE est intervenu lors de l'élaboration de la directive dite « prestations de services »
qui a donné lieu en 1995 à la directive sur la liberté d'établissement.
Le CCBE a établi en 1977 un règlement intérieur. La position des rédacteurs français était de
privilégier une règle écrite et simple. C'est ainsi que les échanges confidentiels ont été reconnus. La
règle est la suivante au niveau européen, par définition les échanges sont officiels et ce n'est que par
exception qu'ils sont confidentiels.
Le problème provient des divergences de position entre les avocats français et les avocats étrangers
dans leurs échanges de correspondance. C'est ainsi qu'un avocat français qui écrit à son confrère
allemand lui envoie un courrier par nature confidentielle mais que l'avocat allemand lui est soumis à
l'obligation de le soumettre à son client (règle pareillement applicable en Allemagne et en Autriche : le
droit étatique allemand impose à l'avocat une loyauté envers son client qui le contraint à tout lui
communiquer).
Cette absence d'harmonisation conduite à une situation de non-droit.
La situation se complique par la notion de secret de l’instruction qui crée des confusions. Le principe
en France est que toutes les pièces d'un dossier pénal sont soumises au secret de l’instruction qui se
confond avec le secret professionnel. Le juge lui-même ne peut en principe accéder aux courriers de
l'avocat sauf si bien entendu ils constituent l'objet de l'infraction.
Le bâtonnier VATIER rappelle que les juges avaient la tentation de ne pas respecter ce principe et c'est
ainsi que des juges d'instruction ont cru pouvoir prendre possession de documents dans des cabinets
d'avocats à l'occasion d'investigations qui concernaient une procédure sans lien avec les courriers
appréhendés. Dans un premier temps, la chambre de l'instruction a répondu que les documents qui
concernent une consultation ne sont pas couverts par le secret professionnel car ils ne ressortissent pas
de l'exercice d'activités des droits de défense. Cette position a été cassée par la Cour de Cassation en
1997. À la suite, la règle est devenue que tous les documents sont couverts par le secret professionnel.
À l'époque le garde des sceaux s'y est opposé mais cette règle a été adoptée par le Parlement.
Il se posait la question également des lettres émises avec la mention « officielle » entre avocats. Pour
la Cour de Cassation elles étaient également couvertes par le secret professionnel. Cela amenait des
situations kafkaïennes. Aussi la loi a été modifiée en mai 2005 et la règle est devenue « sont soumises
au secret professionnel uniquement les lettres confidentielles. Les lettres officielles qualifiées telles ne
l'étaient plus ». Mais il existe encore beaucoup de problèmes à résoudre. En effet comment résoudre la
situation lorsqu'un avocat allemand écrit à son confère français. Pour ce dernier le courrier est
confidentiel et il ne pourra pas le communiquer à son client tandis que l'avocat allemand aura
l'obligation de communiquer le courrier de son confrère français. Un début de solution réside dans
l'établissement d'un contrat de confidentialité avec le client.
Cette situation s'explique par l'histoire. Traditionnellement l'avocat français n'était qu'un donneur de
conseils puis son rôle a évolué notamment avec le développement des contentieux du commerce. C'est
pourquoi aujourd'hui encore un avocat français ne peut recevoir directement des fonds. Il doit les faire
transférer par la carpa.
Une autre difficulté est née avec la directive « blanchiment » car elle comporte des interprétations
variables selon les états membres. C'est ainsi que l'Espagne a décidé tout simplement de ne pas
l’appliquer. Les avocats espagnols considèrent qu'ils n'ont pas l'obligation de dénoncer les transferts
financiers douteux de leurs clients. En France cette directive remet en cause le secret professionnel car
elle transforme l'avocat en espion de l'État.
En application de l'article 6, les états membres ont la faculté d'exonérer leurs avocats de l'obligation de
déclaration de soupçon. Tout cela repose sur le bon vouloir des états membres.
Suite à des conflits, le conseil d'arbitrage de Belgique a saisi la cour de justice des communautés
européennes sur le fondement de la déclaration de droits de l'homme lequel a émis un arrêt le 27 juin
2007 au terme duquel les états doivent respecter les droits fondamentaux. Il a été considéré qu’on ne
peut distinguer l'activité de consultation et celle de représentation en justice.
