nos théâtres

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LE PASSE-TEMPS
vaient la mythologie. Ils ont le plus souvent
débuté dans la vie par être de simples ouvriers,
et tel gagnant autrefois trois francs par jour
qui touche cinq cents francs par soirée estime
que la somme n'est pas en rapport avec son
immense talent, car la modestie n'est pas une
plante qu'on cultive au théâtre. Quel motif
aurait-on donc pour les louer lorsqu'ils ne le
méritent pas et les admirer ?
Les femmes sont au théâtre encore plus privilégiées que les hommes, car à la chance
qu'elles ont, comme les premiers, de gagner
> une fortune, s'ajoute encore pour elle celle de
faire parfois de splendides mariages, le talent
ayant son prestige et sa séduction. Elles sont
nombreuses, particulièrement en Allemagne,
les cantatrices qui sont devenues par une union
légitime des princesses authentiques ; en France,
cse sont les financiers — ils ne sont pas à dédaigner — qui remplacent les princes devenus de
plus en plus rares.
J'ai souvent entendu dire que les chanteurs
sont trop payés. Je ne partage pas cette opinion; le prix que l'on donne à un artiste doit
être, en bonne équité, en proportion des recettes
qu'il fait faire.
La Patti a fait, il y a quelques années, une
tournée en Amérique pour y donner des concerts. Elle touchait vingt-cinq mille francs par
. soirée.
. La somme est énorme assurément, mais
comme chacun de ces concerts — dont la Patti
était l'unique attrait — rapportait de quatrevingts à cent mille francs, l'entrepreneur ou le
Barnum, si vous le voulez, ne fit pas une mauvaise affaire; car la tournée lui donna, comme
à la chanteuse, deux millions de bénéfices ;
aussi- s'empressa-t-il d'en Taire une nouvelle
l'année suivante.
Le seul artiste trop chèrement payé — toucha-t-il un cachet de trois francs — est celui
qui, incapable, fait le vide dans la salle et
chante devant des banquettes vides.
Le directeur de nos théâtres a fait cette
année l'expérience que le meilleur moyen de
gagner de l'argent était d'en dépenser beau- ,
coup, en s'attachant des artistes ayant, par
leur talent, une attraction sur le public. Je ne
sais quel est le cachet qu'il donnait à M. et
M me Escalaïs, vous poiïvez tenir pour certain
qu'il était fort élevé; mais comme ces artistes
ont toujours chanté devant des salles combles,
je crois que M. Poncet ne se plaint pas du résultat final : il s'en plaint si peu, qu'on lui
prête l'intention de recommencer, avec les
mêmes artistes, une nouvelle campagne.
LUCIEN.
ÉCHOS ARTISTIQUES
La première représentation à Bordeaux du
Voyage de Suzetle, a été donnée mercredi
dernier au théâtre des Arts.
En tête de la troupe, formée par MM. Collin
et Masson, les impresarii bien connus, figure
notre ex-diva d'opérette, M" 0 Edeliny.
*
* *
Une ancienne pensionnaire de notre GrandThéâtre, M lle Renée Vidal, vient de se faire
entendre au Grand-Théâtre de Marseille dans
le rôle à'Ortrude de Lohengrin.
Venant après M me Fierens qui en avait fait
une brillante interprétation, M"" Renée Vidal
n'a obtenu qu'un succès d'estime d'ans un rôle
qui n'est écrit ni pour une contralto, ni pour
une falcon, mais qui exige surtout une voix
étendue et puissante.
NOS THÉÂTRES «{
*
* *
Le ténor Cossira et M me Emma Cossira viennent d'être réengagés pour la saison prochaine
au théâtre municipal de Nice.
*
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Nous apprenons avec plaisir que M. Massart
vient d'être engagé pour la saison prochaine
au théâtre de la Monnaie de Bruxelles.
*
* *
M" c Jenny Diska, la charmante ingénuité
que nous avons souvent applaudi au théâtre des
Célestins, a signé un engagement pour l'hiver
prochain avec le directeur du théâtre du Parc,
de Bruxelles.,
Elle doit, pendant la saison d'été, jouer au
Casino Frascati du Havre.
* *
M. Coquelin — le grand, l'illustre ! — commencera le 25 mai, par Thermidor, la série
des trente représentations qu'il doit donner au
Théâtre-Royal de Londres.
