
4.2. élément jusqu’à
Du point de vue morpho-sémantique peut être :
a. ± primaire et de sens plus large ; on y mentionne parfois des possibilités de renforcement (auquel cas, sens
précis spatio-temporel). :
- Japonais (M.I.) made fait partie des adpositions primaires de la langue et son sens est celui de limite d’un
processus, en général.
- N. Germ. til(l), espagnol hasta, hongrois –ig et lituanien iki, amhare ∂skä (doc. CP) font partie du noyau
central des adpositions dans ces langues, mais leur sens est plutôt restreint : limite extrême spatio-temporelle et
argumentale.
b. dérivée et/ou récente et de sens précis :
- Français jusque, roumain pânã, italien fino (a), catalan cap (a), fins (a) (doc. CP)
- Tagalog (J.M.F.) hanggang (sa)
- Mantchou isitala, mongolien kürtele (doc. CP)
- Allemand moderne bis
- Birman ?∂thi’ (A.V.)
- Albanais aderi, deri, gjeri (doc. CP)
- Tamil varai (doc. CP)
Si l’adposition (simple) peut être renforcée, moyens :
- adverbe signifiant ‘toujours, continuellement’ (bulgare yak, bahasa sampai)
- une autre adposition/particule (polonais ?, persan, norvégien, anglais)
Nature adpositionnelle :
a. dans plusieurs langues, l’élément signifiant jusque ne détermine pas directement un nom, mais un nom accompagné
d’un autre élément qui est :
- ‘configurant’ et ‘complementizer’ :
(8) Tagalog (J.M.F.): Tumakbo siya hangga-ng sa eskwela.
VAS.PERF-courir 3SG.NOM limite-LIG PREP école
Il a couru jusqu’à l’école.
(9) Allemand (E.T.) : Er ist bis zu der Schule gelaufen.
Il est jusque vers/à la[D] école couru.
Il a couru jusqu’à l’école.
(10) Roumain (C.P.) : A alergat pânã la scoalã.
A couru jusque à ø école.
Il a couru jusqu’à l’école.
- uniquement ‘complementizer’ :
(11) Swahili (M.D.) : Gari yangu iliharibika, ilinibidi kutembea mpake mjini.
voiture à moi elle était cassée j’ai dû marcher jusqu’à ville-loc
Ma voiture s’est cassée, j’ai dû marcher jusqu’en ville.
(12) Tamil (doc. CP) : Kumaar viitu varai-yil oott-in-aan
Kumar maison jusque-loc drive-passé-3sg.m
Kumar drove up tu the house.
(13) Mongolien (doc. CP) : qota-dur kürtele
ville-D jusque
jusqu’en ville
b. dans les langues où jusque détermine directement un nom, cette adposition apparaît comme un ‘complementizer’,
mais non comme un élément ‘configurant’ (la langue dans ce cas donne-t-elle la prééminence à la signification
dynamique sur la signification statique ? Peut-on les hiérarchiser, i.e. dire qu’il y a des langues où trajectoire et
configuration sont concurrentes, comme en hongrois, et des langues où trajectoire et configuration sont toutes les deux
présentes et hiérarchisées, comme dans les langues romanes : fr. jusque+à/en…) ?
On peut considérer ces situations comme des étapes dans une grammaticalisation qui conduirait d’un
nom/verbe/adverbe à une adposition ? (sachant que nom, verbe et adverbe ne sont ni complementizers ni configurants
spatiaux). Organiser une ‘cline of grammaticalization’ (cf. Heine 1993, Svorou 1993) :
Modèle de grammaticalisation :