Baisse du prix du pétrole - Direction Générale du Trésor

n° 168
Avril 2016
Baisse du prix du pétrole : quelles
conséquences pour l'économie mondiale et
pour la France ?
Restés à plus de 100 $ entre 2011 et mi-2014, les cours du pétrole ont connu une chute brutale,
de plus de 70 %, depuis l'été 2014. Cette baisse s'expliquait initialement à la fois par une
demande mondiale de pétrole brut décevante et un bon approvisionnement des marchés.
Depuis mi-2015, compte tenu d'une demande mondiale de pétrole globalement en ligne avec
les anticipations, elle reflèterait davantage le maintien de quotas élevés de production de
l'Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) et la forte production nord-américaine
de pétrole non-conventionnel. En 2016, l'offre de pétrole pourrait rester abondante selon
l'Agence Internationale de l'Énergie, alors que la baisse des cours tarde à se traduire par une
baisse sensible de la production non conventionnelle (pétrole de roche mère) aux États-Unis,
et que l'Iran pourrait augmenter de 20 % sa production sur l'année.
Par le passé, l'effet d'une baisse du prix du pétrole était très positif pour l'économie mondiale.
Cet effet positif sur l'activité provenait d'une part de la baisse du coût d'un intrant pour toutes
les entreprises non pétrolières et, du côté de la demande au niveau mondial, de la
redistribution opérée entre les pays producteurs et les pays consommateurs (les pays
exportateurs de matières premières épargnent historiquement plus leur revenu que les autres
pays).
L’impact de la baisse actuelle sur l'économie mondiale resterait positif, mais plusieurs effets,
potentiellement cumulables, pourraient en limiter l'ampleur :
(i)
les effets positifs pour les pays
importateurs pourraient être plus longs à se manifester,
(ii)
la situation très difficile dans
laquelle la faiblesse des prix place de nombreux pays exportateurs les a amené à mettre en
œuvre des politiques économiques restrictives,
(iii)
la réduction d’achats ou la vente d’actifs
financiers par les fonds souverains pétroliers. En outre, la baisse du prix du pétrole peut
favoriser un décrochage des anticipations d’inflation qui complique la tâche de la politique
monétaire. Par ailleurs, l’économie américaine est affectée par son exposition accrue au
secteur énergétique.
En tout état de cause, la baisse actuelle du prix du pétrole soutient sans conteste l'activité en
zone euro, et en France en particulier. En France, les ménages verraient leur pouvoir d'achat
augmenter de façon directe à court terme via la baisse des prix des carburants. Les entreprises
bénéficieraient de baisses de leurs coûts de production, ce qui leur permettrait de reconstituer
leurs marges, d'investir davantage ou de baisser leurs prix pour gagner en compétitivité. Ainsi,
la baisse du prix du pétrole observée depuis la présentation du projet de loi de finances 2016
en septembre dernier viendrait soutenir
l'activité à hauteur de 0,1 point en 2016 et de
0,15 point en 2017.
Les effets positifs de la baisse du prix du
pétrole pourraient néanmoins se matérialiser
à un rythme différent de celui observé en
temps normal. En effet, d’un côté, les
entreprises ont toujours un taux de marge en
dessous de son niveau d’avant crise et un
niveau d’endettement élevé, ce qui pourrait
les conduire à épargner davantage les gains
permis par la baisse du prix du pétrole plutôt
que de les utiliser pour baisser leur prix. D'un
autre côté, les ménages pourraient
consommer plus rapidement les gains de
pouvoir d'achat liés à la baisse du prix du
pétrole notamment si les incertitudes autour
de l'environnement économique se
dissipaient plus rapidement.
Source : DataInsight.
Cours du Brent en $
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Dernier point : 28 mars 2016
$
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1. Depuis l'été 2014, le prix du pétrole a connu une chute brutale et prolongée sous l'effet d'une offre qui
est restée abondante et d'une demande qui, au moins au début de la période, a pu décevoir
1.1 Les cours du pétrole ont connu une chute
brutale et prolongée, de plus de 70 % depuis juin
2014
Cette forte baisse des cours du Brent s'est faite en deux
temps.
