ET DE
LA
SCIENCE JURIDIQUE
1.
Le fédéralisme au
rythme
des générations
de la doctrine
du
vingtième siècle
167
Pour croiser
ce
double objet (doctrine et fédéralisme), j'ai choisi de décou-
per cette histoire selon trois moments, qui correspondent à trois générations
successives de la doctrine publiciste.
Il
y a d'abord eu
la
période de la doctrine
« classique» qui correspond à
la
génération des fondateurs, -celle qui écrit son
œuvre entre 1885
et
19256. À cette génération va s'opposer une autre généra-
tion -conformément à une logique courante des conflits de génération
-,
celle des
successeurs,
qui forme la doctrine « post-classique » écrivant entre
1925 et 1945. Enfin, à la période des quasi-contemporains qui écrit la
majeure partie des textes après la seconde guerre mondiale, correspond cette
génération des « continuateurs » qui s'inscrit dans la logique des
«successeurs».
Ce
découpage par génération implique que la chronologie sera
quelquefois maltraitée car
on
peut
appartenir à une certaine génération, et
écrire des ouvrages qui paraissent avant d'autres écrits de la génération précé-
dente7
En réalité, cette distinction de générations n'est pas
tout
à fait neutre, dans
mon
esprit
du
moins, puisqu'elle repose sur une hypothèse, proposée dans
une étude relative à Joseph Barthélémy, selon laquelle cette génération des
«successeurs» aurait trahi la cause des fondateurs, en devenant très consciem-
ment
-et
non
sans de solides raisons -
les
« fossoyeurs » de la doctrine clas-
sique8. Celle-ci était plus théorique, plus attirée vers la dogmatique juridique
tandis que la seconde est plus pragmatique,
et
sociologique. La troisième
génération, celle des « continuateurs
»,
poursuit la tradition inventée par
les
«successeurs»,
et
fait référence à la doctrine classique de manière révéren-
cielle.
Si
l'on devait formuler des noms
pour
caractériser cette classification,
on
mettrait dans la première liste
les
trois noms emblématiques de Duguit,
Hauriou et Carré de Malberg et dans la seconde liste, ceux de Joseph-Barthé-
lémy, Gaston Jèze et Georges Scelle, et tous ceux de la génération suivante qui
ont
finalement repris cet héritage post-classique d'empirisme : Burdeau,
6
0n
trouvera
une
intéressante manière d'utiliser le concept
de
génération dans l'histoire
de
la doctrine allemande dans le récent article
de
C.
Moellers, «
Die
Methodenstreit
ais politischer
Generationenkonflikc.
Ein
Angebot
zur
Deucung
der
Weimarer Staatsrechtslehre » [La querelle
des méthodes
comme
conflit
âe
génération politique.
Une
offre
pour
interpréter la doctrine
publiciste sous Weimar], Der
Staat,
Bd
43
(2004)
pp.
299
et
s.
7Lexemple manifeste est celui de Charles
Durand
qui écrit son ouvrage sur l'État fédéral
en
1930,
avant
le
Précis
du
droit
des
gens
de Scelle ((1932), mais qu'on étudiera dans
la
troisième section.
8Voir «Joseph Barthélémy
ou
la fin de la doctrine constitutionnelle classique»,
Droits
n°
32
(2000), pp.
89-108.