Programme Odéon saison russe 1993-1994

publicité
THEATRE MALY
SAINT PÉTERSBOUR
ATELIER
PIOTR FOHENKO
MOSCOU
94 II
ODtoM 4933-3VX
SAISON
RUSSE
SPECTACLES EN LANGUE RUSSE SURTITRÉS EN FRANÇAIS
THÉÂTRE M A L Y - SAINT PÉTERSBOURG
du 3 au 6 mars 94
FRÈRES
ET SOEURS
Fédor Abramov . mise en scène Lev Dodine
du 9 au 12 mars 94
LES
LE
ÉTOILES
DANS
CIEL MATINAL
Alexandre Galine . mise en scène Lev Dodine
du 23 au 27 mars 94
création
ROBERTO ZUCCO
Bernard-Marie Koltès . mise en scène Lluis Pasqual
du 5 au 10 avril 94
création
LA CERISAIE
Anton Tchékhov . mise en scène Lev Dodine
ATELIER PIOTR FOMENKO - MOSCOU
du 3 au 14 mai 94
BARAQU E
création
DE
FOIRE
Alexandre Blok . mise en scène Ivan Popovski
!
L'ABUS D'ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. SACHEZ APPRECIER AVEC MODÉRATION.
Les spectacles de cette saison russe à l'Odéon-Théâtre de l'Europe ont reçu l'aide :
de l'Association Française d'Action Artistique (Ministère des Affaires Etrangères),
du Département des Affaires Internationales (Ministère de la Culture et de la Francophonie),
de la Direction du Théâtre et des Spectacles (Ministère de la Culture et de la Francophonie),
de la Maison Yves Saint Laurent, de la BCEN-Eurobank, de la FNAC,
et du Ministère de la Culture de la Fédération russe.
SAISON
RUSSE
Il existe une mémoire collective européenne. Il appartient à l'OdéonThéâtre de l'Europe de la raviver et de la questionner saison après saison.
Chacune de nos saisons est un voyage dans notre temps. A chaque voyage,
nous réinventons des histoires, nous les réincarnons.
Un théâtre est un lieu de rencontres. Il y a des rencontres qu'on provoque
parce qu'on les désire profondément.
Au départ, il y avait cette envie,
cette volonté de ne pas faire de l'Odéon-Théâtre
de l'Europe une simple vitrine : partir à la pêche
aux spectacles européens, revenir avec les
meilleurs, les présenter deux ou trois fois, et au suivant ! Il y avait autre chose à trouver, une autre
façon de travailler, un autre mode d'échange, plus
durable et plus enrichissant pour tous.
Il y avait aussi l'intérêt manifesté depuis toujours
par Lluis Pasqual pour la tradition théâtrale russe,
pour l'Ecole du jeu qui est la base de notre jeu
contemporain.
Cette Saison russe, cet échange avec les auteurs, les metteurs en scène et
les acteurs russes, je l'ai vraiment voulue.
Il y a deux grandes écoles du jeu en Europe: l'anglaise et la russe. Comment
faire l'Europe du théâtre sans elles?
Commençons avec les Russes.
Avec eux, nous avons à raconter, à jouer, à imaginer, à interroger, à rire et
à pleurer. Ensemble.
Llui's Pasqual
Avec le Théâtre Maly de Lev Dodine nous avons mis
en place de vrais rapports de partenariat : Lluis
Pasqual est parti répéter Roberto Zucco avec les
comédiens du Maly à Saint Pétersbourg ; Lev
Dodine va pouvoir présenter sa nouvelle mise en
scène de La Cerisaie et deux spectacles de son
répertoire à l'Odéon-Théâtre de l'Europe ; nous
allons ensemble, Maly et Odéon, faire connaître de
nouvelles pièces contemporaines en Russie, en
France et en Europe (puisque les spectacles co-produits partiront en tournée). Le but de cette opération n'est pas de «réussir un coup», mais de
partager des envies artistiques communes et de les
réaliser, en définitive de partager un bout de vie.
comme producteurs, en leur permettant de créer
dans la grande salle de l'Odéon leur nouveau spectacle Baraque de foire d'après Alexandre Blok. Ils
pourront ensuite reprendre ce spectacle à Moscou,
soit comme compagnie invitée dans un théâtre,
soit, ce qui serait idéal, dans un lieu qui leur soit
propre.
Qu'il s'agisse d'une collaboration entre théâtres
(Maly - Odéon) ou d'un soutien direct à un créateur
(Popovski), cette Saison Russe, qui embrasse la littérature dramatique majeure de ce siècle, de
Tchékhov à Galine en passant par Blok et Abramov,
va concrétiser la politique que l'Odéon-Théâtre de
l'Europe se propose : être le terrain de ferventes
empoignades entre metteurs en scène, acteurs et
publics d'horizons et de traditions différents.
Borja Sitja
Directeur de la programmation
Le deuxième axe de notre démarche vise le travail
avec un artiste. Dans le cas exemplaire d'Ivan
Popovski, la troupe actuelle est composée d'étudiants de fin d'études de la même promotion du
GITIS (Conservatoire de Moscou), en tout 15 personnes. Tous ces jeunes ont refusé les engagements
qu'on leur proposait pour tenter de constituer une
troupe. Là, nous intervenons plus directement
3
o
u
r
e
Lev Dodine est né à ia fin de la deuxième guerre mondiale en Sibérie.
Mais c'est à Léningrad, aujourd'hui redevenue Saint-Pétersbourg, qu'il a
grandi et qu'il est toujours resté attaché .
A 17 ans, il a été admis à l'Institut Théâtral de Léningrad où il est
entré dans la classe de Boris Zon - qui avait lui-même été élève de Stanislavski. Le
professeur Zon a très vite décelé chez l'élève-comédien Dodine des qualités potentielle des metteur en scène.
En 1967, sa première mise en scène. Premier amour de
Tourgueniev, lors de son départ de l'Institut Théâtral est présentée à la télévision soviétique. Il travaille ensuite pendant plusieurs années au Théâtre pour
l'Enfance de Léningrad et connaît son premier succès avec Entre soi on s'arrange toujours d'Alexandre Ostrovski. Il devient «metteur en scène invité» du
Théâtre d'Art de Moscou, ainsi que du Théâtre Bolchoï et du Théâtre Maly de
Léningrad ; il y monte des oeuvres de Valentin Raspoutine, Karel Chapek,
Tennessee Williams, Dostoïevski et Abramov.
En 1980, son spectacle La Maison, d'après le roman d'Abramov, constitue l'événement théâtral de
l'année en Union Soviétique. Signe particulier : La Maison est une production indépendante de la
compagnie que Lev Dodine vient de créer. La majorité de sa troupe est composée par ses anciens
élèves de l'Institut Théâtral de Saint Pétersbourg. Car Dodine, après Stanislavski, après son maître
Zon, juge inséparables le métier de metteur en scène et celui de pédagogue.
Le Théâtre Maly a été fondé en 1944 et a été doté plus tard d'une salle de 465 places au 18 de la
rue Rubinstein, à Saint Pétersbourg, près de la perspective Nevski. Il a, dès ses débuts, accueilli une
troupe permanente d'une cinquantaine d'acteurs. Son mode de fonctionnement est celui de la plupart des théâtres russes : chaque spectacle est joué trois ou quatre fois par mois et reste de longues
années au répertoire.
La notoriété du Théâtre Maly date des années 70, époque où son directeur d'alors, Yefim Padve, a
constitué autour de lui et animé un groupe de jeunes auteurs et metteurs en scène, parmi lesquels
Lev Dodine.
Lev Dodine est devenu directeur artistique du Théâtre Maly en 1983, année de la mort de l'écrivain
Abramov. Parallèlement, il a continué à enseigner, et a systématiquement impliqué élèves et anciens
élèves dans ses spectacles du Maly.
Depuis qu'il le dirige, Dodine a inscrit au répertoire du Maly des spectacles qui ont
fait le tour du monde : Frères et Soeurs d'Abramov, Les Etoiles dans le ciel matinal en font partie,
avec Gaudeamus d'après Kalèdine, Les Possédés d'après Dostoïevski, La Cruche cassée de Kleist et
Désirs sous les ormes d'O'Neil.
Avec ses élèves de l'Institut Théâtral il vient de créer Claustrophobia. un spectacle
sur la russie d'après la putsch d'août 91, sur les nouvelles phobies, les idées fixes, et les espoirs
qu'ont suscité ces temps nouveaux.