Une première baisse, de juin à octobre
2014, s'expliquerait à la fois par une demande
mondiale de pétrole plus faible qu'attendue et un
bon approvisionnement des marchés.
Durant cette
période, au cours de laquelle les cours sont passés de
110 $ environ à moins de 80 $, le FMI estime que la
faiblesse de la demande a été prépondérante
1
, ce que
reflète aussi la chute des cours des autres matières
premières.
Cette première baisse a été suivie d'une
seconde phase, qui dure depuis fin 2014 et reflé-
terait davantage des facteurs d'offre.
Graphique 1 : cours du Brent en $
Source : DataInsight.
Plusieurs facteurs concourent à l'abondance de l'offre
sur les marchés pétroliers :
La production nord-américaine de pétrole
non-conventionnel
(pétrole de roche mère,
notamment de schiste, aux États-Unis)
a été en
augmentation constante de 2009 à mi-2015
. La
production de pétrole brut des États-Unis est passée
de 5 à 9 millions de baril par jour (Mb/j) en 5 ans
2
.
La production américaine a ainsi atteint son plus
haut niveau en 44 ans au printemps 2015.
L'OPEP alimente les marchés à plus de 32 Mb/j de
pétrole brut
3
.
Malgré la première baisse des
prix et une offre abondante, l'OPEP a décidé
en décembre 2014 de ne pas réduire sa pro-
duction comme elle avait pu le faire par le
passé pour soutenir les prix.
Se faisant, elle
chercherait à maintenir durablement les cours du
pétrole bas pour freiner les investissements et
l'exploration non-conventionnelle en Amérique du
Nord. Cherchant à maintenir ses parts de marchés,
l'OPEP, Arabie Saoudite en tête, a augmenté sa pro-
duction d'environ 1 Mb/j entre 2014 et 2015.
Début 2016, les marchés ont réagi à l'accord
effectif sur le programme nucléaire iranien,
survenu en janvier, qui entraine la levée des sanc-
tions internationales appliquées à l'Iran (embargo
pétrolier notamment) et devrait permettre à Téhéran
d'augmenter sa production de pétrole et d'exporter
sur les marchés mondiaux, européens en particulier.
1.2 En 2016, l'offre de pétrole pourrait rester
abondante, l'Agence Internationale de l'Énergie
ne prévoyant pas de rééquilibrage du marché
avant début 2017
En Amérique du Nord, notamment aux États-
Unis, la baisse des cours tarde à se traduire
par une baisse sensible de la production.
Cer-
tes, le nombre de plateformes pétrolières de forage
en exploitation a chuté de 1600 à 700 environ sur
l’année 2015. Cependant, la chute des cours a aussi
entrainé une forte réduction des coûts et une optimi-
sation de la production. Selon l'AIE plusieurs
champs de pétrole non-conventionnel du Texas et du
Dakota ont ainsi vu leur production augmenter de
25 % depuis mi-2014. Après avoir atteint une pro-
duction record de 9,4 Mb/j en 2015, la production
de pétrole brut des États-Unis devrait baisser à
8,8 Mb/j en 2016, un niveau toutefois supérieur à sa
production de début 2014.
Graphique 2 : offre de pétrole brut aux États-Unis
Source : Rapport AIE, Février 2016.
(1)
World Economic Outlook
, Fonds Monétaire International, Avril 2015.
(2)
Oil Market Report
, Agence Internationale de l'Énergie, Juillet 2015.
(3) La production totale de l'OPEP (Pétrole brut, gaz naturel liquéfié et pétrole non-conventionnel) a atteint 38 Mb/j au 3
e
trimestre
2015, sur une offre mondiale de pétrole de 96 Mb/j.
20
40
60
80
100
120
janv. 09 juil. 09 janv. 10 juil. 10 janv. 11 juil. 11 janv. 12 juil. 12 janv. 13 juil. 13 janv. 14 juil. 14 janv. 15 juil. 15 janv. 16
Dernier point : 28 mars 2016
$
7000
7500
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8500
9000
9500
juil.-13 déc.-13 mai-14 oct.-14 mars-15 août-15 janv.-16 juin-16 nov.-16
Prévisions
milliers de baril /j
TRÉSOR-ÉCO – n° 168 – Avril 2016 – p.3
Graphique 3 : offre de pétrole OPEP et non-OPEP
Source : AIE février 2016. Gel de l’offre de pétrole totale (pétrole brut, LGN, non-
conventionnel) de l’OPEP (pour laquelle l’AIE ne fait pas de prévision) au niveau
du T4 2015 ; prévision AIE pour les autres données.
