Diagnostic
Update
L’hyperthyroïdie féline est le principal dysfonctionnement
thyroïdien rencontré chez le chat. Elle est liée à une hypersécré-
tion autonome de T4, qui échappe au contrôle régulateur de l’axe
thyréotrope (Fig. 1) et provoque l’apparition d’un certain nombre
de symptômes. Chez les animaux présentant des symptômes
cliniques évocateurs, le diagnostic d’hyperthyroïdie, s’effectue,
dans la majorité des cas, simplement par la mesure du taux de
T4 totale (T4libre et liée). Toutefois la concentration en T4 totale est
sous l’influence d’un très grand nombre de facteurs. En particu-
lier, le taux de T4 totale peut être abaissé par un certain nombre
d’affections non thyroïdiennes et/ou divers médicaments (gluco-
corticoïdes, sulfamides, AINS) ce qui peut compliquer le diag-
nostic. Il est également important de tenir compte des fluctuations
hormonales se produisant au cours de la journée.
Étiologie de l’hyperthyroïdie chez le chat
Même s’il existe de nombreuses causes possibles, chez le chat,
l’hyperthyroïdie est généralement due au développement d’une
hyperplasie adénomateuse (Tableau 1).
Étiologie de l’hyperthyroïdie
93 – 95 % Adénome (isolé) – 30 %
Hyperplasie adénomateuse
(multinodulaire, bilatérale) – 70 %
< 2 % Carcinome
3 – 5 % Tissu thyroïdien ectopique
Tableau 1: Étiologie de l’hyperthyroïdie chez le chat
Le chat peut également présenter une hypersécrétion thyroïdi-
enne d’origine alimentaire liée aux régimes de plus en plus à la
mode comme le régime BARF (Bones and Raw Food) à base
de viande crue et d’os ou les friandises séchées (contenant des
restes de tissus thyroïdiens). Jusqu’à présent des cas n’ont été
décrits que chez le chien et l’élimination de la source alimentaire
responsable a entraîné l’abaissement du taux de T4 totale sans
qu’il soit nécessaire d’administrer d’autres traitements.
Symptômes cliniques
Le développement des symptômes cliniques de l’hyperthyroïdie
fait suite à l’augmentation du taux des hormones thyroïdiennes.
La majorité des chats qui présentent une hyperthyroïdie classique
sont des chats d’âge moyen ou âgés. Une augmentation de
volume de la thyroïde est palpable (goitre) chez près de
90 % des chats malades.
Métaboliques Cutanés
· Amaigrissement
· Polyphagie
· Hyperactivité
· Polyurie/Polydipsie
· Intolérance à la chaleur
· Pelage non soigné, hirsute
· Alopécie
· Croissance excessive des griffes
Gastrointestinal Kardiorespiratorisch
· Vomissements
· Diarrhée
·
Fréquence de la
défécation
· Tachycardie, arythmies
· Bruits systoliques, rythme de galop
· Hypertension systémique
· Tachypnée, halètement, dyspnée
Tabelle 2: Klininische Symptome bei Hyperthyreose durch erhöhte
T4- und T3 -Level
Octobre 2015
Diagnostic des troubles thyroïdiens chez le chat
Régulation hormonale
Le besoin en hormones thyroïdiennes est régulé par l’axe thy-
réotrope (hypothalamo-hypophyso-thyroïdien) (Fig. 1). Les centres
hormonaux supérieurs stimulent la synthèse et la sécrétion des
hormones thyroïdiennes (T4, T3) par la thyroïde. La forme active
ou tri-iodothyronine (T3) est sécrétée en très faible quantité, la
majeure fraction étant sécrétée sous forme de thyroxine (T4, tétra-
iodothyronine). Dans la circulation périphérique, plus de 99 % de
la T4 est liée aux protéines plasmatiques, mais seule la T4libre (FT
4) peut entrer dans les cellules pour être convertie en T3. De ce
fait, la fraction liée aux protéines sert de réservoir de T4libre. Dans
les conditions physiologiques, son taux est strictement contrôlé
et maintenu par des mécanismes de feed-back négatif.
Fig. 1: Axe thyréotrope
TSH
TRH
Hypothalamus
Hypophyse
Thyroïde
Périphérie
T3
5‘-Désiodase
T3T4
Les hormones thyroïdiennes augmentent le métabolisme cellu-
laire de nombreux tissus, accentuent la réponse aux catéchol-
amines, sont inotropes et chronotropes positives et ont un effet
catabolisant au niveau des muscles et du tissu adipeux. En outre,
elles favorisent une croissance squelettique normale et le bon dé-
veloppement physiologique. Comme l’hypersécrétion hormonale
entraîne une augmentation du métabolisme, les chats atteints
présentent une perte de poids tout en conservant un appétit
normal qui peut parfois augmenter. L’hypermotilité intestinale et
la malassimilation expliquent les symptômes digestifs observés
comme les vomissements et la diarrhée.
