II - Les recherches et les études A - Sur la perception subliminale… Longtemps objet de polémiques et de controverses, parfois très virulentes parmi les psychologues, la perception subliminale n’est acceptée dans la communauté scientifique comme objet d’étude sérieuse que depuis les années 1980. Mais les fondations de la notion de subliminal ont été posées au XVIIème siècle par des philosophes empiriques qui ont eu l’intuition qu’il existait une perception subliminale. John Locke a par exemple distingué les idées de sensation des idées de réflexion de l’esprit. Les psychologues mettent empiriquement en évidence la perception subliminale dès la fin du XIXème siècle. La première recherche expérimentale est menée par Pierce et Jastrow en 1884. Elle porte sur l’estimation de différences de poids entre deux objets. Les deux scientifiques ont cherché à savoir ce qu’il se passait si le stimulus était présenté au-dessous du seuil physiologique de perception, qui correspond à l’instant où le sujet déclare ne plus percevoir de stimulus qu’il détectait juste avant. Le pourcentage de bonnes réponses (69,7%) dépasse sensiblement celui attribué habituellement au hasard (50%). Ces résultats encouragent la poursuite des recherches sur la perception subliminale, et d’autres expériences du même type sont effectuées. Elles sont toutes menées sur les mêmes bases : un groupe de personnes subit un certain nombre de tests dans des conditions optimales. Des images leur sont projetées à travers un écran. Le but est de définir le niveau d’influence des images projetées. En 1898, le psychologue russo-américain Boris Sidis montre, par exemple, que des lettres, des figures et des noms propres présentés à une distance trop grande pour être consciemment perçus, sont néanmoins correctement identifiés plus souvent qu’ils ne le seraient sur la base d’une décision prise au hasard. En 1938, Williams réalise le même type d’expérience, mais cette fois ci avec des figures géométriques. Il en arrive aux mêmes résultats, autrement dit que les identifications correctes de figures sont meilleures que le hasard. Beaucoup plus récemment, des chercheurs de l’UCL (Université College London) ont découvert la première preuve physiologique que les images subliminales invisibles attirent effectivement l’attention du cerveau à un niveau subconscient. L’étude s’est servi d’imagerie à résonance magnétique pour voir si une image que nous ne sommes pas conscients de voir – mais qui atteint néanmoins la rétine – avait un impact sur l’activité cérébrale dans le cortex visuel primaire, La publicité subliminale Page 8 sur 19 qui fait partie du lobe occipital. Les cerveaux des sujets de l’étude ont répondu à l’objet même s’ils n’avaient pas conscience de l’avoir vu. Les sujets de l’étude portaient des lunettes à filtres bleu et rouge qui projetaient une combinaison de faibles images d’objets de la vie de tous les jours et de flashes, une technique récemment développée qui faisait « oublier » aux sujets la présence des images présentées à l’écran. On leur demandait d’exécuter une autre tâche en même temps. Les résultats de ces tests démontrent qu’à un certain point, lorsque le cerveau des sujets était trop occupé par ces autres tâches, il bloquait la perception de l’image subliminale et l’imagerie à résonance magnétique ne percevait aucune activité cérébrale. Cette découverte – que le cerveau n’enregistre pas un stimuli subliminal s’il est occupé par autre chose – démontre qu’un certain degré d’attention est nécessaire pour que le subconscient arrive à enregistrer les images subliminales. B - Plus particulièrement dans la publicité… La philosophie et la psychologie ont mis en évidence la perception subliminale. Pour autant, peut-il y avoir un effet sur le comportement des individus ? C’est l’objet de nombreuses autres études et expériences, dont nous ne mentionnerons ici que quelques exemples. Dans les années 50, James Vicary, publicitaire et spécialiste en recherches en motivation conduit de nombreuses recherches sur des groupes de consommateurs. En 1957, il annonce qu’il a mis au point une machine de projection subliminale, capable d’insérer des images invisibles au milieu des films. Il prétend avoir mis en œuvre son procédé à l’occasion de la projection du film Picnic à Fort Lee (New Jersey), au cours de laquelle aurait été diffusé toutes les 5 secondes le message « Eat Pop-Corn, drink Coke ». Les ventes aurait, selon lui, augmentées de 58% pour le pop-corn et de 18% pour le Coca-Cola. En 1970, Hawkins, spécialiste en marketing, refait l’expérience de Vicary mais de façon transparente afin de pouvoir en mesurer et diffuser les résultats. Sa conclusion est qu’une stimulation subliminale simple peut contribuer à éveiller un besoin physiologique générique, comme par exemple la soif avec le mot Coke. Un peu plus tard, Saegert essaye de produire ces effets en laboratoire en contrôlant le maximum de variables et en comparant des sujets soumis à des images subliminales de type « buvez Coca Cola » et « achetez du pop corn » à des sujets non soumis à de telles expositions. Les deux conditions sont identiques et différent uniquement au niveau de l’exposition subliminale. Les résultats montrent qu’il n’y a aucune différence entre le groupe expérimental et le groupe contrôle dans certains cas, et des différences très faibles dans d’autres cas. La La publicité subliminale Page 9 sur 19 consommation du produit ayant fait l’objet d’instructions subliminales soit n’a pas augmenté par rapport à la situation normale, soit de manière très faible. La plupart des études mènent à la conclusion suivante : il est difficile, au moyen d’images subliminales, de conduire les gens à accomplir des actions qu’ils n’ont pas l’habitude de faire. Le professeur Norman F. Dixon a consulté à peu près tous les rapports scientifiques sur la question (il cite près de 500 titres dans la bibliographie de Subliminal Perception écrit en 1971). Sa conclusion : « Il existe des stimuli subliminaux mais ceux-ci ne peuvent modifier ni le jugement, ni les attitudes. Pour tout dire, il serait certainement impossible aux publicitaires d’utiliser efficacement cette méthode de persuasion ». Il y a plusieurs raisons à cela selon lui, dont celles ci (en rapport avec le seuil de perception…) : - il est difficile de déterminer le seuil, même toutes choses égales par ailleurs, chez un individu donné - le seuil varie d’un individu à l’autre : selon l’âge, l’intelligence, les défenses affectives, selon que l’on en est averti par avance, etc. Bornstein et Parmentier ont montré à travers leur recherches (1989) que les sujets qui ont subi des messages subliminaux n’ont pas un comportement de consommation nouveau, mais qu’ils peuvent avoir des effets sur les comportements que les sujets ont l’habitude de produire, permettant d’éveiller un besoin déjà existant. Citons pour finir les recherches d’Ahmed Channouf, psychologue et maître de conférence en psychologie sociale à l’université d’Aix en Provence, qui a retracé toute l’histoire du subliminal en 2000 dans son ouvrage Les images subliminales. Les résultats des différentes recherches abordées dans son ouvrage l’amènent à conclure que d’une part la perception subliminale existe bien, d’autre part que la perception inconsciente est incapable de pousser à l’action et ne peut éventuellement influer que sur des choix relatifs. Il précise que l’efficacité du message est limitée aux moments qui suivent l’exposition et ne perdure pas dans le temps. Les recherches sur la perception subliminal et sur ses impacts notamment dans le domaine publicitaire sont donc nombreuses. Mais elles tendent toutes vers une même constatation : si la perception subliminale existe, son utilisation demeure inefficace, et aucun résultat montre que l’on peut persuader par ce moyen. Et pourtant… La publicité subliminale Page 10 sur 19