
Market Flash : La BCE en route vers un programme « Quantitative Easing » à l’américaine ?
03/12/10
Depuis  la  crise  grecque  en  printemps,  la  banque  centrale  européenne  intervient  sur  les 
marchés des obligations des Etats en difficulté. Jusqu’à présent la BCE a, p.ex., acheté des 
emprunts de la Grèce de l’Irlande et  du Portugal pour  éviter que la crise  ne  se  propage à
travers une envolée des primes de risque et donc des taux d’intérêts de ces obligations. Lors 
de la dernière réunion  de la BCE en date de hier,  le  président de la  BCE,  J.-C.  Trichet  a 
annoncé que  le  rachat  de dettes  publiques  se  poursuit,  sans  pourtant fixer un  montant  où
une durée  pour ce programme.   Les marchés qui avaient  anticipé une forte hausse de ces 
rachats  ont  affiché leur  déception  immédiatement  après  cette  annonce,  mais  les  attentes 
évoquées par certains médias anglo-saxons étaient irréalistes. Des rumeurs sur des rachats 
de  montants  avoisinant  les  1.000  milliards  d’euros  avaient  été émis  par  ceux  qui  restent 
convaincus que la BCE prendra la même voie que la FED. Cette dernière avait annoncé en 
novembre  un  nouveau  programme  de  rachat  de  dette  étatique  américaine  avoisinant  les 
1.000  milliards  de  dollars.  Or,  depuis  le  début  du  programme,  la  BCE  a  « seulement »
racheté pour un montant de quelque 67 milliards d'euros de dette publique. Pour éviter une 
hausse de la masse monétaire en circulation qui pourrait stimuler une inflation incontrôlée 
elle a retiré des liquidités d'un même montant sur le marché. Selon des informations du FT, 
hier la BCE aurait acheté plus massivement (quatre fois plus qu’habituellement) qu’attendu 
des  obligations  publiques  irlandaises  et  portugaises,  alors  qu’elle  n’aurait  pas  acheté
d’obligations  espagnoles.  Les  montants  totaux  de  rachat  exacts,  sans  doute  en  hausse, 
seront  connus  dans  quelques  jours,  mais  il  est  sûr  que  la  BCE  ne  procèdera  pas  à un 
« quantitative easing » aussi important que celui de la FED.
Ni les outils, ni les objectifs de la BCE ne sont comparables à ceux de la FED. Sans vouloir 
expliquer  les  finesses  de  la  politique  monétaire  américaine  ultra-accommodante,  on  peut 
dire  que la  FED  est  en  train de  combattre  le risque  de  déflation et  soutient  le  marché de 
l’emploi américain via l’injection massive de liquidités dans l’économie. Actuellement, la 
banque centrale américaine utilise donc essentiellement son programme de rachat de dette 
pour apporter des liquidités au système financier. 
A l’encontre de la FED, la BCE ne connaît qu’un seul mandat qui est celui de la stabilité
des  prix.  En  tant  qu’instrument  pour  l’implémenter,  la  BCE,  utilise  essentiellement  des 
opérations  de  repo  (repurchase  agreement)  comme  principal  outil  de  refinancement.  Les 
banques  qui  reçoivent  des  liquidités  vendent  des  obligations  (ou  des  créances 
commerciales) à la BCE,  mais  s’engagent  à les racheter  ultérieurement.  Pour  le moment, 
les  quantités  de  refinancement  offertes  par  la  BCE  ne  sont  limitées  que  par  la  taille  du 
portefeuille  de  titres  admis  comme  collatéral.  La  crise  de  l’Irlande  ainsi  que  celle  du 
Portugal et de l’Espagne qui s’annoncent, ont dévoilé à quel point les banques européennes 
des  pays  PIIGS  sont  devenues  dépendantes  du  refinancement  de  notre  banque  centrale. 
Sans le refinancement de la BCE, la crise d’endettement des pays européens, qui souvent 
découle  des  systèmes  bancaires  fragiles,  serait  sans  doute  plus  aigue.  Compte  tenu  des 
incertitudes actuelles, certaines banques notamment portugaises, irlandaises et espagnoles, 
ne  peuvent  se  refinancer  qu'auprès  de  la  BCE,  leurs  homologues  ne  leur  faisant  plus 
confiance. On  ne  peut  donc  pas  dire  que  la  BCE  « ne  fait  rien ».  Lors  de  sa  réunion  de 
jeudi, la BCE a aussi rassuré les acteurs qui craignaient que la BCE allait bientôt mettre fin 
à son refinancement illimité et bon marché (au taux de 1%) sur des durées d’une semaine, 
d’un  et  de  trois  mois.  Elle  reporte  le  retrait  préalablement  annoncé de  ces  mesures  non-
standard  et  assure  poursuivre  son  refinancement  exceptionnel  jusqu’au  début  du  2
ème
trimestre  2011.  Ceci  est  une  bonne  nouvelle,  car  la  BCE  limite  indirectement  le  risque 
d’effondrement des banques de la zone euro. 
Lors de la conférence de presse de hier, Jean-Claude Trichet a également tenu à rappeler 
les  bons  fondamentaux  économiques  de  la  zone  euro.  «La situation  économique  a  plus 
souvent offert de  bonnes que de  mauvaises surprises», depuis  le  début de la  reprise,  fin 
2009,  a  souligné le  président  de  la  BCE.  La  banque  centrale  a  d'ailleurs  revu  ses 
prévisions pour 2010 à la hausse et table dorénavant sur une croissance de 1,7%, contre 
1,6% prévu initialement.
Néanmoins,  selon  J.-C.  Trichet,  les  incertitudes  restent  élevées,  mais  n’empêchent  que 
l’euro reste une monnaie « crédible ». Selon J.-C. Trichet, l’euro n’est pas « en crise en 
tant que monnaie ». « On a des problèmes d’instabilité financière  qui sont dus à une crise 
budgétaire dans certains pays européens », a-t-il ajouté. A travers  toutes les déclarations 
de hier, Trichet a donc clarifié la position de la BCE : elle continuera d’assurer une mise à
disposition  suffisante  de  liquidités  au  système  financier.  Néanmoins,  elle  n’accomplira 
pas  les  devoirs  des  gouvernements  européens  qui  restent  seuls  responsables  de  leurs 
problèmes budgétaires et ne vont pas pouvoir compter sur la BCE en tant qu’acheteur de 
dernier  ressort  de  leur  dette  publique  devenue  invendable  aux  investisseurs  privés.  Ses 
mesures de  refinancement  feront  sans  doute  gagner  du  temps  aux  dirigeants  politiques. 
Mais,  in  fine ce  seront  eux  qui  devront  trouver  des  solutions  fondamentales  et 
coordonnées  au  niveau  européen  pour  résoudre  les  problèmes  de  surendettement  et 
restaurer la santé fragile de leurs secteurs bancaires.