La preuve ontologique de l`existence de Dieu par

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ANGER Aurélie
L3 philosophie
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Cours de métaphysique
N. CHARBONNEL
Ontologie, théologie et grammaire de l'être
La preuve ontologique de l'existence de Dieu
par Anselme de Cantorbéry, dit saint Anselme (1033­1109)
[exposé présenté en cours le 9 février 2011]
Chronologie : Ecriture du Monologion entre 1070 et 1073.
Texte à commenter :
« Chapitre III. ­ Qu'il y a une nature source de tout ce qui est, n'existant que par elle­même et sommet de tout ce qui est. [ Quod sit quaedam natura, per quam est, et quae per se est, et est summum omnium quae sunt ]
1. Ainsi non seulement tout bien est bon par un Principe unique et toute grandeur est telle par une même raison mais tout ce qui est semble exister par un seul Principe. En effet, tout ce qui est existe ou par quelque chose ou par rien ; mais rien ne vient de rien. On ne peut en effet penser que quelque chose soit, autrement que par 5. quelque chose. Tout ce qui existe n'est donc que par quelque chose. S'il en est ainsi, ce quelque chose est unique ou bien multiple. Mais s'il est multiple, ou bien ces principes dépendent eux­même de quelque chose par quoi ils sont, ou bien chacun d'eux existe par soi ou bien encore ils se causent mutuellement. Or si eux­même viennent d'un seul (principe), tout ce qui existe ne vient pas d'eux mais plutôt de cet 10. Un, source d'eux­mêmes. Si chacun de ces principes existe par soi, c'est qu'il y a une force ou nature d'exister par soi qui les fait exister par eux­mêmes. Il n'y a aucun doute qu'ils ne soient pas ce Principe unique qui les fait être par lui­même. Il est donc vrai que tout existe par un seul principe plutôt que par plusieurs qui, sans ce Principe unique, ne peuvent être. Quant à ce que plusieurs se donnent l'existence 15. mutuellement, aucune raison ne peut en effet l'admettre, puisqu'il est irrationnel de penser que quelque chose soit par ce à quoi il donne l'être, et que les relations elles­
mêmes s' engendrent ainsi mutuellement. Lorsque le maître et le serviteur par exemple sont opposés par relation l'un à l'autre, ce sont les hommes eux­même qui sont opposés et ils n'existent pas par réciprocité ; les relations elles­même qui les 20. lient ne s' engendrent pas mutuellement mais sont identiques aux sujets eux­mêmes. Ainsi, puisque la Vérité exclut la pluralité du Principe par quoi tout existe, il est nécessaire qu'il n'y en ait qu'un. Et puisque tout ce qui existe est par un Principe unique, il est certain que cet Unique existe par lui­même, tous les autres étant par autrui et lui seul étant par lui­même.
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25. Mais ce qui est par autrui est moindre que Ce qui seul est par soi et principe de tout le reste. C'est pourquoi Ce qui est par soi est le sommet de tout. Donc il y a quelque chose d'unique dans la grandeur et qui dépasse tout ; mais Ce qui dépasse tout et est la source de tout ce qui est bon, grand, et de tout être, est aussi – et nécessairement – le Bien suprême, la Grandeur suprême, et le Sommet de tout ce qui est. C'est 30. pourquoi il y a quelque chose, qu'on l'appelle essence, ou substance ou nature, qui est le meilleur, le plus grand, le sommet de tout ce qui existe. »1
SOMMAIRE
I. INTRODUCTION
II. ANALYSE DU TEXTE
A. ligne 1 à 5 : l'hypothèse d'un Principe par lequel tout existe
B. ligne 5 à 24 (fin de paragraphe) : quelle peut être la nature de ce Principe
a. Unique ou multiple : examen de la multiplicité du principe (ligne 5 à 12)
b. Principe comme condition nécessaire de ce qui existe (ligne 12 à 14)
c. Retour sur le rejet de la troisième possibilité jugée « irrationnelle » (ligne 14 à 20)
d. Récapitulation et résultat de l'argumentation (ligne 21 à 24)
C. ligne 24 à ligne 31 (fin du texte) : « Un Principe au superlatif » III. COMMENTAIRE
A. Le problème de saint Anselme
B. Traitement du problème
C. Enjeux du problème / Élargissement
D. Le commentaire de Karl BARTH
1. Le nom de Dieu
2. La question de l'existence de Dieu
IV. CONCLUSION
V. ANNEXES
1)→ Version latine du texte commenté, Monologion, III
2)→ Extrait de Monologion, LXV
3)→ Sommaire du Monologion
4)→ Sommaire du Proslogion
5)→ Extrait du Proslogion, II
6)→ Psaume 13, Bible TOB
7)→ Exode 3, 14, Bible traduction TOB
VI. BIBLIOGRAPHIE
1 Voir le texte latin en annexe 1), page 13.
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I. INTRODUCTION
Démarche : Anselme est un moine qui met ses réflexions à l'écrit à la demande d'autres moines avec lesquels il réfléchit et prêche à l'abbaye du Bec. Le Monologion fut composé entre 1070 et 1073, tandis que le Proslogion est daté de 1077.
Son œuvre est le chemin d'un raisonnement, d'une parole, portée que lui confère de surcroît le choix des titres de ses deux ouvrages principaux que sont le Monologion et le Proslogion2. Saint Anselme avait d'abord intitulé le Proslogion en latin Fides quaerens intellectum, autrement dit « la foi cherchant la raison ».
Le but de son œuvre est de comprendre ce qu'il croit (et non l'inverse, ou croire ce qu'on comprend) et met en valeur le primat incontournable de cette succession temporelle avec dans un premier temps (soit t1) : la croyance, et dans un second temps (soit t2) : la compréhension3.
