Les différentes dimensions du sens (schématisation du champ

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Université de Paris-8
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Les différentes dimensions
du sens
(schématisation du champ linguistique)
La signification d’un énoncé s’élabore au point d’intersection des différentes dimensions du sens,
relativement auxquelles se définissent tous les éléments qui constituent l’énoncé.
Ces dimensions sont les suivantes :
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la dimension lexicale, qui est celle des concepts auxquels les unités linguistiques sont
susceptibles de référer ;
la dimension syntagmatique, qui est celle du type de jonction que l’énonciateur établit entre
les syntagmes ;
la dimension référentielle, qui est celle de la relation que l’énonciateur établit entre ce qu’il
dit et le champ des situations auxquelles l’énoncé est susceptible de référer ;
la dimension énonciative, qui est celle de la relation que l’énonciateur établit entre ce qu’il dit
et la situation d’énonciation (et ses protagonistes) ;
la dimension syntaxique, qui est celle des fonctions que chaque unité linguistique ou chaque
syntagme remplit au sein de la proposition ;
la dimension extra-linguistique, qui est celle de la relation que l’énonciateur établit entre ce
qu’il dit et le champ des réalités extérieures au champ linguistique1.
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À quoi on pourrait ajouter la dimension inconsciente, qui est celle des valeurs attachées au jeu « autonome »
des signifiants.
B. Lafite
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Université de Paris-8
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1. La dimension lexicale
Une unité linguistique apte à assumer la fonction nominative* constitue la forme sensible d’un
concept, et figure à ce titre au nombre des entités lexicales de la langue2.
* Un syntagme nominatif a pour caractère propre de n’être ni dépendant ni prédicatif : il ne dépend pour la
manifestation de sa valeur ni de son association à un autre syntagme, ni de sa liaison avec la situation
d’énonciation («Проклятый город Кишинев! Тебя бранить язык устанет» : les 3 premiers mots – proklatyj
gorod Kišinev – forment ensemble un syntagme nominatif, dont le noyau est le mot gorod ; dans la seconde
partie de l’énoncé, le mot jazyk, qui remplit la fonction substantive de sujet, est lui aussi de statut nominatif).
Remarque : Les concepts premiers ont pour support des noms (noms substantifs : seules unités de la langue, avec les formes
substantivées, aptes à assumer la fonction nominative). La forme infinitive du verbe peut remplir les fonctions substantives
de sujet ou de complément (Ex : Мне нравится читать / чтение – Я люблю читать / чтение), mais pas – sauf recherche
d’un effet de style – la fonction nominative (*Это читать). Les concepts verbaux, qui ont pour support la forme infinitive
des verbes, ont pour caractère propre d’imposer la « référentialisation » d’un concept nominal. Ce sont, pour ainsi dire, des
concepts dérivés.
2. La dimension syntagmatique
La mise en relation de deux unités linguistiques ou de deux syntagmes (procédure dite de jonction
syntagmatique) peut ou non viser à la hiérarchisation des valeurs :
— hors hiérarchie, des valeurs associées sont conjointes : leur liaison est réciproque (Ex : Чиновник и
поэт) ;
— s’il y a hiérarchie, il y a extension d’une valeur par une autre : soit par inclusion d’un signifié dans
un autre (procédure d’adjonction : гром небесный гром) ; soit par addition d’un signifié à un
autre (procédure de subjonction : служить тебе служить).
Il y a très souvent coïncidence entre le caractère de la jonction effectuée et le type de fonction
syntaxique assumée (cf. infra). Mais ce n’est pas nécessairement le cas : une particule, par exemple,
peut être adjointe à une unité linguistique (comme by à čitat’ dans « Читал бы ты... »), et remplir
une fonction tout autre que la fonction d’épithète.
3. La dimension référentielle (ou prédicative)
A valeur référentielle (ou prédicative) ce qui rattache l’énoncé au champ des situations auxquelles
l’énoncé est susceptible de référer.
Tout le champ verbal – cf. supra – est en ce sens de valeur intrinsèquement référentielle.
Mais il existe aussi des unités, de nature diverse, dont la fonction propre est de préciser la situation
d’une information dans le champ référentiel – comme c’est par exemple le cas des adverbes уже ou
ещё (dont la valeur est de référer ce qui est dit à la connaissance que l’énonciateur prétend avoir des
antécédents de la situation évoquée).
