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compréhension de l’entreprise ? Cette dernière est un monde social et psychique au 
moins à un quadruple titre : 1/ la firme résulte d’un acte créateur. L’entrepreneuriat 
peut  être  analysé  comme  une  sublimation,  une  réalisation  détournée  d’un  désir 
socialement inacceptable (pulsion érotique ou de mort) transformée en désir que la 
société peut accepter ; 2/ la firme est un assemblage de liens humains qui ne peut 
fonctionner  que  si  les  sentiments  trop  négatifs  ou  hostiles  sont  refoulés. 
L’appartenance de l’individu à un groupe professionnel modifie son comportement 
(celui-ci est façonné par le filtre de ce qui est dicible et recevable par les membres 
du groupe). L’entreprise peut donc être à l’origine de souffrances psychiques chez 
les salariés, mais elle peut être aussi le lieu et le moyen de la réalisation imaginaire 
des désirs infantiles (Anzieu, 1975) ; 3/ Le salarié se soumet à la « direction » de 
l’entreprise,  comme  l’enfant  qui  suit  les  consignes  de  ses  parents1.  Ainsi,  le 
Directeur  général  d’une  firme  occupe  la  place  symbolique  du  père  (identification 
liée  à  l’angoisse  originelle  de  la  séparation  d’avec  les  parents,  d’où  la  tendance 
régressive des subordonnés). Ceci rejoint la thématique de la  « toute puissance » 
des managers ou encore celle des rapports entre sexualité et fonctionnement des 
organisations  (Acker  &  Van  Houten,  1974)  et  la  problématique  du  leadership 
comme  construction  mentale  (Zaleznik,  1989) ;  4/  la  firme  est  prise  dans  un 
environnement qui non seulement agit sur elle (et avec lequel elle doit composer), 
mais surtout qui est présent  au  travers  de  ses  membres,  porteurs  d’un  inconscient 
collectif (Jung, 1913). 
Dans  les  sciences  de  gestion,  cette  influence  du  monde  psychique  sur  les 
discriminations à l’égard de groupes minoritaires ou stigmatisés est un domaine qui 
commence à être exploré notamment dans des travaux anglo-saxons : sur l’identité 
au travail  (Tajfel & Turner, 1985), sur les stéréotypes masculins (Duehr & Bono, 
2006)  ou  sur  le  formatage  des  différences  sexuelles  par  les  structures 
organisationnelles (Ely & Padavic, 2007). Ces approches se démarquent des études 
standards  qui  ont  fait  de  la  discrimination  un  phénomène  essentiellement 
économique.2 
                                                 
1 Freud (1927-a) montre que les individus se sont créés un Dieu/Père car ils ont des difficultés à assumer leur 
condition d’adulte. La figure du père instaure une relation réconfortante. 
2 Voir la section 2 qui présente les travaux de Gary Becker et d’Edmund Phelps.