Interdiction d`affichage publicitaire dans les espaces publics

Interdiction d'affichage publicitaire dans les espaces publics: l’UVCW
auditionnée par le Parlement
Ambre Vassart - Mai 2015
Le 21 mai 2015, l'Union des Villes et Communes de Wallonie a été sollicitée pour
évoquer avec le Parlement l’opportunité d’une interdiction de la publicité présente
sur le domaine public. En effet, suite à l'initiative de la Ville de Grenoble, il est
apparu important de pouvoir réfléchir plus avant à une législation contraignante en
ce sens pour les pouvoirs locaux.
L’UVCW a donc réaffirmé, au vu du cadre juridique existant, l'atteinte aux droits
et libertés individuels qu'occasionnerait une décision régionale en la matière, et
l'atteinte à l'autonomie locale sans précédent qui surviendrait alors. L’UVCW
exigerait, dès lors, une compensation complète et dynamique des pertes et manques
à gagner au niveau local. L’UVCW estime ainsi que les communes doivent pouvoir
continuer, en fonction de leurs situations propres, à gérer, dans le cadre juridique
existant, l'affichage publicitaire dans l'espace public.
Pour l’UVCW, il était important avant tout de souligner que la publicité dans l'espace
public prend des formes multiples. Elle peut tout d'abord être mobile, via des véhicules
ou des véhicules publicitaires ou des chevalets posés sur l'espace public. Elle peut être
fixe, et prendre place sur des supports privés, comme c'est le cas des enseignes ou des
dispositifs de publicité protégeant les chantiers ou des dispositifs d'affichage de grande
superficie. Elle peut également être fixe et prendre place sur des supports publics. C'est
le cas des sucettes, colonnes (quasi absentes de l'espace public wallon) ou d'éléments de
mobilier urbain, essentiellement les abribus, mis en place par les villes et communes,
dans le cadre essentiellement de concessions. C'est dans cette catégorie que l'on retrouve
également la signalisation directionnelle d'entreprises et d'établissements de tous ordres,
participant à la promotion de l'activité locale.
L'espace public constitue, à n'en pas douter, un support efficace pour une enseigne ou un
dispositif de publicité en ce qu’il permet de viser le plus grand nombre de citoyens. Cette
utilisation de l'espace public participe de la sorte, d'une part à la poursuite du droit
constitutionnel qu'est la liberté de commerce, mais également à la fourniture de services
aux citoyens.
L’UVCW a également précisé d'emblée que le placement de publicité est déjà
règlementé, tant dans ses aspects sécurité, que dans ses aspects urbanistiques.
L'utilisation du domaine public est en outre encadrée par les règles de la domanialité
publique. L’affichage est la plupart du temps soumis à permis d’urbanisme. Le permis
est requis lorsque l’affichage concerne le placement d’enseignes ou de dispositifs de
publicité à fixer sur un bien immobilier ou à ancrer dans le sol de telle manière qu’ils
soient visibles depuis la voie publique.
Le Cwatupe prévoit par exemple que les enseignes et les dispositifs de publicité sont
interdits sur les édifices publics affectés à l'exercice du culte, de même dans les zones
forestières, d’espaces verts, de parc et naturelles. Elles sont interdites sur les bâtiments
classés et une série d’exceptions sont également prévues. Le législateur s'est penché,
dans le cadre de la mise en place de cet encadrement, sur les différents éléments à
prendre en compte et sur la balance des intérêts en présence.
Il permet, en outre, à la commune d'analyser au cas par cas, dans le cadre de la demande
de permis, cette même balance d'intérêts et de l'appliquer au contexte local et aux
circonstances. De manière complémentaire, dans le cadre de la délivrance d’un permis de
construction ou rénovation, l’autorité communale pourrait imposer un affichage destiné à
masquer un chantier d’ampleur ou l’interdire.
Complémentairement et conformément aux dispositions des règlements régionaux,
chaque commune peut par ailleurs établir un règlement communal pouvant contenir des
prescriptions relatives aux enseignes et procédés de publicité. Ainsi, si les villes et
communes le souhaitent, elles peuvent se doter de prescriptions soit plus contraignantes
ou soit plus spécifiques afin, notamment, de préserver un cadre bâti, un site d’exception
ou une zone patrimoniale intéressante.
Le cas des installations qui seraient posées sur le domaine public communal fait l’objet
d’une autorisation complémentaire liée à l’occupation du domaine public. En vertu du
principe du cumul des polices, le permis d’urbanisme, s’il est nécessaire, ne se suffit
donc pas. Ainsi, tout affichage sur le domaine public doit faire l’objet d’une autorisation
délivrée par le Bourgmestre. Il s’agit d’une occupation privative du domaine public.
Cette autorisation peut être refusée ou retirée chaque fois que la tranquillité, la salubrité,
mais ici surtout la sécurité publique est affectée. La commune, spécifiquement le
Bourgmestre, est garante de ces trois composantes de l’ordre public en vertu de
l’article 135, par. 2, de la nouvelle loi communale et des affichages troublant l'une ou
plusieurs de ces composantes doivent faire l'objet d'une action du Bourgmestre pour
remédier au trouble constaté.
Ensuite, bien que cette jurisprudence n’ait pas été confirmée, le Conseil d’Etat a même
admis en 1989 dans le cadre d’un refus de permission de voirie pour des motifs
esthétiques que «le pouvoir d’accorder des permissions précaires d’installer de la
publicité sur le domaine public (de l’autorité qui a statué) (...) peut s’exercer en
interdisant la publicité et en la soumettant à des conditions qui peuvent s’inspirer
notamment des considérations esthétiques; qu’il ne trouve de limites que dans la
sauvegarde des libertés constitutionnelles ».
