les troubles du langage oral

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Cours DU Neuropsychologie Université Bordeaux Segalen
SEMIOLOGIE
DES TROUBLES DU LANGAGE ORAL DANS L’APHASIE
J.M. Mazaux
Dès les premières descriptions de l’aphasie au XIXe siècle, les troubles du langage
oral ont frappé les cliniciens et les chercheurs par leur polymorphisme et leur variabilité, d’un
sujet à l’autre, et même souvent chez le même sujet d’un examen à l’autre. C’est pourquoi nos
grands Anciens, les pionniers de l’aphasiologie, ont appliqué à la sémiologie de l’aphasie la
démarche, habituelle en neurologie, de regroupement des symptômes en syndromes, pour
tenter de réduire la complexité et la variabilité du phénomène observé. Ces syndromes, ou
formes cliniques de l’aphasie, étaient à l’époque rattachés à des localisations spécifiques des
lésions cérébrales, et, au moins pour certains auteurs, traduisaient la perturbation de fonctions
(on ne parlait pas encore de systèmes) neurolinguistiques déterminées. On a ainsi bâti des
classifications où l’on faisait rentrer de gré, et parfois de force, les symptômes aphasiques
dans une entité supposée correspondre à un aspect, ou une étape particulière de la construction
du langage. Mais les symptômes aphasiques ne se sont pas laissés faire, les exceptions
restaient nombreuses, les troubles opaques, et il a bien fallu admettre qu’il n’existait pas de
relation univoque entre un symptôme (manifestation de surface) et les déterminismes
neurolinguistiques qui lui avaient donné naissance (structure profonde) : un même symptôme
pouvait provenir de causes différentes, et réciproquement. Aujourd’hui, les formes cliniques
traditionnelles de l’aphasie devraient être abandonnées, car elles ne représentent qu’une
« constellation de symptômes réunis par les hasards de l’anatomie de la lésion cérébrale »
( 21), et n’ont donc pas de pertinence théorique ; elles n’ont pas davantage de pertinence
thérapeutique, car les rééducations s’adressent aux symptômes et à leur causalité, mais il
n’existe pas de programme de rééducation qui serait spécifique d’une forme clinique en
particulier.
A présent, on considère donc que les troubles du langage oral sont les conséquences
cliniques d’une atteinte des processus de traitement cognitif et/ou des systèmes de
2
représentation du langage oral (12). Ces représentations correspondent à un état d’activation
particulier, une configuration temporaire des réseaux ou d’une partie des réseaux du langage
oral. Très souvent, l’atteinte est globale, les systèmes sont tous atteints en même temps, en
proportion variable. Toutefois, dans quelques cas privilégiés, ou au cours de la récupération,
on peut observer une atteinte isolée, ou prédominante, de l’un ou l’autre de ces systèmes. La
sémiologie cognitive moderne s’attache donc à préciser le degré et l’intensité de l’atteinte de
chacun de ces systèmes, pour en proposer une rééducation spécifique. Comme il a été montré
au début de cet ouvrage, l’accord entre les chercheurs est loin d’être total, et les divergences
entre modèles théoriques restent nombreuses. On peut cependant, dans une optique
pragmatique et rééducative, distinguer cinq types principaux de perturbations :
- dysfonctionnements lexicaux ou lexico-sémantiques,
- dysfonctionnements phonologiques,
- dysfonctionnements phonétiques,
- dysfonctionnements morpho-syntaxiques et discursifs,
- dysfonctionnements pragmatiques et communicationnels.
Une aphasie devrait donc être décrite en référence aux perturbations de ces systèmes, à
l’entrée et à la sortie.
