kergoat-giraudeau-meyer-communication et marketing social

publicité
Bouger par procuration, Manger par compensation ?
L’effet modérateur d’une communication publicitaire vs. une
communication préventive
Kergoat Marine*
Enseignant-chercheur en Marketing et Docteur en Psychologie
IDRAC International Business School
Giraudeau Estelle**
Université Paris Ouest Nanterre la défense
Meyer Thierry**
Professeur de Psychologie Sociale
Université Paris Ouest Nanterre la défense
* IDRAC International Business School, département Marketing, 47, rue Sergent Michel
Berthet, CP 607, 69258 Lyon Cedex 09, France ; [email protected]
** Université Paris Ouest Nanterre La Défense, département de Psychologie, LAPPS - EA
4386, 200 avenue de la République, 92001 Nanterre Cedex, France ; [email protected]; [email protected]
Bouger par procuration, manger par compensation ?
L’effet modérateur d’une communication publicitaire vs. une communication préventive
Résumé:
Cette étude s’intéresse à l’activation automatique de comportements alimentaires (i.e. nombre
de bonbons Dragibus ingéré) suite à l’exposition à une communication publicitaire vs.
préventive présentant des activités physiques. Les participants (N=164) ont été également
répartis en fonction du niveau d’implication manipulé par leur degré de proximité avec la
cible visée par la communication (étudiants Français vs. adultes Finlandais). Ceux exposés à
la publicité ont mangé davantage de bonbons que ceux exposés au message de prévention. Ce
résultat confirme notre hypothèse d’un effet modérateur du type de communication (publicité
vs. prévention) présentant des activités physiques, sur la prise d’aliments.
Mots-clés :publicité, prévention, activité physique, alimentation, comportement automatique
Move by proxy, food compensation?
The moderator effect of advertisement message vs. preventative message
Abstract:
This study is about automatic activation of alimentary behaviors (i.e., number of sweets
“Dragibus” ingested) when exposed to an ad vs. a preventative message showing physical
activities. Participants (N=164) were also randomly assigned according to their level of
involvement manipulated by their perceived proximity with the target of the messages
(French students vs. Finland adults). Those exposed to the advertisement message ate more
sweets than those exposed to preventative message. This result confirms the hypothesized
moderator effect of different kind of messages(ad message vs. preventative message) on food
intake when exposed to physical activities.
Key-words:advertising, preventative message, physical activity, food, automatic behavior
Bouger par procuration, manger par compensation ?
L’effet modérateur d’une communication publicitaire vs. une communication préventive
Introduction
Allez-vous manger davantage si vous êtes exposés à des messages vous montrant une activité
physique ? Autrement dit, l’activation de la catégorie « activité physique », amorcée par
l’exposition à une communication persuasive, va-t-elle déclencher chez vous un
comportement automatique de type alimentaire ? Albarracin, Wang, et Leepers (2009) ont mis
en évidence un effet pervers de messages de prévention faisant la promotion d’activités
physiques sur le comportement alimentaire. Les participants exposés à des messages
promouvant l’activité physique mangeaient plus d’aliments (i.e., bonbons et raisins) laissés à
leur disposition que ceux exposés à un autre type de message de prévention. Plus récemment,
une étude a révélé un effet inverse dans le cadre d’une exposition à des communications
publicitaires (Van Kleef, Shimizu et Wansink, 2011). Contrairement aux participants exposés
à des publicités commerciales sur des services comme des assurances pour voiture ou des
programmes d’adoption d’animaux de compagnie, ceux exposés à des publicités pour des
équipements sportifs ou des centres de sport fitness ont ingéré significativement moins
d’aliments.
Ces deux recherches soulignent un lien jusqu’alors peu étudié entre activité physique passive
(i.e. exposition à un message relatif à l’activité physique) et prise d’aliments, et tendent à
montrer des résultats contraires en fonction du type de communication. Dans cette
perspective, nous nous sommes intéressés à l’activation de ce lien en fonction du type de
communications persuasives employées : publicité vs prévention. L’activation automatique de
certains de nos comportements pouvant dépendre du degré avec lequel nous traitons un
1
message persuasif (Bargh et Chartrand, 2000 ; Meyer, 2000), nous avons également manipulé
le niveau d’implication de nos participants.