FRERES^ET
SŒURS
d'après FÉDOR ABRAMOV
adaptation scénique Lev Dodine, Arkady Katzman, Sergueï Bekhterev
Première partie : Rencontres et séparations
Deuxième partie : Routes et croisements
mise en scene
LEV DODINE
scénographie
Edouard Kotcherguine
collaboration à la mise en scène
costumes
pédagogue-répétiteur
Roman Smirnov, Sergueï Bekhterev
Inna Gabaï
Valéry Galendeev
directeurs de scène
Natalia Sollogoub, Tamara Sadretdinova
direction technique
llia Tcherkassov
montage du décor
Konstantin Bielodoubrovsky,
Piotr Razouvaiev, Alexandre Poulinets
lumière
Oleg Kozlov, Ekaterina Dorofeeva,
Vitaly Skorodoumov
son
Alla Tikhomirova, Andreï Kousskov
accessoires
loulia Zverlina, Olga Reicher
habilleuses
Marina Kojina, Galina Ivanova
maquilleuse
Galina Varoukhina
du 3 au 6 mars 1994
Production: THÉÂTRE M A L Y DE SAINT-PÉTERSBOURG
le 3 mars : 1ère partie
le 4 mars : 2ème partie
les 5 et 6 mars : intégrales
surtitrage : Macha Zonina, d'après la traduction
de Monique Soldzian
durée du spectacle : 1ère partie : 2h45 (avec entracte)
2ème partie : 3h (avec entracte) - Pour l'intégrale:
1H30 d'interruption entre la 1ère et 2 ème partie
spectacle créé à Saint-Pétersbourg en 1985.
Une première version du spectacle a été présentée à l'Opéra Comique
en octobre 1988, dans le cadre du Festival d'Automne à Paris.
6
AVEC
Anfissa Petrovna Minina
présidente du kolkhoze «Nouvelle vie»
Denis Kharitonovitch Perchine
président du Kolkhoze «Nouvelle vie»
Ivan Dmitrievitch Loukachine,
président du kolkhoze «Nouvelle vie»
Gavrila Andréevitch Ganitchev,
délégué du district
Mikhaïl Priasline
Anna, sa mère
Lizaveta
ses sœurs
_ Tatianka
Pietka
ses frères
Grichka
Egorcha
Varvara Iniakhina
Grigory Minine
Piotr Jitov
Aliona, sa femme
lia Maximovitch Netesov
Maria, sa femme
Valentina
Trofim Lobanov
Pélagie, sa femme
Advotia
leurs filles Tatiana
Tatiana Chestakova
Mikhaïl Samotchko
Nikolaï Lavrov
Sergueï Bekhterev
Piotr Semak
Nina Semenova
Natalia Akimova
Olia Afanassieva
Aliocha Bazarov
loura Ivanov
Sergueï Vlassov
Natalia Fomenko
Vladimir Artemov
Igor Ivanov
Alla Semenichina
Anatoly Kolibianov
Galina Filimonova
Tania Popova
Félix Raévsky
Lidia Goriaïnova
Marina Gridassova
Svetlana Gaîtan
Micha Kassapov
Vova Mikhaïlov
leurs petits enfants
Natacha Barkhatova
Timofeï Lobanov, leur fils Vladimir Zakhariev
Anissia, sa femme Elena Vassilieva
Alexandra Dourinina, sa sœur Nelli Babitcheva
Raétchka Klévakina Lia Kouzmina
Daria Kropotova Bronislava Proskournina
Marfa Repichnaïa Svetlana Grigorieva
Pavla Tougoloukova Evguénia Barkan
Polina Tchougaéva Irina Nikoulina
Anatoly Tchougaev (Tchougaretti), son mari Vladimir Artemov
Filia-Pétoukh Mikhaïl Samotchko
Ignate Baev Sergueï Moutchenikov
Sofron-Moudry Sergueï Kozyrev
Mitenka-Malichnia Vladimir Semitchev
loura Igor Skliar
le père Sergueï Kozyrev
PÉKACHINO
Frères et soeurs, s'ouvre sur ce
discours du 3 juillet 1941 dans lequel Staline
exhorte les soviétiques en ces termes: «Frères et
soeurs, consacrez-vous à la victoire sur l'ennemi,
faites tout ce que vous pouvez pour écraser
l'ennemi, le nazi allemand.» Suivent des extraits
de films qui montrent ce que vécut le peuple
soviétique pendant la deuxième guerre mondiale.
Après ce rappel nécessaire, l'action peut commencer. Nous sommes à Pékachino, village du Nord de
la Russie, au printemps 1945, le premier printemps
après la guerre. Les femmes, les infirmes et les
enfants sont sur la rive du fleuve et saluent l'arrivée du premier vapeur depuis la guerre, mais aussi
l'arrivée du printemps...
Fedor Abramov sait de quoi il parle: il est lui-même né
dans ce village de Pékachino, près d'Arkhangelsk, sur
les bords de la rivière Pinéga, en 1920. Toute son
oeuvre - ses romans, ses nouvelles, ses récits - tourne
autour de Pékachino, de la vallée de la Pinéga, du
kolkhoze. «Ce qu'il a vu au village en pleine guerre
lui a arraché l'âme, explique Monique Slodzian, traductrice en français de Chroniques de Pékachino.
Visages de jeunes femmes édentés, creusés par la
faim et le labeur surhumain, regards poignants de
gosses aux membres grêles auxquels la guerre a
confisqué les rires de l'enfance. C'est donc la guerre
qui décidé de son engagement d'écrivain aux côtés
du village.»
8
C'est l'année même de la mort d'Abramov, en
1983, que Lev Dodine, tout nouvellement nommé
directeur artistique du Théâtre Maly, a décidé
d'adapter Frères et soeurs pour la scène : «J'ai
d'abord écrit un scénario avec mes assistants.
Nous l'avons monté et joué pour nous, puis nous
l'avons volontairement abandonné pour travailler
sur la matière même du texte. (...) C'est ce lent
processus qui nous a permis de passer de la prose
au théâtre. (...) Et puis, un jour, nous sommes allés
dans le village natal d'Abramov où se passe
l'action du roman. C'est la Taïga, une rivière sublime, loin dans le Nord, très beau. On y ressent
encore l'âme de la Russie paysanne, on y entend
les chants oubliés par les jeunes que fredonnent
encore les vieilles. (...) Il y a encore là les restes
d'une conception ancienne du monde que notre
tragique contemporain a presque entièrement
exterminée. Pour nous tous, et d'abord pour les
comédiens, ce séjour fut un stimulant émotionnel
irremplaçable.»
Lev Dodine et sa troupe ont répété Frères et
soeurs pendant un an et demi. Le spectacle était
prêt. Il a encore fallu attendre plusieurs mois
avant que les représentations ne soient autorisées
par la commission de censure. La création a eu
lieu en 1985. Depuis, Dodine n'a eu de cesse de
reprendre Frères et Sœurs.
Il est des rencontres qui décident du parcours de la vie d'homme pour plusieurs années et
parfois pour toujours.
Il me serait difficile d'imaginer mon travail dans le
théâtre et mon accomplissement personnel en tant
qu'être humain sans l'influence de Fédor Abramov
et de son œuvre.
Pas seulement parce que j'ai marché sur les quais
de Léningrad et sur les chemins de Verkola en compagnie d'Abramov.
- Violent et rude, sans cesse préoccupé et pensif,
intransigeant et incertain.
- En désaccord sur des points de détail tout en
étant en parfaite harmonie sur ce qui est très
important, mais c'est sans doute parce que son
talent - peut-être même pouvons-nous dire son
génie - accomplit ce qui est la tâche la plus importante de l'artiste : il relie le présent au passé et
replace l'instant présent dans la chaîne éternelle
des événements.
La responsabilité la plus importante d'un artiste
contemporain est d'applaudir le présent comme un
fils voit son père (avec tendresse), avec la passion
d'un héritier face à son passé, et la douleur de
savoir que l'on est responsable de l'avenir.
Le théâtre ne naît pas sans auteur.
Peu importe ce que le théâtre pense, souffre ou ce
dont il se réjouit, le théâtre n'existe que si les mots
viennent à lui.
Le théâtre s'exprime à travers les mots des autres.
Pour le théâtre Maly de Saint Péterbourg, la vérité
la plus essentielle est de prendre conscience de
l'œuvre d'Abramov et de jouer ses pièces.
C'est dans cette tâche que réside notre joie,
c'est dans cette tâche que réside notre tourment
et notre croix.
Lev Dodine
10
Mes jeunes amis.
Je voyage et vagabonde à
travers les hameaux et les bourgs
de l'antique terre de Novgorod ;
j'entends parler de ses maladies
chroniques et de ses préoccupations, et je pense constamment à
vous. Acceptez mes félicitations au
moment de votre entrée dans la
grande vie, dans le monde sacré et
implacable de l'art. Soyez toujours
courageux et fidèles à vos serments. Souvenez-vous que l'art
appartient aux possédés, uniquement à ceux qui sont prêts à tout
lui sacrifier. Merci pour la joie de
notre amitié, pour les chants folkloriques russes, pour votre jeunesse
qui m'ont toujours enflammé et inspiré. N'ayez pas peur de la vie !
Lancez-vous dans la tempête ! Je
crois en vous, je vous aime.
Votre Frère et père, Fyodor
Abramov.
Télégramme adressé aux
élèves de l'Ecole du théâtre Maly
travaillant sur Frères et soeurs,
à l'occasion de la remise
des diplômes de l'école.
25 juin 1979.
Je suis né dans la plus belle
région de Russie, ou tout au moins
celle qui me semble la plus belle :
le district d'Arkhangels, sur la
rivière Pinega, sur la terre des
nuits blanches et des forêts infinies, au pays des légendes héroïques et des contes de fées. Je suis
gorgé de Russie, de la Russie rurale, qui soutient toute notre vie
urbaine. Dans la ville, nous
sommes comme des radeaux flottant sur une vaste mer qui est
notre patrie et qui s'appelle la
Russie. La terre, les animaux, leur
contact - c'est ce qui constitue
l'une des réserves essentielles dont
nous tirons notre humanité. Si ces
relations d'amour et de bonté, avec
les animaux et la terre, disparaissent, qui sait où tout cela finira...
