Mbafar, entre Djolof, Baol, et Cayor. Que là, il installerait actuellement une baraque » et
recommandait en conclusion « de faire exercer sur l’individu une surveillance constante, quoique
prudente, afin de ne pas le poser en martyre de sa foi… ».
Le Cheikh devint alors la cible d’une surveillance stricte. Rapports des plus fantaisistes et
dénonciations des plus calomnieuses proliféraient à son endroit du fait d’agents de renseignements
zélés, de chefs traditionnels jaloux et inquiets de son prestige. L’administrateur du cercle de Louga
avait d’ailleurs adressé une correspondance au Gouverneur du Sénégal en ce sens: « l’agitation
incessante que provoquaient les allées et venues des visiteurs n’est pas sans troubler profondément
le calme habituel dans la région. Leur tranquillité (il s’agit des populations du Ndiambour)
constamment troublée pourrait ranimer le fanatisme qui sommeille encore dans leurs esprits ».
Malgré cette effervescence, Cheikh Ahmadou Bamba ne se détourna de son objectif et voulait être
élevé au niveau de ses compagnons. Dans (Qataba Qalbi) il dit : « O Seigneur, que ma station soit
celle du Serviteur Mohamed (PSL), Anas. Que mon degré égale celui du panégyriste Hassan ». Cheikh
Ahmadou Bamba finira par dépasser ces serviteurs du Prophète (PSL). Il affirmera dans
Muhammadiyal Habib : « le Seigneur, la vérité évidente, m’a donné ce qui est révélé aux pieux, et ce
qui n’est révélé qu’à moi, en honneur et faveurs divines ». Il parviendra à devenir le meilleur
serviteur du Prophète : « le pouvoir du Très Haut, l’Eternel, le Préexistant a fait de moi le meilleur
des serviteurs, par le Prophète dont les bienfaits sont éternels ».
Cheikhoul Khadim avait fini par acquérir la plénitude de la station mystique des pôles de la trempe de
Cheikh Al Ghawth Al Khadir Al Jîlani, Abu Yazid Al Boustami, Aboul Abass Ahmad Tijâni, Abu-l Hamid
Al Ghazali. Cette station ne le satisfaisait point. Il sentit le désir d’accéder à la station des
Moudjahidin, les braves compagnons du Prophète (PSL) morts à Badr, à Houhoud ou à Hounayn sous
le sabre des infidèles. Cette station avait un coût dont l’équivalent était d mourir à soi-même,
impliquant donc beaucoup de souffrances et d’épreuves. A la demande de Muhamed (PSL), Serigne
Touba répondit en ces termes : « tant que je serai avec toi, je supporterai tout ». Le pacte
d’allégeance conclu, Serigne Touba se devait de quitter Touba pour accomplir sa mission.
Les raisons métaphysiques et mystiques d’une étape importante de sa vie et du Mouridisme venaient
d’être établies, aboutissant inéluctablement à son exil au Gabon.
Au plan exotérique, l’administration coloniale prit le Cheikh pour unique cible et va user de moyens
colossaux de dissuasion pour fomenter une révolte armée. L’historien Amar SAMB soutiendra
d’ailleurs à ce propos : « il fallait le génie d’un homme comme Cheikh Ahmadou Bamba pour arriver à
capter toutes les aspirations d’un peuple désorganisé, subjugué et désorienté. Il fallait, après la
disparition tragique ou l’exil sans retour des faiseurs de jihad, le génie du fondateur du Mouridisme
pour assumer le non de tous les résistants qui ont chèrement payé le droit de vivre libres sur la terre
de leurs ancêtres. Le fils de Momar Anta Saly a imaginé d’autres moyens pour porter sur son frêle
corps tout le poids du destin d’un peuple qui ne voulait pas rester à genoux sous la baïonnette ou la
gueule du fusil et du canon de l’occupant, crachant la mort sur quiconque relevait la tête ».
En effet, sa lettre réponse convoyée par son frère et bras droit, Mame Thierno Ibra Faty en 1895, a
sonné comme un glas et a irrité l’administration coloniale : « Le Maître des mondes m’a donné