Sch‚mas_institutionnelles_de_l`int‚gration_3

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Les schémas institutionnels
et politiques des
expériences d’intégration
Professeur Moustapha Kassé
www.mkasse.com
Ces trente dernières années ont vu la recrudescence des accords régionaux,
en d’autres termes la montée en puissance du régionalisme. L’augmentation
des accords notifiés au GATT et à l’Organisation mondiale du commerce
(OMC) illustre cette tendance : au 1er janvier 2005, 312 accords ont été
notifiés depuis la Seconde Guerre mondiale.
Sur les 124 accords notifiés entre 1948 et 1994, seulement 38 sont restés en
vigueur, montrant ainsi l’évolution des accords – via un approfondissement
ou un élargissement du processus. De la création de l’OMC au 15 juin 2006,
147 étaient encore en vigueur.
Cette dynamique touche l’ensemble des régions du monde. Des cadres
institutionnels et/ou des accords commerciaux privilégiés, allant de simples
forums interrégionaux jusqu’à des unions économiques en passant par des
zones de libre-échange et des unions douanières, ont été mis en place dans
la plupart des régions : Amérique latine (MERCOSUR), Amérique du Nord
(ALENA), Asie Pacifique (ASEAN, CER), Caraïbes (CARICOM), Afrique
(UEMOA, SADC, CEDEAO, COMESA…), Russie et son voisinage (CEI,
GUAM…), Europe (UE, partenariat Euro-med, accords ACP)…
Si l’expérience européenne est le processus le plus abouti en la matière,
cette recrudescence montre aussi que l’Europe n’est plus l’unique parangon
de l’intégration. Quelles sont les raisons de cet intérêt.
Quelles sont les raisons de cette
motivation ?
1. Les motivations de
l’intégration régionale de
jure: créer les conditions
favorables pour une insertion
dans les circuits mondiaux.
Dès lors 3 justifications du
processus:
• L’intégration comme marchepied
vers la mondialisation
• L’intégration comme catalyseur de
la mondialisation
• L’intégration comme rempart
contre la mondialisation
2. Les schémas d’insertion
dans la mondialisation
multipolaire :
• Commerce international,
croissance et développement
• Mondialisation, multilatéralisme
et intégration
• Le Schéma de Balassa
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Mondialisation, multilatéralisme et intégration
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1. Evaluation difficile faute de disposer
d’indicateurs objectifs de performance
mais même en l’absence d’indicateurs de
mesure qualitative et quantitative, on peut
établir un listing d’une douzaine de
contreperformance observée, au premier
rang
desquelles
apparaissent
les
paramètres politiques et institutionnels.
Les Contreperformances constatées dans la
mise en œuvre de l’intégration africaine

Faibles effets de l’Intégration commerciale et des marchés

Convergence et politiques monétaires non réglées

Les infrastructures intégrationnistes à faire

Faibles intégration des politiques économiques

Contraintes à la libre circulation des facteurs

Rationalisation des Communautés à faire

Architecture institutionnelle d’énormes lacunes

Beaucoup de Programmes, de modestes réalisations

Le financement des institutions est entier

Faible participation du secteur privé

Paix, sécurité et conflits comme questions transversales restent
encore des préoccupations

