Emmanuelle ROZIER Cours Terminales / Le sujet, la matière et l’esprit
COURS TERMINALES
La matière et lesprit
PLAN DU COURS
INTRODUCTION / La matière et l’esprit
PROBLEMATISATION
I) ESPRIT ET RAISON : La raison et le réel
1- L’universalité de la raison 5
2- Connaissance immédiate ou médiation par la raison
3- La raison et ses autres
II) ESPRIT ET CORPS : indissociabilité de la matière et de l’esprit
1) Le corps tombeau de l’âme ?
2) Le corps c’est l’homme
3) Qu’est-ce que la matière ?
4) Le corps lieu problématique de l’être
III La nature de l’esprit
1) L’esprit est liberté pure
2) L’esprit dépend de l’expérience
3) L’esprit et le cerveau, sa matière support ?
Conclusion
AUTEURS ABORDÉS
Platon, Nietzsche, Descartes, Changeux, Hegel.
REPÈRES
Idéal-réel. Abstrait-concret.
Philosophie : la matière et l’esprit
Emmanuelle Rozier COURS TERMINALES / Le sujet, la raison et le réel
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INTRODUCTION / La matière et lesprit
ACCROCHE ET POSITION DU PROBLEME
Philosophie : la matière et l’esprit
Emmanuelle Rozier COURS TERMINALES / Le sujet, la raison et le réel
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PROBLEMATISATION
Comment penser l’opposition classique entre ces deux dimensions de la réalité, et leurs
relations ? Faut-il avec un certain courant de la science (et du scientisme) réduire l’esprit
ou la pensée à de la matière (selon la perspective de la réduction physico-chimique) ?
Cette solution moniste (une seule réalité en dernière instance, la matière) a le bénéfice de
simplifier les choses, en évitant de penser un dualisme entre corps et esprit, et la question
épineuse de comment de l’immatériel pourrait-il agir sur du matériel (la question du
mouvement des corps commanpar la volonté), et la question symétrique : comment la
matière peut-elle agir sur des pensées, des états d’âme ou d’esprit ? Par exemple, comment
peut-on connaître si esprit est matière sont de nature complètement hétérogène ? Par quelle
transcendance de la pensée pourrait-elle épouser de la matière ?
NB le monisme n’est pas exclusivement matérialiste (Marx, ou le scientisme actuel), il peut
être à l’inverse spirituel : il n’y a que l’esprit, seul l’esprit est véritablement réel, pour suivre
par exemple Hegel « e réel est rationnel, le rationnel est réel ». Le réel n’est autre que
l’activité de l’esprit déterminant ce qui est en le pensant et le connaissant ; sans pensée, pas
de réel.
Mais le monisme en simplifiant les problèmes du dualisme, ne règle pas tous les problèmes,
il en soulève même d’autres. Comment penser la complexité des processus psychologiques
et de pensée en général à partir des processus matériels connus ? N’est-ce pas seulement
une réduction de l’inconnu au connu, en prenant des modèles scientifiques établis dans leur
champ, mais qui ne correspondent pas nécessairement à ce qu’il y a à connaître.
Comment penser ce que c’est que voir par exemple ? On peut se référer au processus
de la vision, une fois que l’optique a analysé que l’œil fonctionne comme une
camera oscura
(une chambre noire qui inverse l’image, ce qu’on dans l’appareil photographique que l’on
construira au XIXème siècle).
= Mais dire qu’une image se forme au fond de l’œil, est-ce dire que l’on voit ? Je peux
projeter une image sur un écran, elle existe, mais cela ne veut pas dire qu’elle est vue. Et
même à mobiliser le nerf optique, et ses connexions avec le cerveau (y compris en
identifiant les zones de celui-ci sollicitées lors de l’activité de la vision, on ne définit ni
n’explique ce que c’est que voir : non seulement orienter ses yeux par une part de
mouvement réflexes et une autre part volontaire (processus d’attention), mais encore et
surtout repérer et isoler des éléments dans le « divers sensible », dans la masse indistincte
des données sensitives : différentes zones colorées, diverses intensités, mouvement et
stabilités, etc. ; et leur donner un sens, repérer que d ces formes changeantes sont des
« entités » isolées, stables, nommables, connaissables, ce qui suppose que le voir se réfère à
de la mémoire, interprète plutôt les stabilités que les flux, et surtout se connecte sur du
sens : voir c’est une activité de l’esprit, c’est faire sens et interpréter du réel. Voir c’est donc
isoler, découper, trier, rechercher des souvenirs, identifier, sélectionner ce qu’il y a à repérer
(orienter, focaliser). Or tout cela n’est rien d’immédiat, ni d’automatiquement matériel, c’est
un ensemble de processus psychiques qui se développent, et qui se confortent les uns les
autres : on apprend à voir, à savoir voir (le jeune enfant apprend à voir au fur et à mesure
qu’il décode le monde, et notamment qu’il apprend à le nommer).
Est-ce à dire qu’il faut penser de manière dualiste, une matière d’un côté, et une réalité
immatérielle (spirituelle ?) de l’autre ? Le dualisme on l’a vu traîne son lot de problèmes
difficilement solubles, surtout en ce qui concerne les rapports entre matière et esprit, leur
Philosophie : la matière et l’esprit
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« embrayage » notamment en terme de connaissance : connaît-on la réalité même, ou
seulement ce qui en elle, ou d’elle, se laisse appréhender par notre capacité de connaître,
autrement dit ce qui est rationnel, perceptible par les processus perceptifs humains ? Si l’on
connaît la réalité même, cela revient à dire qu’il y a une sorte de miracle à ce que la réalité
soit rationnelle, transparente à la raison, appréhendable par elle.