Une question importante pour le rééducateur est aussi de déterminer si l’on est en
présence d’une atteinte des processus d’accès (compréhension) et/ou d’activation (production)
des représentations, ou d’une atteinte directe de celles-ci. La neuropsychologie cognitive
traditionnelle postulait, devant l’existence de patients présentant une double dissociation,
l’existence de représentations séparées à l’entrée et à la sortie. Cette hypothèse est plausible,
mais peu probable sur le plan neurophysiologique, et impliquerait que le cerveau adopte pour
traiter l’information langage des modes radicalement différents de ce qui existe dans la
motricité ou la sensorialité, par exemple. L’hypothèse d’un stock unique pour chaque type de
représentations, probablement sous la forme d’une mémoire sémantique spécifique et de
procédures distinctes à l’entrée et à la sortie, est probablement plus proche de la réalité
biologique. Il serait alors logique de décrire les dysfonctionnements des divers types de
représentations un par un, en investiguant à chaque fois les perturbations des processus
d’entrée et de sortie. Nous avons cependant gardé une présentation classique, troubles de
compréhension d’une part, troubles de production d’autre part, car c’est ainsi que les
aphasiques se présentent en clinique. De plus, il existe d’importantes différences dans les
processus d’entrée (plutôt simultanés) et ceux de sortie (plutôt sériels) qui ont un impact
important sur la rééducation.
3
Sur le plan fonctionnel, les troubles d’expression orale représentent la partie la plus
« visible », ou du moins audible, de l’aphasie. Pour le public, une personne aphasique, c’est
quelqu’un qui ne parle plus, ou mal. Les troubles de compréhension et les perturbations
pragmatiques de la communication qui sont plus discrets, au premier contact, représentent
pourtant sur le long terme une cause de handicap social tout aussi important.
TROUBLES DE RECEPTION ET COMPREHENSION ORALE
Troubles d’accès et/ou atteinte des représentations phonético-phonologiques.
L’atteinte des premiers stades d’analyse du message auditif est responsable d’un
trouble de décodage des sons du langage, parfois étendu également à d’autres stimuli auditifs
(37). Le terme de « surdité verbale » a été utilisé pour désigner un trouble massif de
discrimination des sons fondamentaux de la langue, les phonèmes, au niveau de leurs
constituants, les traits phonétiques. La compréhension contextuelle est partiellement
conservée. La compréhension des messages gestuels, la reconnaissance de pantomimes et la
compréhension du langage écrit dépendent des facteurs anatomiques de la lésion. Les patients
échouent massivement aux épreuves de discrimination de syllabes phonologiquement
proches, de rimes, de conscience phonologique, de décision lexicale. L’exécution d’ordres
simples, la désignation d’images et la répétition de mots et non-mots sont bien sûr altérées.
L’anosognosie, ou du moins une conscience très partielle du trouble, et la diffluence sont
habituellement associées, tout au moins en phase initiale.
Dans les formes moins sévères ou en cours d’évolution, le patient accède de façon
inconstante et/ou partielle aux représentations phonologiques. Il reste en difficulté dans le
décodage de mots phonologiquement proches, la discrimination et l’appariement de rimes, la
décision lexicale. On observe de nombreuses paraphasies phonémiques en production. Mais la
compréhension globale reste généralement possible, aidée par la prosodie, le contexte et le
reste de l’énoncé. Dans certains cas, les épreuves explorant le niveau sémantique sont
réussies, ce qui montre que le patient accède au sens et aux concepts d’items dont il ne
maîtrise plus la forme phonologique, attestant de l’indépendance relative des 2 systèmes, et de
capacités d’accès en parallèle autant que sériel, et/ou d’un effet facilitateur, top/down, du
traitement du sens sur celui de la phonologie (32).
4
Troubles d’accès et/ou atteinte des représentations sémantiques.