L'extrait que nous commentons constitue le chapitre III du Monologion : « Qu'il y a une nature source de tout ce qui est4, n'existant que par elle­même et sommet5 de tout ce qui est » [« Quod sit quaedam natura, per quam est, et quae per se est, et est summum omnium quae sunt »].
REMARQUES DE TRADUCTION : Nous nous permettons de rectifier la traduction proposée dans l'exemplaire du texte que nous avions en premier lieu et de lui substituer des termes plus littéraux afin d'obtenir plus de clarté. Ici, « source » sera remplacé par « par » pour traduire le « per » latin ; « sommet » pourra utilement être rendu par « suprême » ou « suréminent »6. On portera une attention particulière à la traduction des termes esse, ens et essentia pour lesquels le texte original latin doit être mis à profit le plus fréquemment possible.
II. ANALYSE DU TEXTE
Nous développons notre analyse dans le sillon des trois mouvements du texte que nous intitulons de la manière suivante :
A. L'hypothèse d'un Principe par lequel tout existe (ligne 1 à 5) ;
B. Quelle peut être la nature de ce Principe (ligne 5 à 24 soit la fin du paragraphe) ; C. « Un Principe au superlatif » (ligne 24 à ligne 31 soit la fin du texte).
A. ligne 1 à 5 : l'hypothèse d' un Principe par lequel tout existe
– Le texte commence par un élargissement du principe du bon et du grand à tout ce qui existe : le fait que le bon et le grand soient par un principe est valable pour tout ce qui existe ; tout est par un principe. C'est en tout cas un postulat que saint Anselme pose comme une hypothèse qu'il va examiner dans la suite du texte comme le montre l'emploi du verbe « sembler » à la ligne 2.
– Saint Anselme admet certaines prémisses logiques sans les développer outre mesure, comme des propositions évidentes de la raison : une chose ne vient pas de rien, il y a un principe d'origine, une cause première, ce qui pose directement la question de l'origine et d'un premier principe.
B. ligne 5 à 24 (fin de paragraphe) : quelle peut être la nature de ce Principe
2 Cf : Les titres du Monologion et du Proslogion : ces termes, grecs, signifient respectivement « monologue » et « allocution [à Dieu]».
3 voir Proslogion, chapitre II
4 « par laquelle tout ce qui est est »
5 « suréminente » ou « suprême »
6 traduction CORBIN
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a. Unique ou multiple : examen de la multiplicité du principe (ligne 5 à 12)
Saint Anselme examine trois possibilités logiques pour soit les conserver soit les refuser selon leur cohérence ou non avec son système logique :
– soit les principes sont eux­mêmes dépendants de quelque chose par quoi ils sont ;
– soit chacun des principes existe par soi ;
– soit les principes se causent mutuellement dans une causalité circulaire.
Suite à l'épreuve logique, les 2 premières possibilités aboutissent à l'existence d'un Principe unique, « force » ou « nature » (ligne 16) et la troisième est purement et simplement rejetée par invocation du principe de non contradiction. b. Principe comme condition nécessaire de ce qui existe (ligne 12 à 14)
Les deux postulats conservés ci­dessus aboutissent à un principe unique qui se singularise en s'avérant être la condition unique de ce qui existe (c'est­à­dire de ce qui ne peut pas exister par soi seul ) et dont il est la cause.
c. Retour sur le rejet de la troisième possibilité jugée « irrationnelle » (ligne 14 à 20) Saint Anselme propose ici la conception d'une causalité qui se déroule dans une temporalité linéaire :
– Ce qui naît ne peut pas être engendré par ce à quoi il donne naissance entraîne une identité entre les termes et dote la relation causale d'une nature fixe, immuable.
– Cette conclusion est étayée par l'exemple du maître et du serviteur (ligne 17 à 20) employé à des fins analogiques : deux termes qu'une relation oppose sont rendus contradictoires l'un à l'autre en eux­mêmes7.
Formulation positive de la causalité ( x )
A
cause
B
Formulation négative de la causalité ( ­ x )
B
est causé par
A
→ Les termes sont isolés les uns des autres
→ Identité inaltérable de la relation des termes
→ Les relations sont identiques aux termes
CONCLUSIONS :
[A = la cause]
[B = l'effet]
Voir Monologion XXIX : « Rien assurément ne peut se faire par soi­même, puisque tout ce qui est fait est postérieur à ce par quoi il est fait, et que rien n'est postérieur à soi. » Ceci ne vaut pas pour la Parole, qui n'est pas la créature ou de la créature mais qui est l'esprit suréminent : elle lui est consusbtantielle et reste ainsi simple.
7 Monologion, XXIX (extrait) : « Rien assurément ne peut se faire par soi­même, puisque tout ce qui est fait est postérieur à ce par quoi il est fait, et que rien n'est postérieur à soi. » Elargissement possible notamment en se référant à Monologion, XXXIX.
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d. Récapitulation et résultat de l'argumentation (ligne 21 à 24)
A la fin du paragraphe, saint Anselme récapitule son développement logique et en donne le résultat :
– tout ce qui est existe par un principe unique ;
– ce principe est lui­seul par lui­même : il est l'exception de l'être8.
par lequel tout existe
Pluralité
Tout existe par cet « autre »
Un principe
qui est par lui­même
Unicité
Est le seul à être par lui­même
Renversement de la relation de causalité pour dégager la formulation de l'exception divine et de sa suprématie : parmi tout ce qui existe, seul Dieu est par soi.