Près de 50 % des chats atteints présentent une polyuro-poly-
dipsie. Il semblerait que l’augmentation de la perfusion gloméru-
laire réduise le gradient osmotique au niveau des tubules distaux
et des tubes collecteurs. De ce fait, la réabsorption d’eau serait
réduite. Une polydipsie primaire s’accompagnant d’une polyurie
secondaire a également été décrite à la suite de lésions hypo-
thalamiques. Comme beaucoup de chats hyperthyroïdiens sont
âgés, la prévalence d’une insuffisance rénale chronique concomi-
tante est plus élevée. D’autre part une IRC peut également se dé-
velopper en parallèle. Il est particulièrement important d’identifier
la présence d’un dysfonctionnement rénal. En effet le traitement
médical de l’hyperthyroïdie s’accompagne d’une baisse du
taux de filtration glomérulaire, ce qui a comme conséquence
d’accroître la concentration en urée dans le sang périphérique.
Dans certaines circonstances, l’insuffisance rénale chronique
préexistante peut-être masquée avant le traitement.
Lors d’hyperthyroïdie, l’alopécie qui est provoquée par un lécha-
ge intensif est bien souvent diffuse. Quant à l’aspect peu soigné
du pelage, il est lié à une diminution de l’activité de toilettage.
Les symptômes cardiorespiratoires sont fréquents.
L’augmentation de l’activité ß-adrénergique engendre une
augmentation de la fréquence cardiaque et de la contractilité
myocardique. Cela a pour effet d’entraîner une vasodilatation
systémique ainsi qu’une activation du système rénine-angiotensi-
ne-aldostérone. L’hypertension engendrée par l’hyperthyroïdie ne
s’accompagne pas systématiquement de symptômes cliniques.
De ce fait, il est absolument essentiel de mesurer la pression
artérielle chez tout animal suspect d’hyperthyroïdie.
L’excès de thyroxine agit directement et indirectement sur le cœur
et peut entraîner le développement d’une cardiomyopathie hyper-
trophique ou, plus rarement, d’une cardiomyopathie dilatée.
Examens généraux de laboratoire
Les examens de laboratoire permettent d’établir le diagnostic
différentiel et d’exclure d’autres affections, d’affiner le diagnostic
et d’évaluer l’état général de l’animal. La plupart du temps les
modifications des paramètres sanguins ne sont pas spécifiques
(Tableau 3).
Modifications
des paramètres
sanguins
Mécanisme pathogénique lors
d’hyperthyroïdie
AP, ALT, AST, LDH Nombreux facteurs :
· Malnutrition
· Insuffisance cardiaque congestive
· Infection
· Hypoxie des hépatocytes
· Toxicité hépatique des hormones
thyroïdiennes
Fruktosamine Élévation du catabolisme protéique
Glucose Potentialisation de la réponse aux
catécholamines
Vitamin B12 · Pourrait être liée à un trouble de la
consommation ou de l’utilisation
· Augmentation de l’incidence des entéro-
pathies chroniques chez les patients âgés
Tableau 3 :
Modification des paramètres sanguins lors d’hyperthyroïdie
Évaluation spécifique de la fonction thyroïdienne
Le dosage de la T4totale est un bon test de dépistage qui permet
d’établir le diagnostic d’hyperthyroïdie dans la majorité des cas.
Lorsque le résultat ne permet pas de conclure, l’ajout de la dé-
termination de la T4 libre et/ou de la TSH canine (thyréostimuline
canine) permet d’établir le diagnostic d’hyperthyroïdie féline.
Plusieurs méthodes permettent le dosage de la T4 libre. La
principale indication du dosage de la T4 libre par la méthode de
dialyse à l’équilibre (radio-immuno-assay) est la suspicion de la
présence d’anticorps anti-T4chez le chien qui s’observe chez en-
viron 1 – 2 % des chiens hypothyroïdiens. Pendant le processus
de dialyse, la T4 libre est séparée des protéines sériques et de la
T4 liée aux protéines puis mesurée dans le dialysat. Toutefois les
anticorps anti-T4 ne jouent aucun rôle dans l’hyperthyroïdie féline.