La dissociation inverse, c’est-à-dire l’existence de troubles de compréhension orale,
alors que les épreuves explorant le niveau phonologique sont réussies, ou la préservation de
capacités phonologiques de répétition associée à une insensibilité aux paramètres sémantiques
qui influencent habituellement cette épreuve (surface dysphasia, McCarthy et Warrington, 20)
fait évoquer un trouble d’accès aux représentations sémantiques. En désignation d’images, la
compréhension de mots isolés dépend de leur fréquence dans le lexique, de leur caractère
familier ou rare, et de leur catégorie sémantique (objets, verbes d’action, symboles, noms de
couleurs…). Les ordres simples sont bien exécutés, mais des troubles apparaissent dans
l’exécution d’ordres complexes, la compréhension d’histoires longues et/ou logiques, la
perturbation d’épreuves explorant le niveau sémantique verbal: classement catégoriel de mots
entendus, identification de synonymes ou d’antonymes, recherche d’intrus, attributs de
propriétés, de caractéristiques morphologiques ou d’usage de mots entendus. La persistance
de capacités de traitement sémantique non conscient (par exemple, effet priming : activation
automatique d’items sémantiquement voisins) suggère qu’il existe principalement chez
l’aphasique un trouble d’accès à des représentations sémantiques conservées, alors que ces
dernières seraient altérées dans la démence. L’association aux déficits de production lexicosémantique est habituelle.
Troubles de compréhension syntaxique.
Dans de nombreux cas, la compréhension des items isolés est conservée ou restaurée,
mais des difficultés apparaissent dans la compréhension des items syntaxiques et des phrases
(6). On sait depuis longtemps que la compréhension syntaxique est plus vulnérable dans
l’aphasie que la compréhension lexicale : difficultés pour comprendre les verbes par rapport
aux substantifs, les articles, les flexions, les prépositions spatiales, difficultés pour
comprendre les phrases syntaxiquement ambiguës, par exemple lorsque l’ordre habituel :
sujet-verbe-complément, qui permet un traitement linéaire, n’est pas respecté. En pratique, la
désignation en choix multiples d’images illustrant des phrases différant par un seul composant
syntaxique, la compréhension de phrases réversibles et la compréhension des rôles
thématiques, liés au sentence mapping : qui fait quoi, et à qui ?(35) dans des phrases actives /
passives, réversibles ou enchâssées, le repérage du déplacement de l’agent par rapport au
verbe sont, malgré une très grande variabilité inter-individuelle, les épreuves les plus fidèles
(15). L’existence d’un trouble unique, central, de la syntaxe, par opposition à l’existence de
troubles séparés de production (agrammatisme et dysyntaxie) et de décodage des messages
5
syntaxiques (asyntactic comprehension) a fait l’objet de nombreux travaux (32, 34). Les
hypothèses d’une influence de l’accentuation tonique, d’un effacement trop rapide de la trace
syntaxique (09), d’un défaut d’activation rapide et automatique, on-line, des structures
syntaxiques nécessaires à la compréhension de la phrase en cours (08) et la responsabilité
d’une réduction des ressources disponibles en mémoire de travail pour traiter spécifiquement
l’information syntaxique (07) sont aussi discutées.
Phrases et discours.
La compréhension des phrases longues et du discours dépend avant tout de la
compréhension des items lexicaux et syntaxiques qui les constituent, mais certaines
dissociations peuvent ici encore être observées. De nombreux aphasiques présentant des
troubles de compréhension pour les mots isolés et les phrases restent capables de percevoir le
sens général d’un énoncé, voire d’en extraire les idées principales dans des tâches de résumé
d’un texte entendu. Mais on ne dispose pas assez d’information actuellement sur la façon dont
la personne aphasique traite un texte entendu : retrouve-t-on, chez des patients présentant une
aphasie peu sévère ou ayant bien récupéré, des difficultés à produire des inférences, à traiter
simultanément la microstructure (fortement reliée aux éléments syntaxiques) et la
macrostructure (plutôt reliée aux éléments sémantiques) du texte entendu, et à activer des
schémas-types (05, 17) ? Ici encore, quel rôle joue la mémoire verbale de travail, et dans
quelle mesure des processus d’intégration peuvent-ils intervenir lorsque la longueur du
message à traiter excède les capacités de celle-ci : si chez le sujet sain le traitement du début
de la phrase anticipe sur sa fin, et que le sens se construit au fur et à mesure de l’avancée du
discours, qu’en est-il chez l’aphasique ? C’est enfin dans l’étude de la compréhension du
discours et des textes entendus que le rôle des autres troubles cognitifs intervenant dans la
dimension pragmatique pourra être précisé : diminution des ressources attentionnelles et des
capacités d’attention divisée, trouble du stockage en mémoire épisodique, trouble d’accès à la
mémoire sémantique.