Fédor Abramov dans un article,
«Le juge le plus sûr - la conscience»
11
FÉDOR
ABRAMOV
Fédor Alexandrovitch Abramov
est né le 29 février 1920, dans le village de Verkola
- qu'il rebaptisera Pékachino dans son oeuvre situé dans la région d'Arkhangelsk, au nord de la
Russie. Il est mort à Léningrad en mai 1983.
Cadet de sept enfants, Abramov n'a que deux ans
quand son père disparait. Sa mère pourvoira seule
aux besoins de toute la famille; elle mourra à la
fin de la deuxième guerre mondiale.
Il passe les dix-huit premières années de sa vie à
Verkola, sur les bords de la rivière Pinéga. En
1939, il entre à l'Université de Léningrad. Quand
la guerre éclate, il rejoint volontairement
l'armée. Gravement blessé, il est presque mourant
quand il est renvoyé à Verkola au cours de l'été
1942. Après une longue convalescence, il termine
son service militaire et reprend ses études en
1945. Diplômé de littérature, il enseignera la littérature soviétique à I' Université de Léningrad
pendant dix ans.
Staline meurt en mars 1953. Un an plus tard,
Abramov signe un article retentissant dans une
revue littéraire: «Les kolkhozes dans la littérature de l'après-guerre». Il y dénonce les livres qui
présentent l'agriculture soviétique «en route vers
la prospérité», il y rappelle la misère et les
famines dont souffrent les paysans sur tout le territoire de l'Union Soviétique. Cet article annonce
toute l'oeuvre à venir.
Quand il se met à écrire, au milieu des années 50,
quand il passe de l'enseignement de la littérature
à l'exercice de la littérature, Abramov se fixe un
12
objectif très clair: «Je veux que le lecteur, une
fois qu'il aura lu mes oeuvres, sache comment le
paysan s'habillait, ce qu'il mangeait, ce qu'il faisait, ce qu'il pensait, ce qu'il disait.» Il sera donc,
admirateurs et détracteurs s'entendront sur ce
point, le porte-parole des paysans, «le représentant de la prose paysanne».
Abramov fait publier son premier roman. Frères et
soeurs, en 1958. Ce titre deviendra ensuite celui
d'une tétralogie écrite sur une vingtaine
d'années: au premier volume viendront s'ajouter
Deux hivers et trois étés (1968), A la croisée des
chemins (1973) et La Maison (1978). L'ensemble, à
travers la saga d'un village, met à jour les maux
de la société soviétique de l'après-guerre aux
années 70: les excès de la collectivisation, les
échecs économiques, la désagrégation sociale, la
perte des repères et des valeurs, le désespoir des
individus...
Paradoxalement, son oeuvre échappera à la censure du régime soviétique.
A partir de 1985, grâce à l'adaptation théâtrale
de Frères et soeurs par Lev Dodine, l'oeuvre
d'Abramov fait le tour du monde.
EDITIONS EN FRANÇAIS
Chroniques de Pékachino (Albin-Michel),
est le seul roman de Fédor Abramov traduit
et disponible en français. Sous ce titre se cache
la troisième partie de la tétralogie, originellement
intitulée A la croisée des chemins.
L
OILES
DANS
LE
CIEL
MATINAL
ALEXANDRE GALINE
drame en deux parties
mise en scene
LEV DODINE
collaboration à la mise en scène
Tatiana Chestakova
décor
Alexeï Poraï-Koshits
directeur de scène
direction technique
montage du décor
lumière
accessoires
son
habilleuse
maquilleuse
AVEC
Maria
Anna
Lora
Klara
Alexandre
Valentina
Nikolaï
Anjelica Nevolina
Tatiana Chestakova
Tatiana Rasskazova
Marina Gridassova
Sergueï Bekhterev
Galina Filimonova
Sergueï Kozyrev / Igor Ivanov
Natalia Sollogoub
llia Tcherkassov
Konstantin Bielodoubrovsky, Alexandre Poulinets
Oleg Kozlov, Vitaly Skorodoumov
loulia Zverlina
Alla Tikhomirova
Galina Ivanova
Galina Varoukhina
du 9 au 12 mars 1994
Production : THÉÂTRE M A L Y DE SAINT-PÉTERSBOURG
durée du spectacle :
2h15 sans entracte
14
surtitrage : Macha Zonina, d'après la traduction de Lily Denis
spectacle créé à Saint-Pétersbourg en 1987.
15
Les Etoiles dans le ciel
matinal, d'Alexandre Galine, raconte une histoire vraie, une histoire de vacances forcées.
Juillet 1980. Les Jeux Olympiques. Moscou se prépare à
accueillir ses invités et attend
l'arrivée de la flamme. Elle
approche, portée par des coureurs qui se relaient. Quelque
part sur le bord de cette voie illuminée, une baraque isolée et
délabrée. Il y a peu, elle abritait
des malades d'un asile psychiatrique; maintenant, et pour
quelque temps, elle héberge des
«olympiennes», soit des prostituées. Elles ont été ainsi surnommées parce que les autorités de
Moscou ont décidé de les «effacer» du paysage de la ville pendant toute la durée des J.O.
Nous avons appris à croire
que les ivrognes et les prostituées,
les indigents et les handicapés
physiques étaient le comble de
l'immoralité et de la débauche. On
nous appris à oublier que le dernier degré de la moralité et le dernier degré de la société sont deux
choses très différentes et souvent
diamétralement opposées. Nous
avions oublié cela, nous les héritiers de Dostoïevski.
Extrait d'une critique parue
dans Moskovkii Novosti en 1988
16
17
Quand Lev Dodine a créé
ma pièce Les Etoiles dans le ciel
matinal, en 1987, Gorbatchev était
au pouvoir depuis un peu plus d'un
an. Le Parti communiste était encore très présent et contrôlait tout.
On ne savait pas si la commission de
censure donnerait ou non l'autorisation de jouer ce texte. Une fois
de plus, mon théâtre était dans
l'incertitude. Mais Dodine et son
équipe couraient beaucoup plus de
risques que moi: en voulant jouer
ma pièce, c'était l'existence même
de leur troupe qu'ils mettaient en
jeu, c'est-à-dire en danger. Je ne
pouvais que me sentir libre dans ce
théâtre-là, avec ces gens-là...
Et la liberté a gagné. Les Etoiles
dans le ciel matinal ont été jouées.
Je n'oublierai jamais la première, le
choc dans la salle: les spectateurs
n'avaient encore jamais vu sur une
scène des gens qu'ils auraient pu
croiser dans la rue, des gens comme
eux, de vrais contemporains. Et puis
les comédiens étaient merveilleux,
Tatiana Chestakova était éblouissante dans le rôle d'Anna!
Les Etoiles dans le ciel matinal
racontent ce qui s'est réellement
passé à Moscou en 1980, au
moment des Jeux Olympiques: on
avait retiré de la circulation, des
rues où ils vivaient tous les jours,
des gens qui dérangeaient, des
gens qui la fichaient mal dans le
paysage, des mendiants, des
ivrognes, des prostituées. Cela pouvait paraître exceptionnel et typiquement soviétique. Mais est-ce
que ça l'était vraiment? En fait, ce
qui s'est produit à Moscou en 1980
se répète à chaque édition des Jeux
Olympiques dans n'importe quel
pays du monde. Après 1987, Les
Etoiles dans le ciel matinal ont été
représentées dans d'autres villes
olympiques: à Los Angeles, à Tokyo,
à Grenoble; à chaque fois, cette
histoire russe a renvoyé le public à
sa propre histoire, à des «nettoyages» similaires qu'il connaissait
bien!
Alexandre Galine
18
ALEXANDRE
CALINE
Alexandre Galine est né à
Koursk en 1947. Il a passé toute son enfance et
une partie de sa jeunesse dans cette petite ville
de la banlieue de Saint Pétersbourg. Elevé dans
un milieu très pauvre, il a connu des conditions de
vie difficiles. Il ne l'a jamais oublié et son théâtre
en a été définitivement marqué.
D'abord ouvrier d'usine, il fait des études littéraires à Saint Pétersbourg et se rapproche du
monde du théâtre en devenant marionnettiste. Il
regarde, il écoute, il s'imprègne, il joue. Il comprend les règles et passe très vite à l'écriture.
Son théâtre n'a rien à voir avec le théâtre officiel
soviétique des années 70, il détonne, il surprend.
Galine met sur la scène une part de sa vie, de ses
souffrances; et il fait vivre des personnages
jusqu'alors interdits: des exclus, des marginaux,
des laissés-pour-compte...
En 1981, avec Rétro, montée au Théâtre Maly de
Saint Pétersbourg par Leonid Kheifets, Galine
connaît le succès et la notoriété. La pièce va être
reprise par des dizaines d'autres théâtres en Union
Soviétique; puis, traduite, elle va être donnée en
plusieurs langues et dans plusieurs pays. Galine va
devenir le seul auteur de théâtre russe contemporain joué dans le monde entier. Tandis que les
auteurs de la «nouvelle vague» des années 70 et
80 vont cesser d'être joués, Galine va survivre à la
pérestroïka et à la chute du communisme.