Faible volonté politique
2. Insuffisance des réflexions et recherches sur les
institutions. Quand il s'agit d'organiser un niveau
de concertation minimum susceptible de rendre
opérationnel un dispositif de libération des
échanges, en dehors de procédures d'arbitrages
des différends commerciaux, aucune construction
institutionnelle n'est indispensable pour permettre
l'adoption de politiques communes. En d'autres
termes, une zone de libre-échange ne requiert
aucune construction institutionnelle autre que la
mise en place d'un dispositif d'arbitrages
d'éventuels conflits.
3. Toutefois pour passer de l’étape de libre échange à
l’union économique et monétaire des nécessités
fonctionnelles apparaissent. En d’autres termes la
gradation de l'intégration économique engendre
impérativement une complexité institutionnelle
que vit d’ailleurs, aujourd’hui, avec la crise, le
modèle de référence l’UE : la question du
fédéralisme et l’indispensable gouvernance
politique et institutionnelle
1.
Selon la théorie économique de COASE, D. NORTH à
WILLIAMSON, tous prix Nobel, les institutions jouent des
foncions essentielles et représentent des règles du jeu
dont les organisations sont les joueurs.
2.
Elles permettent la mise en œuvre d’une réglementation
commune qui soit des règles de loyauté pour un jeu
coopératif.
3.
Elles sont associées à une Administration Centrale dont
l’autonomie est garante de son efficacité.
4.
Cela pose la question du pouvoir supranational.
Les fonctions des institutions
1. Les institutions permettent de réduire les coûts de
transaction ;
2. Les institutions représentent une condition nécessaire pour
un fonctionnement harmonieux des marchés par réduction du
temps et de l’incertitude qui prévaut sur les marchés ;
3. Les règles formelles sont aussi créées pour servir et
satisfaire les intérêts de ceux qui détiennent le pouvoir (de
négociation) leur permettant de créer de nouvelles règles.
Les 3 questions soulevées par les institutions
1.
Quelles sont les principales caractéristiques des constructions
institutionnelles des processus d'intégration en Afrique ?
2.
Sont-elles le produit d'une création initiale ou d'adaptations
fonctionnelles ?
3.
Les modes opératoires caractérisant un processus d'intégration
reflètent-ils les caractéristiques institutionnelles des États membres,
ou tout au moins des plus influents d'entre eux ?
Les approches institutionnelles sont de plusieurs
ordres:
1.
Le fonctionnalisme est une approche pragmatique qui ne comporte pas
nécessairement une institution centrale, dotée de prérogatives précises
consignées dans une constitution. Il doit émerger d'une nécessité: la fonction
engendre les organes, le problème à résoudre détermine l'institution. L'idée
générale est donc d'organiser certaines activités au plan international, en fonction
des besoins du moment et de l'intérêt général.
2.
Le néo-fonctionnalisme est né, au début des années 60, de l'échec du
fédéralisme américain inspiré du fonctionnalisme. La nouvelle théorie est
européo-centrée et son biais normatif est clair: créer un ordre politique
souhaitable les États-Unis d'Europe à l'image des États-Unis d'Amérique.
3.
Le fédéralisme.
4.
La confédération.
La synthèse est réalisée à travers deux approches :
L’approche Top-Down par le haut comme les Etats Unis
L’approche Bottom-up comme dans le modèle d’intégration régionale
de l’Union Européenne
Le schéma institutionnel de l’UE répond-il à ces
préoccupations?
Le modèle de référence dans l’intégration africaine
est le schéma institutionnel de l’Union
européenne.
Qu'est-ce-que l'Union européenne? Elle est plus
qu'un régime mais moins qu'une fédération
(Wallace), comme le dit J. Delors, elle est un objet
politique non identifié. Elle a un caractère hybride
car étant la synthèse entre le fédéralisme
coopératif allemand et le centralisme français.
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Il apparait à l’évidence que l'UE n'est pas une
fédération, pour 3 raisons :
1.
Il n'existe pas au sein de l'UE de "super-État"». Même s'il y a
un Parlement et une Cour de justice, le gouvernement est
partagé entre le Conseil européen, le Conseil de l'Union et la
Commission;
2. Il n'existe pas de répartition des compétences entre les États
membres et l'Union, conférant à celle-ci de véritable
compétence exclusive dans des domaines strictement limités;
3. L'Union se trouve privée de la "compétence de la
compétence", le pouvoir "constituant" restant aux mains des
États.
Aujourd'hui le débat sur la fédéralisation est explorée suite aux chocs
asymétriques issues de la crise financière de 2008. Une nouvelle
gouvernance est préconisée pour répondre avec efficacité à des
contraintes communes.
Il est observé qu’une union monétaire garantit à ses membres une
stabilité des taux de change mais, en contrepartie, les prive de marges
de manœuvre dans leur politique économique. Ainsi, un plan de
relance isolé aura un impact sur les économies des autres États : il fera
augmenter le taux d’intérêt commun, relancera l’inflation à long terme
et créera une distorsion de concurrence.
Dès lors s’impose une coordination entre les politiques économiques
