Sonate pour violon et piano Subito - Partita Mythes

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Leoš Janáček (1854-19
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Sonate pour violon 13-1994)
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Subito - Partitawski (1882-1937)
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Les œuvres réunies pour ce récital ont un air de famille : non seulement elles sont toutes
trois ancrées dans le monde musical de l’Europe Centrale – entre Moravie et Pologne –,
mais plus précisément, deux d’entre elles sont strictement contemporaines l’une de l’autre
(la Sonate de Janáček et Mythes de Szymanowski – composés au début de la Première
Guerre mondiale), et Mythes comme la Partita de Lutosławski sont deux jalons symétriques
de la musique polonaise moderne de part et d’autre du vingtième siècle (1915 et 1985).
Néanmoins, s’il fallait rapprocher deux des trois œuvres selon des critères exclusivement
sonores, on apparierait sans doute Partita et la Sonate de Janáček pour leur rugosité sans
concession, leur écriture peu soucieuse d’exploiter à fond les possibilités d’illusionnisme
offertes par les techniques instrumentales de leur époque, enfin peut-être, leur aspiration à
une certaine forme de classicisme.
Ce sont trois œuvres de maturité. Janáček écrit sa troisième1 sonate à l’orée de la décennie
prolixe (de la fin de la guerre à sa mort) qui verra naître ses œuvres les plus idiomatiques et,
souvent, les plus jouées – ce sera également l’époque de sa reconnaissance internationale,
aussi tardive que définitive. Szymanowski a une quarantaine d’années lorsqu’il écrit
Masques, Métopes et Mythes, la trilogie méditerranéenne qui symbolise cette période
des années 1910 où le compositeur, affranchi des modèles allemands, trouve son style
personnel, à égale distance des grandes tendances de la musique moderne de son temps
(en particulier : Stravinsky, dont il a la révélation en 1913, Debussy, Ravel et Schoenberg).
Enfin, Lutosławski a 70 ans passés lorsqu’il écrit pour Pinchas Zukerman et Marc Neikrug
sa Partita (1984 ; version violon et orchestre, 1988), l’une des œuvres les plus importantes
de sa dernière période avec la 3e symphonie (1983), le Concerto pour piano (1987) et la 4e
symphonie (1992).
Chaque fois, les problèmes formels de l’écriture d’une sonate pour violon et piano sont
posés (et résolus) différemment.
Janáček compose la Sonate en la bémol mineur, en 1914-15, à partir d’un germe : cette
Ballada (Ballade), composée peu auparavant (1913), qui deviendra le deuxième mouvement
de la version définitive (1922) de la Sonate. Avant la ballade – morceau potentiellement
autonome à la structure et à l’écriture plus complexes qu’il n’y paraît – est placé un premier
mouvement très direct, composé de blocs bien caractérisés par des textures (trémolos,
trilles, etc.) et des oppositions thématiques (mélodie initiale vs petite cellule cadentielle –
initialement présentée dans un temps beaucoup plus lent, et qui sera essentielle dans la
section centrale avant de servir de conclusion au mouvement). Tandis que l’allègre troisième
mouvement varie une mélodie pentatonique et l’orne par des sortes d’interjections (voir les
fusées initiales au violon) qui ne troublent pas l’assise rythmique de l’ensemble, l’Adagio
final fait de l’interjection un élément déstabilisant, qui interrompt la phrase sans s’y intégrer,
à l’image des séquences juxtaposées, aux tempi très variés, qui composent ce mouvement.
Szymanowski, pour sa part, se joue d’une structure tripartite assez conventionnelle en faisant
de chaque mouvement un poème symphonique miniature. Avec l’aide du violoniste Pawel
Kochánski (et étant lui-même pianiste), Szymanowski conjoint les virtuosités propres aux
deux instruments, dont les registres sont explorés sur toute leur étendue, afin de concevoir
un univers sonore particulièrement riche et imprévisible, qui se plie à une dynamique
narrative suggérée par les titres de mouvements. Par rapport aux éléments donnés par La
Fontaine d’Aréthuse, le mouvement central, Narcisse, est marqué par un bithématisme et
1
Les deux précédentes, écrites en 1880 respectivement à Leipzig et à Vienne, sont malheureusement perdues.
1
un lyrisme plus nets (comme le titre l’implique…) ; le finale oppose la danse des Dryades
et le personnage de Pan, satyre perturbateur dont la flûte affole et disperse ces dernières.
Enfin, pour Lutosławski, le modèle de référence n’est plus tant la sonate classique que la
forme binaire qu’il a lui-même appliquée à toutes ses œuvres des années 1960 et 70 :
une longue introduction, puis un mouvement principal – éventuellement plus court mais
toujours musicalement plus dense. C’est ici la référence à une époque musicale plus
lointaine qui lui permet de se renouveler dans le cadre de la musique de chambre. Comme
l’a souligné le compositeur, par rapport au schéma bipartite et à son auto-dépassement
progressif dans les années 1980, “il y a de considérables innovations [dans la Partita].
Entre autres, une allusion aux formes musicales baroques. (…) Rythmiquement, le début
du premier mouvement ressemble aux largos dans les concertos baroques”2. Quant au
cinquième, ce serait une sorte de gigue. Lutosławski note aussi le contraste entre “le
rythme et l’articulation pseudo-baroques dans les mouvements vifs” et les “mouvements
intermédiaires, pathétiques”.
Les caractéristiques formelles et stylistiques à chaque fois spécifiques que l’on vient
d’énoncer ne sont pas seulement liées au fait que ces différentes œuvres se situent à
un point avancé dans la trajectoire créatrice de chacun des compositeurs. D’une manière
générale en effet, toutes trois représentent un point d’équilibre dans la recherche de
l’idiosyncrasie – de ce qui permet d’identifier immédiatement un style et une identité. Et
cette recherche ne peut se comprendre que dans un contexte historique plus large. Si l’on
remonte dans le temps par rapport aux œuvres ici enregistrées, la première moitié du dixneuvième siècle est le moment où devient irréversible le basculement du monde classique
(style qui sert de plate-forme commune aux différents compositeurs) au monde romantique
(où chacun doit marquer son territoire expressif en altérant le langage musical à sa
disposition). L’un des phénomènes les plus significatifs de ce basculement est l’apparition
d’“écoles nationales”, équivalent musical du nationalisme politique : les compositeurs
infléchissent le langage musical en se basant sur l’intonation de la langue vernaculaire, sur
les chants populaires, hymnes, etc. (Janáček, né en plein dix-neuvième siècle, appartient
pleinement à ce monde des luttes nationalistes). Or cette volonté de faire correspondre un
monde sonore et un territoire géographique afin d’identifier musicalement l’État-nation que
l’on magnifie se retrouvera sur le plan individuel (et non plus national) au vingtième siècle :
c’est en ce sens que l’on dit souvent que chaque compositeur moderne a inventé son
propre langage musical – l’expression de la subjectivité voire de l’originalité passant par une
singularisation des fondements de la composition musicale. On pourrait en dire autant des
trois compositeurs réunis ici, tous trois éminemment idiosyncrasiques, mais qui se trouvent
en outre – Lutosławski mis à part, ici – à la charnière entre les générations nationalistes et
l’ère des trajectoires individuelles.
NICOLAS DONIN
2
Irina Nikolska, Conversations with Witold Lutosławski, Melos, Stockholm, 1994, p.100.
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