De ce fait, la détermination de la T4libre chez le chat s’effectue
le plus souvent par la technique d’ÉlectroChimiLuminescence
Immuno-Assay (ECLIA) moins onéreuse et nécessitant moins
de matériel. Selon une étude récente, les résultats obtenus par
la méthode ECLIA seraient même plus précis. Néanmoins la
prévalence des résultats faux-positifs chez les chats malades
euthyroïdiens n’a pas été déterminée. En général, quelle que soit
la méthode de détection, la sensibilité du dosage de la T4 libre
est plus élevée que celle de la T4totale, mais sa spécificité est
nettement moins bonne (augmentation du nombre de résul-
tats faux-positifs). De ce fait, ce paramètre ne doit jamais être
demandé isolément mais toujours interprété associé aux résultats
des autres analyses et aux symptômes cliniques présentés par
l’animal.
À l’heure actuelle il n’existe dans le commerce aucun test spéci-
fique au chat permettant de mesurer la TSH. Toutefois des études
montrent que le dosage de la TSH canine peut également appor-
ter certaines informations diagnostiques chez le chat.
La discussion qui suit, présente ces différents examens de labo-
ratoire en fonction du taux de T4 totale, déterminé préalablement
en tant que test de dépistage.
Diminution de la T4 totale
T4 totale
Orientation diagnostique
· Signalement de l’animal
· Anamnèse
· Examen clinique
· Résultats des examens
complémentaires (hématolo-
gie, biochimie, vitamine B12,
échographie abdominale)
· Le cas
échéant TSH
canine endo-
gène (cTSH)
· Le cas
échéant :
T4 libre
Hypothyroïdie iatrogène : Si la diminution de la T4totale fait
suite au traitement d’une hyperthyroïdie féline, par exemple une
radiothérapie à l’iode 131, il faut mettre en place un traitement de
substitution par de la thyroxine. Lors de traitement médical, il est
également important d’ajuster la posologie des produits utilisés.
Hypothyroïdie congénitale primaire : En présence d’un
signalement (chaton) et de symptômes cliniques typiques
(comme un nanisme dysharmonieux), il faut suspecter une
anomalie thyroïdienne congénitale. Les animaux atteints,
généralement asymptomatiques à la naissance, manifestent
rapidement, alors qu’ils sont encore chatons, des symptômes
cliniques singuliers liés à l’évolution de la maladie. Dans ce
cas, il faut s’attendre à une diminution de la T4 totale accom-
pagnée d’une élévation de la TSH. Il est conseillé de comparer
les résultats obtenus chez le chaton malade avec ceux des
autres chatons de la portée ne présentant aucun signe de ma-
ladie. En effet, aucun intervalle de référence n’a été établi pour
les valeurs de la TSH chez le chaton. De plus, les valeurs de
la T4 totale varient fortement chez le chaton en bonne santé.
L’hypothyroïdie secondaire spontanée reste extrêmement rare
chez le chat.
Syndrome euthyroïdien : Un grand nombre de maladies non
thyroïdiennes peuvent engendrer une diminution de la T4tota-
le. La raison de ce phénomène n’a pas été encore totalement
élucidée. Ces valeurs basses de la T4 pourraient résulter d’une
suppression par la TSH, d’une réduction de la synthèse hormo-
nale intrinsèque et d’une plus faible liaison aux protéines. Dans
ce cas, la détermination de la T4 libre permet éventuellement
d’évaluer la fonction thyroïdienne car la T4 libre s’abaisse plus
tardivement que la T4 totale au cours des maladies non thyroïdi-
ennes (syndrome euthyroïdien).
T4 totale normale en présence de symptômes cliniques
d’hyperthyroïdie
T4
totale
normale
Suspicion clinique d’hyperthyroïdie
· Mesurer à nouveau la T4 totale 3 – 6 semaines
plus tard ou
· Dosage de la T4 libre et/ou
· Dosage de la cTSH
· Test de freinage par la T3
(si les résultats ne sont pas concluants)
Hyperthyroïdie infra-clinique (occulte ou fruste) : Le terme
d’hyperthyroïdie infra-clinique s’applique aux patients qui présen-
tent des symptômes cliniques évocateurs d’une hyperthyroïdie
malgré des valeurs de T4totale comprises dans l’intervalle de réfé-
rence. Le taux de T4 totale connaît des fluctuations au cours de la
journée, et celles-ci se produisent également lors d’hyperthyroïdie
manifeste, amenant les valeurs de la T4 totale à revenir dans
l’intervalle de référence. De ce fait, en principe, si les symptômes
cliniques sont évocateurs, il faut envisager de renouveler le test.
Chez environ 10 % de l’ensemble des chats hyperthyroïdiens,
et près de 30 % des animaux atteints d’hyperthyroïdie légère ou
débutante, les valeurs de la T4 totale peuvent se trouver dans
l’intervalle de référence, sans que cela dépende des fluctuations
quotidiennes.
De plus, comme nous l’avons décrit précédemment, certaines
maladies concomitantes non thyroïdiennes peuvent également
abaisser les valeurs de la T4 totale et masquer l’hyperthyroïdie
présente. Si les signes cliniques sont compatibles avec une
hyperthyroïdie, il faut poursuivre les investigations cliniques.