1. Activation de catégories mentales et comportement automatique
Les catégories mentales sont des construits cognitifs sur lesquels sont rattachés un ensemble
de cognitions, d’affects et de comportements organisés en réseaux. Il y a interconnexion et
association entre ces différents éléments qui forment ainsi des catégories mentales. A l’aide
de techniques d’amorçage implicites (e.g., amorce subliminale) ou explicites (i.e., au-dessus
du seuil de perception) permettant l’activation de catégories mentales, de nombreuses études
ont mis en évidence l’impact de ce phénomène sur les performances intellectuelles, les
jugements, ou encore les comportements. L’activation de la catégorie mentale « personnes
âgées » a eu pour effet de réduire la vitesse de marche des participants (Bargh, Chen et
Burrows, 1996) ; l’activation du stéréotype « blondes » a eu pour effet de réduire la
performance des participants à une tâche de trivial pursuit (Bry, Follenfant et Meyer, 2007).
Ces effets reposent sur des processus automatiques et non-conscients ; c’est-à-dire qu’ils
s’effectuent sans intention et sans contrôle, contrairement aux processus contrôlés et dirigés
par les intentions et buts de la personne (Bargh, 1996). Le plus souvent, l’activation de
catégories mentales conduit à un effet d’assimilation, c’est-à-dire à une réponse
comportementale qui va dans le sens de la catégorie activée (e.g., personnes âgées – marche
lente). Mais des effets de contraste peuvent être également observés, conduisant la personne à
une réponse comportementale en opposition au contenu de l’amorçage. Par exemple, suite à
l’amorçage d’un exemplaire « Albert Einstein », les performances des participants ont
significativement chutées, illustrant ainsi un effet de contraste (Dijksterhuis&al., 1998).
2. Les publicités comme supports d’amorçage
2
Les communications persuasives comme les messages publicitaires ou les messages de
prévention ont le potentiel d’amorcer des comportements et des préférences chez le
consommateur liés au concept activé (Harris, Bargh etBrownell, 2009). Le simple fait de
regarder de brèves séquences vidéo mettant en scène des performances sportives peut
augmenter les intentions d’achats d’équipements sportifs et l’envie de pratiquer une activité
sportive (Peck etChilders, 2008). Une autre recherche basée sur le même principe
d’assimilation met en évidence le lien entre publicité et grignotage, notamment sur un jeune
public (Harris&al., 2009). Ces derniers montraient une activité de grignotage plus importante
lorsqu’ils étaient exposés à une publicité alimentaire. De manière intéressante, les adultes
mangeaient également davantage quand ils étaient exposés à une publicité de friandise (snack)
plutôt qu’à une publicité sur des nutriments. Ce résultat est cependant modéré en fonction du
sexe des participants et de leur catégorisation comme mangeurs « modérés » ou mangeurs
« effrénés ». Des effets de contraste ont été également observés comme une limitation de la
consommation de produits riches en calories suite à l’activation du concept « Produit riche »
vs. « Régime ». Plus de 62% des participantes ont choisi une pomme plutôt qu’une barre
chocolatée suite à l’exposition au concept « Produit riche » (Fishbach, Friedman
etKruglanski, 2003).
Si le lien entre publicité alimentaire et prise d’aliments est évident, l’activation du concept
« Activité physique » et prise d’aliments l’est un peu moins. Pourtant, l’interconnexion de ces
deux comportements est implicitement présente.
3. Activité physique et comportement alimentaire
L’activité physique est bénéfique sur le plan physique et psychologique. Effectuée
régulièrement, elle prévient de maladies chroniques, cardiaques, et même de certains types de
cancer. Sur le plan psychologique, elle réduirait les risques de dépression, d’anxiété ou de
3
stress en jouant un rôle sur l’humeur et l’estime de soi (Ancellin, 2012 ; Scully&al., 1998).
Activité physique et réduction alimentaire sont considérées comme complémentaires pour
combattre le surpoids, et les campagnes de santé publique soulignent régulièrement ce lien
(e.g., Campagne MangerBouger de l’INPES, 2001).
Des facteurs d’ordre cognitifs et affectifs seraient également à l’œuvre dans cette association
entre activité physique et comportement alimentaire. Notamment l’idée que dépenser de
l’énergie suite à l’exercice d’une activité physique se compenserait par l’apport automatique
d’énergie trouvée dans l’alimentation (King, 1999). De plus, l’individu peut surestimer
l’énergie dépensée lors de l’activité physique, et ingérer de ce fait par la suite une quantité
plus importante d’aliments, réduisant les aspects bénéfiques de l’exercice physique. Sur le
plan affectif, la nourriture peut aussi être considérée par certaines personnes comme une
récompense suite à un effort physique.