Remarquons que cette proposition est prononcée sur le mode d'une vérité nécessaire et certaine.
d'unique
par quelque chose
Tout ce qui est
existe
de multiple
par rien
Proposition refusée car « rien ne vient de rien »
Chaque élément existe par soi
C'est une NATURE NATURE
d'exister par soi
Chaque élément existe par quelque chose
C'est un PRINCIPE PRINCIPE
un
Les éléments se causent mutuellemen
t, tel que A cause B, B cause C, et C cause A
Causalité irrationnelle refusée
C. « Un Principe au superlatif » (ligne 24 à ligne 31 ­ fin du texte) Les remarques à faire à propos de cette dernière partie du texte sont de différents types :
– Saint Anselme introduit une nouvelle prémisse d'ordre logique : ce qui est par autre chose est 8 Il est l'être et n' « ex­iste » pas car l'existence signifie multiplicité et hétérogénéité, le fait d' "être" par autre chose que soi.
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« moindre » [« minus est »] que ce qui est par soi.
ce qui est par autre chose
<
ce qui seul est par soi et principe de tout le reste
Argument de l' « attribut summum omnium » → sa formulation est radicale et exclusive
→ Le suprême est un superlatif par excellence.
« Est igitur unum aliquid, quod solum maxime et summe omnium est »
– Un examen linguistique nous permet de considérer cette expression "ce qui est par soi"
comme désignant une entité incomparable et isolée. « maxime omnium est » se traduit de trois manières différentes : par ce qui « est le sommet de tout », ce qui « est suréminement à toute chose »9, ou par ce qui est « suprêmement ». Les termes employés ici permettent une visualisation aisée de cette « grandeur » qui est unique, exceptionnelle et « qui dépasse tout ».
– Au niveau des termes eux­mêmes, ce principe est « ce par quoi les choses sont » et tout à la fois « les choses éminemment », c'est­à­dire [l'adjectif et le substantif], intimement liés dans une identification => Le principe unit en lui ce qui semble distinct dans les termes, tels [bon (adjectif)/le Bien (substantif)]. Ici « Bien » et « Grandeur » sont suprêmes ou « sommet » de toutes choses.
– Conclusion du chapitre : il y a « quelque chose », une entité. Elle est nommée de trois manières distinctes : soit « essence » pour essentia, soit « substance » pour esse, soit « nature » pour ens 10. Cette entité est à la fois prédicat et prédiquant, verbe et adjectif, et l'est en outre par soi.
III. COMMENTAIRE
A. Le problème de saint Anselme
Les difficultés sous­jacentes du raisonnement de saint Anselme ont fortement trait à un conception implicite du langage ou de conclusions qui ne peuvent s'exprimer que dans les structures langagières.
Première difficulté : penser Dieu et le rapport à ses créatures.
→ En effet, la liaison entre l'un/l'absolu et le multiple/le relatif pose la question de la possibilité d'une universalité ontologique, de "ce qui est en tout".
→ De ces considérations ontologiques découlent la conception de la relation de causalité telle que questionnant ce qui est premier chronologiquement et théologiquement.
9 traduction CORBIN
10 Cette distinction est reprise en Monologion VI.
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Seconde difficulté : l'exprimer.
→ En menant un repérage formelle des termes employés pour la désignation de Dieu, nous obtenons la liste suivante : « un principe », « une même raison », « cet Un », « une force, ou nature d'exister par soi », « ce principe unique », l'analogie maître­serviteur, « cet Unique », « Lui », « Ce qui seul est par soi et principe de tout le reste », « Ce qui dépasse tout », et finalement une dénomination par « essence », « substance », « nature ».
Nous faisons ainsi le constat de la pluralité des termes (ainsi que de ceux de la traduction) qui évoluent vers l' Unique avec une majuscule pris comme un nom « propre », qui est une "ex­ception"
au superlatif et en dehors du genre.11 B. Traitement du problème
Saint Anselme s'adonne à une tentative de détermination de l'entité en laquelle il croit en termes logiques, et ce par trois procédés principaux : – la numération lorsqu'il parle de « l' Un » ;
– la théorisation lorsqu'il parle de « principe » ;
– la définition de termes les uns par rapport aux autres lorsqu'il utilise des rapports de grandeur comparatifs (« moindre » que nous transcrivons par le sigle « < ») et ceux d'une causalité linéaire irréversible.
Ces procédés lui permettent d'opérer une mise en ordre de sa raison, une classification d'entités de genre distinct, notamment ceux de "ce qui existe" et "de ce qui est".
Malgré un recours constant aux « relations » (qui demeurent impossibles à définir réellement) et à la grammaire (qui ne permet que d'exprimer par énigmes), la substance reste dans l'expression par le langage une entité (un étant) qui met à l'œuvre des articulations langagières du ressort de la logique. La grammaire sépare en mots, la logique sépare par le sigle qui est lui­même isolé, comme en témoigne cette citation de VIGNAUX : « Un terme comme « suprême » exprime le rapport de la nature à ce qui n'est pas elle, car un être par soi ne peut, en son absolu, être désigné par un terme comme summum : relatif aux autres êtres » [dans De saint Anselme à Luther, chapitre XV : « la relativité ne démontre jamais l'essence d'une chose », page 200].12
Il faut ainsi nous souvenir que nous ne savons pas « quel » est ce principe mais « ce qu'il » est.13
C. Enjeux du problème / Élargissement
N'oublions pas que saint Anselme ne donne pas son raisonnement comme l'apport d'une preuve de Dieu, mais comme un levier pour comprendre ce en quoi il croit (Il n'est pas question ici de remettre en doute de quelque façon que ce soit les prémisses admises par saint Anselme et l'existence réelle de Dieu hors de l'intelligence ; Dieu est à prendre comme déjà existant avant même d'être compris.). Il faut pour cela lire les préfaces du Monologion et du Proslogion. Les nombreuses distinctions liées à la grammaire (par exemple celle entre être « par » ou « de » soi qui est l'objet de Monologion VI) sont examinées avec une attention soutenue afin d'être le plus adéquat possible à cette entité.