TROUBLES DE LA PRODUCTION ORALE
Peut-être du fait des contraintes de transcodage final de représentations abstraites en
schémas d’activations motrices bucco-phonatoires, l’expression, ou production orale, semble
6
plus sérielle que la compréhension. Les perturbations des tout premiers stades d’élaboration
de l’énoncé : intentionnalité de communiquer, émergence d’une information à transmettre et
construction du sens général (message, au sens de Garrett), décision de prendre la parole, etc,
sont difficiles à repérer lorsqu’il existe des troubles importants de la fluence et de la
production articulée. Ces perturbations relèvent d’une approche pragmatique.
Anomalies du débit verbal
Des anomalies du débit verbal, ou fluence, peuvent être observées dans toutes les
tâches de production, mais principalement en situation de conversation, de récit, de
description d’image. Ce fut, et cela reste, l’un des plus fiables critères de classification des
aphasies. Dans les aphasies non fluentes, ou réductions, il existe une atteinte simultanée, en
proportion variable, des éléments de la chaîne de production verbale. Les latences de parole
sont allongées, les hésitations et les pauses nombreuses. L’association avec les troubles
arthriques et l’agrammatisme est classique, constituant le noyau sémiologique de l’aphasie
décrite en 1865 par Paul Broca, mais l’analyse linguistique montre rapidement que les
niveaux phonologiques et sémantiques sont aussi concernés dans les aphasies non fluentes. Le
terme de suppression désigne le stade ultime de la réduction, le patient étant mutique, ou à
peine capable de produire, souvent par surprise ou involontairement, quelques sons
identifiables.
Les aphasies fluentes sont caractérisées par une quantité d’émissions sonores normale,
voire augmentée. On suppose que les seuils d’activation phonologique et phonétique sont très
bas, le patient éprouve des difficultés à se taire, à finir son émission sans en enchaîner une
autre aussitôt. Dans les formes sévères, il devient intarissable, ne respecte pas les tours de
parole de l’interlocuteur (logorrhée). On montre facilement dans ces cas l’existence de
troubles dysexécutifs et attentionnels importants, et la conscience du trouble est réduite.
Troubles sémantiques et de production lexicale.
Des troubles des représentations verbales sémantiques, de leur activation et/ou de leurs
relations avec les formes phonologiques correspondantes peuvent s’observer en expression
spontanée, en dénomination, dans des épreuves de fluence catégorielle (énumération de noms
d’animaux, par exemple) et de complétion de phrases. La confrontation des performances en
compréhension orale, dénomination orale et dénomination écrite est spécialement
7
intéressante. Le manque du mot et les paraphasies sémantiques représentent les troubles les
plus évocateurs d’une perturbation du niveau lexico-sémantique.
Le manque du mot est une incapacité à produire l’item adéquat à la situation
linguistique en cours. Classiquement, lorsque le déficit siège à ce niveau, il est amélioré par le
contexte (on se lave avec un … ?), ou la catégorie fonctionnelle. Mais l’ébauche orale n’aide
pas, et peut induire la production de paraphasies sémantiques. Le manque du mot est
influencé par la fréquence du mot dans le lexique (alors qu’il n’y a pas d’effet longueur), sa
familiarité, l’agrément général sur ce mot plutôt qu’un autre pour désigner ce concept, sa
typicalité (ou prototypie) (18), sa catégorie sémantique, son degré de concrétude, le temps
disponible pour évoquer l’item (selon qu’il est possible ou non d’engager une recherche
active en mémoire), les mécanismes de pré-activation par des items voisins (priming). La
dissociation entre les difficultés de dénomination des substantifs (plutôt chez les patients
anomiques) ou des verbes (plutôt chez les patients agrammatiques) d’une part, des items
naturels, animés, par rapport aux items manufacturés, inanimés, d’autre part, est également
connue depuis longtemps ( 22). La compréhension orale et la dénomination écrite sont autant
altérées que la dénomination orale, la répétition est meilleure. Mais des dissociations ont été
rapportées dans la littérature. Quelquefois l’absence de réponse dépend de phénomènes de
blocage de la forme lexicale, ou d’auto-censure.
Une paraphasie verbale sémantique est la production d’un mot du lexique identifiable,
erroné, mais entretenant avec l’item-cible une relation sémantique, qu’il s’agisse d’une
relation classificatoire : exemplaire de même niveau (/pipe/
/cendrier/) ou du super-ordonné
pour l’exemplaire (/lion/ /animal/), ou d’une relation propositionnelle (attribut). En général,
le trouble concerne seulement l’accès à la représentation verbale (lexème ou Lemma), alors
que les attributs et caractéristiques du concept mis en jeu dans la reconnaissance perceptive et
l’exécution d’actions sont conservés : on voit ainsi l’aphasique reconnaître sur des images ou
utiliser parfaitement la brosse à dents ou le peigne qu’il ne peut dénommer, en dehors de tout
déficit phonologique. Mais on peut quand même observer des difficultés dans d’autres tâches
sémantiques telles que la définition verbale de l’usage d’un objet, les associations de mots
sémantiquement liés ou proches, la production de synonymes.
Dans les atteintes de niveau sémantique, on peut enfin observer des commentaires, des
périphrases, ou des circonlocutions visant à compenser le manque du mot. Quelquefois, ces
productions sont très bizarres, ou incohérentes par rapport au mot cible. On incrimine alors
volontiers des atteintes sous-corticales ( 1)
8
Troubles de production phonologique
Les troubles de production phonologique concernent l’encodage, la sélection et/ou la
combinaison des phonèmes (niveau phonémique), et leur codage articulatoire (niveau
phonétique). Ils représentent l’un des troubles les plus caractéristiques de l’aphasie. Dans les
formes les plus sévères, le patient ne peut accéder qu’à un répertoire très limité de formes,
voire à une seule, on parle alors de stéréotypie. Le terme de persévération renvoie à une
situation un peu moins sévère : privé d’input et de programme nouveau à effectuer, le système
produit à nouveau les formes phonologiques déjà activées (11).
Dans les formes usuelles, le manque du mot, la production de paraphasies, de
néologismes et de jargon représentent les principaux aspects des troubles phonologiques (30).
Ils s’observent en situation de récit, de description d’images, de répétition de mots, à
comparer à la répétition de non-mots, de dénomination orale, qu’il convient ici aussi de
comparer à la dénomination écrite.
A la différence du niveau sémantique, le manque du mot d’origine phonologique cède
habituellement à l’ébauche orale (2), et il est influencé par la longueur de l’item (alors qu’il
n’y a pas d’effet fréquence); la compréhension orale et la dénomination écrite sont meilleures
que la dénomination orale. La répétition et la dénomination sont altérées avec la même
intensité, et en répétition, le trouble est identique pour les mots et les non-mots. Dans de très
rares cas, il existe un trouble massif de répétition des non-mots, des mots abstraits et
grammaticaux, et la répétition induit des paraphasies sémantiques (dysphasie profonde,10).