La T4 libre est élevée chez près de 95 % des chats atteints
d’hyperthyroïdie infra-clinique (mesure plus sensible que celle de
la T4totale). L’hyperthyroïdie est donc probable si la T4libre
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est élevée en présence de valeurs de la T4 totale situées dans
le tiers supérieur de l’intervalle de référence. Si, par contre, la T4
libre est élevée en présence d’une T4 totale située dans la limite
inférieure de l’intervalle de référence ou en deçà de ce dernier, il
faut plutôt s’orienter vers une affection non thyroïdienne. Un taux
élevé de T4 libre (méthode de dialyse à l’équilibre) a été observé
chez près de 20-30 % des chats malades euthyroïdiens (et même
chez des chats sains). Cette spécificité moins bonne que celle
de la T4 totale peut mener au diagnostic erroné d’hyperthyroïdie.
Il n’existe aucune donnée sur la détermination de la T4 libre par la
méthode ECLIA (ElectroChimiLuminescence ImmunoAssay).
Si les symptômes cliniques concordent avec une hyperthyroïdie
mais que les valeurs de la T4 totale se trouvent dans l’intervalle de
référence, selon une étude récente il est recommandé de com-
biner plusieurs méthodes et d’ajouter la mesure de la TSH canine
à la mesure de la T4 totale et/ou de la T4 libre. La TSH n’est me-
surable (>0,03 ng/ml) que chez 2 % des chats hyperthyroïdiens.
Par contre la valeur de la TSH est mesurable chez 69,9 % des
chats suspects d’hyperthyroïdie mais qui souffrent en réalité d’un
syndrome euthyroïdien. La spécificité globale s’élève à 98,8 %
lorsque la cTSH est mesurée conjointement avec la T4 totale et/
ou la T4 libre (méthode de dialyse à l’équilibre). Cela signifie que
si un chat présente des symptômes cliniques compatibles avec
une hyperthyroïdie, mais que sa T4totale est normale et sa c-TSH
élevée, la probabilité qu’il présente réellement une hyperthyroïdie
est très faible.
Si les résultats ne sont pas concluants, le test de freinage par la
T3 permet d’établir la présence d’une hyperthyroïdie. Toutefois la
réalisation de ce test prend du temps et nécessite l’administration
d’un médicament par le propriétaire ce qui peut dans certains
cas s’avérer difficile (problème d’observance). Ce test repose sur
le principe que, chez le chat en bonne santé, la sécrétion de T4
est nettement freinée après l’administration de T3 (d’au moins 50
% par rapport au taux de base); par contre, chez le chat hyperthy-
roïdien, ce freinage est limité ou inexistant (c’est-à-dire inférieur à
50 % du taux de base) du fait de la sécrétion autonome de T4.
Diagnostic différentiel (liste non exhaustive) de
l’amaigrissement chez le chat âgé ayant conservé
son appétit (+/- polyurie/polydipsie)
· Diabète sucré
· Entéropathie chronique (MICI, lymphome digestif)
· Insuffisance rénale chronique
· Affection hépatique
· Insuffisance du pancréas exocrine
Tableau 4 : Diagnostic différentiel chez le patient âgé
Mesure de la T4 totale avec l’analyseur de
biochimie Catalyst
Différents analyseurs de biochimie IDEXX permettent la mesure
de la T4totale directement à la clinique. Ce test est important pour
le dépistage ou l’exploration d’une hyperthyroïdie. À cet égard,
le fait de pouvoir mesurer la T4 totale avec le Catalyst Dx® et le
Catalyst One® permet d’enrichir le bilan d’analyses comportant
déjà de très nombreux paramètres biochimiques et électroly-
tiques.
Les autres examens de laboratoire nécessaires à l’établissement
du diagnostic d’hyperthyroïdie sont effectués au sein de notre
propre laboratoire d’analyses IDEXX.
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délai d’obtention des résultats, le matériel nécessaire aux
analyses et peut vous aider à remplir les bons de commande
du laboratoire.
En cas de questions sur l’interprétation des résultats prenez
contact avec notre vétérinaire auprès de IDEXX Diavet,
Tel. 044 786 90 20.
Dr. med. vet. Stephanie Nather
Spécialiste des animaux de compagnie
Key account manager Animaux de compagnie
Consultante scientifique
Laboratoires IDEXX
Bibliographie
· Wakeling J. Use of thyroid stimulating hormone (TSH) in cats. Can Vet J 2010; 51: 33–34.
· Peterson ME, Broome MR and Robertson JE. Accuracy of serum free thyroxine concentrations determined by a new veterinary chemiluminescent immunoassay in euthyroid
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