Qu’on assume une position moniste, ou dualiste, ou bien qu’on tente de neutraliser ces
enjeux en adoptant une position neutre, il faut, en sciences « dures » (sciences de la nature,
sciences dites expérimentales, auxquelles on ajoutera les mathématiques) comme en
sciences de l’homme faire face à cette articulation du sens et de la matière.
On peut chercher à éviter de parler d’esprit ou d’âme, pour ne pas s’inscrire dans un champ
théorique qui postule un dualisme, sans toutefois décider d’assumer un monisme strict, et on
parlera de psychisme. Mais dans tous les cas, que ce soit un monde proprement humain, où
la connaissance du el se nuance d’imaginaire, de représentations, de croyances, de prises
de position (politiques, morales, religieuses, culturelles au sens large), et il faut tenter
d’objectiver ces relations de la pensée et du réel, ou que ce soit dans le monde des sciences
expérimentales, où l’on entend connaître le réel lui-même, mais en lui imposant des modèles
théoriques qui ne sont autres que des manières de comprendre ce qui est, en le formalisant
dans des déterminations de pensée.
Il ne s’agit pas pour nous en introduction de régler le problème, mais simplement d’essayer
de mettre le doigt dessus : la tension entre matière et esprit, raison et réel n’est pas facile à
résorber, et elle est un objet privilégié de pensée des philosophes et des scientifiques depuis
plus de 25 siècles.
A retenir :
La matière et l’esprit s’opposent et se complètent pour former l’ensemble du réel : ce qui
pense d’un côté (l’esprit), ce qui est pensé de l’autre (la matière). Aux extrêmes, deux
philosophies s’opposent :
- le spiritualisme, pour qui la matière n’a pas d’existence réelle, seul l’esprit en a ;
- et de l’autre côté, le matérialisme, pour qui tout est matière, même l’esprit.
Si esprit et matière sont deux genres différents de réalité, comment peuvent-ils être liés ?
Comment l’esprit peut-il agir sur le corps ? Comment la matière peut-elle agi sur l’esprit ? La
matière et l’esprit s’opposent-ils vraiment ? Ce dualisme a-t-il un sens ? Peut-on réduire la
matière à l’esprit ? Ou l’esprit à la matière ? Qu’est-ce que la matière ? Elle semble ce qu’il y
a de plus concret, de plus réel, mais sait-on ce qu’elle est ? Quels rapport entre ce que la
science nous donne à penser de l’infiniment petit, de l’infiniment grand, et ce qui se laisse
appréhender à l’échelle de notre expérience commune ?
Philosophie : la matière et l’esprit
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I) ESPRIT ET RAISON : La raison et le réel
La philosophie se méfie, depuis son origine, de ce qui apparaît, car ce dont nous faisons
expérience, par les sens, est trompeur. Elle se défie également de ce qui se transmet par
« on dit », sans vérification ni des sources, ni de la méthode qui permet d’acquérir ces
informations : elle a donc une activité critique des savoirs communs que sont l’expérience
immédiate par la perception d’une part, et l’opinion ou la croyance d’autre part. Elle entend
construire une connaissance scientifique car rationnelle (par concepts) de la réalité (la
nature, physique et biologique, et le monde humain).
Il y a une certaine opposition entre la voie de la construction théorique et celle
consistant à s’en tenir aux leçons de l’expérience. Entre, d’une part, une voie où la faculté
de raisonner est menée par son élan à élaborer des notions, des principes d’explication, des
déductions dont l’ensemble est dit constituer une théorie ; d’autre part, une voie l’on
considère qu’il n’est de guide plus sûr et plus fidèle pour la connaissance humaine que la
perception que nous avons des choses mêmes, autrement dit de l’expérience que nous
faisons de ce qui tombe sous le sens. La
faculté rationnelle
et la
faculté empirique
, dit ainsi
Francis BACON (
Novum organum
) en appelant à leur « mariage vrai et légitime » pour
constituer la méthode véritable, commandent deux types de démarche. La première est
caractérisée par un empressement et une certaine suffisance de l’esprit trop prompt à
s’abandonner, pour ainsi dire, à son élan théorique. La seconde l’est par la prudence et
l’humilité qui consiste pour l’entendement à se maintenir auprès des choses, des exemples,
de l’expérience, en ne s’éloignant, écrit bacon, évoquant l’image de la vision, qu’autant qu’un
certain recul peut être nécessaire pour une bonne perception de l’objet.
Considérer que la démarche empirique est la seule méthode véritable pour arriver à la
connaissance vraie, c’est demander que toute proposition que nous formulons soit réductible
à l’énoncé d’un fait d’expérience sous peine de n’être, sinon, que pure abstraction
creuse. Ainsi cette exigence devient-elle la marque même du positivisme, sous toutes ses
formes, lorsqu’elle aboutit à se mise hors jeu de ce qui apparaît alors comme l’exemple par
excellence de l’échafaudage théorique : la métaphysique dont les énoncés concernent des
objets Dieu, l’âme, le monde, la création, etc. – qui sont situés au-delà de toute expérience
possible.
1- L’universalité de la raison
La raison peut se définir brièvement comme la capacité de raisonner. Chaque homme en
est doté, comme par nature. Même si elle s’éduque, c’est-à-dire se développe avec le temps
et avec une éducation (qu’elle soit particulière ou publique, voire nationale).
On peut en faire une faculté spécifique de l’esprit humain, en affirmant qu’elle se sépare
d’autres facultés humaines, comme la perception, la faculté d’être affecté (par le plaisir et la
peine), l’imagination, la mémoire, ou même l’entendement, etc. ; mais l’on peut refuser de
construire des entités psychiques qui soient des êtres, comme des zones ou régions de
l’esprit, cette capacité, n’en existe pas moins.
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