Dans un contexte où les effets d’amorçage peuvent s’exprimer par la mise en place de
comportements ou de jugements qui y sont associés (e.g., présence d’aliments), l’activation
du concept « Activité physique » peut potentiellement amorcer la mise en place d’un
comportement automatique de type alimentaire. La simple lecture d’un texte sur l’activité
physique peut conduire à une augmentation de la prise d’aliments (Werle, Wansink et Payne,
2011). C’est ce qu’ont également observé Albarracin et ses collègues (2009) ainsi que Van
Kleef et ses collègues (2011) lors de l’exposition à des messages de prévention ou
publicitaire. En revanche, les effets observés ont été, respectivement, soit un effet
d’assimilation, conduisant les participants à manger davantage, soit un effet de contraste,
conduisant les participants à réduire leur consommation d’aliments. La question est de savoir
si ces résultats contradictoires sont potentiellement liés à la différence du format
communicationnel employé dans les études, de type publicitaire ou préventif.
4
4. Communications persuasives et réponses comportementales automatiques
Le type de communication, publicitaire vs.préventif, peut-il influer sur la direction d’un
comportement automatique ? Autrement dit, un certain type de communication est-il plus à
même d’engendrer un phénomène d’assimilation ou un phénomène de contraste ? Les
nombreux travaux de théorisation de ces phénomènes ont majoritairement souligné
l’importance des processus de comparaison à l’œuvre dans l’activation de comportements
automatiques, qu’ils soient de l’ordre de l’assimilation ou du contraste. Ces processus de
comparaison mettent ainsi en jeu la comparaison de Soi à l’amorce. Par exemple, selon le
modèle d’Accessibilité Sélective (Mussweiller, 2003), c’est en fonction d’une impression
globale de similarité ou de différence que la personne va, de façon automatique, rechercher
les infos qui confirment cette impression. L’accessibilité d’informations concernant la
similarité entre l’amorce et Soi favoriserait l’assimilation, et l’accessibilité d’information
concernant la différence entre l’amorce et Soi favoriserait le contraste. Pour reprendre l’étude
utilisant l’amorçage avec l’exemplaire « Albert Einstein » ; c’est par un processus de
comparaison avec l’amorce via une impression de différence avec celle-ci (i.e., « je ne suis
pas Einstein ! ») que les participants s’évaluent comme stupide, et de ce fait présentent de
moins bons résultats lors d’une tâche de décision lexicale (Dijksterhuis&al., 1998).
L’effet de contraste observé dans l’étude de Van Kleef et al. (2011) pour les participants ayant
un IMC (Indice de Masse Corporelle) élevé peut sous-tendre un processus de comparaison
basé sur la différence évaluée entre l’amorce et la cible. La communication publicitaire se
distingue d’une communication préventive notamment par l’utilisation d’acteurs jeunes et
attractifs, minces et énergiques si l’on se réfère aux publicités sur des équipements sportifs ou
des salles de fitness. Ces prototypes de jeunesse, de beauté et de santé sont à même de rendre
saillant des processus de comparaison dont l’issue peut être la perception de différence entre
l’amorce et Soi. Au-delà du contenu de la communication, la nature même de la
5
communication (i.e., ses objectifs et leurs significations pour le récepteur) est à même
d’amorcer des concepts associés distincts. La catégorie « publicité » est associée entre autres
au concept « consommation », tandis que la catégorie « prévention » est associée au concept
« risque ». En ce sens, on pourrait s’attendre à un potentiel d’activation entre le concept
activité physique et prise d’aliments plus probable lors de l’exposition à une communication
publicitaire.
5. Communications persuasives, amorçage et traitement de l’information
La question du niveau d’élaboration dans l’évaluation d’une communication persuasive a fait
l’objet de nombreux travaux (Perloff, 2010). Les personnes exposées à des messages
promotionnels traitent l’information la plupart du temps de manière superficielle, car peu
impliquées par ces derniers. Selon le modèle de Bagozzi, Gurhan-canli et Priester (2002), on
peut supposer que les campagnes de prévention nécessite davantage un processus réfléchi et
délibératif, conduisant à une action raisonnée ; alors que la publicité contribue davantage à
l’émergence d’une action impulsive de consommation.