Or, en se référant au chapitre X14 afin de nous éclairer, il s'avère évident que cette compréhension se fait par la parole :
11 voir Monologion chapitre LXV dont l'extrait est en annexe 2) à propos de l'usage des mots dont nous ne savons pas s'ils sont absolument adéquats : quoiqu'il en soit, ils ont pour nous quelque « ressemblance » comme quand nous parlons par « énigmes » (référence à saint Paul), ou regardons dans un « miroir ».
12 voir également Proslogion II et son extrait en annexe 5).
13 cf. point C. ci­dessus.
14 Monologion
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– La parole est « le regard mental aux choses­même » : elle n'exprime pas les choses­mêmes, mais est dans une relation directe avec elles.
– Nous parlons des choses selon trois modes15 : 1. par les effets, dans le sensible : c'est le mode du langage ; 2. à l'intérieur de nous­même, de manière insensible ; 3. en notre esprit, nous avons une vision de la chose elle­même par l'imagination corporelle et l'intelligence rationnelle mais qui n'est ni sensible ni insensible. Ce troisième mode est le seul mode « naturel » du Verbe, et universel : c'est le Verbe le plus propre de la chose, celui qui est essence suprême ou suréminente16 de même que l'Esprit est le « souffle » de la vie17.
D. Le commentaire de Karl BARTH
L'éclairage que nous empruntons à Karl BARTH repose sur ses considérations exposées dans la partie II au point A. intitulé « Les présuppositions de la preuve » de son ouvrage La preuve de l'existence de Dieu – la preuve ontologique chez saint Anselme. Nous suivons le fil de son exposé dont nous reprenons les titres des sous­parties.
1. Le nom de Dieu
Quand saint Anselme dit Dieu comme « le plus grand », il tend à le signifier comme ce qui est supérieur et impossible à concevoir. La formule n'est que négative : il est ce qu'on ne peut concevoir de plus grand. Mais c'est un concept de contenu purement noétique : on ne dit pas ce qu'est Dieu, mais qui il est ; c' est une désignation et non une preuve argumentée.
La logique ne permet d'articuler qu' imparfaitement ce qui est du ressort d'une révélation de la foi. En effet, ce nom de Dieu « tel que rien de plus grand ne peut être pensé » n'est un concept qu'en apparence : en réalité c'est « un nom révélé », un nomen personae et non un nomen essentiae tel qu'ont pu le penser Bonaventure et Thomas d'Aquin. Dieu est posé comme x, comme la grandeur inconnue, et doit être rendu accessible à l'intelligence, car même si "existence"et "essence" de Dieu sont des grandeurs inconnaissables du point de vue de la connaissance, elles sont connaissables du point de vue de leur vérité. Pour Gaunilo(n), détracteur contemporain de saint Anselme, un mot en soi est seulement un mot et peut être vide ; il n'imagine pas qu'un mot puisse être une « révélation » divine comme saint Anselme l'admet du nom de Dieu. Il en résulte pourtant que le concept, dans sa limitation négative, a un pouvoir de connaissance.18 Comme l'écrit K. BARTH : « L'essence de Dieu est ainsi exprimée par une périphrase » ; il ne faut surtout pas comprendre la formulation d'Anselme comme ontologique alors qu'elle est explicitement noétique.
2. La question de l'existence de Dieu
Le Proslogion porte les germes d'un « progrès » par rapport au Monologion, progrès qui consiste en ce que « le problème de l'existence de Dieu (« que tu es », quia es) se détache nettement de celui de l'essence de Dieu (« ce que tu es », quia hoc es) ».19 C'est ainsi que l'essence de Dieu devient dans le Proslogion un objet dont l'enjeu est la preuve de l'existence de Dieu.
K. BARTH entend le terme existence en un sens particulier : « ex­istens » veut dire « qui existe en dehors de la pensée ». L'existence est relative à l'objet en tant que tel et non seulement en tant qu' objet de pensée : l'objet est dans la vérité, peut donc être présent et par suite pensé. « Sans le degré 15
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17
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Monologion X
Monologion XII
Monologion LVII
La preuve de l'existence de Dieu – la preuve ontologique chez saint Anselme, II, A. « Les présuppositions de la preuve », 1, page 73.
19 La preuve de l'existence de Dieu – la preuve ontologique chez saint Anselme, II, A. « Les présuppositions de la preuve », 2, page 80.
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intermédiaire de l'existence, la chose pensée ne pourrait être vraie ».20 Bien que nous assistions à une objectivation de l'existence, « chez Dieu, à la différence de tous les êtres créés, l'être et l'essence ne sont pas deux choses différentes, mais ne font qu'un » par ce qu'on nomme son "aséité". Sa potentialité et son actualité sont de même identiques.21
Il faut remarquer que l'existence de Dieu n'est pas une existence quelconque du même genre que l'existence de n'importe quel objet : Dieu a une nécessité d'exister qui n'est pas purement conceptuelle.22 K. BARTH le souligne de manière éclairante à la page 87 : « Existence » signifie, d'une façon générale : présence effective d'un objet, même indépendamment du fait qu'il est conçu comme effectivement présent. »« Il [cet objet] est d'abord dans la vérité (…) [et] puisque Dieu est la vérité, il s'agit de l'existence au sens éminent,(..)de l'existence par laquelle toute autre existence est déterminée (…). Il s'agit de la vérité créatrice elle­même, qui est l'unique origine de toute existence objective (…) Dieu est à proprement parler le premier et le seul existant. ».
Dieu est donc une entité qui crée ex nihilo et qui est la condition de l'existence objective par la création continuée que reçoivent les objets par la Parole de Dieu. C'est pourquoi tout peut être connu mais non prouvé comme existant.23 C'est la question de l'existence elle­même qui se pose ici et pas seulement de celle d'un objet quelconque (contrairement à ce que pense Gaunilo(n)), question qui exige par extension que la question de la vérité soit élucidée.
IV. CONCLUSION
Saint Anselme réussit à articuler logiquement les postulats qui lui permettent de comprendre et circonscrire en concepts et en mots sa croyance. Il aboutit ainsi à la proposition d'une entité principielle unique qui seule est par elle­même et condition de toutes les autres entités qui "ex­
istent" au sens étymologique. Mais la grammaire logique ne permet pas de conserver l'idée d'un "acte d'être" : le principe actuel devient entité et la relation figée juxtapose et sépare radicalement les termes. La dernière issue de saint Anselme est alors celle de la suprématie de cet être, ou de cet Être, en dehors de tout genre, qu'il soit celui d'être ou langagier. Cependant, l'argument ontologique repose ici entièrement sur l'acceptation de la prémisse disant qu'il est « plus grand » [magis] d'être par soi que par autrui. Cette métaphysique entremêle l'être et l'être par soi en faisant de l'être un ens realissimum substantivé et qui est per se, par soi, hors de tout genre, ce qui amène à penser l'être véritable sans relation.
Ces difficultés vont encore s'alourdir avec les développements sur le Verbe et la « Trinité indivise » ou « Unité trine » (Monologion XLIII) qui énoncent les relations entre Père/Fils/Esprit et Mémoire/Intelligence/Amour.
Avec saint Anselme, nous concluons pour finir que l'Unité simple peut être déterminée dans ses rapports, le multiple non. En Monologion LXXIX, saint Anselme finit par parler de « Trois « je ne sais quoi » », et en Monologion LXXX par affirmer que « Dieu n'est pas rien et (qu') à cette seule essence suréminente est proprement24 assigné le nom de Dieu », ce qui est, selon ses propres dires, à la fois tout dire et ne rien dire.
20 Idem, page 82.
21 Voir Monologion, XVI et Proslogion XXII
22 Référence à la controverse avec Gaunilo(n) et son contre­exemple de l'île imaginaire dont le choix montre se confusion entre les différents genres d'existence. Cette même confusion fut reconduite par Kant avec l'exemple des cent thalers (La preuve de l'existence de Dieu – la preuve ontologique chez saint Anselme, II, A. « Les présuppositions de la preuve », 2, note 1 page 85).
23 Monologion, LXXX
24 en latin « proprie »
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V. ANNEXES
1)→ Version latine du texte commenté, Monologion III
III ­ « Quod sit quaedam natura, per quam est, quidquid est, et quae per se est, et est summum omnium quae sunt »
« Denique non solum omnia bona per idem aliquid sunt bona, et omnia magna per idem sunt magna, sed quidquid est, per unum aliquid videtur esse. Omne namque quod est, aut est per aliquid aut per nihil. Sed nihil est per nihil. Non enim vel cogitari potest, ut sit aliquid non per aliquid. Quidquid est igitur, non nisi per aliquid est. Quod cum ita sit, aut est unum aut sunt plura, per quae sunt cuncta quae sunt. Sed si sunt plura, aut ipsa referentur ad unum aliquid per quod sunt, aut eadem plura singula sunt per se, aut ipsa per se invicem sunt. At si plura ipsa sunt per unum, iam non sunt omnia per plura, sed potius per illum unum, per quod haec plura sunt. Si vero ipsa plura singula sunt per se, utique est una aliqua vis vel natura existendi per se, quam habent, ut per se sint. Non est autem dubium quod per id ipsum unum sint, per quod habent, ut sint per se. Verius ergo per ipsum unum cuncta sunt, quam per plura, quae sine eouno esse non possunt. Ut vero plura per se invicem sint, nulla patitur ratio, quoniam irrationnabilis cogitation est, ut aliqua res sit per illud, cui dat esse. Nam nec ipsa relativa sic sunt per invicem. Cum enimdominus et servus referantur ad invicem, et ipsi homines qui referuntur, omnino non sunt per invicem, et ipsae relationes quibus referuntur, non omnino sunt per invicem, quia eadem sunt per subiecta. Cum itaque veritas omnimodo excludat plura esse per quae cuncta sint, necesse est unum illud esse, per quod sunt cuncta quae sunt.
Quoniam ergo cuncta quae sunt, sunt per ipsum unum, proculdubio et ipsum unum est per seipsum. Quaecumque igitur alias sunt, sunt per aliud, et ipsum solum per seipsum. At quidquid est per aliud, minus est quam illud per quod cuncta sunt allia, et quod solum est per se. Quare illud quod est per se, maxime omnium est. Est igitur unum aliquid, quod solum maxime et summe omnium est. Quod autem maxime omnium est, et per quod est quidquid est bonum vel magnum, et omnino quidquid aliquid est id necesse est esse summe bonum et summe magnum, et summum omnium quae sunt. Quare est aliquid, quod, sive essentia sive substantia sive natura dicatur, optimum et maximum est et summum omnium quae sunt. »
2)→ Extrait de Monologion LXV
« (…) Quoi donc ? Ai­je d'une certaine manière trouvé quelque chose de la chose incompréhensible, et d'une manière rien perçu d'elle ? Souvent, de fait, nous disons maintes choses que nous n'exprimons par proprement comme elles sont, et nous signifions par autre chose ce que nous ne voulons ou ne pouvons pas exprimer proprement et directement, ainsi quand nous parlons par énigmes. Souvent nous voyons une chose non pas proprement comme elle est, mais par quelque ressemblance ou image, ainsi quand nous considérons le visage de quelqu'un dans un miroir. De la sorte assurément nous disons et ne disons pas, nous voyons et ne voyons pas la même et unique chose. Nous disons et voyons par autre chose, nous ne disons et voyons pas par ce qui lui est propre. Pour cette raison, rien n'empêche que soit vrai ce qui fut discuté jusqu'ici sur la nature suréminente et qu'elle­même demeure néanmoins ineffable, à condition de ne jamais penser qu'elle ait été exprimée par ce qui est propre à son essence, mais qu'elle fut désignée en quelque manière par autre chose. Car tous ces noms qui semblent pouvoir se dire de cette nature ne me la montrent pas tant par ce qui lui est propre qu'ils ne me l'indiquent par quelque ressemblance. Quand je pense les significations de ces mêmes mots, je conçois mentalement ce que je perçois dans les choses faites plus familièrement que ce que je reconnais transcender toute intelligence humaine. Dans mon esprit ces (mots) constituent par leur signification quelque chose de bien moindre, ou plutôt de fort loin différent de Cela vers quoi mon intelligence s'efforce de progresser grâce à cette signification ténue. Ni le nom de sagesse ne suffit à me montrer Cela par quoi tout fut fait de rien, et est gardé du rien, ni le nom d'essence ne peut m'exprimer Cela qui, par sa hauteur singulière, est loin au­dessus de 10/15
toutes choses et, par sa propriété naturelle, bien en dehors de toutes choses. (...) »
3)→ Sommaire du Monologion
I ­ « Qu'il est quelque chose de meilleur et de plus grand, suréminent à toutes choses qui sont. »
II ­ « De la même chose »
III ­ « Qu'il est certaine nature, par laquelle est tout ce qui est, et qui est par soi, suréminente à toutes choses qui sont »
IV ­ « De la même chose »
V ­ « De même que cette nature est par soi, et les autres choses par elle, de même elle est de soi, et les autres choses d'elle »
VI ­ « Que l'aide d'une cause quelconque ne l'a pas conduite à être, et qu'elle n'est pourtant ni par rien ni de rien ; comment peuvent s'entendre : « être par soi » et « être de soi » »
VII ­ « Comment toutes les autres choses sont par elle et d'elle »
VIII ­ « Comment entendre : elle a tout fait de rien »
IX ­ « Que ce qui fut fait de rien n'était pas rien avant d'être fait, eu égard à la raison de Celui qui (le) faisait »
X ­ « Que cette raison est une certaine parole (disant) les choses à la manière dont l'artisan dit d'abord auprès de lui ce qu'il va faire »
XI ­ « Qu'en cette ressemblance il est pourtant une grande dissemblance »
XII ­ « Que cette parole de l'essence suréminente est essence suréminente »
XIII ­ « De même que toutes choses furent faites par l'essence suréminente, de même toutes ont par elle vigueur »
XIV ­ « Qu'elle est en et par toutes choses ; et que toutes les choses sont d'elle, par elle et en elle »
XV ­ « Que peut­on et ne peut­on pas dire d'elle substantiellement »
XVI ­ « Que pour elle c'est la même chose d'être juste et d'être la justice ; qu'il en est de même pour ce qui peut se dire d'elle dissemblablement ; et que rien ici ne montre quelle elle est ni quelle est sa grandeur, mais ce qu'elle est »
XVII ­ « Qu'elle est si simple que tout ce qu'on peut dire de son essence est un et le même en elle ; que rien ne peut se dire d'elle substantiellement qui ne se rapporte à ce qu'elle est »
XVIII ­ « Qu'elle est sans principe et sans fin »
XIX ­ « Comment rien ne fut avant elle ou ne sera après elle »
XX ­ « Qu'elle est en tout lieu et en tout temps »
XXI ­ « Qu'elle n'est en nul lieu ni temps »
XXII ­ « Comment elle est en tout lieu et temps, et n'est en nul lieu ni temps »
XXIII ­ « Comment peut­on mieux entendre : elle est partout, que : elle est en tout lieu »
XXIV ­ « Comment peut­on mieux entendre : elle est toujours, que : elle est en tout temps »
XXV ­ « Que nul accident ne la change »
XXVI ­ « Comment doit­on la dire substance; qu'elle est hors de toute substance; et qu'elle est de manière singulière tout ce qu'elle est »
XXVII ­ « Qu'elle n'est point contenue dans le traité commun des substances, et qu'elle est pourtant substance, esprit individuel »
XXVIII ­ « Que ce même esprit est simplement; et que les choses créées, comparées à lui, ne sont pas »