20
A L E X E I
PORAI-KOSHITZ
La saison 1987-1988 restera dans les annales «la
saison Galine»: six pièces de Galine seront à
l'affiche des théâtres de Moscou! Et c'est au cours
de cette saison que Lev Dodine créera à Saint
Pétersbourg Les Etoiles dans le ciel matinal.
La plupart des pièces de Galine (Rétro, Tribune
Est, Le Bibliothécaire, Le Groupe, Sorry, Les
Etoiles dans le ciel matinal ...) ont fait ou sont en
train de faire le tour du monde: Angleterre,
Allemagne, Espagne, Finlande, Etats-Unis, Japon,
etc...
Né en 1941 à Léningrad, Alexei
Porai-Koshitz étudie la physique à l'université de
Saint Pétersbourg pendant trois ans avant de
devenir peinte en décor dans un des théâtres de
Saint Pétersbourg. Il se forme ensuite au contact
du fameux décorateur et metteur en scène Nikolaï
Akimov et sortira de l'Institut de Théâtre de Saint
Pétersbourg avec les plus hauts honneurs.
Il crée son premier décor de théâtre pour Le
Maître (conçu à partir de courtes histoires de
Maxime Gorki) au Théâtre pour Enfants de Saint
Pétersbourg.
Galine vient de terminer à Venise le tournage de
son premier film: La délégation. De son théâtre il
dit: «Toute ma vie je n'ai écrit qu'une seule pièce:
comment des gens sont obligés de vivre dans des
conditions inhumaines.»
Le succès qui en découle lui permet de travailler
comme décorateur aussi bien pour les théâtres de
région que ceux de Saint Pétersbourg.
EDITIONS EN FRANÇAIS
Les Etoiles dans le ciel matinal
(Editions des Quatre Vents), traduite par Lily Denis,
est la seule pièce d'Alexandre Galine disponible
en langue française. Cette version française a été
présentée dans une mise en scène de Lisa Wursmer
au Théâtre de la Tempête en décembre 1993.
Poursuivant tout au long de sa vie ses recherches
dans le domaine artistique et scientifique, il a
développé son désir d'explorer les technologies de
la scène.
Alexeï Poraï-Koshitz est directeur technique du
Théâtre Maly depuis 1984. Après Les Etoiles dans
le ciel matinal, il a conçu pour Lev Dodine les
décors de Gaudeamus et Claustrophobia.
21
CREATION
ROB
BERNARD-MARIE KOLTES
traduction en russe Macha Zonina
mise en scène
décor
collaboration à la mise en scène
directeur de scène
direction technique
montage du décor
lumière
son
LLUIS PASQUAL
Frédéric Amat
Anton Kouznetsov, Grigory Ditiakowsky
Tamara Sadretdinova
Kirill Piskounov
Konstantin Bielodoubrovsky, Alexandre Poulinets
Vitaly Skorodoumov
Evgunei Kagan, Andreï Kousskov
costumes
Galina Ivanova
accessoires
loulia Zverlina
maquilleuse
Galina Varoukhina
du 23 au 27 mars 1994
Production : O D É O N-T H É AT R E DE L'EUROPE
THÉÂTRE M A L Y DE SAINT-PÉTERSBOURG
surtitrage : Macha Zonina
durée du spectacle : 1 H50
22
AVEC
Roberto Zucco
sa mère
la gamine
sa sœur
Photo de répétition
son frère
son père
sa mère
Le vieux monsieur
La dame élégante
son fils
Le balèze
Le mac impatient / Travesti / Un gars
La pute affolée / Travesti
L'inspecteur mélancolique / Travesti / Policier dans le parc
Un inspecteur
Premier gardien / Travesti
Deuxième gardien / passant
Premier policier / Policier dans le parc
Deuxième policier
le commissaire
patronne du bordel
une femme
Première pute
Deuxième pute
Troisième pute
Premier journaliste /autre gars
Deuxième journaliste
Igor Skliar
Svetlana Gaïtan
Nastia Vassilieva
Tatiana Rasskazova
Igor Ivanov
Félix Raevsky
Nina Semenova
Evgueni Lebedev
Tatiana Chestakova
Nikolaï Isys
Sergueï Kozyrev
Nikolaï Pavlov
Sergueï Bekhterev
Piotr Semak
Sergueï Vlassov
Arkady Koval
Nikolaï Lavrov
Grigory Ditiatkovsky
Anatoly Kolibianov
Natalia Fomenko / Sergueï Moutchenikov
Vera Bykova
Lidia Goraïnova
Galina Filimonova / Natalia Fomenko
Alla Semenichina
Angelika Nevolina
Alexeï Zoubarev
Vladimir Toumanov
Roberto Zucco n'est pas une
pièce réaliste. Koltès n'a pas cherché, en quelques
scènes, à reconstituer minutieusement l'itinéraire
du vrai tueur Roberto Succo, qui a «défrayé la chronique» en 1988.
Si Succo a bien provoqué la naissance de son personnage, Bernard-Marie Koltès n'a pas voulu en
savoir trop sur lui. Il s'est contenté de quelques
photos, de quelques articles de presse et il a commencé à écrire «son» Zucco, son personnage qu'il a
d'emblée situé au-delà du cas Succo: «Un trajet
invraisemblable, un personnage mythique, un
héros comme Samson ou Goliath, abattus finalement par un caillou ou par une femme...»
A peine reste-t-il quelques mots du vrai Succo dans
la scène VIII de Roberto Zucco, quelques mots enregistrés sur une bande magnétique qu'une journaliste a fait écouter à Koltès : «De toute façon, un an,
cent ans, c'est pareil ; tôt ou tard, on doit tous
mourir, tous. Et ça, ca fait chanter les oiseaux ça
fait rire les oiseaux.» Encore n'est-on pas vraiment
sûr que le voix sur la bande soit bien celle de
Succo...
Photo de répétition
24
Après avoir crée la pièce en Catalan à Barcelone
en octobre 1993, Lluis Pasqual met donc en scène
Roberto Zucco pour la deuxième fois. En russe,
cette fois. Pour l'occasion, il dirige les comédiennes et les comédiens de Lev Dodine. C'est la
première fois que la troupe du Théâtre Maly travaille avec un metteur en scène autre que Dodine.
C'est aussi la première fois que Lluis Pasqual travaille avec des acteurs russes - ce dont il rêvait
depuis longtemps.
Après sa création à l'Odéon, le spectacle sera
repris à Saint-Pétersbourg.
«On a, en fort peu de temps,
représenté l'oeuvre de BernardMarie Koltès dans de nombreux
pays. J'éprouve, quant à moi, le
désir et la nécessité d'entendre
ses mots au Théâtre de l'Odéon,
dans d'innombrables théâtres et
de multiples langues. Participer
au rayonnement de l'oeuvre de
Koltès me paraît être un devoir.»
(...) Quand j'ai lu Roberto Zucco,
ce texte m'a transpercé... Koltès a
réussi à créer un des derniers,
voire le dernier grand personnage
du théâtre contemporain. Ce n'est
pas un héros, ce n'est pas un antihéros : c'est cet étrange équilibre
qui donne sa charge émotionnelle
à l'oeuvre et surtout au personnage. Un personnage complètement
amoral, porteur de l'amoralité qui
caractérise notre époque.»
Lluis Pasqual
25
Roberto Zucco. mise en scène Lluis Pasqual-Barcelone 1993
LA
BOITE
Les russes et les espagnols
sont deux peuples qui quand ils
dansent, tapent du pied. Les uns
parce qu'ils sont heureux, les
autres pour exprimer leur colère.
Cette comparaison, Liuis Pasqual
aime à se la répéter. En s'enfonçant dans la froidure et la neige de
Saint-Pétersbourg pour deux mois,
durant les répétitions de Roberto
Zucco, le catalan, élevé au soleil de
Madrid, savait que ce ne serait pas
un simple voyage. S'immiscer dans
le cœur du Théâtre Maly n'est pas
une mince affaire. Entrer dans
l'immense cathédrale du théâtre
russe, à pas feutrés ou en grande
pompe, c'est un barouf assuré.
«Goldoni «avaient d'ailleurs suggéré, à grands cris, les comédiens
russes pour sceller cette rencontre
entre latins et slaves. «Nous avons
besoin de rire. Comment rattraper
le temps perdu ? «se demandait de
son côté Llui's Pasqual. «Lorca ?
Trop facile.» Samuel Beckett et
Jean Genet ont un instant effleuré
les esprits. Mais on ne rattrape pas
le temps perdu, on saute à pieds
joints dans le présent. BernardMarie Koltés s'est alors imposé.
Dans la jungle des villes russes, les
Zucco se multiplient et prolifèrent.
Mais entre Dostoïevski (Les
Possédés est inscrit au répertoire
du Maly) et Koltès, l'écart reste
26
DE
PANDORE
immense. Entre un an de représentations qui est la durée moyenne
adaptée au rythme et à la méthode
de Lev Dodine, et les deux mois
pour répéter Roberto Zucco de
Saint Pétersbourg à Paris, il y avait
un défi à relever.