*
* *
Les journaux de Paris ont mentionné, ces
jours-ci, l'arrestation h Puteaux, pour mendicité et vagabondage, d'un pauvre diable qui a
déclaré se nommer Emile Lazès, ancien premier ténor au Grand-Théâtre de L}'on, premier
prix d'opéra du conservatoire de Paris et deuxième prix d'opéra comique.
Ce ténor — qui n'a pas su rester dans une
bonne voie -- a fourni à M. Amat, commissaire de police, des pièces et diplômes à l'appui
de son dire.
Qui se souvient à Lyon d'Emile Lazès?
*
On parlait musique chez Rossini, dans une
de ses dernières réceptions. On passa naturellement en revue les compositeurs contemporains, après avoir nommé les morts ilustres.
— Que pensez-vous de Beethoven? demandat-on à Rossini.
— C'est le premier compositeur du monde,
répondit celui-ci.
— Et Mozart?...
— C'est le seul.
* *
A propos de Beethoven, une vieille femme
qui a été sa servante vit actuellement à Baden
près Vienne.
Elle a été longtemps à l'hôpital — dit le
Journal de Dresde — mais à présent elle sert
dans la maison où Beethoven a composé la fameuse « Neuvième symphonie ». L'immeuble
n'appartient nullement à la municipalité et n'a
même jamais été restauré : il est occupé par
des ateliers de couture.
La vieille se souvient très bien de Beethoven, « ce musicien maniaque et détraqué »,
comme elle l'appelle.
« Si les gens n'étaient pas si sots, dit-elle
avec humeur aux pèlerins de la « chambre de
Beethoven », ils verraient bien qu'aucun de
ses portraits ne lui ressemble, Beethoven, qui
ne se peignait jamais, avait un aspect sauvage
et sombre. »
P. B.
GRAND-THÉ ATRE
A l'opéra que nous n'entendrons pas maintenant qu'au mois d'octobre a succédé, la semaine
dernière sur la scène du Grand-Théâtre, le Pays
de l'Or, pièce à grand spectacle de MM. Chivot
et Duru, musique de Vasseur.
La réussite de cette pièce est dès à présent
assurée, car elle a, dans la plus complète
acception du mot, une précieuse qualité celle
d'être honnête. Une mère pourra y conduire
ses enfants en toute sécurité, car on n'y rencontre pas une seule plaisanterie pouvant choquer l'oreille la plus chaste.
Dans pareilles pièces l'intrigue ne sert que
de prétextes à des décors et à une grande mise
en scène; cependant une justice à rendre aux
auteurs du Pays de l'Or, qui sont ainsi relégués au second plan, c'est qu'ils se sont préoccupés de rendre leur intrigue amusante. Il y
a telle scène, comme celle se passant dans
l'Electric-Hôtel — ou tout le service se fait
par l'électricité — qui est des plus comiques ; à
la première représentation cette scène a provoqué un fou rire. Il en sera de même à toutes
les représentations.
Le Pays de l'Or ne comporte pas moins de
quatorze tableaux, c'est dire que la part la
plus large a été faite aux décorateurs qui en
ont profité largement. Les décors sont tout
battant neuf et quelques-uns d'un très pittoresque effet comme celui de la chute du Niagara où l'on voit de l'eau pour de bon tomber
en cascade.
C'est dans ce tableau qu'est placé ce qu'on
appelle aujourd'hui le clou. Ce clou consiste
dans la traversée de la chute du Niagara sur
une byciclette. M lle Doux que nous connaissions
comme une chanteuse de talent s'est révélée
en la circonstance comme une bycicliste do
première force. Avec une audace superbe elle
lance sa byciclette sur une corde tendue, portant suspendu au-dessous M. Chalmin, un artiste qui doit être d'un joli poids.
En quoi consiste ce truc, car c'est un truc
évidemment? Je ne me charge pas de vous
l'expliquer. A la première tous mes voisins des
fauteuils l'ont cherché vainement. Il est dit-on
des plus simples, dans tous les cas il est admirablement réussi et rien ne vous met sur la
voie pour en découvrir le mécanisme.
Les ballets occupent une place imposante
dans le Pays de l'Or. M. Natta mérite des
éloges pour la façon dont il les a réglés. On les
a beaucoup applaudis à la première représentation, et M 110 Monge y a obtenu un succès personnel très vif.
Il serait injuste de ne pas mentionner le luxe
et la grande variété des costumes des danseuses, dont quelques uns très originaux. La mise
en scène est magnifique.
Le Pays de l'Or est appelé — dans de pareilles conditions — à figurer longtemps sur
l'affiche ; j'aurai l'occasion d'en reparler en-
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