activation automatique de comportements par la situation : facteurs

Arnaud LIÉGEOIS1 2, Vincent YZERBYT1 et Olivier CORNEILLE1
Université catholique de Louvain, Belgique1
ACTIVATION AUTOMATIQUE DE COMPORTEMENTS PAR LA
SITUATION : FACTEURS AFFECTANT LA RELATION
PERCEPTION-ACTION
Titre courant : Comportements automatiques
1. Psychologie Sociale et des Organisations (PSOR), Faculté de Psychologie, Université
catholique de Louvain, Place du Cardinal Mercier 10, 1348 Louvain-la-Neuve, Belgique.
2. E-Mail : [email protected]
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RÉSUMÉ
Au cours de la dernière décennie, les recherches ont montré que nos comportements ne
sont pas toujours émis sur une base intentionnelle. Ils peuvent être implicitement guidés par
ce que nous percevons dans notre environnement physique ou social. Cependant, la relation
qui lie perception et action n'est pas immédiate et peut être affectée par un certain nombre de
facteurs. Le but de cet article est de distinguer ces facteurs selon qu'ils sont propres aux
indices contextuels stimulant l'activation de schémas comportementaux, qu'elles relèvent de
l'individu lui-même ou encore, qu'elles ont trait au contexte dans lequel s'ancre l'action.
Mots-clés : automaticité, activation, perception, comportement
Comportements automatiques 3
Automatic activation of behaviors by situational cues : Factors affecting the perception-
action link
The research of this last decade has established that social behaviors are not always
run on an intentional basis. Rather, the mere perception of our social and physical
environment may automatically trigger adaptive social actions. Importantly, however, the link
between perception and action can be facilitated, inhibited, or even reversed by moderators
relating to (a) the stimulating cues (i.e., temporary self-focus, priming frequency,
categorical/exemplar nature and semantic content of primes), (b) the perceiver (i.e., private
self-consciousness, social value orientation, chronic association strength between category
and attributes, motivation to adopt the other-perspective, self-construal, expertise, prejudice
level), or (c) the situation in which action takes place (i.e., nature of task, external constraints,
conflicting goals). Social researchers and practioners interested in automatic behavior effects
should be made aware of these various moderating effects which may have an impact on their
observations.
Key words : automaticity, activation, perception, behavior
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INTRODUCTION
Imaginez que vous entrez dans une bibliothèque accompagné d'un ami. Il vient de
vous raconter sa dernière blague et vous riez à gorge déployée. A l'instant vous poussez la
porte de la bibliothèque, votre comportement change subitement. Vous vous adressez à votre
ami à voix basse et vous faites attention à ne faire aucun bruit incongru. A l'évidence, la mise
en route de ce comportement ne vous a demandé aucune réflexion du type "j'entre dans une
bibliothèque, il faut donc que je prenne garde à ne pas parler trop fort." En fait, la situation
par elle-même (i.e., la bibliothèque), avec ce qu'elle recèle comme contraintes sociales et
physiques, semble avoir suffi à enclencher le comportement "parler à voix basse" (cf. Aarts et
Dijksterhuis, 2003).
Durant la dernière décennie, un nombre croissant d'études ont documenté la relation
existant entre perception et comportement. L'idée selon laquelle tous nos comportements
seraient intentionnels et conscients a ainsi été largement remise en question. Il semble au
contraire que nos actes sont souvent le résultat immédiat de la rencontre avec notre
environnement. Différents indices sont extraits du contexte rencontré pour servir de guides
dans l'émission de comportements adaptés à la situation. Ce processus automatique s'avère
efficace et utile car il augmente notre rapidité d'action tout en préservant les ressources
cognitives pour d'autres comportements plus coûteux (e.g., chercher une revue dans les rayons
de la bibliothèque tout en continuant à parler à voix basse).
La simple perception d'autrui active spontanément des stéréotypes et des traits de
personnalité qui peuvent affecter nos actions ultérieures (pour des revues de questions, cf.
Croizet, 1991 ; Yzerbyt, 1997). De même, notre perception de l'environnement peut
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influencer notre comportement de manière automatique - non volontaire, non consciente et
non contrôlable - en rendant davantage accessible tel concept ou tel objectif dans notre esprit
(cf. Higgins, 1996 ; Bargh, 1997; Bargh et Chartrand, 1999 ; Dijksterhuis et Bargh, 2001).
L'effet direct du contexte sur nos actes a été mis à jour pour une large palette de
comportements, tant simples que complexes. Par exemple, la présentation du concept de
"vieillesse" réduit la vitesse de marche des participants (Bargh, Chen et Burrows, 1996), tout
autant que leur performance mnésique (Dijksterhuis, Aarts, Bargh et van Knippenberg, 2000 ;
Dijksterhuis, Bargh et Miedema, 2000). Être confronté à de la violence favorise les réactions
agressives (e.g., Carver, Ganellen, Froming et Chambers, 1983 ; cf. Todorov et Bargh, 2002,
pour une revue de la littérature à ce propos). La perception de traits stéréotypiques des Noirs
Américains, une catégorie sociale fortement associée au concept d'hostilité, encourage
l'émission de comportements hostiles (Bargh et al., 1996). Activer la catégorie sociale
"professeurs" dans l'esprit de participants augmente leur performance à des tâches de
connaissances (Dijksterhuis et van Knippenberg, 1998 ; mais voir Dijksterhuis, Spears,
Postmes, Stapel, Koomen, van Knippenberg et Scheepers, 1998), facilite l'apprentissage de
nouvelles informations (Haddock, Macrae et Fleck, 2002) et accroît la capacité de rappel
(Dijksterhuis, Bargh, et Miedema, 2000). Activer le concept "charitable" favorise l'émission
d'un comportement d'aide (Macrae et Johnston, 1998).
Globalement, la relation entre la perception de l'environnement et la production d'un
comportement peut être traduite en termes logiques "si-alors" : si un ensemble particulier de
caractéristiques contextuelles est présent, alors une réaction congruente, qu'elle soit de type
émotionnel, psychologique ou comportemental, suivra (Bargh, 1997) (1). Reste que, comme
1 L'idée d'une influence du comportement par des sources involontaires n'est pas neuve. On la retrouve
à travers les courants théoriques qui ont dominé la psychologie au 20ème siècle. En effet, cette question a été
largement traitée par les différents modèles psychanalytique, comportemental, humaniste et cognitif. Cependant,
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