D’après les recherches sur l’amorçage, l’effet des publicités sur le comportement peut
apparaitre en dehors de la conscience et ainsi activer de manière automatique et non
intentionnelle l’ensemble des éléments (concepts, comportements) associés au produit
commercialisé. L’efficacité de l’amorçage peut toutefois dépendre du niveau d’élaboration
cognitive avec lequel le message persuasif est traité. Dans le cas d’une exposition à une
campagne préventive promouvant la pratique d’une activité physique, l’activation d’un
comportement automatique, se traduisant par une quantité plus importante d’aliments ingérés,
est moins susceptible d’apparaitre si la personne élabore une réflexion plus active sur les
comportements à mettre en œuvre (e.g., bouger ; moins manger) pour l’atteinte du but « être
en bonne santé ». Cet effet ne serait pas spécifiquement observable pour une publicité dans la
6
mesure où un niveau de traitement plus élaboré n’aura pas, a priori, spécialement d’incidence
sur l’effet d’amorçage « activité physique » sur le comportement alimentaire, ou en d’autres
termes ne sera pas rendu saillant par la nature de la communication.
6. Problématique et hypothèses
La présente étude a pour objectif de tester l’activation d’un comportement de type alimentaire
amorcé par l’exposition à une communication persuasive, de type publicitaire ou préventif,
sur l’activité physique. Un matériel expérimental identique (i.e., séquence de vidéos
d’activités sportives intenses) a été présenté comme étant destiné à une publicité pour des
équipements sportifs ou destiné à un message de prévention pour inciter les gens à pratiquer
davantage une activité physique. Nous avons également manipulé le niveau d’élaboration des
participants en faisant varier l’implication de ces derniers. Parallèlement, nous avons évalué
dans le cadre de cette étude une campagne de prévention élaborée par l’INPES (2011) visant à
sensibiliser les gens à la pratique d’une activité physique régulière. Cette campagne était
intéressante dans la mesure où l’activité physique recommandée (30 minutes d’activités
physiques par jour) était représentée par des activités de tous les jours (marcher, monter les
escaliers), soit des activités « douces » en comparaison à notre séquence vidéo présentant des
sports intenses.
Sur la base d’un contenu identique en termes d’exposition à de l’activité physique, nous
faisons l’hypothèsequ’une plus grande quantité d’aliments sera ingérée lors de l’exposition à
une communication publicitaire plutôt que préventive (H1). Nous faisons également
l’hypothèse que cette différence sera d’autant plus importante en situation de forte implication
(H2). En effet, en niveau d’implication forte, l’aspect sensibilisateur de la communication
préventive devrait être plus saillant et activer davantage des intentions d’actions contrôlées
7
telle que la volonté de pratiquer plus d’activités physiques, mais aussi par extension de
manger mieux et moins.
En comparaison à la communication préventive INPES, présentant des activités physiques
douces, les participants exposés à la séquence d’activités intenses dans le cadre d’un message
publicitaire ou préventif devraient ingérer davantage d’aliments (H3). Cette différence devrait
être plus importante avec la communication publicitaire qu’avec la communication préventive
(H4). Ces résultats seront d’autre part modérés par le niveau d’implication des participants. La
différence entre les deux communications préventives étant susceptible de disparaitre en
condition de forte implication (H5).
Méthodologie
1. Participants
L’échantillon est composé de 164 étudiants (131 femmes et 33 hommes) inscrits en première
année de licence à l’université Paris Ouest (Mâge = 20,7 ans). Leur participation est requise
dans le cadre de leur cursus afin de valider 3 crédits. Les participants ont été répartis dans
l’une des six conditions expérimentales [3 (Type de communication : Prévention vs. Publicité
vs. INPES) X 2 (Niveau d’implication : Faible vs. Fort) facteurs intersujets]. La répartition
par sexe est homogène dans les différentes conditions expérimentales.
2. Variables indépendantes
La variable « type de communication » est à trois modalités : Communication publicitaire vs.
Communication préventive vs. Campagne INPES. Pour les besoins de l’étude, une vidéo au
format Youtubea été créée pour les deux premières modalités de la variable. Celle-ci était
présentée comme servant à l’élaboration soit d’une communication publicitaire pour des
8
équipements sportifs, soit d’une communication préventive pour des programmes d’activités
physiques.
La variable « Implication » a été manipulée par le fait que nous annoncions aux participants
que l’élaboration de ce spot publicitaire (vs. Cette campagne de prévention) serait destiné, soit
aux jeunes étudiants d’Ile-de-France, soit à des Finlandais âgés de 40 ans et plus.
3. Variables dépendantes
En amont de l’étude, les participants ont répondu à un masstesting où a été relevé pour les
besoins de l’étude leur poids et taille afin de calculer leur IMC (M = 21,79 ; un IMC normal
se situant en dessous de < .25).