Enfin, il faut également noter pour que l’état juridique des lieux soit complet que le Code
de la route prévoit dans tous les cas qu’il est interdit d'établir sur la voie publique des
panneaux publicitaires, enseignes ou autres dispositifs qui éblouissent les conducteurs,
qui les induisent en erreur, représentent ou imitent même partiellement des signaux
routiers, se confondent à distance avec des signaux ou nuisent de toute autre manière à
l'efficacité des signaux réglementaires.
Ce même code prévoit une signalisation spécifique permettant d’indiquer les noms de
restaurants, hôtels ou établissement d’intérêt à la demande de ces derniers. L’autorité
communale peut alors percevoir une redevance pour ces signalisations spécifiques et
décide ici encore de leur placement.
Eu égard à ces différents éléments, l'encadrement prévu et relativement complet en
matière d'affichage publicitaire laisse à penser que l'autorité locale dispose déjà des
outils pour assurer un bon équilibre entre l'utilisation du domaine public, la protection du
cadre de vie et l'exercice du commerce, dont la publicité est un accessoire.
A cet égard, il semble qu’une interdiction pure et simple de la publicité sur le domaine
public ne puisse être envisagée simplement, eu égard à la liberté de commerce et
d’industrie, consacrée par le décret d'Allarde dont l’article 7 dispose: "Il sera libre à
toute personne de faire tel négoce ou d'exercer telle profession, art ou métier qu'il
trouvera bon" et que "chacun est autorisé à exercer librement le commerce de son choix
sous la seule condition de se conformer aux règlements de police".
La référence à la liberté de commerce et d'industrie a été intégrée dans l'article 6, § 1er,
VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles à l'occasion
du transfert aux Régions de la politique économique:" En matière économique, les
Régions exercent leurs compétences dans le respect des principes de la libre circulation
des personnes, biens, services et capitaux et de la liberté de commerce et d'industrie,
ainsi que dans le respect du cadre normatif général de l'union économique et de l'unité
monétaire, tel qu'il est établi par ou en vertu de la loi, et par ou en vertu des traités
internationaux."
Cette disposition est considérée comme consacrant d’une part expressément la liberté
d'entreprendre c'est-à-dire la liberté de choisir son activité professionnelle ainsi que les
moyens de l'accomplir. Cette dimension se retrouve dans l'article 23, alinéa 3, 1° de la
Constitution. D’autre part, elle constitue un frein aux obstacles d'ordre administratif ou
corporatif susceptibles d'entraver la liberté d'entreprendre.
Bien sûr, il est admis que la liberté de commerce et d'industrie n’est pas une liberté
absolue ou illimitée, en ce sens qu'elle n'empêche pas l'autorité publique de soumettre
l'exercice des activités économiques à des régimes de contrôles et d'autorisations
administratives telle l'obtention préalable d'une autorisation ou d'un permis. De même, la
liberté d'entreprendre ne fait pas non plus obstacle à l'édiction de mesures de police
administrative.
Toutefois, de telles restrictions ne sont admissibles que pour autant qu'elles ne remettent
pas fondamentalement en cause le principe même de cette liberté. Elles doivent se fonder
sur un critère objectif, poursuivre un but légitime, être nécessaires au regard de l'objectif
poursuivi et ne pas être manifestement disproportionnées avec le but recherché. Ne
répondent pas, en principe, à ces critères, des mesures qui interdisent de manière
générale et permanente l'exercice d'une activité économique ou qui ont pour effet de
rendre celle-ci impraticable.
Cette situation peut être comparée à celle de l’interdiction de la distribution des tracts
publicitaires sur la voie publique. Lorsque les autorités locales se sont posées cette
question et ont pris des mesures, la jurisprudence a été amenée à trancher et à considérer
qu’interdire ou soumettre à autorisation la distribution de tracts constituait une mesure
disproportionnée au regard de l’objectif de salubrité et de tranquillité publique poursuivi.
La seule voie envisageable était donc de règlementer la manière dont cette distribution
pouvait s’opérer.
Il convient donc de se demander dans quelle mesure l’atteinte contenue dans une
interdiction totale de publicité sur le domaine public ne violerait-elle pas le principe
même de la liberté d’une manière disproportionnée eu égard aux objectifs poursuivis par
le législateur. Il semble à cet égard que la publicité aide les entrepreneurs à se créer une
clientèle et que l'espace public constitue un moyen efficace de toucher le plus grand
nombre de personnes dans ce cadre. L’UVCW a souligné, en outre, que l'interdiction
grenobloise ne concerne aucunement l'ensemble des dispositifs de publicité, mais bien
des dispositifs volumineux ou particulièrement encombrant au niveau de l'espace public.
Eu égard à ces éléments, il apparait que les communes disposent déjà actuellement des
moyens adéquats pour réguler la présence de publicité dans les espaces publics, et pour
assurer le respect de l'ordre public. Tous les actes posés par les communes en cette
matière sont par ailleurs soumis à l’appréciation en proportionnalité du Conseil d’État.
L’UVCW part, à cet égard, du constat que, dans le cadre d'une régulation locale exercée
par les communes, le développement publicitaire en Région wallonne n’apparait
aucunement problématique et nous n'avons pas vu survenir de débats locaux témoignant
de difficultés majeures ou particulières en la matière. Une interdiction ou une
modération des capacités d'action des communes par la Région apparaît à ces égards
superflue et largement attentatoire à l'autonomie communale.
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