Le théâtre Maly possède certainement la troupe la plus maléable du
monde. Soumise à rude épreuve
chaque jour, c'est avec autant de
passion, d'énergie et de confiance,
qu'elle s'en est remise à Lluis
Pasqual. A ces généreux virtuoses de
Tchékhov, Pouchkine et Abramov,
Pasqual ouvre les portes de son
domaine où se cueillent comme des
fleurs les poèmes de Lorca. Et ils
ont eu pour accompagnateur le
héros sacrilège de Koltès, un guide
sans morale, qui ne craint pas
d'empoigner à bras le corps tous les
tabous. De cette rencontre, Lluis
Pasqual est le témoin merveilleux,
dans les coulisses, assis en équilibre
entre la scène et le public, et on
peut être sûr qu'en entrant au
Maly, qu'il marque en étant le premier metteur en scène étranger à y
pénétrer, il a eu la même sensation
d'Épiméthée ouvrant la boîte de
Pandore.
BERNARD-MARIE
Bernard-Marie Koltès naît à Metz en1948.
A 22 ans, il va au théâtre pour la
première fois. Dans la foulée, il écrit sa première
pièce, Les Amertumes, d'après Enfance de Gorki,
et la monte lui-même à Strasbourg. Hubert Gignoux
la voit et propose à Koltès d'entrer au Théâtre
National de Strasbourg: il y restera huit ans ; il en
profitera pour écrire et mettre en scène des textes
qui n'ont pas été rejoués depuis (La marche, Procès
ivre, Récits morts ...)
Quand le théâtre lui en laisse le loisir, Koltès voyage: l'URSS, le Nigeria, le Mali, la Côte-d'lvoire, le
Guatemala, le Sénégal, New-York, encore NewYork, toujours New-York.
En 1972, France-Culture met en ondes un de ses
textes: L'Héritage. Récidive en 1974 avec Des voix
sourdes. En 1977, Bruno Boeglin met en scène à
Lyon Salinger (adaptée par Koltès d'après les nouvelles de Salinger) et Koltès lui-même monte une de
ses pièces au festival d'Avignon: La nuit juste avant
les forêts.
KOLTES
Patrice Chéreau crée encore deux pièces de Koltès
aux Amandiers de Nanterre : Quai Ouest en 1986,
Dans la solitude des champs de coton en 1987.
Tabataba est présentée en Avignon, puis sur
France-Culture, en 1986.
Bernard-Marie Koltès meurt le 15 avril 1989. Il
vient de terminer sa dernière pièce: Roberto Zucco,
créée le 12 avril 1990, à la Schaubùhne de Berlin,
dans sa version allemande, par Peter Stein. La création en langue française a lieu le 7 novembre 1991,
au TNP de Villeurbanne, dans une mise en scène de
Bruno Boeglin.
Bernard - Marie Koltès
FRÉDÉRIC
ŒUVRE ÉDITÉE
Les pièces de Bernard-Marie Koltès sont disponibles
aux Editions de Minuit: Combat de nègre et de chiens,
Quai Ouest, Dans la solitude des champs de coton.
Le retour au désert, La nuit juste avant les forêts,
Roberto Zucco suivi de Tabataba.
On trouve aussi chez le même éditeur: La fuite à
cheval très loin dans la ville (roman) et Le Conte d'hiver
(traduction de la pièce de Shakespeare par Koltès).
AMAT
Après des études d'architecture
et de décor de théâtre à Barcelone, Frédéric Amat
commence à exposer à partir de 1970, et notamment en 1976 et 1977 des œuvres réalisées durant
son séjour en Afrique du nord, avec pour thème les
verbes : casser, attacher, enduire, recouvrir, cacher,
blesser, qui sont les constantes de sa peinture.
En 1979, Gabriel Monnet organise à Paris la première lecture publique de Combat de nègre et de
chiens. La pièce sera diffusée sur France-Culture en
1980. Elle sera créée sur la scène du Théâtre des
Amandiers de Nanterre par Patrice Chéreau en
1983. Ce spectacle assurera la notoriété de
Bernard-Marie Koltès.
Après deux ans au Mexique, et sept ans passés à
New-York - où il travaille et expose - il entame en
1986 sa collaboration avec Lluis Pasqual pour El
Publico de Federico Garcia Lorca au Piccolo Teatro
de Milan. Puis il créé les décors et les costumes de
Tirano Banderas mis en scène par Lluis Pasqual en
1992, et, en 1993, le décor de Roberto Zucco créé
au Théâtre Lliure de Barcelone.
Entre temps, en 1981, le Petit Odéon avait accueilli
une reprise de La nuit juste avant les forêts dans
une mise en scène de Jean-Luc Boutté.
Il travaille également au décor de différents spectacles de danse et continue d'exposer - dernièrement : Barcelone, Grenade et Mexico.
28
29
CRÉATION
LA
C
ERISAI
E
ANTON TCHÉKHOV
mise en scène
décor
collaborateur à la mise en scène
costumes
pédagogue-répétiteur
LEV DODINE
Edouard Kotcherguine
Vladimir Toumanov
Inna Gabaï
Valéry Zvezdatchkine
directeur de scène
Natalia Sollogoub
direction technique
Maxim Batrakov
montage du décor
lumière
son
Peter Razouvaev, Alexandre Poulinets
Oleg Kozlov, Ekaterina Dorofeeva, Vitaly Skorodoumov
Andreï Kousskov, Leonide Levin, Mikhail Alexandrov
habilleuses
Irina Tsvetkeva, Maria Fomina
accessoires
loulia Zverlina, Olga Reicher
maquilleuse
Galina Varoukhina
10 avril 1994
Production : ODÉON-THÉÂTRE DE L'EUROPE
THÉÂTRE M A L Y DE SAINT-PÉTERSBOURG
durée du spectacle
2h30, sans entracte
30
surtitrage : Macha Zonina
AVEC
Lioubov Petrovna Ranievskaia, propriétaire terrienne
Ania, sa fille
Varia, sa fille adoptive
Gaev Leonide Andreevitch, frère de Ranievskaia
Firs, valet de chambre
Lopakhine Ermolaï Alekseevitch, marchand
Trofimov Piotr Seyneievitch, étudiant
Simeonnev-Pichik Boris Borissovitch, propriétaire terrien
Charlotte Ivanovna, gouvernante
Epikhodov Simon Pantelewitch
Douniacha, servante
lacha, jeune laquais
Un passant
Chef de gare
Fonctionnaire de la poste
Ragouline
Un officier
Un lycéen
musiciens
invités, serviteurs
Tatiana Chestakova
Natalia Sokolova / Angelica Nevolina
Natalia Akimova / Irina Tytchinina
Sergueï Bekhterev
Oleg Borissov
Igor Ivanov / Piotr Semak
Sergueï Kourychev / Alexeï Zoubarev
Nikolaï Lavrov / Arkady Koval
Angelica Nevolina / Maria Nikiforova
Arkady Koval / Oleg Gaianov
Tatiana Olear / loulia Moreva
Nikolaï Pavlov / Igor Tchernievytch
Sergueï Vlassov
Sergueï Kozyrev / Sergueï Vlassov
Sergueï Moutchenikov
Alexeï Zoubarev
Sergueï Kozyrev
Piotr Semak
Igor Tchernievytch
Alexandre Barabline, Roustik Pozioumsky,
Arkady Isynkine, Boris lakoubovsky
Lev Dodine n'a pas choisi par
hasard de monter La Cerisaie. Hier, en U.R.S.S., il
ne jouait que les auteurs contemporains, ceux qui
contournaient ou bernaient la censure pour mieux
raconter «les souffrances du peuple russe»: question de survie. Question de principe aussi : il s'agissait de défendre à la fois le droit à la création et le
droit à la vérité ; il s'agissait de contrer «les mensonges officiels des artistes officiels». Aujourd'hui,
en Russie, l'enjeu s'est déplacé. La censure a été
supprimée, la liberté de création est revenue, la
liberté d'expression aussi. Il s'agit maintenant de
réconcilier le peuple avec toute la culture russe, de
lui rendre les oeuvres qui n'ont pas été jouées (ou
trop peu jouées, ou mal jouées) pendant plus de
soixante-dix ans.
Le retour de Lev Dodine aux «classiques» fait écho
à la réapparition symbolique de Saint-Pétersbourg
sur la carte de la Russie. Désormais, il ne se sent
plus seulement des obligations par rapport aux
auteurs contemporains, il se sent aussi responsable
des sources du répertoire théâtral. Il a choisi de le
revisiter pour le faire redécouvrir aux générations
successives de spectateurs qui en ont été trop longtemps privées. En 1991, il a monté Les Possédés de
Dostoïevski. En 1994, il met en scène La Cerisaie de
Tchékhov. Et il le revendique clairement :
«Aujourd'hui est la continuation d'hier. Nous ne pouvons rien oublier, rien rejeter ni du passé ni de nousmêmes. Réunir les temps est la fonction de l'art.»