Les principales VD sont résumées dans le tableau n°1. Pour des raisons de crédibilité, nous
avons relevés des mesures attitudinales sur la vidéo (attractivité des images, pouvoir
persuasif, etc.), mais celles-ci ne seront pas intégrées dans la présentation des résultats.
4.
Matériel et procédure générale
La vidéo réalisée par nos soins se constituait de plusieurs séquences d’activités sportives
intenses telles que la capoeira, la course en montagne, l’athlétisme, la musculation, etc., et
durait au total 1minute et 20 secondes. La vidéo INPES est une campagne réalisée en
2011(http://www.inpes.sante.fr/30000/actus2011/007.asp). Cette dernière met l’accent sur
l’activité physique douce, de tous les jours, à savoir de privilégier la marche, la montée
d’escalier, ou encore se rendre sur son lieu de travail à vélo.
La variable comportementale s’est traduite par le nombre de bonbonsDragibus (marque
Casino) mangé par les participants. Les bonbons (N=30) étaient disposés dans un bol en
plastique à droite de l’ordinateur et disponibles tout au long de l’expérience. Après chaque
passation, le nombre de Dragibus mangé était comptabilisé et le stock de Dragibusentièrement
9
renouvelé pour des raisons d’hygiène. Pour ne pas confondre prise alimentaire et
manipulation d’objet, un mouchoir blanc en papier plié en 4 était disposé à côté du bol, à titre
de contrôle. La prise ou non du mouchoir était relevée à la fin de l’expérimentation.
Les passations ont été réalisées dans une salle de laboratoire composée de 12 box, chacun
équipé d’un ordinateur sur lequel les participants visionnaient la vidéo, puis répondaient
ensuite au questionnaire. L’étude durait en moyenne 15 minutes. Nous avons justifié la
présence de bonbons comme une façon de les remercier pour leur participation à l’étude.
Variables dépendantes (VD)
Mesure de la VD
Variable comportementale
Nombre de bonbons ingéré
Intention de pratiquer une activité sportive
Echelle de mesure en 7 points. 1 « une fois
par semaine » à 7 « sept fois par semaine »
Intention d’acheter des équipements sportifs Echelle de mesure en 5 points. 1 « Pas du
adaptés pour la pratique d’un sport
tout » à 5 « Tout à fait »
Intensité de l’activité sportive présentée dans Echelle de mesure en 5 points. 1 « Très
la communication
faible » à 5 « Très intense »
Niveau d’implication par rapport au message
Echelle de mesure en 5 points. 1 « Pas du
tout concerné » à 5 « Tout à fait concerné »
Tableau 1. Présentation des principales variables dépendantes
Résultats
1. Vérification des manipulations
10
Nous avons procédé à des ANOVAS 3 (type de communication) X 2 (niveau d’implication)
sur l’ensemble de nos variables (voir tableau n°2 pour une synthèse des principaux résultats).
L’intensité de l’activité physique proposée dans notre vidéo est jugée intense et n’est pas
différemment évaluée en condition Publicité (M = 4,11) ou Prévention (M = 4, 29), P < .48.
En comparaison à ces deux conditions, l’activité est jugée comme moins intense par les
participants exposés au message INPES (M = 2,16) ; Post-hoc (HSD Tukey), p < .0001.
La manipulation de notre variable implication ne semble pas fonctionner, les individus ne se
déclarent pas plus concernés par le spot en situation de forte implication (m = 2,96) qu’en
situation de faible implication (M = 2,76 ; p < .35). En revanche, les participants se sont
déclarés plus concernés par le spot (F(2, 158) = 8,25 ; p < .0004) lorsqu’ils étaient exposés à
la campagne INPES (M = 3,38) comparativement à ceux exposés à la communication
publicitaire (M = 2,42) ou préventive (M = 2,77) ; Post-Hoc, p < .01.
2. Effets comportementaux et intentionnels
Pour cette analyse, nous avons introduit dans le modèle de régression linéaire la variable IMC
en covariance. L’ANOVA se révèle significative pour la variable « type de communication ».
