Dans cet environnement, une nouvelle extension des achats d'actifs pourrait s'avérer nécessaire pour renforcer la
confiance de manière générale. C'est pourquoi la BCE a décidé de faire passer les rachats de titres obligataires d'un
montant de 60 à 80 milliards d'euros par mois (à partir du mois d'avril) et d'intégrer dans son programme les obligations
d'entreprise libellées en euros de qualité investment grade (émises par des entreprises autres que des banques qui sont
établies en zone euro). Les achats de la BCE des obligations d'entreprise pourraient servir à limiter la liquidité d'un
marché pour lequel les investisseurs estiment que la négociation a été rendue plus difficile après que les banques
se soient délestées de leurs titres obligataires pour préserver leur capital à la suite du durcissement des règles.
En conclusion, la BCE a fait son travail mais ne peut à elle seule remettre la Chine sur les rails ou réorienter la
stratégie suivie par les acteurs des secteurs public et privé, qui continuent d'afficher un comportement très
prudent et anti-cyclique. À défaut de mesures fiscales de la part des pays qui peuvent stimuler davantage les dépenses
publiques et diminuer les taxes, Mario Draghi restera, dans le faits, impuissant.
Ceci explique pourquoi les investisseurs obligataires sont de plus en plus confrontés à une nouvelle réalité, dans
laquelle les taux négatifs sont devenus la norme en raison des craintes autour de l'économie mondiale. En
Allemagne, l'accroissement de la demande pour les valeurs refuges a poussé les rendements moyens sous la barre de 0 %
pour environ 1 000 milliards d'euros de titres. Au Japon, les cours obligataires sont à ce point élevés que pratiquement deux
tiers des emprunts d'État proposent aujourd'hui des taux négatifs. Dans tous les pays du G7, les emprunts de référence à 10
ans rapportent moins de 2 %. Même le rendement des bons du Trésor américain se trouve maintenant à 1,77 % après avoir
perdu environ 50 points de base cette année. L'avantage de taux dont bénéficie traditionnellement la dette US par rapport aux
obligations souveraines européennes et japonaises n'est plus aussi évident.
Maintenant que la tempête sur les marchés financiers a fait de la sécurité la priorité numéro un des investisseurs,
ces derniers se rendent compte qu'ils ne disposent pas de beaucoup de solutions. Même aux États-Unis, pays qui
est depuis longtemps la destination privilégiée des investisseurs en période de tensions, les bons du Trésor sont à ce point
demandés que lorsque leurs cash-flows sont convertis en euros, leurs rendements sont encore plus faibles que ceux des
Bunds allemands, pourtant médiocres. Pour les acheteurs en euros de bons du Trésor à 10 ans, la conversion des
paiements d'intérêts en dollars en euros sur l'ensemble de la durée de vie des titres aura pour effet de faire baisser le
rendement à 0,15 % (estimation basée sur les prévisions futures de taux et de change), soit moins que le rendement de 0,2
% des Bunds allemands à 10 ans. Pour les investisseurs japonais, la situation est encore pire, avec un rendement, après
conversion en yens, de -0,7 %.
Ce phénomène s'est déjà confirmé. Le rendement de 2,1 % enregistré en février par les bons du Trésor se transforme, en
effet, en une perte de 0,2 % une fois converti en euros. En yens, cette perte grimpe même à 4,2 %. Et ce n'est pas tout. S'ils
couvrent leur risque de change, les acheteurs en euros ne gagnent même pas plus que s'ils investissaient simplement dans
des Bunds allemands.
La situation est relativement compliquée. Les risques pesant sur les actifs considérés comme des valeurs refuges
ont augmenté alors que les rendements ne cessent de baisser. Si le compromis qui consiste à perdre un peu d'argent
en échange de la sécurité offerte par les obligations d'État reste acceptable aux yeux des investisseurs prudents,
d'importants risques n'en restent pas moins présents.
L'année passée, le spectre de la déflation et l'instauration par la BCE d'un programme d'assouplissement quantitatif
(QE) ont fait baisser le rendement moyen des dettes de la zone euro à un plancher historique de 0,475 % et le