32
Comme les héros de Tchékhov,
nous vivons aujourd'hui une période de cassure. Les choses sont en
train de changer. Nous ne pouvons
pas encore saisir distinctement ce
qui s'en va. Nous nous représentons mal ce qui est en marche,
mais en ces minutes fatidiques,
nous commençons à entendre, si
net qu'il en devient douloureux, le
froissement du temps qui fuit.
Chaque instant de notre vie prend
un goût particulier, une valeur
particulière, et répond à un désir
particulier. Nous essayons de
savourer chaque instant avec une
avidité presque cosmique et une
acuité presque tragique. L'homme
fait la course avec le temps, avec
soi-même, et il suffit de quelques
secondes pour que celui qui le
trouvait comique et pitoyable,
celui-là aussi s'élance au grand
galop à la poursuite de ce qu'on
ne peut plus rattraper.
Tchékhov était encore très jeune
quand il écrivit, un an avant de
mourir, sa pièce la plus comique et
la plus tragique. Sa courte existence portait en elle l'éternité, parce
qu'en chaque seconde, il percevait
l'écho de l'éternité, qui fait
l'homme si grand et si comique.
Nous, les acteurs, nous prolongeons notre vie sur la scène,
nous tentons de ruser avec ce qui
s'en va grâce à nos rôles et à nos
jeux de scène. Nous répétons
aujourd'hui La Cerisaie, pour nous
aujourd'hui, c'est le meilleur
moyen de disputer cette course
avec le temps. Nous exerçons cette
activité privée de sens, transparente, enfantine, avec fougue et avec
fierté, sans remarquer à quel point
nous sommes certainement
comiques. Nous sommes tous les
enfants déchus de Dieu. Au fond,
c'est ce qu'avait compris Tchékhov
avec une admirable lucidité.
Lev Dodine
33
ANTON
TCHÉKHOV
Anton Tchékhov
Anton Pavlovitch Tchékhov né en
1860, termine ses études de médecine à Moscou en
1884.
Si le goût du théâtre lui est venu très jeune, il se
fait d'abord connaître comme auteur de récits et
de nouvelles.
En 1881, Tchékhov avait écrit un «drame en quatre
actes», Platonov, qui n'a pas été joué. En 1887, il
termine Ivanov, «drame en cinq actes» qui est aussitôt représenté. Accueil indifférent.
Il faut attendre 1896 et la création de La Mouette
à Saint-Pétersbourg, puis au Théâtre d'Art de
Moscou dans une mise en scène de Stanislavski
pour que Tchékhov soit finalement reconnu comme
auteur de théâtre.
En 1899, le Théâtre d'Art de Moscou reprend aussi
Oncle Vania qui avait d'abord été créé en province: nouveau succès.
La première des Trois soeurs a lieu à Moscou le 31
janvier 1901. C'est un triomphe pour Tchékhov: il
fait enfin l'unanimité du public et de la critique.
Atteint de tuberculose depuis plusieurs années, son
état s'aggrave. Il séjourne souvent à Yalta. Cloué
au lit, il continue à produire des nouvelles mais,
pendant deux ans, il n'écrit rien pour le théâtre.
EDOUARD
KOTCHERGUINE
La Cerisaie est donc la dernière pièce de
Tchékhov; il en vient à bout durant l'année
1903, dans des conditions très pénibles: «J'écris
deux lignes par jour», confesse-t-il dans une
lettre à sa femme, la comédienne Olga Knipper.
La Cerisaie est créée au Théâtre d'Art de Moscou
le 17 janvier 1904, jour anniversaire des 44 ans
de Tchékhov. Olga Knipper tient le rôle du personnage principal, celui de Lioubov Andréevna
Ranevskaïa, la propriétaire de la cerisaie.
En février 1904, Tchékhov retourne seul à Yalta.
En juin, Olga l'accompagne à Berlin. Il meurt à
Badenweiler, en Forêt Noire, le 2 juillet.
Il est l'un des décorateurs qui
ont contribué à la renaissance de la scène soviétique dans les années 70.
Il a acquis une réputation de maître dans son
domaine, et a influencé de nombreux décorateurs
et étudiants. Depuis 20 ans, il a été le décorateur
attitré du Théâtre Dramatique Gorki à Saint
Pétersbourg et le principal collaborateur du metteur en scène Georgi Tovstonogov en URSS et à
l'étranger.
C'est dans les années 70 qu'il a rencontré Lev
Dodine avec qui il collabore aussi bien à l'Institut
Théâtral que dans divers théâtres de Saint
Pétersbourg.
Ils ont travaillé ensemble depuis sur plus de trente
productions, dont les plus importantes sont la maison, Frères et sœurs, les possédés. La cerisaie est
sa dernière collaboration avec Lev Dodine.
34
35
MOSCOU
Ivan Popovski n'est pas russe. Il est né il y a vingtquatre ans en République de Macédoine, dans l'ex-Yougoslavie. Il n'avait
que 19 ans, il venait tout juste de terminer son service militaire dans
l'armée yougoslave, quand il est arrivé à Moscou. Il ne connaissait que
quelques mots de russe. Il s'est retrouvé au GITIS, le conservatoire d'art dramatique de Moscou, élève dans le cours de Piotr Fomenko : «Je suis arrivé au
moment de la perestroïka où l'on vivait chichement mais décemment ; j'ai
connu ensuite une période très dure, courte heureusement, où l'on manquait
vraiment de tout...»
Au GITIS, Popovski a étudié la mise en scène. Durée des études : cinq ans. «Durant
ces cinq années, raconte-t-il, Fomenko nous a protégés, nous étions comme dans une
bulle. Je ne regardais jamais la télévision, je ne lisais aucun journal, nous ne sortions
pratiquement jamais. J'ai vécu dans le monde de Shakespeare, de Tsvetaeva ... Nos
conversations n'avaient d'autres sujets que le théâtre, notre travail théâtral.»
C'est au GITIS avec les élèves de sa promotion que Popovski a créé son premier spectacle : Aventure de Marina Tsvetaeva. C'était en 1992, dans un couloir de l'immeuble
souffreteux du GITIS : il n'y avait que 25 places I
C'est déjà une troupe et ce n'en est pas encore vraiment une : Popovski et sa promotion travaillent ensemble depuis cinq ans... mais ils n'ont pas de lieu à eux. C'est déjà une troupe
parce qu'ils ont décidé de ne pas se séparer, de ne pas s'éparpiller à la fin de leurs études :
«C'est ensemble que nous sommes forts, explique Popovski, parce que nous faisons encore tout
avec amour. Chacun pourrait vivre sa vie, entrer dans des théâtres de renom, mais nous voulons continuer ensemble. Nous faisons tout nous-mêmes: les costumes, les décors et surtout les
éclairages qui posent le plus de problèmes. (...) Nous sommes un groupe soudé et reconnu comme
tel qui s'entend sur une même conception du théâtre, de la vie...»
En 1993, Ivan Popovski et sa troupe ont présenté Aventure en France (au
Festival de Maubeuge, au Théâtre de la Cité Internationale - Paris, à Douai,
à Nantes) ainsi qu'en Suisse et en Pologne.Partout le spectacle a remporté
le même succès.
A l'Odéon-Théâtre de l'Europe, Popovski vient réaliser un rêve qu'il avait
en tête depuis quelque temps : monter «les petites pièces du grand
Alexandre Blok».
37
LES VISITEURS DU CABARET
L'homme au manteau
Sachka
Kostia (ressemblant à Hauptman)
Le Garçon
Le séminariste Vacia
L'homme roux
La jeune fille
Le jeune homme
Le vieux (ressemblant à Verlaine)
La chanteuse
Le poète
BARAQUE
DE
FOIRE
LE THÉÂTRE LYRIQUE D'ALEXANDRE BLOK
adaptation et dramaturgie
Dimitri Essakia, Ivan Popovski
mise en scène
décor et direction technique
costumes
IVAN POPOVSKI
Vladimir Maximov
Alexandre Chechounov
son
Dimitri Bielobrov
assistant à la mise en scène
Andreï Vorobiov
travail de la voix
chorégraphe
réalisation du décor
réalisation des costumes
maquillage
habilleuse
ce
O
0c
O
oc
<
>
<
Véra Kamychnikova
Alla Sigalova
Vladimir Ejakov, Chef des ateliers de construction du Théâtre Sovremennik
Sergueï Bartochevitch
Anna Mielechko
Elena levleva
Production : O D É O N-T H É AT R E DE L'EUROPE
ATELIER DRAMATIQUE PIOTR FOMENKO
avec l'aide du Centre Culturel français de Moscou,
et le parrainage de la Banque Commerciale de Mytischi
du 3 au 14 mai 1994
COMITE POUR LA CULTURE DE MOSCOU
durée du spectacle : 1h30
L'adaptation de Dimitri Essakia et Ivan Popovski est réalisée à partir des deux drames lyriques La Baraque de
foire et L'Inconnue , parus aux Editions l'Age d'Homme, sous le titre Oeuvres dramatiques.