L'OPEP continuerait d'alimenter les marchés à
hauteur de 32 Mb/j de pétrole brut environ en
2016.
Aux productions saoudienne et irakienne
s'ajouterait rapidement la production iranienne à la
suite de l'accord sur le programme nucléaire de
Téhéran. La production iranienne de pétrole brut, de
3,2 Mb/j aujourd'hui (exportés à 40 % vers la
Chine), pourrait ainsi atteindre 3,8 Mb/j d'ici 2017.
L'accord passé mi-février entre le Qatar, l'Ara-
bie Saoudite, la Russie et le Venezuela en vue
de maintenir leur production au niveau de
janvier et d'ancrer les anticipations du marché
n'a pas entrainé de remontée des cours
:
i)
la
production de janvier a été très élevée pour ces pays,
ii)
certains observateurs doutent que la Russie res-
pecte ses accords avec l'Arabie Saoudite sur des
niveaux de production, et
iii)
l'Iran n'est pas à ce
stade signataire de cet accord.
La demande mondiale de pétrole devrait légère-
ment ralentir en 2016, selon les dernières pré-
visions de l'AIE.
En 2015, la demande mondiale de
pétrole aurait été très dynamique (+1,6 Mb/j à
94,4 Mb/j) soutenue par la faiblesse des cours et la
reprise de l'activité notamment en zone euro. En 2016,
selon l'AIE, la demande mondiale de pétrole ralentirait
(+1,2 Mb/j à 95,6 Mb/j).
1.3 Ces perspectives restent néanmoins
entourées de nombreux aléas
Plusieurs facteurs pourraient concourir à davan-
tage de production de pétrole à l'échelle
mondiale
, notamment l'augmentation de la production
du Kurdistan irakien, considéré comme l’une des
réserves mondiales majeures de pétrole brut, et la stabi-
lisation de la production libyenne.
À l'inverse
, une
aggravation du conflit en Syrie, au Yémen et des tensions
entre Arabie Saoudite et Iran pourraient entrainer une
remontée des cours. Par ailleurs, selon l'AIE, les inves-
tissements et dépenses en capitaux dans le secteur pétro-
lier ont diminué de 20 % en 2015 en lien avec la chute
des cours, une réduction qui s'accentuerait en 2016. À
moyen terme, cette réduction des investissements pour-
rait amoindrir l'offre mondiale de pétrole, constituant
un aléa haussier sur les cours.
Graphique 4 : évolution de la demande de pétrole OCDE et non OCDE
Source : AIE février 2016 (les demandes pour 2016 sont des prévisions de l’AIE).
2. L'effet de la baisse du prix du pétrole resterait positif pour l'économie mondiale, mais plusieurs
facteurs l'amoindrissent aujourd'hui, en particulier à court terme
Une baisse du prix du pétrole a eu par le passé un
effet très positif sur l'économie mondiale.
En effet,
la baisse du prix du pétrole représente la baisse du coût
d'un intrant de la production au niveau mondial.
Lorsqu'elle a constitué un choc d'offre favorable au
niveau mondial, elle a induit une baisse des prix, une
hausse de la production et une baisse du chômage struc-
turel. Si la baisse du prix du pétrole provient d'un choc
positif d'offre de pétrole, elle permettra
a priori
d'augmenter l'activité mondiale ; si elle provient d'un
choc négatif de demande de pétrole (ralentissement de
la croissance mondiale par exemple), elle viendra alors
atténuer l'effet négatif de ce choc initial.
L'effet d'une baisse du prix du pétrole vient aussi de son
effet redistributif entre pays producteurs et pays
consommateurs. L'effet net sur le PIB mondial de cette
redistribution est généralement positif car les exporta-
teurs tendent à avoir une faible propension marginale à
consommer, du moins en période de prix du pétrole
élevés.
Dans les circonstances actuelles, l'impact de la baisse du
prix du pétrole sur l'économie mondiale resterait positif,
mais plusieurs facteurs, potentiellement cumulables,
pourraient en limiter l'ampleur.