La consommation de Dragibus est plus importante lorsque les participants sont exposés à la
communication publicitaire (M= 10,73) plutôt qu’à la communication préventive (M = 5,61),
p < .02 ;η² = .10, ce qui confirme l’hypothèse H1. La consommation de Dragibus est
également significativement plus élevée lorsque les participants ont visionné la publicité
plutôt que la campagne INPES (M = 3,58) ; p < .002. L’hypothèse H3 n’est cependant que
partiellement confirmée, car nous n’observons pas de différence significative entre les deux
communications préventives, p < .58. L’hypothèse H4 soutenant une différence plus
importante entre la communication publicitaire et la campagne INPES qu’entre cette dernière
et la communication préventive est de ce fait confirmée. Les hypothèses H2 et H5 ne sont pas
11
confirmées, certainement par le fait que la manipulation de la variable implication n’a pas
fonctionnée.
D’autre part, nous observons que l’exposition à de l’activité intense augmente l’intention
d’acheter des équipements sportifs adaptés pour la pratique d’un sport. En condition de
Publicité (M = 3,19) ou de Prévention (M = 3,57) avec activité intense, une plus grande
intention est déclarée en comparaison à la condition INPES (M = 2,54), F(2, 116) = 7,16 ;
p < .002 (Post-hoc, p < .03).
Communication
Communication
Communication
Publicitaire
Préventive
INPES
Nombre de bonbons ingéré
10.73a
5.61bc
3.58c
Intention d’acheter des
3.19a
3.57a
2.54b
Niveau d’implication par 2.42a
2.77a
3.38b
4.29a
2.16b
équipements sportifs
rapport au message
Intensité
de
l’activité 4.11a
sportive présentée dans la
communication
Tableau 2. Moyennes de l’étude en fonction du type de communication
(Une lettre différente signifie une différence significative, p < .05)
Discussion
Comme attendu, l’hypothèse selon laquelle les participants exposés à une communication
publicitaire allaient manger plus de bonbons que ceux exposés à une communication
12
préventive a été confirmée. L’amorçage de la catégorie « activité physique » active une
réponse comportementale alimentaire différente en fonction du type de communication. Les
participants mangent moitié moins de bonbons quand on leur présente le message préventif.
Cette étude nous permet ainsi de clarifier les effets propres au contenu des messages des effets
propres à la nature de la communication. Sur la base d’un contenu identique (i.e. séquence
vidéo de pratiques sportives), c’est bien la nature de la communication qui a influencé la prise
de bonbons. La différence significative observée entre la publicité et la campagne INPES va
aussi dans le sens de nos hypothèses. Toutefois, la différence entre ces deux conditions se
situe à la fois au niveau de la nature de la communication (préventive vs. publicitaire) et de
l’intensité de l’activité physique présentée (douce vs. intense). On ne peut de ce fait identifier
précisément la cause de la différence. L’absence de différence significative entre les deux
communications préventives tend à suggérer que ce n’est pas le niveau d’intensité de l’activité
physique présenté qui influe sur la prise d’aliments. De futures recherches manipulant la
nature du message ainsi que l’intensité de l’activité physique présentée permettrait des
conclusions plus robustes quant aux effets respectifs et d’interactions de ces deux variables.
La publicité amorce l’émergence de comportements impulsifs, sur la base d’un traitement
automatique et superficiel du message. Le message de prévention est plus susceptible
d’amorcer une évaluation réfléchie du message. En ce sens, l’activation du concept « activité
physique » peut activer le concept « santé » et ainsi produire une réponse comportementale de
réduction alimentaire. Cet effet peut être particulièrement vrai pour la prise de bonbons ;
aliment calorique et totalement non bénéfique pour la santé. Il serait intéressant de répliquer
l’étude en utilisant des aliments plus sains. Le type d’aliments proposé ainsi que la perception
d’aliments comme étant un repas ou un snack a une influence sur la quantité d’aliments
ingérés (Wansink, Payne et Shimizu, 2010).
13
Le niveau d’implication n’a pas produit les résultats escomptés, et il semble que sa
manipulation n’est pas particulièrement fonctionnée. Les participants se sentent au final plus
concernés par la campagne INPES, certainement en raison des activités physiques proposées.
Au-delà de cette étude, d’autres recherches sont nécessaires afin de mieux comprendre les
mécanismes psychologiques qui sous-tendent le lien entre « activité physique passive» et
prise d’aliments. Il serait notamment intéressant d’identifier plus précisément les facteurs qui
conduisent à un phénomène d’assimilation (i.e. plus d’aliments) ou à un phénomène de
contraste (i.e. moins d’aliments). Enfin, il serait intéressant pour de futures recherches
d’élargir la cible étudiée notamment en termes d’âge ou de PCS, et d’inclure également
d’autres variables de segmentation telles que le ou les sports pratiqués ainsi que les goûts
alimentaires.
14
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