Les paraphasies phonémiques sont des transformations phonologiques par trouble de
sélection et/ou combinaison des phonèmes et de leurs constituants. Ces transformations ne se
font pas au hasard, mais sont fortement contraintes par le système phonologique de la langue,
en particulier la structure syllabique (39). La production est aisée, audible, mais erronée. On
peut décrire les paraphasies en référence aux théories de la phonologie générative
multilinéaire (38), qui postulent que les représentations sont organisées en paliers autonomes,
constitués de séquences linéaires d’unités de segmentation, ancrées sur un palier de référence,
le palier squelettique. Ce dernier est généralement préservé chez l’aphasique. Sur le palier
segmental, les erreurs sont des substitutions de phonèmes qui n’altèrent pas la structure
syllabique. Elles sont difficiles à distinguer (ou identiques ?) des troubles arthriques. Sur le
palier métrique, les paraphasies sont caractérisées par des changements du nombre de syllabe
des mots, et de l’accentuation. Sur le palier syllabique, on peut observer l’ajout, l’omission, la
substitution, le déplacement ou l’itération de phonèmes identifiables :
/lavabo/ /balavo/
9
/meksiko siti/ /meksiko miti/
Les substitutions concerneraient plus volontiers certains phonèmes, en fonction de leur
position respective dans la structure phonologique des mots, et de leurs rapports (25).
Lorsque les substitutions dépassent environ 50 % de la structure phonémique, l’item
n’est plus identifiable, on parle de néologisme (03):
/lavabo/ /kRatekoeR/.
Cependant, cette distinction n’est pas admise par tous les auteurs, certains considérant que le
terme de néologisme s’applique à toute production non lexicale, quelle que soit sa proximité
du mot cible.
Enfin, on parle de paraphasies verbales ou formelles, lorsque les hasards de la
combinatoire aboutissent à un mot du lexique, sans qu’existe la relation de sens qui
caractérise la paraphasie sémantique :
/Rato/ /Rado/
La responsabilité des troubles du stockage phonémique à court terme, au niveau d’une
mémoire de travail spécifique (« buffer » phonémique), dans la survenue des transformations
phonémiques a été établie dans de nombreux cas, notamment lorsque les paraphasies
s’observent autant en répétition de non-mots que de mots du lexique, en cas de lexicalisation
des non-mots en décision lexicale et en répétition, ou lorsqu’il existe des conduites
d’approche phonémique (aphasie de conduction). Les épreuves de conscience phonologique
(repérage du nombre de syllabes, de l’initiale, du genre) et l’appariement de rimes montrent,
comme on peut s’y attendre, que des troubles d’accès à la phonologie sont habituellement
associés aux troubles de la production. Mais il n’y a pas de perte complète de la
représentation phonologique : de nombreux patients restent capables de produire des
informations d’ordre phonologique : genre, nombre de syllabes, rimes, pour des items dont la
forme phonologique leur reste inaccessible. De plus, la présence de « conduites d’approche »
(ou tentatives d’« autocorrection ») plaide également en faveur de la préservation des
représentations lexico-phonologiques sous-jacentes.
Quelquefois enfin, l’intensité des déformations décourage d’en tenter une analyse
approfondie, tous les types de déformations se trouvent associés. On parle de jargon. Il est
classique de distinguer (04):
-
le jargon sémantique, fluent, de schéma syntaxique général conservé, mais incohérent du
fait de l’abondance des paraphasies sémantiques,
10
-
le jargon néologique,
comportant des substitutions non lexicales multiples dans un
schéma de phrase conservé,
-
et le jargon phonémique, qui n’est peut-être qu’une forme initiale ou particulièrement
sévère du précédent, constitué d’une suite inintelligible de phonèmes sans signification ni
structure syntaxique identifiable.