2.1 La lenteur des effets de diffusion dans les pays
importateurs
L'effet positif de la baisse du prix du pétrole
semble se diffuser lentement dans certains pays
importateurs.
Les entreprises ont profité de la baisse
du prix du pétrole pour reconstituer leurs marges dans
certains pays (zone euro, États-Unis hors secteur de
l'énergie), au lieu d'accroître leurs investissements ou
de baisser leur prix. De la même façon, certains États
(Argentine, Brésil, Indonésie) ont pu capter une partie
de la baisse du prix du pétrole afin de consolider leurs
finances publiques par exemple au travers d'une baisse
des subventions aux carburants, comme l'a fait le Maroc
récemment. Concernant les ménages, une part impor-
tante de la baisse de la facture énergétique semble avoir
44
46
48
50
52
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2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016
OPEP Non-OPEP (ech. D)
PrévisionsMbj
Mbj
-3
-2
-1
0
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2
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2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016
Non-OCDE OCDE Total
v.a. en Mbj
TRÉSOR-ÉCO – n° 168 – Avril 2016 – p.4
été utilisée pour augmenter l'épargne, dans un contexte
d'incertitudes et de désendettement.
2.2 Les effets négatifs sur les pays exportateurs,
accentués par des politiques pro-cycliques
rendues nécessaires par le niveau très bas du
prix du pétrole
Le niveau très bas du prix du pétrole contraint les
marges de manœuvre des pays exportateurs et les
amène à mener des politiques économiques qui
amplifient le recul de l'activité.
Dans les pays en
change flexible, la baisse du prix du pétrole provoque la
dépréciation des taux de change qui permet l'ajustement
extérieur mais fragilise les entreprises et les États
endettés en devises. La dépréciation des devises génère
de l'inflation importée qui contraint les politiques
économiques. En Russie par exemple, la dépréciation du
rouble (55 % vis-à-vis du dollar en 2014-2015) accroît
les tensions inflationnistes et force la banque centrale à
maintenir un taux d'intérêt directeur élevé (11 %), ce
qui pèse sur l'activité. Dans les pays en change fixe, la
baisse des réserves de change fragilise le maintien de la
parité. En Arabie Saoudite, les réserves sont de plus en
plus sollicitées pour financer le premier déficit courant
(8 % du PIB en 2015) depuis la fin des années 1990,
mais elles demeurent suffisantes à court terme pour
amoindrir l'impact négatif de la baisse des prix.
La baisse des recettes budgétaires contraint les
pays exportateurs à mener une politique budgé-
taire restrictive.
La plupart des pays pétroliers est
confronté à une détérioration de leurs finances publi-
ques en raison d'une diversification insuffisante de leur
économie et d'un prix du baril inférieur à celui permet-
tant d'équilibrer le budget. En Russie, les autorités ont
décidé de réduire de 10 % les dépenses (hors dépenses
militaires et sociales et service de la dette), ce qui ne
suffit toutefois pas à empêcher le creusement du déficit
(3 % du PIB en 2015,
cf.
graphique 4). La baisse des
prix des carburants permet aussi à certains pays expor-
tateurs (mais aussi certains importateurs) de diminuer
leurs subventions énergétiques : au Venezuela par
exemple, le prix des carburants a été rehaussé pour la
première fois depuis les années 1990 face à l’ampleur
du déficit public (24 % du PIB).
Graphique 5 : évolution des soldes budgétaires, en % du PIB
Sources : FMI WEO octobre 2015 pour le Vénézuela, nationales pour la Russie
et l’Arabie Saoudite, prévisions en 2015.
2.3 La transmission de la baisse du prix du pétrole
à la sphère financière
La baisse du prix du pétrole provoque une dégra-
dation des finances publiques des pays exporta-
teurs. Les principaux fonds souverains ont réduit
leurs achats d’actifs, voire dans certains cas ont
commencé à vendre une partie de leurs actifs
pour financer les déficits publics
tout en évitant
d’accroitre excessivement la dette publique.
