TRÉSOR-ÉCO – n° 168 – Avril 2016 – p.4
été utilisée pour augmenter l'épargne, dans un contexte
d'incertitudes et de désendettement.
2.2 Les effets négatifs sur les pays exportateurs,
accentués par des politiques pro-cycliques
rendues nécessaires par le niveau très bas du
prix du pétrole
Le niveau très bas du prix du pétrole contraint les
marges de manœuvre des pays exportateurs et les
amène à mener des politiques économiques qui
amplifient le recul de l'activité.
Dans les pays en
change flexible, la baisse du prix du pétrole provoque la
dépréciation des taux de change qui permet l'ajustement
extérieur mais fragilise les entreprises et les États
endettés en devises. La dépréciation des devises génère
de l'inflation importée qui contraint les politiques
économiques. En Russie par exemple, la dépréciation du
rouble (55 % vis-à-vis du dollar en 2014-2015) accroît
les tensions inflationnistes et force la banque centrale à
maintenir un taux d'intérêt directeur élevé (11 %), ce
qui pèse sur l'activité. Dans les pays en change fixe, la
baisse des réserves de change fragilise le maintien de la
parité. En Arabie Saoudite, les réserves sont de plus en
plus sollicitées pour financer le premier déficit courant
(8 % du PIB en 2015) depuis la fin des années 1990,
mais elles demeurent suffisantes à court terme pour
amoindrir l'impact négatif de la baisse des prix.
La baisse des recettes budgétaires contraint les
pays exportateurs à mener une politique budgé-
taire restrictive.
La plupart des pays pétroliers est
confronté à une détérioration de leurs finances publi-
ques en raison d'une diversification insuffisante de leur
économie et d'un prix du baril inférieur à celui permet-
tant d'équilibrer le budget. En Russie, les autorités ont
décidé de réduire de 10 % les dépenses (hors dépenses
militaires et sociales et service de la dette), ce qui ne
suffit toutefois pas à empêcher le creusement du déficit
(3 % du PIB en 2015,
cf.
graphique 4). La baisse des
prix des carburants permet aussi à certains pays expor-
tateurs (mais aussi certains importateurs) de diminuer
leurs subventions énergétiques : au Venezuela par
exemple, le prix des carburants a été rehaussé pour la
première fois depuis les années 1990 face à l’ampleur
du déficit public (24 % du PIB).
Graphique 5 : évolution des soldes budgétaires, en % du PIB
Sources : FMI WEO octobre 2015 pour le Vénézuela, nationales pour la Russie
et l’Arabie Saoudite, prévisions en 2015.
2.3 La transmission de la baisse du prix du pétrole
à la sphère financière
La baisse du prix du pétrole provoque une dégra-
dation des finances publiques des pays exporta-
teurs. Les principaux fonds souverains ont réduit
leurs achats d’actifs, voire dans certains cas ont
commencé à vendre une partie de leurs actifs
pour financer les déficits publics
tout en évitant
d’accroitre excessivement la dette publique.
Ces
comportements – plus marqués que par le passé du fait
de l’ampleur de la baisse des prix et des anticipations
d’une faiblesse durable des prix – ont pu exercer une
pression à la baisse sur le prix de certains actifs, en
particulier obligataires, et une hausse des taux d’intérêt
qui pénaliserait la croissance mondiale. Néanmoins,
dans les pays bénéficiant de la baisse du prix du pétrole,
les investissements financiers peuvent être stimulés, ce
qui
a minima
atténue l’impact négatif à en attendre sur
le prix des actifs.
2.4 Par ailleurs, la baisse du prix du pétrole peut
favoriser un décrochage des anticipations
d’inflation qui complique la tâche de la politique
monétaire
La chute du prix du pétrole peut déclencher des
effets de second tour sur la dynamique générale
des prix qui contreviennent aux objectifs des
principales banques centrales
, ce que la Banque
centrale européenne (BCE) définit comme « maintenir
l’inflation à des taux inférieurs à, mais proches de 2 % à
moyen terme ». Même si elles ne réagissent pas directe-
ment aux mouvements des prix du pétrole, elles peuvent
cependant être contraintes de le faire quand ces derniers
favorisent un environnement désinflationniste. Une tel
environnement peut être déclenché par des effets de
second tour, la baisse du prix du pétrole se diffusant aux
autres prix et aux anticipations d’inflation à moyen
terme. La crainte que de tels phénomènes se matériali-
sent a ainsi contribué à conduire la BCE à assouplir
davantage sa politique monétaire en mars 2016. Dans un
contexte où les politiques monétaires sont déjà très
accommodantes et où les taux directeurs ne peuvent être
baissés au-delà de certains niveaux, cet assouplissement
passe prioritairement par l’adoption de mesures non-
conventionnelles qui poussent les banques centrales
hors de leur zone de confort.
2.5 À ces facteurs pouvant amoindrir l'effet positif
de la baisse du prix du pétrole sur l'économie
mondiale s'ajoute une exposition accrue des
États-Unis au secteur énergétique
La forte augmentation de la production pétrolière
aux États-Unis depuis 2009 rend l'économie
américaine plus vulnérable à la baisse du prix du
pétrole.
La production pétrolière américaine s'est
stabilisée depuis fin 2014 - début 2015 sous l'effet de la
baisse du prix du baril. De plus, les investissements dans
le secteur énergétique ont diminué (5 % des investisse-
ments totaux contre près de 10 % sur la période 2010-
2014). La crise du secteur énergétique dégrade égale-
-30%
-25%
-20%
-15%
-10%
-5%
0%
5%
10%
Russie Arabie Saoudite Venezuela
2013 2014 2015