Mais les critères de classification restent flous, d’autant que les 3 types de transformations se
retrouvent associées chez de nombreux patients, et qu’en cours d’évolution on peut assister au
passage d’un type clinique à un autre. L’origine du jargon reste elle aussi mal connue :
stratégie compensatoire à une incapacité d’accès aux formes recherchées, déficit d’autocontrôle de la production (monitoring) et de conscience du trouble, déficit du feed-back
auditif, ou réduction des ressources attentionnelles disponibles pour le monitoring (36) ?
Perturbations phonétiques de la production
La distinction troubles du traitement phonémique / troubles du traitement phonétique,
introduite par Alajouanine et Ombredane, a été remise en question pour des raisons
théoriques, et du fait de la fréquente incapacité dans laquelle on se trouve de les distinguer. Il
semble pourtant exister une spécificité des perturbations du passage de représentations
abstraites phonologiques à des patterns d’activation motrice des organes phonatoires (13).
Des cas d’atteinte isolée de l’articulation, sans autre trouble phonologique ni apraxie buccofaciale, distincts des dysarthries sous-corticales, ont d’ailleurs été rapportés (16). Un peu
négligée par la neuropsychologie cognitive traditionnelle, cette dimension retrouve
aujourd’hui toute son actualité : certaines théories suggèrent que la représentation motrice
primerait sur le plan phylogénétique sur la représentation sonore (Daviet et coll, cet ouvrage).
Les troubles s’observent dans toutes les situations de production orale, mais on les étudiera au
mieux en expression spontanée, dans des tâches de langage automatique, et en confrontant la
répétition de mots et de non-mots.
Interprétés comme une atteinte de la troisième articulation neuro-linguistique du
langage, ces déficits articulatoires, ou troubles arthriques, portent sur la réalisation des traits
phonétiques constituant les phonèmes (19). Ils donnent à l’expression orale de l’aphasique un
aspect de lenteur et d’effort très particulier. Les sons paraissent flous, mal timbrés, avec
parfois un pseudo-accent étranger. Par rapport aux paraphasies, les substitutions portent sur
des traits phonétiques déterminés, par exemple le voisement, et se font dans le sens d’une
simplification (27). On observe ainsi des élisions, des assimilations, des pseudo-déplacements
phonémiques :
11
/skoleR/→/kœR/
/lokomotiv/→/omotiv/
/kRateR/→/ateR/
Lorsque le trouble arthrique est responsable du manque du mot, celui-ci cède habituellement à
l’ébauche orale. En répétition et en lecture à haute voix, les troubles sont identiques pour les
mots et les non-mots. L’association à une réduction de fluence est habituelle, l’association à
des troubles syntaxiques et à l’apraxie bucco-faciale fréquente.
La distinction avec les paraphasies phonémiques reste difficile, et contestée. Toutefois,
un élément important, en termes de diagnostic différentiel, semble pouvoir être trouvé dans le
fait que les patients souffrant de dysfonctionnements phonétiques (aphasiques de Broca)
manifesteraient des tendances préférentielles dans leurs substitutions (allant dans le sens
d’une simplification, cf. supra) alors que ceux qui présenteraient des dysfonctionnements
phonologiques (aphasiques de conduction ?) ne manifesteraient pas une telle tendance (27).
Pour le clinicien et le thérapeute, l’important reste de déterminer s’il faut adopter des
techniques de rééducation spécifiques, par exemple la Thérapie Mélodique et Rythmée, selon
qu’on est en présence d’une atteinte phonétique prédominante, ou d’une atteinte phonémique.
Troubles syntaxiques
Les troubles de la combinatoire syntaxique s’observent dans la production de phrases,
par exemple en situation de description d’image ou de récit, dans le discours spontané, ou
dans la construction de phrases dont les items lexicaux sont imposés. Parmi celles-ci, les
phrases réversibles sujet/objet ou voix active/voix passive sont très intéressantes.