Ces
comportements – plus marqués que par le passé du fait
de l’ampleur de la baisse des prix et des anticipations
d’une faiblesse durable des prix – ont pu exercer une
pression à la baisse sur le prix de certains actifs, en
particulier obligataires, et une hausse des taux d’intérêt
qui pénaliserait la croissance mondiale. Néanmoins,
dans les pays bénéficiant de la baisse du prix du pétrole,
les investissements financiers peuvent être stimulés, ce
qui
a minima
atténue l’impact négatif à en attendre sur
le prix des actifs.
2.4 Par ailleurs, la baisse du prix du pétrole peut
favoriser un décrochage des anticipations
d’inflation qui complique la tâche de la politique
monétaire
La chute du prix du pétrole peut déclencher des
effets de second tour sur la dynamique générale
des prix qui contreviennent aux objectifs des
principales banques centrales
, ce que la Banque
centrale européenne (BCE) définit comme « maintenir
l’inflation à des taux inférieurs à, mais proches de 2 % à
moyen terme ». Même si elles ne réagissent pas directe-
ment aux mouvements des prix du pétrole, elles peuvent
cependant être contraintes de le faire quand ces derniers
favorisent un environnement désinflationniste. Une tel
environnement peut être déclenché par des effets de
second tour, la baisse du prix du pétrole se diffusant aux
autres prix et aux anticipations d’inflation à moyen
terme. La crainte que de tels phénomènes se matériali-
sent a ainsi contribué à conduire la BCE à assouplir
davantage sa politique monétaire en mars 2016. Dans un
contexte où les politiques monétaires sont déjà très
accommodantes et où les taux directeurs ne peuvent être
baissés au-delà de certains niveaux, cet assouplissement
passe prioritairement par l’adoption de mesures non-
conventionnelles qui poussent les banques centrales
hors de leur zone de confort.
2.5 À ces facteurs pouvant amoindrir l'effet positif
de la baisse du prix du pétrole sur l'économie
mondiale s'ajoute une exposition accrue des
États-Unis au secteur énergétique
La forte augmentation de la production pétrolière
aux États-Unis depuis 2009 rend l'économie
américaine plus vulnérable à la baisse du prix du
pétrole.
La production pétrolière américaine s'est
stabilisée depuis fin 2014 - début 2015 sous l'effet de la
baisse du prix du baril. De plus, les investissements dans
le secteur énergétique ont diminué (5 % des investisse-
ments totaux contre près de 10 % sur la période 2010-
2014). La crise du secteur énergétique dégrade égale-
-30%
-25%
-20%
-15%
-10%
-5%
0%
5%
10%
Russie Arabie Saoudite Venezuela
2013 2014 2015
TRÉSOR-ÉCO – n° 168 – Avril 2016 – p.5
ment la situation financière des entreprises pétrolières et
la qualité des actifs bancaires. Ainsi, le pourcentage de
défaut pour la dette
high yield
émise par les producteurs
de gaz ou de pétrole aux États-Unis a atteint 11,3 % en
décembre 2015, un record depuis 2000, date de créa-
tion de cet indicateur par
Fitch Ratings
. Toutefois,
l'exposition globale du secteur bancaire américain reste
modérée.
3. La baisse des prix du pétrole a des effets positifs sur l'économie française
3.1 La baisse du prix du pétrole induit un transfert
de richesses du reste du monde vers l'économie
française
Les variations du prix du pétrole affectent direc-
tement l'économie française au travers de la
facture énergétique.
L'économie française étant
importatrice nette de produits pétroliers, une baisse du
prix du baril améliore le déficit commercial énergétique
(
cf.
schéma effet 1) et augmente le revenu national. Plus
précisément, une baisse du prix du baril a trois effets
distincts sur la facture énergétique française, avant ajus-
tement éventuel des quantités : elle réduit la valeur du
pétrole brut importé par l'économie française, la valeur
des produits pétroliers raffinés importés, et la valeur des
exportations de produits pétroliers raffinés français.
