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HMA 1951346
Lettres intimes et grand ouvrage.
Cet enregistrement nous permet de découvrir le travail
quotidien de Beethoven et un tempérament beaucoup
plus versatile qu’on l’imagine souvent – qu’il séduise le
public viennois (Lettre à Élise) ou travaille sur un
monument comme la Sonate op.110…
Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Bagatelle en la mineur “à Élise”
Sonate no
31 en La bémol majeur op.110
Six Variations sur
“Les Ruines d’Athènes” op.76
Rondos op.51 no 1 & 2
Andante favori
Le programme de ce disque pourra paraître hétérogène, groupant des pièces mineures de
caractère anecdotique et des pages sublimes. Mais il illustre, en fait, le travail quotidien et
le tempérament versatile d’un Beethoven qui tantôt se livre à la séduction du public viennois
frivole, tantôt, conscient de sa mission d’artiste, impose l’expression de son style et de sa
pensée.
Les pièces isolées sont souvent liées à une anecdote de la vie du compositeur: petites
pièces calquées sur les modèles alors en vogue constituant pour le musicien à la fois un
terrain d’expérience et un moyen de se faire connaître auprès des amateurs. Dès 1783,
Beethoven avait écrit deux Rondos qui trahissent son âge (treize ans!). Par contre les deux
Rondos de l’opus 51, écrits isolément mais publiés ensemble en 1805 par le Comptoir
d’Arts et d’Industrie, témoignent d’un métier nettement plus assuré. Le premier en Ut
majeur “moderato e grazioso” de 1796-97 traduit déjà une belle assurance, particulièrement
dans le deuxième des quatre couplets en mineur et dans la coda conclusive. Le Rondo en
Sol majeur de 1801 va encore un peu plus loin dans l’originalité. “Beethoven, rapporte Otto
Jahn, l’avait donné à la comtesse Guicciardi mais le lui redemanda lorsqu’il voulut dédier
quelque chose à la comtesse Henriette von Lichnowsky et lui dédia alors en échange la
Sonate Clair de lune.”
On peut dire que l’esprit de la variation domine l’œuvre de Beethoven. Le fait que sa
première œuvre (Variations sur un thème de Dressler) et sa dernière (Variations sur un thème
de Diabelli) appartiennent à ce genre, n’est pas seulement l’effet du hasard, il témoigne de
l’intérêt constant du compositeur pour le thème varié. On en relève la permanence non
seulement dans des œuvres portant le titre de Variations (vingt-deux pour clavier!) mais
aussi à l’intérieur d’œuvres de musique de chambre ou symphonique (une quinzaine de
mouvements!). Il est significatif, toutefois, qu’il ait refusé d’attribuer un numéro d’opus à
beaucoup de ses Variations, estimant probablement qu’il s’agissait là d’un genre mineur ou
expérimental. Les 6 Variations op.76 de 1809 sont improprement appelées “sur la Marche
turque des Ruines d’Athènes”. En fait, c’est ce thème qui sera repris en 1811 dans la
musique de scène de la pièce d’August von Kotzebue Les Ruines d’Athènes. Par rapport aux
Variations Eroica, il nous faut bien reconnaître l’usage de procédés assez conventionnels,
mais on ne peut s’empêcher toutefois d’apprécier la rythmique originale et peut-être d’y voir
un hommage au final “alla turca” de la Sonate K.331 de Mozart.
Cette Marche servira la célébrité de son auteur mais peut-être pas autant que la trop
fameuse Bagatelle “à Élise” en la mineur WoO 59. C’est d’ailleurs à tort qu’elle est appelée
ainsi car le manuscrit autographe, actuellement perdu, aurait porté la mention “Pour
Therese”, en fait Therese Malfatti que Beethoven envisageait alors d’épouser. Malgré sa
simplicité, cette Bagatelle aura plus fait pour Beethoven que bien d’autres œuvres majeures
et plus complexes en rappelant à bien des pianistes amateurs leurs premières difficultés.