XXIX ­ « Que la parole de cet esprit est la même chose que Lui ; qu'Ils ne sont pourtant pas deux mais un seul esprit »
XXX « Que cette même Parole ne consiste pas en plusieurs verbes, mais qu'elle est un seul Verbe »
XXXI ­ « Que ce même Verbe n'est pas la ressemblance des choses qui furent faites mais la vérité de (leur) essence, et ces choses une certaine imitation de la vérité ; quelles natures sont plus et plus excellentes que les autres »
XXXII ­ « Que l'esprit suréminent se dit par un Verbe co­éternel »
XXXIII ­ « Qu'Il se dit et dit ce qu'Il a fait par un seul Verbe »
11/15
XXXIV ­ « Comment peut­Il paraître dire la créature par son Verbe »
XXXV ­ « Que tout ce qui fut fait est en son Verbe science, vie et vérité »
XXXVI ­ « De quelle incompréhensible manière Il dit ou sait les choses qu'Il fait »
XXXVII ­ « Que tout ce qu'il est par rapport à la créature, son Verbe l'est aussi ; et que tous deux pourtant ne forment pas pluralité »
XXXVIII ­ « Que ce qu'Ils sont en tant que deux ne peut se dire, bien qu'Ils soient nécessairement deux »
XXXIX ­ « Que le Verbe est, en naissant de l'esprit suréminent »
XL ­ « Que celui­ci est plus que vraiment parent, et celui­là enfant »
XLI ­ « Que celui­ci engendre plus que vraiment, et celui­là est engendré »
XLII ­ « Que l'un est plus que vraiment géniteur et Père, l'autre engendré et Fils »
XLIII ­ « Reconsidération de la communion des deux et des propriétés de chacun »
XLIV ­ « Comment l'un est essence de l'autre »
XLV ­ « Que le Fils peut se dire essence du Père de façon plus appropriée que le Père essence du Fils ; et que le Fils est semblablement sagesse, puissance du Père, et autres choses semblables »
XLVI ­ « Comment certaines (paroles) ici proférées peuvent être entendues autrement »
XLVII ­ « Que le Fils est l'intelligence de l'intelligence, la vérité de la vérité, et autres choses semblables »
XLVIII ­ « Que le Père est entendu dans la mémoire, comme le Fils dans l'intelligence ; et comment le Fils est intelligence et sagesse de la mémoire, mémoire du Père et de la mémoire »
XLIX ­ « Que l'esprit suréminent s'aime »
L ­ « Que le même amour procède également du Père et du Fils »
LI ­ « Que l'un et l'autre s'aime et aime l'autre d'un amour égal »
LII ­ « Que l'amour est lui­même aussi grand que l'esprit suréminent »
LIII ­ « Que ce même Amour est la même chose qu'est l'esprit suréminent ; et qu'il est pourtant un seul esprit avec le Père et le Fils »
LIV ­ « Que l'Amour procède tout entier du Père et tout entier du Fils ; qu'il n'est pourtant qu'un seul Amour »
LV ­ « Qu'Il n'est pas leur fils »
LVI ­ « Que le Père seul est géniteur et inengendré, le Fils seul engendré, et que l'Amour seul n'est ni géniteur ni engendré »
LVII ­ « Que ce même Amour est incréé et créateur comme le Père et le Fils : qu'Ils ne sont pourtant pas trois, mais un seul incréé et créateur ; et que l'Amour même peut­être dit Esprit du Père et du Fils »
LVIII ­ « De même que le Fils est l'essence ou la sagesse du Père, en ce sens qu'Il a même essence ou sagesse que le Père, de même l'Esprit est l'essence, la sagesse et autres choses semblables, du Père et du Fils »
LIX ­ « Que le Père, le Fils et leur Esprit sont également et mutuellement l'un dans l'autre »
LX ­ « Que nul d'entre eux n'a besoin de l'autre pour se souvenir, reconnaître ou aimer, parce que chacun est mémoire, intelligence, amour et tout ce qui appartient nécessairement à l'essence suréminente »
LXI ­ « Qu'Ils ne sont pas néanmoins trois pères, trois fils ou trois esprits de l'un et l'autre, mais un seul Père, un seul Fils et un seul Esprit de l'un et l'autre »
LXII ­ « Comment de nombreux fils paraissent naître d'eux »
LXIII ­ « Comment un seul n'est ici que d'un seul »
LXIV ­ « Que ceci, bien qu'inexplicable, doit pourtant être cru »
LXV ­ « Comment (quelque chose de) vrai fut­il discuté sur (cette) chose ineffable »
LXVI ­ « Que le meilleur accès à la connaissance de l'esprit suréminent (s'effectue) par l'esprit raisonnable »
LXVII ­ « Que l'esprit raisonnable est son miroir et son image »
LXVIII ­ « Que la créature raisonnable a été faite pour l'aimer »
LXIX ­ « Qu'en L'aimant toujours, l'âme vit un jour de manière vraiment heureuse »
12/15
LXX­ « Que l'essence suréminente rétribue celui qui L'aime »
LXXI ­ « Que celui qui la méprise sera éternellement malheureux »
LXXII ­ « Que toute âme humaine est immortelle »
LXXIII ­ « Qu'elle est toujours malheureuse ou un jour vraiment bienheureuse »
LXXIV ­ « Que nulle âme n'est injustement privée du bien suréminent ; et qu'l lui faut absolument tendre vers lui »
LXXV ­ « Que l'essence suréminente doit être espérée »
LXXVI ­ « Qu'il faut croire en elle »
LXXVII ­ « Qu'il faut croire également dans le Père, le Fils et leur Esprit, en chacun et dans les Trois ensemble »
LXXVIII ­ « Quelle est la foi vivante et la foi morte »
LXXIX ­ « Que l'essence suréminente peut d'une certaine façon se dire : Trois »
LXXX ­ « Qu'elle même domine sur toutes choses, régit toutes choses, et qu'elle est le seul Dieu »
4)→ Sommaire du Proslogion [traduction KOYRÉ] – titre premier : Fides quaerens intellectum
I ­ « Exhortation de l'esprit à la contemplation de Dieu »
II ­ « Que Dieu est véritablement »
III ­ « Que l'on ne peut penser que Dieu n'existe pas »
IV ­ « Comment l'insensé a­t­il dit en son cœur ce qui ne peut être pensé »