pour éviter ces distorsions. Le destin d’un seul est celui de tous. Le
Pacte de Stabilité et de Croissance a tenté de limiter ces phénomènes
de «passager clandestin » en introduisant des critères de limitation des
dettes et déficits publics qui n’ont jamais été respectés par certains
pays.
Il faut alors tendre vers le fédéralisme budgétaire comme réponse à la
nouvelle situation.
1.
L’expression a été lancée par Jean-Claude Trichet dans
une interview au journal Le Monde le 31 mai 2010 :« Nous
avons maintenant besoin d'avoir l'équivalent d'une
fédération budgétaire en termes de contrôle et de
surveillance de l'application des politiques en matière de
finance publique »
2. Pour lui, la situation dans la zone euro est un problème
financier lié à une mauvaise gestion et coordination des
politiques budgétaires. En cela, une surveillance mutuelle
permettrait de garantir les critères du Pacte de Stabilité
et de Croissance tout en conservant la responsabilité
fiscale de chacun des États membres. Le fédéralisme
budgétaire, en ce sens, est une réponse pragmatique pour
huiler les mécanismes financiers et monétaires : mais il
peut et doit avoir d’autres vertus, notamment la mise en
place de transferts au sein de la zone euro.
1. Les CER sous-régionales qui sont censées être le
centre névralgique du processus d’intégration
régionale et ont une responsabilité sur la
conception et le suivi de la mise en œuvre des
politiques et programmes, la mobilisation des
ressources nécessaires pour appuyer ces politiques
et ces programmes et l’établissement régulier de
rapports sur les progrès accomplis sont-elles des
pierres angulaires ou des pierres d’achoppement?
2.Les
chevauchements
et
leurs
multiples
interférences entraînent-ils une perte d’efficacité?
Sur les 53 pays africains, 26 appartiennent à deux
CER et 20 appartiennent à trois. Le chevauchement
des CER: avantage ou inconvénient? Par ailleurs,
l’existence d’un si grand nombre de communautés
3.Devraient-elles être dotées d’une autorité
supranationale leur permettant de faire exécuter
les décisions communes ?
L’espace régional devrait être un espace de recomposition des
pouvoirs publics et privés et également de déploiement des
stratégies des acteurs nationaux et internationaux dans un
contexte de mondialisation. En ce sens, il devrait concerner
tous les champs des sciences sociales.
Cela exige le renouvèlement du cadre d’analyse de la
régionalisation à travers 3 directions de recherche
1.
l’économie institutionnelle qui met en avant le rôle des
organisations et des règles,
2.
la nouvelle géographie économique
3.
la nouvelle économie internationale en concurrence
imparfaite
5 enseignements pour l’avenir :
1.
Créer un ordre économique autour de projets intégrateurs, ce qui
préfigure de la création d’une DIT et d’un SMR. L'intégration
régionale doit progresser à la fois "par le haut" (négociations
intergouvernementales) et "par le bas" (initiatives transnationales
spontanées d'acteurs de la société civile).
2.
Créer un cadre politique nouveau et des institutions solides dans
lesquelles les divers acteurs seront représentés par des procédures
démocratiques et modifier le mode d'adoption des décisions.
3.
La Commission, « entité collective », doit évoluer vers un pouvoir
supranational devant recevoir et gérer des abandons de
souveraineté.
4.
Mettre en place de solides mécanismes de suivi évaluation.
5.
Associer la société civile qui revendique une participation accrue
dans les instances de décision. La CEDEAO pose la problématique
de la CEDEAO des peuples.
Bibliographie sommaire
La théorie générale de l’intégration n’est guère prisée dans la
recherche en France alors qu’elle est incontournable dans le
monde anglo-saxon. La littérature sur le sujet est
principalement de langue anglaise et reste ignorée.
C’est pourtant un bon moyen d’entrer dans les systèmes
d’explication de la construction européenne et revenir ainsi,
par delà la complexité et l’abstraction première des
formules, à quelques idées élémentaires qui, une fois
comprises, guident le classement des faits et l’interprétation
qu’on leur donne.
Car c’est bien la vertu des systèmes que de tout simplifier et
dégager des schémas, des arborescences qui formeront
l’ossature de notre compréhension des structures
économico-politiques intégrées. En ce sens la théorie
générale a une valeur clairement propédeutique.
1°) CEA : Rapport sur l’Intégration en Afrique 2006.
2°) DIOMANDE, K et BAMBA G : convergence des politiques
économiques, CODESRIA, 1998.
3°) DIOUF Makhtar : Intégration économique, Publisud et
NEA,1984.
4°) HUGON et COUSSY: Intégration régionale et ajustement
structurel, 1991.
5°) KASSE, M: Développement par l’intégration, NEAS 1991.
6°) KASSE, M : Intégration et partenariat en Afrique: De l’UEMOA
au NEPAD, 2OO3 Nouvelles du Sud.
7°) KAMANDINI Ouali: Intégration africaine, 1983.
8°) SABINE SAURUGGER, "Théories et concepts de l’intégration
européenne", Presses de Science-Po, 2009.
9°) SIROEN, J.M: La régionalisation de l’économie mondiale,
Collection Repères 2000.
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