4. La dimension énonciative
Une unité linguistique peut être de nature intrinsèquement énonciative (c’est le cas de tous les
déictiques, tels, par excellence, les pronoms personnels de 1ère et 2ème personnes).
Mais elle peut aussi remplir fonctionnellement cette mission, si par tel ou tel de ses traits (par exemple
une marque temporelle) elle constitue l’indice que ce qui est dit est rapporté à la situation
d’énonciation.
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B. Lafite
Test pratique : la capacité de constituer la réponse à la question Что это?
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Université de Paris-8
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Toutes les formes du verbe, sauf la forme infinitive, sont des supports de référenciation de
l’information, dans la mesure où elles portent directement ou indirectement indice de la relation
chronologique que l’énonciateur établit entre la situation à laquelle son énoncé réfère et la situation
d’énonciation.
À noter par ailleurs que la fonction propre des prédicatifs est tout pareillement de référencer un
signifié en l’associant de façon nécessaire au champ référentiel et à la situation d’énonciation (tels
можно ou нельзя, ou encore стыдно ou хорошо dans мне стыдно ou мне хорошо).
5. La dimension syntaxique
Au principe de la syntaxe, il y a la proposition, définie comme collection pertinente de syntagmes
dans laquelle un syntagme (et un seul) remplit la fonction nucléo-référentielle.
Relativement au noyau de la proposition, qui a donc pour caractère propre de remplir en même temps
la fonction nucléale et la fonction référentielle, chaque syntagme remplit une fonction particulière
(sujet, complément, attribut, etc.), qui spécifie la valeur qui est la sienne dans la proposition.
Le noyau de la proposition remplit la fonction référentielle (cf. ci-dessus 3 et 4) dans la mesure où
c’est lui qui rattache ce qui est dit à une situation de référence, elle-même chronologiquement repérée
relativement à la situation d’énonciation. Mais il est en outre noyau (fonction nucléale) en tant que
c’est relativement à lui et à lui seul que tous les éléments constitutifs de la proposition voient définie,
en dernière instance, ce qu’est leur fonction propre.
Illustration :
Soit l’énoncé suivant : «Я вернулся в мой город, знакомый до слёз (...)» (Ja vernulsja v moj gorod, znakomyj
do slëz : « Je suis de retour dans ma ville, que je connais jusqu’aux larmes »).
7 mots, parmi les 8 qui composent cet énoncé, ont une valeur lexicale : vernulsja — {retour}, v —
{destination}, moj — {possession}, gorod — {ville}, znakomyj — {familiarité}, do — {limite atteinte}, slëzy —
{larmes}. Le 8ème (ja) est sans valeur lexicale. Il est de valeur purement énonciative (c’est un déictique).
3 de ces mots (ja, gorod et slëzy) ont statut substantival (ja en tant que pronom, gorod et slëzy en tant que
noms). 1 autre (vernulsja), qui a pour caractère propre de contraindre à associer son concept au champ
référentiel, est un verbe. 2 autres (moj et znakomyj), en tant que supports d’adjonction à des syntagmes
nominaux, sont des adjectifs. Les 2 derniers (v et do), en tant qu’instruments de subjonction (de
complémentation), sont des prépositions.
Le verbe (vernulsja), dans la mesure où il est à une forme (de passé) qui référencie la proposition (= la situe
chronologiquement relativement à la situation d’énonciation), est automatiquement désigné comme le noyau de
la proposition. C’est, à ce titre, relativement à lui que l’on peut déterminer la fonction syntaxique de tous les
autres éléments constitutifs de la proposition:
— de ja, qui lui est conjoint : fonction de sujet ;
— de v moj gorod, qui lui est subjoint : fonction de complément ;
(jonction directe)
— de znakomyj do slëz, qui est adjoint à gorod.
(jonction indirecte)
Dans le syntagme complément (v moj gorod), il y a adjonction au noyau du syntagme (gorod) d’un adjectif
(moj) dont la valeur se constitue au point d’intersection des 4 dimensions suivantes :
— la dimension lexicale : {possession}
— la dimension énonciative : 1ère personne
— la dimension syntagmatique : adjonctivité
— la dimension syntaxique : épithète.
Le syntagme znakomyj do slëz, qui a relativement à gorod la fonction d’épithète détachée, a pour
noyau une unité adjonctive (znakomyj) qui bénéficie d’une complémentation (par do slëz).
B. Lafite
70502
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