V ­ « Que Dieu est tout ce qu'il vaut mieux être que ne pas être, et que existant seul par lui­même il a fait toutes les autres choses de rien. »
VI ­ « Comment Dieu est sensible, bien qu'il ne soit pas corps »
VII ­ « Comment il est tout puissant, bien qu'il ne puisse pas faire beaucoup de choses »
VIII ­ « Comment il est miséricordieux et impassible »
IX ­ « Comment l' absolument et le souverainement juste épargne les méchants et que justement il a pitié d'eux »
X ­ « Comment il punit justement et justement épargne les méchants »
XI ­ « Comment toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité, et cependant Dieu est juste dans toutes ses voies »
XII ­ « Que Dieu est la vie même par laquelle il vit, et autres semblables »
XIII ­ « Comment il est seul incirconscrit et éternel, lorsque les autres esprits sont incirconscrits et éternels »
XIV ­ « De quelle manière et pourquoi Dieu est vu et n'est pas vu par ceux qui le cherchent »
XV ­ « Qu'il est plus grand que l'on ne peut penser »
XVI ­ « Que c'est là cette lumière inaccessible où il habite »
XVII ­ « Qu'il y a en Dieu l'harmonie, l'odeur, la saveur, la douceur, la beauté d'une manière ineffable qui lui est propre »
XVIII ­ « Que ni en Dieu ni dans son éternité qu'il est lui­même il n'y a de parties »
XIX ­ « Qu'il n'est pas dans le lieu ou le temps, mais que toutes choses sont en lieu »
XX ­ « Qu'il est avant toutes choses et après toutes, même éternelles »
XXI ­ « Est­ ce que ceci est le siècle du siècle ou les siècles des siècles »
XXII ­ « Que seul il est ce qu'il est, et celui qui est »
XXIII ­ « Que ce bien est d'une manière égale le Père, le Fils et l' Esprit Saint, et qu'il est l'unique nécessaire qui est tout bien, le bien tout entier, le seul bien »
XXIV ­ « Conjectures. Quel est ce bien et combien grand il est »
XXV ­ « Quels biens seront la part de ceux qui en jouiront et combien grands seront­ils »
XXVI ­ « Est­ce que telle est cette plénitude de joie que le Seigneur promet »
5)→ Extrait du Proslogion, II ­ « Que Dieu est véritablement ».
[polycopié distribué en supplément en cours – les corrections ci­dessous sont personnelles et le 13/15
texte latin est précisé en italique, tiré de la version de KOYRÉ]
« (…) Nous croyons que tu es quelque chose de tel que rien de plus grand ne puisse être pensé. Est­
ce qu'une telle nature n'existe pas, parce que l'insensé a dit en son cœur : Dieu [n'existe – n'est] [est] pas [Ps. 13] ? Mais du moins cet insensé, en entendant ce que je dis : quelque chose de tel que rien de plus grand ne puisse être pensé, comprend ce qu'il entend ; et ce qu'il comprend est dans son intelligence, même s'il ne comprend pas que cette chose existe. Autre chose est d'être dans l'intelligence, autre chose exister [Aliud enim est rem esse in intellectu, aliud intelligere rem esse /traduction proposée par KOYRÉ : « En effet, avoir une chose dans la pensée n'est pas la même chose que comprendre que cette chose existe »]. […]
Et certes l' Être qui est tel que rien de plus grand ne puisse être pensé, ne peut être dans la seule intelligence ; même, en effet, s'il est dans la seule intelligence, on peut imaginer un être comme lui qui existe aussi dans la réalité et qui est donc plus grand que lui. Si donc il était dans la seule intelligence, l'être qui tel que rien de plus grand ne puisse être pensé serait tel que quelque chose de plus grand pût être pensé. »
6)→ Psaume 13, Bible traduction TOB :
[Il est souvent fait référence à ce psaume au gré des écrits de saint Anselme]
« Du chef de chœur. Psaume de David.
Jusqu'à quand SEIGNEUR ? M'oublieras­tu toujours ?
Jusqu'à quand me cacheras­tu ta face ?
Jusqu'à quand me mettrai­je en souci,
le chagrin au cœur tout le jour ?
Jusqu'à quand mon ennemi aura­t­il le dessus ?
Regarde, réponds­moi SEIGNEUR mon Dieu !
Laisse la lumière à mes yeux, sinon je m'endors dans la mort,
mon ennemi dira : « Je l'ai vaincu »,
et mes adversaires jouiront de ma chute.
Moi je compte sur ta fidélité :
que mon cœur jouisse de ton salut,
que je chante au SEIGNEUR pour le bien qu'il m'a fait ! »
7)→ Exode 3, 14, Bible traduction TOB
[Référence biblique incontournable dans le cadre de réfléxion médiévale sur le nom de Dieu]
« Dieu dit à Moïse : « JE SUIS QUI JE SERAI. » Il dit : « Tu parleras ainsi aux fils d'Israël : JE SUIS m'a envoyé vers vous. »
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VII. BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages de saint Anselme de Cantorbéry :
L'œuvre de S. Anselme de Cantorbéry Tome 1. Monologion ; Prologion, traduction par Michel CORBIN, édition du Cerf, 1986. Cet ouvrage contient également Ce que quelqu'un peut répondre au nom de l'insensé, réponse de saint Anselme dans sa controverse avec le moine Gaunilon.
L'incarnation du Verbe, in L'œuvre de S. Anselme de Cantorbéry Tome 3, traduction par Michel CORBIN, édition du Cerf, 1986
Proslogion, traduction par Alexandre KOYRÉ, 1937
Commentaires :
J­L. MARION, Dieu sans l'être
P. RICOEUR, « De l'interprétation à la traduction » in Penser la Bible, avec A. LACOCQUE
VIGNAUX, De saint Anselme à Luther (notamment pages 192 à 110)
K. BARTH La preuve de l'existence de Dieu, édition de la Bibliothèque théologique
Références bibliques, traduction de la TOB :
Exode, 3, 14
Psaume 13
Dictionnaire latin­français : Le Grand GAFFIOT, Félix GAFFIOT, édition Hachette (2000)
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