BANQUE
COMMERCIALE
(S) DE MYTISCHI
surtitrage : Macha Zonina
ATELIER
(i PIOTR FOMENKO
LES MYSTIQUES
Premier mystique
Deuxième mystique
Troisième mystique
Quatrième mystique
Cinquième mystique
Président des mystiques
L'auteur
Pierrot
Arlequin
Colombine
L'homme en bleu
L'astrologue
L'Inconnue
Un monsieur
Kirill Pirogov
Oleg Lioubimov
Andreï Kazakov
Madeleine Djabrailova
Galina Tiounina
Sergueï Yakoubienko
Everett Dixon
Karen Badalov
Taguir Rakhimov
Paulina Koutiepova / Ksenia Koutiepova
en cours, à l'heure où nous imprimons
Karen Badalov
Galina Tiounina
Andreï Kazakov
LES MASQUES
«Le masque bleu «
«Le masque rose «
L'imperméable noir
L'imperméable rouge
Le Chevalier
L'écho
Oleg Lioubimov
Paulina Koutiepova
Kirill Pirogov
Madeleine Djabrailova
Andreï Kazakov
Galina Tiounina
LES VISITEURS DU SALON
Le maitre de maison
L'invité au manteau
La maîtresse de maison
Georges
Micha
Le vieux
La dame
Le monsieur roux
Le jeune homme
Andreï Prikhodko
Kirill Pirogov
Madeleine Djabrailova
Igor Ovtchinnikov
Youri Stiepanov
Sergueï Yakoubienko
Ksenia Koutiepova
Vladimir Maximov
Oleg Lioubimov
Musicien
38
Kirill Pirogov
Igor Ovtchinnikov
Andreï Kazakov
CRÉATION
Andreï Prikhodko
Youri Stiepanov
Vladimir Maximov
Ksenia Koutiepova
Oleg Lioubimov
Sergueï Yakoubienko
Madeleine Djabrailova
Roustem Youskaiev
en cours, à l'heure où nous imprimons
39
LES
FORETS
Début février 1994 à Moscou.
Tout d'un coup le vrai hiver russe - la température
est descendue cette nuit jusqu'à moins 30°- et
comme dans le célèbre poème d'Alexandre Blok
Les Douze, silhouettes courbées, les passants, happés par le vent et la neige, glissent sur le verglas.
Dans le quartier de l'Arbat dans la «Maison des
acteurs», un dédale de couloirs sur sept étages, où
l'on débouche soudain sur une banque ou un restaurant de luxe incongrus, Ivan Popovski et sa troupe commencent les répétitions de leur spectacle
Baraque de foire. Peu de gens, en ce moment à
Moscou, se passionnent autant qu'eux pour
Alexandre Blok, le grand poète du Symbolisme
russe, mort de syphilis et de désespoir, en 1921, à
l'âge de 41 ans. Fin tragique d'un dandy erratique
qui marquait aussi la mort définitive d'une époque,
celle de «l'Âge d'Argent».
OBSCURES
deux pièces du cycle Baraque de foire suivie de
L'Inconnue, après un entracte pendant lequel ses
jeunes élèves jonglaient avec des oranges dont ils
bombardaient les spectateurs qui avaient mal
accueillis la première partie.
tout autre ordre. Le soir même il passera la nuit à
peaufiner le texte avec son dramaturge et un
jeune acteur virtuose du macintosh. Le lendemain,
le texte sera définitivement établi (tous veulent le
croire) jusqu'à sa mise à l'épreuve sur la scène.
Après des nuits d'insomnie, de disputes homériques, Ivan Popovski et Dimitri Essakia ont enfin
réussi à établir un texte qui réunit ces deux même
pièces (Baraque de foire et L'Inconnue) pour un
spectacle d'une heure vingt. La difficulté de ce
genre d'exercice réside moins dans les coupes que
dans les points de suture et les rajouts de poèmes,
sans parler de la légitimité de telles interventions
sur des textes canoniques.
Pour parler de Blok, Popovski cite Piotr Fomenko
qui qualifie certains textes de «forêts obscures»
dans lesquelles il faut se retrouver mais qu'on
n'éclairera jamais.
Il ne faut surtout pas trouver de solutions aux
énigmes de Blok. Ne pas sur-jouer, ne pas faire
d'explication de texte.
Depuis un an Ivan Popovski et son dramaturge
Dimitri Essakia travaillent sur le texte qui sera créé
à l'Odéon, presque un an après la venue en France
de l'inoubliable Aventure de Marina Tsvetaeva.
La jeune troupe de Popovski, tous élèves au GITIS
(Ecole d'Art Dramatique) de Piotr Fomenko dont le
travail de ces cinq dernières années comme pédagogue et metteur en scène est salué par la critique
moscovite unanime, se réunit depuis quelques jours
pour un «travail à la table». Une belle salle ronde
marbrée, très XIXème, où chaque acteur est sollicité de donner son avis sur le dernier état du texte.
Alexandre Blok, marié à une actrice, s'intéressait
beaucoup au théâtre - «Mage de la théâtralité»,
selon Meyerhold, il voulait même aller plus loin
que Tchékhov, dont «aucun de ses innombrables
imitateurs n'a jamais réalisé quelque chose de
valable». Il voulait rendre encore plus explicite
l'expression du «courant souterrain», du soustexte.
Au cours de l'année 1906, il avait écrit trois
drames lyriques conçus comme un cycle indissociable. Meyerhold avait monté la même année
L'important pour Popovski à ce moment de son travail est d'obtenir l'adhésion totale des acteurs à ce
texte, leur avis lui importent d'autant plus - et il
tient à le leur rappeler - qu'il n'est pas russe, mais
macédonien... Chacun ici a son opinion sur ce
grand poète emblématique redevenu si actuel en
cette fin de siècle et qui dénonçait l'invasion du
monde par la vulgarité (pochlost) tout en vomissant
l'humanisme vélléitaire.
Popovski veut faire sauter les dernières défenses
de ses acteurs car les vraies difficultés sont d'un
40
Pour Blok le monde est une mascarade où Pierrot,
Arlequin, Colombine et les Mystiques ridicules
côtoient dans des tripots de banlieue des prostituées et des «ivrognes aux yeux de lapins». Dans
cette commédia dell'arte, redécouverte en Russie à
cette époque, masques et bergamasques basculent
dans Dostoïevski (L'Idiot) : la vraie pureté est dans
la souillure. Mêlant prose et poésie, théâtre dans
le théâtre, on imagine (ceux surtout, très peu nombreux, qui ont vu Aventure) tout le parti que
Popovski va pouvoir tirer de cette matière très
explicitement théâtrale.
Meyerhold avait coutume d'affirmer : «Le coup
d'envoi de mon art (...) m'a été donné par la merveilleuse Baraque de foire.» ? Nul doute que cette
quatrième mise en scène d'Ivan Popovski permettra
enfin à un vaste public de découvrir un grand metteur en scène de Moscou... âgé d'à peine vingtcinq ans.
Michel Parfenov
41
ET
M A I N T E I
AU«THEATR E
Alexandre Blok, se dit
<<...habité par une multitude de
démons (appelés aussi «doubles») ...»
Il sait l'art de faire de chaque
démon son instrument, de lier par
un pacte chacun des doubles ; tous
vont, errant, dans des mondes violets et, sous sa férule, lui procurent
les plus belles des merveilles, tout
jusqu'au moindre de ses désirs : l'un
lui apportera un nuage, l'autre le
soupir de la mer, le troisième une
améthyste, le quatrième un scarabée
sacré, l'œil ailé. Leur maître déverse
le tout dans le creuset de sa création
artistique, et en extrait enfin, pour
son propre émerveillement et amusement, l'inconnue ; l'inconnue qui est
une splendide poupée.
... Mon monde personnel ensorcelé
est devenu l'arène de mes propres
actes, mon «théâtre anatomique»,
la baraque de foire, où moi aussi,
aux côtés de mes ravissantes poupées , je tiens un rôle... L'océan est
ANT, PLACE
LYRIQUE»
mon cœur, tout en lui est pareillement ensorcelé : je ne fais pas de
différences entre la vie, le sommeil
et la mort, ce monde et les autres
mondes... La vie et l'art se sont
confondus, j'ai proféré des incantations et devant moi a enfin surgi ce
que je nomme (personnellement)
«L'Inconnue» : la splendide poupée,
le fantôme bleu, la merveille terrestre.
L'Inconnue. Ce n'est point seulement une dame vêtue d'une robe
noire avec des plumes d'autruche
sur son chapeau. C'est un alliage
diabolique de plusieurs mondes...
Je me tiens devant mon œuvre, fruit
de mon art, et ne sais que faire.
Autrement dit, que dois-je faire de
ces mondes, que dois-je faire de ma
propre vie, désormais confondue
avec l'art, car à mes côtés mon
œuvre vit, ni vivante, ni morte...
Mais tout est fantomatique...»
Ces citations d'Alexandre Blok,
choisies par Ivan Popovski, sont
extraites de la conférence intitulée
«De l'état actuel du symbolisme
russe» (1910)
42
43
ALEXANDRE
BLOK
Si Alexandre Blok est venu au
monde dans un milieu social favorisé en 1880 à
Saint-Pétersbourg, il n'en a pas moins souffert
d'événements pénibles: le divorce de ses parents,
les maladies nerveuses qui ont affecté sa famille.
Blessé, il s'est très vite réfugié dans la poésie.
