Hommage à
Michel Foucault
Le 25 avril 2009 a eu lieu
à la médiathèque de Toulouse,
dans le cadre des Lectures Croisées du GREP,
et en partenariat avec la médiathèque de Toulouse,
une journée d’hommage à Michel Foucault
On en trouvera ci-après les principales interventions et le débat qui les a
sui vies.
1 - Biographie rapide de Michel Foucault Daniel Goubier
2 - Introduction à la pensée de Michel Foucault Nicole Gauthey
3 - Foucault philosophe, historien: présentation Alain Gérard
de sa méthode à travers « Les Mots et les Choses »
4 - Michel Foucault, sa pensée, sa personne, Daniel Goubier
vus par Paul Veyne
5 - Socrate, la justice et la vie J.-Ph. Catonné
6 - Les visages incertains du pouvoir chez Michel Foucault Paul Seff
7 - Identités, désir, normes sociales: une relecture Pierre Besses
du mythe de la mort du sujet selon Michel Foucault.
8 - Débat
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1. Biographie rapide de Michel Foucault
1926 Naissance à Poitiers - 10 rue Arthur Rance. (Père médecin)
(maison de famille à Verrue près de Vandoeuvre)
1945 Entre au lycée Henri IV à Paris - khâgne et hypo -
(prof: Jean Hyppolite)
1946 Entre à l’École Normale (y sera caïman!)
1948 Tentative de suicide
1950 Adhère au PC
1952 Assistant à l’université de Lille
1953 Travaille comme assistant psy. à Ste Anne à Paris
1955 S’interroge sur la et « sa » maladie mentale
1956 En Suède Université. d’Uppsala
(première rencontre de Dumézil) Attaché culturel
1957 Reçoit Camus (année de son prix Nobel)
1958 Prof à Varsovie
1960 Hambourg (institut culturel)
Revient en France « Folie et déraison »
Rencontre avec Canguilhem
1961 Thèse d’agrégation sur la Folie (H Gouhier) 2etentative
1962 Titulaire de chaire de Philo à Clermont-Ferrand
1965 Participe à commission de réforme de l’enseignement
(Christian. Foucher)
1966 Rencontre avec Deleuze, Michel Serres
Relation homosexuelle avec Daniel Defert
Parution « Les mots et les choses »
Continue « l’Archéologie du savoir »
1967 Prof philo à Tunis (venue d’Hyppolite et Paul Ricœur)
1968 Retour en France
1969 Dans la foulée nommé à Vincennes
(Serres, Deleuze, Lacan, Lyotard, Chatelet)
1970 Collège de France
Action dans les prisons G I P
Sartre et « La cause du peuple »
1975 « Surveiller et punir »
1976-1977 Éloignement de Deleuze
« Volonté de savoir »
1978 Renoue plus régulièrement avec Paul Veyne
1979 Épisode Khomeiny (Foucault fasciné)
1979 Avec Sartre lors des « boat people »
1980 Mort de Sartre
1981 Mitterrand président
1984 Mort du sida à l’âge de 58 ans.
HOMMAGE À MICHEL FOUCAULT
2. Introduction
à la pensée de Michel Foucault
Nicole Gauthey
Quand on présente l’œuvre d’un auteur, l’usage veut (ou en tous cas, il est
assez fréquent) quon présente la règle de construction de cette œuvre en
reprenant dans sa production les différents éléments qui la composent et en les
articulant pour faire une même unité logique… Pourtant à ce principe aujour-
d'hui je ne vais pas souscrire, précisément pour rester au plus proche de l'œuvre
de Foucault, pour rester au plus près de son parcours, à lui qui disait avancer en
« Empiriste aveugle ».
Pour laisser re apparaître cette œuvre telle qu'elle l'a été, la laisser à nouveau
tourner autour de son même lieu de question, de son même foyer thématique,
suivre son étrange mouvement d'un bracelet qui aurait cherché à se fermer sur le
poignet qu'il enserre.
Comment donner un nom à ce foyer thématique? Ce serait celui de l’archive,
des archives de la vérité. Il arrive que l’on fouille dans les archives pour connaître
la vérité, ce qui s’est réellement passé. Il est fréquent que ce soit une enquête judi-
ciaire: on cherche à connaître le passé, l’histoire d’un individu pour accéder à la
vérité de ce qu’il est aujourd’hui. Or ici ce dont il est question, c’est des archives
de la vérité elle-même. La vérité est soumise à un « jeu des règles qui déterminent
dans une culture l’apparition et la disparition des énoncés, leur rémanence et leur
effacement, leur existence paradoxale d’événements et de choses » (Foucault,
Réponse au Cercle d’Épistémologie, in Cahiers pour l’Analyse. Généalogies des
sciences, 9, été 1968, p. 11)
«Mon problème pourrait s’énoncer ainsi: comment se fait-il qu’à une époque
donnée on puisse dire ceci et que jamais cela n’ait été dit? » (Foucault, Dits et écrits,
textes établis par Fraois Ewald et Daniel Defert, tome I, Paris, Gallimard,
p. 787)
Mais on sait aussi, puisqu’il s’agit d’un travail d’archives, que toute remontée
d’archives appartient le plus souvent à une dimension inquisitoriale, à un travail
de juge remontant à la source d’un délit. De quoi la vérité serait-elle coupable?