L’agrammatisme est un trouble connu de longue date, caractérisé par l’omission
des morphèmes grammaticaux libres ou liés : déterminants, prépositions, conjonctions,
flexions, conjugaisons, parfois omission du verbe lui-même (34). L’agrammatisme est d’une
variabilité extrême selon la langue considérée (31), d’un sujet à l’autre, et chez le même sujet,
d’une tâche à l’autre : tel élément sera omis en langage spontané, mais produit en tâche de
répétition, etc (28). L’accentuation prosodique semble jouer un rôle important dans cette
variabilité. Le schéma de la phrase et les rôles thématiques (qui fait quoi, et à qui) sont
généralement conservés, mais pas toujours. Des troubles de compréhension syntaxique,
notamment pour les relatives et les voix passives, s’associent aux troubles de production. Le
mécanisme physiopathologique de l’agrammatisme reste incomplètement élucidé : l’ensemble
des troubles observés traduisent-ils une atteinte unique et spécifique, centrale, de la syntaxe :
le sujet ne peut plus construire/comprendre une représentation syntaxique de la phrase, et les
éléments syntaxiques qu’elle contient, ou devrait contenir, ne sont plus traités ; ou bien s’agitil d’une association de symptômes, traduisant la perturbation de mécanismes syntaxiques
12
distincts ? ( 26, 28) … ou encore s’agit-il d’une production faisant montre de l’entrée en jeu
de stratégies compensatoires ou « palliatives » (24)?
L’autre aspect clinique des troubles syntaxiques, la dyssyntaxie, ou paragrammatisme,
serait la conséquence de sélections erronées de morphèmes syntaxiques libres ou liés, et/ou de
déplacements lexicaux, sans perte du schéma général de la phrase : substitution par exemple
d’un nom par un adverbe, erreurs de genre, de nombre, de prépositions, temps des verbes.
L’association à des erreurs lexicales : circonlocutions, paraphasies verbales, est habituelle. Il
n’existerait pas dans la dyssyntaxie de perte réelle des représentations syntaxiques, mais
plutôt des dysfonctionnements temporaires, ou intermittents, peut-être par insuffisance des
processus de contrôle.
Enfin, de nombreux patients présentent des erreurs appartenant aux deux tableaux,
agrammatisme et dysyntaxie, et il existe donc, sinon un continuum entre les deux troubles, du
moins de nombreuses formes de passage.
Discours et conversation.
On dispose dans ce domaine de peu de données, l’importance des troubles
morphologiques au niveau du mot isolé et de la phrase empêchant, pensait-on, d’aborder le
discours, en dehors d’aphasies modérées ou ayant bien récupéré. En référence au modèle de
Kintsch et Van Dijk, les quelques travaux disponibles montrent que la personne aphasique
reste dans la plupart des cas capable d’élaborer un récit sémantiquement cohérent, d’édifier
des scripts et d’organiser la macro-structure de son récit de façon intelligible pour
l’interlocuteur, en dépit de la gêne occasionnée par les symptômes aphasiques. On a repéré
quand même un certain nombre de perturbations, par exemple des modifications de la
concision du discours par rapport à la quantité d’information transmises, des proportions
relatives du discours modalisateur et du discours référentiel (29), de la capacité à produire des
inférences. Les données les plus récentes viennent des études pragmatiques, notamment
l’application à l’aphasie des Analyses de conversation (23, 33). A partir de recueils vidéo de
corpus de conversations entre des personnes aphasiques et leurs proches, on a ainsi pu
documenter des perturbations de l’alternance des tours de parole, de la gestion des thèmes, et
du type de réparations verbales (14)
13
REFERENCES
(1) Barat M., Mazaux J.M., Bioulac B., Giroire J.M., Vital C., Arne L. Troubles du langage de
type aphasique et lésion putamino-caudée : étude neuropathologique d’un cas. Rev Neurol 1981 ;
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neuropsychologie 1993, 3 ; 2 : 133-55. (3) Béland R. Evaluation de la composante phonologique
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pathologie du langage et de la communication. Marseille : Solal, 2001. (4) Brown J.W.
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