Alors que le projet de loi de finances pour 2016
retenait l'hypothèse d'un baril à 55 $, le prix du
pétrole a continué à baisser et évolue fin mars
2016 à un niveau proche de 38 $ le baril. Cette
évolution entraînerait une réduction de la facture
énergétique française qui atteindrait au
maximum 3 Md
en 2015 et environ 13 Md
en
2016
(voir encadré 1). À court terme, environ 40 % de
cette réduction de la facture énergétique, soit environ
5Md
en 2016, bénéficierait directement aux ménages
sous la forme d'une baisse des prix à la pompe ; le reste
reviendrait essentiellement aux entreprises non finan-
cières, au travers d'une baisse des prix de leurs consom-
mations intermédiaires en produits pétroliers. Les admi-
nistrations publiques verraient également leur facture
énergétique se réduire, mais de façon plus marginale
dans la mesure où leur activité est peu intense en
produits pétroliers.
3.2 La baisse du prix du pétrole bénéficierait
rapidement aux marges des entreprises et
soutiendrait le pouvoir d'achat des ménages à
court et moyen terme
La baisse du prix du pétrole bénéficie aux entre-
prises en diminuant leurs coûts de production, ce
qui se traduit mécaniquement à court terme par
une hausse du taux de marge des entreprises non
financières.
Toutefois, la baisse des prix du pétrole ne
touche pas uniformément tous les secteurs de
l'économie, et se diffuse en plusieurs temps.
À court terme, le secteur d'activité qui bénéficie
immédiatement de la baisse du prix du baril est
l'industrie du raffinage,
pour laquelle la part du
pétrole brut dans les consommations intermédiaires
atteint 65 %. La hausse des marges dans l'industrie du
raffinage ne serait néanmoins que de courte durée, car
les évolutions observées dans le passé suggèrent que la
baisse du prix du baril se transmettrait rapidement aux
prix de production des raffineurs et se traduirait par une
baisse du prix des produits pétroliers raffinés (effet 2).
Cette diminution du coût des produits pétroliers raffinés
(qu'ils soient produits en France ou directement
importés) profite alors aux secteurs utilisateurs, et
notamment ceux dont le processus de production est le
plus intense en produits pétroliers : l'industrie manufac-
turière (notamment la chimie et la fabrication de plasti-
ques), l'agriculture et le secteur des transports. Ces
secteurs connaissent donc une baisse de leurs coûts de
production et symétriquement une hausse de leurs
marges à court terme.
À moyen terme, la baisse du prix du baril se
transmet au reste de l'économie, au fur et à
mesure que les secteurs directement touchés
répercutent la baisse du coût de leurs consomma-
tions intermédiaires énergétiques sur leurs prix
de vente
(effet 3). Les secteurs situés en aval dans la
chaîne de la production profitent ainsi indirectement de
la baisse des prix du pétrole
via
la baisse des prix de
leurs consommations intermédiaires (effet 4). Le rythme
Encadré 1 :
comment mesurer la réduction de la facture énergétique française ?
La réduction du déficit énergétique français due à la baisse du prix du pétrole observée depuis les hypothèses du projet de
loi de finances pour 2016 (octobre 2015) a été évaluée selon une approche comptable. Cette méthode consiste à répercuter
la baisse du prix du baril sur la valeur des importations et des exportations de produits pétroliers prévues au moment du
PLF pour 2016, de façon à en déduire l'amélioration du solde commercial énergétique résultant de la baisse du baril. Selon
cette méthode, l'amélioration du solde commercial énergétique français serait proche de 3 Md
en 2015, et 13 Md
en 2016
(en niveau).
Il convient toutefois de noter que cette méthode tend à surestimer la réduction de la facture énergétique. En effet, celle-ci
pourrait être amoindrie par les mécanismes suivants :
les délais d'ajustement des prix des importations et des exportations de produits pétroliers, qui s'ajustent avec retard aux
variations du prix du pétrole ;
la baisse du prix du pétrole par rapport aux autres prix peut inciter les ménages à consommer davantage de produits
pétroliers, d'autant que la baisse du prix du pétrole augmente également à court terme leur pouvoir d'achat ;
les effets de bouclage macroéconomique : la baisse du prix du pétrole a un effet favorable sur la croissance ; ce surcroît
d'activité économique augmente les besoins énergétiques de l'appareil productif et contribue à augmenter les volumes
d'importations de produits pétroliers.
Une évaluation prenant en compte ces mécanismes aboutirait à une réduction de la facture énergétique légèrement moins
importante que dans l'approche comptable.
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