La disparité des situations est très grande puisque à l'inverse des avocats espagnols, les avocats
britanniques en font un grand usage. On relève quelques 12 000 déclarations de soupçon par an alors
qu’en France il n'en existe quelques-unes.
Pour conforter la position des avocats français, le bâtonnier VATIER a cherché un accord avec l'ordre
des avocats allemands mais celui-ci n'a pas voulu suivre la position française.
La situation se complique en France du fait qu'il existe quelque 180 barreaux qui constituent autant de
féodalités mêmes si aujourd'hui le conseil national des barreaux a pu dans une certaine mesure
harmoniser les positions. Il subsiste cependant les difficultés comme on peut le constater dans
l'installation des échanges électroniques (RPVA).
Il est important qu'au plan européen on atteigne une convergence. On ne peut accepter qu'il subsiste
une « confidentialité à géométrie variable ». Cela constitue un véritable « champ de mines ».
Il existe des accords entre la France et l’ Allemagne et il faut réussir à établir une base de synthèse
franco-allemande pour améliorer le règlement intérieur du conseil des barreaux européens.
Curieusement, l'adhésion des pays de l'Est n'a pas ramené un renforcement de la position française. On
a pu constater que les anciens pays de l'Est ont favorisé une position anglo-saxonne. La raison en est
sans doute dûe au fait que les nouvelles élites de ces pays ont été formées aux USA et sont familiers
avec la common law (c'est le cas par exemple de la Pologne). La situation est embrouillée. Elle l’est
d'autant plus que la conception du secret professionnel de l'avocat français est celle d'un secret qui est
fait pour être violé. Un strict respect de ce secret professionnel aboutirait à un immobilisme de
l'avocat.
Dominique HEINZ membre du Conseil de l’Ordre intervient pour inciter les avocats à recourir à des
accords de confidentialité. Il existe sur la base de données de l'ordre sur Internet des modèles de
contrats dont les avocats peuvent s'inspirer.
Karl BELTZ s’interroge sur ce qu'un avocat français peut dire à son client. Il évoque également la
situation du client qui se présente sans avocat comme cela est possible devant plusieurs juridictions.
Christian ROTH évoque également la situation des courriers électroniques.
Le bâtonnier VATIER rappelle que dans une procédure pénale les informations peuvent être
rapportées verbalement mais qu'on ne peut pas produire les pièces. Mais certaines pièces comme les
expertises ne sont pas considérées comme couvertes par le secret de l'instruction. L'article 114 du code
de procédure pénale ouvre néanmoins la possibilité de demander au juge d’instruction l'autorisation de
communiquer des pièces à son client. C'est donc une position délicate que celle de l'avocat français. Il
est comme sur le fil du rasoir.
Il existe une commission sur le secret professionnel à l’ordre des avocats qui peut être consultée. En
cas de doute la question sera posée en commission plénière de déontologie. Dominique HEINZ
renvoie les avocats à la base de données déontologique de l'ordre sur Internet et au dernier code de
déontologie qui a été largement diffusé.
le prix de l'avocat allemand
Karl BELTZ expose que le prix de l'avocat allemand sera remis le 26 novembre. Parmi les 7
candidatures à cette distinction, c’est celle de notre consoeur DESHAYES qui a été retenue. Celle-ci
est chaleureusement félicitée.
Il expose qu’outre la qualité du travail présenté, la participation à des actions professionnelles dans le
domaine franco-allemand est également prise en considération. Il faut démontrer une détermination à
agir pour le développement des relations franco-allemandes.
Agenda 2011
Le calendrier 2011 est abordé par Christian ROTH qui exprime sa satisfaction sur la richesse des
débats et l'intérêt rencontré par les travaux de la commission franco-allemande. Il propose donc de
maintenir le même rythme pour 2011 d'une réunion tous les deux mois de préférence un jeudi soir vers
le 15 du mois.
La prochaine réunion pourrait donc se tenir vers le 20 janvier 2011. Il sera abordé à l'ordre du jour
notamment la préparation de la participation française à la rencontre des nationales avocats allemands
les 2 et 4 juin à Strasbourg. Dominique HEINZ prendra contact avec le bâtonnier de Strasbourg pour
organiser les participations françaises parisiennes et alsaciennes.
La séance est levée à 21 heures
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