Repères
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vue critique, à une utopie scolaire au
destin plus que chahuté…
Thierry Paquot
Jean-François Pradeau
(sous la dir. de)
HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE
Paris, Le Seuil, 2009, 803 p., 27 €
Cette histoire de la philosophie ne
ressemble à aucune autre. D’abord, elle
prend pour point de départ le postulat
que la philosophie n’a pas toujours dit
la même chose, mais qu’elle parle tou-
jours de la même chose : de la réalité
et de la connaissance que nous pou-
vons en prendre ; du sens de notre exis-
tence, et de la manière dont nous pou-
vons la conduire. Une intention sous-
jacente, mais parfois explicite, la dirige
donc.
Ensuite, cette histoire rassemble
chronologiquement cinquante-cinq
chapitres en un seul volume, réunis-
sant des contributeurs de dix nationa-
lités distinctes.
Enfin, ces textes présentent l’en-
semble de la philosophie occidentale
depuis les présocratiques jusqu’à la
philosophie mathématique contempo-
raine (Hilbert, le Cercle de Vienne,
Brouwer, Cavaillès). Ils sont de deux
sortes : soit ils exposent un philosophe
et son œuvre, soit ils étudient de
manière synthétique le développement
d’une question, ou bien d’un savoir :
sont ainsi étudiés, par exemple,
« L’âme mise à nu »,« Pouvoir et
démocratie » (y sont évoqués le débat
anglo-saxon entre libéraux et commu-
nautariens, Habermas, Hayek, Rawls,
Honneth, Claude Lefort, Jacques Ran-
cière). Dans « L’âme mise à nu », est
explorée, après Platon, la question du
sujet depuis la notion de substrat ou
subjectum jusqu’à la subjectivité en
passant par l’âme. Freud en serait resté
à une conception positiviste, c’est-à-
dire métaphysique, du psychisme, en
concevant le fantasme comme repro-
duction d’une perception antérieure et
les phénomènes de culture comme
résultats de désirs et d’angoisses infan-
tiles. Lacan aurait mis en évidence que
le sujet de la psychanalyse est le sujet
cartésien de la science moderne. