Rabbi») הלכה בתמורות הזמן במחשבתו של הרב שלמה זלמן אוירבך — .Amir

NOTES BIBLIOGRAPHIQUES 489
Revue des études juives, 173 (3-4), juillet-décembre 2014, pp. 421-491.
Amir MASHIACH. — ךבריוא ןמלז המלש ברה לש ותבשחמב ןמזה תורומתב הכלה («Rabbi
Shlomo Zalman Auerbach’s Halakhic Philosophy in a Dynamic Era of Socio-
Technological Transformation»), Ramat Gan, Bar-Ilan University Press, 2013,
291 + [V] pages («Mahshavot»).
Le R. Auerbach (1910-1995) naquit et passa sa vie dans le quartier haredi de
Sha‘arey Hesed à Jérusalem, où il dirigea la yeshibhah Qol Torah pendant quarante
ans; se refusant aux prises de positions politiques ou idéologiques et aux fonctions
en vue, inconnu sur la scène publique israélienne, il a été un des grands décision-
naires rabbiniques du XXe siècle. La présente étude expose les idées générales, que
l’A. nomme après Éliézer Goldmann au milieu du même siècle «méta-halakhiques»,
dont le décisionnaire n’a éventuellement pas conscience, qui sous-tendent sa pensée,
de manière plus nette chez le R. Auerbach que chez d’autres décisionnaires plus
exclusivement techniques. Il procède à partir de l’analyse de responsa, principale-
ment ceux qui furent publiés sous le titre Minhat Shlomoh, avec une différence à faire
entre le premier volume paru du vivant de l’auteur et les deux suivants, plus encore
avec le recueil postérieur Minhat Shlomoh tenina’ qui paraît expurgé de décisions
«problématiques»; de monographies sur divers sujets halakhiques dont la plus
célèbre est Me’orey esh sur les usages de l’électricité (1935); moins révélateurs de
sa pensée personnelle apparaissent les huit volumes du Shulhan Shlomoh édités par
son petit-fils S. Leisersohn et les trois volumes de Halikhot Shlomoh édités par ses
petits-fils Y. Trager et A. Auerbach, aussi bien que diverses productions inspirées
par lui, dont la plus célèbre est Shemirat Shabbat ke-hilkhetah du R. Y. Neuwirth qui
a connu, grâce à des traductions, un succès mondial dans le grand public de stricte
observance. Les vies édifiantes du Rav ont été consultées avec plus de précautions
encore.
On n’est pas surpris qu’un auteur de cette nature tienne la Torah pour le centre de
la vie juive; en tant qu’origine des décisions rabbiniques, elle inclut les sources clas-
siques, halakhiques et aggadiques, mais non les sources spéculatives, philosophiques
et kabbalistiques; en fait de coutume, les pratiques effectives du public comptent plus
que celles qui sont consignées dans les livres. C’est la halakhah qui assure la sancti-
fication immédiate de l’homme au quotidien, qui intéresse le R. Auerbach,
non une
halakhah théorique idéale qui serait l’expression de vérités transcendantes. Par suite,
elle est sans cesse en mouvement et doit tenir compte des conditions nouvelles,
celles en particulier que créent les états nouveaux des sciences et des techniques.
Or, le R. Auerbach tient pour aussi illégitime d’interdire ce qui est permis que de
permettre ce qui est interdit et ne s’autorise pas à décider autrement que ne l’impose
le raisonnement strictement halakhique pour des raisons de défense des modes de
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pensée et de pratique habituels, ce qui a pu le contraindre à un type d’«écriture
ésotérique» voilant au besoin sa véritable pensée. Après d’autres dont le Gaon de
Vilna, il tient que la vérité halakhique a besoin de la science pour se manifester, sans
restriction dans les domaines purement techniques, de manière beaucoup plus limi-
tée toutefois en bio-éthique.
Le R. Auerbach regarde le peuple comme la communauté de sainteté et le porteur
de la Torah, au point que c’est la manière de faire du public qui est le plus sûr critère.
Mais par peuple il faut entendre Israël en son entier ou la communauté pratiquante.
Le R. Auerbach tient une des positions les plus radicales vis-à-vis des juifs laïques,
leur refusant le statut de «contraints» (par ignorance de naissance, par la société
ambiante) que d’autres leur reconnaissent, voyant en eux une menace, les excluant
du peuple et les regardant comme non juifs en tous points. Sa position vis-à-vis de
l’État d’Israël n’en est que plus originale: sur des bases halakhiques et non par sen-
timent personnel, il y reconnaissait la «royauté d’Israël» avec toutes les conséquences
juridiques, comme la légitimité à délimiter le pays du point de vue de l’observance
d’un seul jour des fêtes ou de deux. Il fut ainsi, dans la société israélienne, une per-
sonnalité reconnue du monde haredi en même temps qu’une référence ou un conseil-
ler pour les sionistes religieux.
Au centre de sa réflexion halakhique se trouve l’homme avec ses capacités et ses
sentiments, d’où un mode de décision non pas objectif et idéal mais subjectif et réaliste,
ce que lA. nomme un mode de décision «humaniste» et un «formalisme téléologique»
qui explique par exemple ses réticences en fait d’éthique médicale. Mais ce principe
est en tension avec un autre qui, au besoin, l’emporte sur lui, celui de la tradition
halakhique contre laquelle rien n’est possible, ni décisions contraires ni détournement
du sens des termes. Ainsi, selon l’A., la pensée halakhique du R. Auerbach
s’est-elle
mue entre deux pôles, comme son activité de décisionnaire s’est partagée entre deux
mondes, ceux du maintien intégral de la tradition et d’une innovation audacieuse; ce
que l’A., qui appartient à l’Université Bar-Ilan et donc à l’un de ces deux mondes,
dramatise en termes de tension idéologique et qui correspond sans doute à une alité
sociologique de la division de la société israélienne, mais ce qui est au fond le lot
constant de tout système de droit.
Ces aspects sont traités en trois parties: les sources de l’autorité halakhique; les
principes qui guident la décision; halakhah et modernité. LA. procède par analyse et
commentaires de responsa authentiques. Outre des index des noms et des titres, celui
des notions permet d’accéder de la manière la plus concrète à la matière halakhique.
Une monographie de ce type fait connaître la pensée d’un auteur de premier plan de
la halakhah vivante à un large public, en même temps qu’elle fournit de la matière
aux philosophes du droit, éthiciens, sociologues et herméneutes.
Jean-Pierre ROTHSCHILD
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