Eh bien, d’une certaine complicité avec le pouvoir. La volonté de savoir, la
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représentation du réel se serait traduite par une mise en ordre des phénomènes,
tranchant entre l’essentiel et l’accessoire pour mener son enquête de rité et
donc déjà excluant les marges, tout comme le pouvoir qui enferme marge et
déviance, tout ce qui est ordre de l’anomie, au nom de l’ordre établi ou à établir.
Il ne s’agit pas des techniques de ridiction qu’utilise un pouvoir, de ce qui
est reconnu comme vérité, même si Foucault s’y attardera aussi, celle de l’aveu et
de l’enquête. Il ne s’agit certes pas de l’endoctrinement ou de la propagande qui
est une transformation de la vérité. Mais il ne s’agit pas non plus de cette sym-
biose du pouvoir avec la vérité en tant que telle qui s’avance comme autorité,
voix de l’oracle. Cette compliciest plus antérieure et remonte avant même ce
que le pouvoir ait pu décider et réfléchir, voire calculer.
Parce que la rité, elle aussi, na pas lieu avant une mise en ordre des
phénomènes qui, parce qu’elle découpe le champ du visible, à la fois précède et
dépasse le champ du savoir, organise les pratiques, stratifie les attitudes et les
comportements. Ainsi avant la loi clarée, la loi publiée, un pouvoir s’est con-
struit et a déjà disséminé sa loi dans la poussière des usages de sorte que
lorsque la vérité commence à parler elle reconduit la loi dans le champ du
savoir : parce que son acuité et son discernement dépendent, en construisant
son aptitude au discernement, sur une mise au ban de l’exception, de l’insignifi-
ant ou de lanomalie, la vérité dit la même loi dexclusion que le pouvoir
organise en pratique d’enfermement et de répression.
Mais en énonçant le terme de pouvoir, nous n’avons encore rien dit car, c’est
là le problème de Foucault, le pouvoir reste inconnu, il reste à déterminer. Il s’agit
d’interroger d’où il vient et comment il s’organise, se déploie au-delà de sa forme
la plus visible, celle de la répression et de l’assujettissement. Car c’est justement le
principe du pouvoir de se substantialiser en entité abstraite masquant les classes
ou les individus au profit de qui il sexerce. On se souvient de lAna,
l’Organisation, le nom que les Khmers rouges utilisaient pour désigner l’autorité
au nom de laquelle ils exerçaient leurs sévices. L’Ana, L’Organisation avait décidé
et cela suffisait pour ôter toute question à son autorité. Dès lors on verra Foucault
s’exercer à suivre le Pouvoir pas à pas dans tous les linéaments qu’il découvre au
fur et à mesure de son interrogation.
De l'Archéologie du savoir àSurveiller et Punir, de l’Histoire de la sexualité à
Sécurité, territoire, population, Naissance de la biopolitique, ce qui se dégage c’est
la distinction de la loi et la norme. A côté d’un grand pouvoir qui appuie son
autorité par la Loi et la répression ou l’enfermement ou investit la vie même des
individus en régentant les taux de croissance des populations, règne la multitude
des micro-pouvoirs. La loi s’impose aux individus de l’extérieur, la norme est ce
qui s’applique aux individus de l’intérieur, assiégeant l’intimité du désir et des
projets pour non seulement les courber vers la recherche d’un canon de conduite
déterminée mais aussi en propager l’exemple.
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Mais au terme des interventions qui vont suivre viendront les questions :
Savons-nous mieux et la vérité et le pouvoir? Par cette co-implication se sont-ils
enfin éclaircis? Ou bien: est-ce que ce lieu de question est encore le nôtre?
Ou bien encore par exemple, la parrêsia, ce terme grec qui désigne le courage
de dire la vérité, et qui est le thème de ses derniers cours au Collège de France, la
parrêsia est-elle encore aujourd’hui le paradigme de la résistance au pouvoir?
Ces questions ne pourront pas manquer de se poser… mais s’il fallait y répon-
dre par la négative, qui mieux que Foucault nous aura appris qu’une pensée se
prend et se jette, qu’elle n’a pas plus de portée qu’une fusée éclairante dans
l’époque qu’elle vient un instant illuminer, et surtout que sa portée de fluores-
cence dépend de l’horizon de visibilité dans lequel elle surgit. Et s’il fallait ranger
Foucault dans la bibliothèque parce que notre horizon de visibilia changé, au
moins saurions-nous, grâce à lui, que depuis un autre horizon de visibilité d’autres
pensées sont possibles, sont peut-être déjà là, à peine encore perceptibles dans
leurs remuements…
Nicole Gauthey.
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