Ecrivain précoce, Blok signe dès 1901 une série de
chants d'amour à la femme aimée, les Poèmes de la
Belle Dame, qu'il fait publier en 1905 et qui lui
valent d'entrée le soutien de toute l'avant-garde
littéraire russe.
Sa source poétique ne tarira pas jusqu'à la fin de sa
vie, mais son inspiration variera: il délaissera la
veine amoureuse pour s'interroger sur l'homme et
les civilisations dans Poèmes d'Italie (1909), pour
explorer l'âme russe dans La Bataille de Koulikovo
(1908) , pour tenter de définir l'identité russe dans
Les Scythes (1918), pour célébrer la révolution dans
Les Douze (1918). Il sera à jamais «le grand poète
symboliste russe».
En fait, même si on le sait moins, Blok a autant marqué son temps et ses contemporains par son théâtre
que par sa poésie.
Le 14 octobre 1906 Blok lit pour la première fois
une de ses pièces en public. Cela se passe au cours
d'un des «samedis» de l'actrice Vera Kommissarjevskaia. Le texte s'intitule Le Roi sur la place.
Chronologiquement, c'est la deuxième oeuvre dramatique de Blok.
Il avait écrit un premier «drame lyrique»: La
Baraque de Foire. Vsevolod Meyerhold le crée le
31 décembre 1906 au Théâtre Kommissarjevskaia
44
où il travaille après avoir quitté le Théâtre d'Art de
Moscou. C'est un scandale. Dans la salle, on hurle,
on acclame, on s'apostrophe. Meyerhold reprendra
La Baraque de Foire en avril 1914, au Studio, et
créera le même soir une autre pièce de Blok:
L'Inconnue. Ces deux soirs de première, celui de
1906 et celui de 1914, sont restés comme deux des
grands moments de l'histoire du théâtre russe au
XXème siècle.
Blok aura moins de chance avec Stanislavski au
Théâtre d'Art de Moscou. Ils s'estimaient, ils
étaient amis, mais leur collaboration sera un échec.
Blok confiera deux de ses pièces à Stanislavski. En
vain : Stanislavski ne comprendra rien à la première, Le Chant du destin, et n'essaiera même pas de
la faire jouer ; il travaillera plus de cinq ans sur la
deuxième de 1913 à 1918, La Rose et la croix, mais
sera incapable de la transformer en spectacle.
Y L A D I
EDITIONS EN FRANÇAIS
Œuvres dramatiques d'Alexandre Blok (Editions
L'Age d'Homme) réunit: La Baraque de Foire,
Le Roi sur la place, L'Inconnue, Le Chant du destin,
La Rose et la croix et Ramsès.
Sont également disponibles: Œuvres en prose
(Editions L'Age d'Homme), Cantiques de la Belle
Dame (Imprimerie Nationale), Poésies (Lettre Volée),
Poèmes (Alidades), Poèmes et lettres d'Italie
(Nouveau Commerce) et Les Douze
(Nouveau Commerce)
R
M A X I
M O Y
Né en 1951 à Tachkent, il se
passionne dès l'école pour le design industriel,
dont il fait le thème de son mémoire de diplôme.
Alexandre Blok
Le 7 novembre 1918, Alexandre Blok assiste à la
première de Mystère-Bouffe de Vladimir Malakovski. Il note dans un carnet: «Un jour à ne pas
oublier.» Il a «passé le relais»...
A la demande de Maxime Gorki, en 1919, il écrit
une dernière pièce: Ramsès. Il meurt à SaintPétersbourg, devenue Petrograd, le 7 août 1921,
miné par la faim et la maladie.
H I
Il commence sa carrière d'homme de théâtre en
1981 au Théâtre de miniatures de Moscou sous la
direction d'Akradi Raykine. C'est sans doute
Raykine qui lui transmet l'amour sans partage
pour le théâtre.
En 1986 il réalise son premier décor pour la pièce
Hercule et les écuries d'Agiès de F.Durrenmatt
mise en scène par Constantin Raykine (théâtre
Satiricon).
Depuis 1989 Vladimir Maximov est chef-décorateur du nouveau théâtre la Troupe Indépendante
d'Alla Sigalova et a réalisé une douzaine de
décors.
Baraque de foire est sa troisième collaboration
avec le metteur en scène Ivan Popovski après
Sculpteur de masques de Crommelynck et
Aventure de Marina Tsvetaeva, présenté en 1993
en France, en Suisse et en Pologne.
45
11
##
HORSE'S TAVERN
LA BANQUE COMMERCIALE
16, Carrefour de l'Odéon - 75006 Paris
POUR L'EUROPE DU NORD - EUROBANK,
43.54.96.91
PARTENAIRE PRIVILÉGIÉ DE LA RUSSIE,
EST HEUREUSE DE S'ASSOCIER
A L'ODÉON THÉÂTRE DE L'EUROPE
POUR LA PRÉSENTATION DE LA SAISON RUSSE.
vous propose
• Au rez-de-chaussée
: Un choix de 250 bières bouteilles
• 12 bières pressions
• 40 whiskies rares
• Moules, Moules Frites
• Plats internationaux
• Orchestre les vendredi et samedi
• Au premier étage
: Son restaurant
Dans un cadre intime.
• Repas de 100 F à 150 F
OUVERT JUSQU'À 2 H 00 DU MATIN DU LUNDI AU JEUDI
ET JUSQU'À 4 H 00 DU MATIN LES VENDREDI ET SAMEDI
Chèque - Carte Bleue - American Express - Tickets Restaurants - Divers
BCEN-EUROBANK
79-81 BOULEVARD HAUSSMANN
7 5 3 8 2 PARIS CEDEX 08
TEL:
(1) 40 0 6 43 21
FAX:
(1) 40 0 6 43 15
SAISON
GRANDE
SALLE
21 septembre . 24 octobre
28, 29 et 30 octobre
5 novembre . 14 novembre
23 novembre . 28 novembre
SAISON
RUSSE
6 janvier . 27 février
19 9 4
31
ORLANDO
Virginia Woolf . Robert Wilson
CREATION
DOKTOR MABUSE
Fritz Lang . Michael Obst
cinéma
HOME
LE BARUFFE CHIOZZOTTE
Carlo Goldoni . Giorgio Strehler en langue italienne
UN DELS ÛLTIMS VESPRES DE CARNAVAL
Carlo Goldoni . Llui's Pasqual en langue catalane, surtitré en français
FRERES ET SŒURS
Fedor Abramov . Lev Dodine en langue russe, surtitré en français
9 mars . 12 mars
LES ETOILES DANS LE CIEL MATINAL
Alexander Galine . Lev Dodine en langue russe, surtitré en français
5 avril . 10 avril
3 mai . 14 mai
octobre 94
ODÉON
12 octobre . 14 novembre
de février à juin 94
ROBERTO ZUCCO
Bernard-Marie Koltès . Llui's Pasqual
LA CERISAIE
Anton Tchékhov . Lev Dodine
PLAZZA
BASTILLE
CARREFOUR
DES ARTS
Au Cœur du Marais, entre la Place des Vosges et l'Opéra Bastille
CREATION
LES ESTIVANTS
Maxime Gorki . Lluis Pasqual
3 mars . 6 mars
23 mars . 27 mars
PETIT
1993
création
en langue russe, surtitré en français
création
en langue russe, surtitré en français
BARAQUE DE FOIRE
Alexandre Blok . Ivan Popovski
création
en langue russe, surtitré en français
LE PHENIX
Marina Tsvetaeva . Lluis Pasqual
CREATION
LETTRES DE LA RELICIEUSE PORTUCAISE
THEATRE-FEUILLETON
Remerciements à : Macha Zonina, Sara Sauvai, Michel Parfenov, Béatrice Picon-Vallin
Crédits photographiques : Ros Ribas, p 25, 26, 27.
Lise Sarfati ( Contact Press Images), p 32, 33, 36, 42, 43.
Marc et Brigitte Enguerand, p 10.
Agence de presse Novosti, p 21, p 45.
Droits réservés, p 9, 11, 15, 16, 17, 19, 23, 24, 29, 31, 35, 41.
• Conception graphique : Thierry Depagne «Impression : Jarach-Laruche
ODÉON
THÉÂTRE
DE
L'EUROPE
direction
LLUIS PASQUAL
place de l'Odéon
75006 Paris
44 41 36 36
74, rue Amelot 75011 PARIS
Tél. (33.1) 40 21 20 00 - Télex Homepla 211 764 F - Fax. (33.1) 47 00 82 40
Guerlain,
la plus belle
signature
qu'une femme
puisse porter.
68, Champs-Elysées 75008 PARIS -Tél.: (Il 47 89 71 84 • 2, place Vendôme 75001 PARIS-Tél.: (Il 42 60 68 61
93, rue de Passy 75016 PARIS-Tél.: 42 88 41 62 • 29, rue de Sèvres 75006 PARIS-Tél.: (Il 42 22 46 60 • 35, rueTronchet 75008 PARIS-Tél.: (I) 47 42 53 2
Centre Maine-Montparnasse 75015 PARIS - Tél.: (Il 43 20 95 40 • 47, rue Bonaparte 75006 PARIS - Tél.: (U 43 26 71 19
et en Région Parisienne et Province chez nos dépositaires agréés.
Téléchargement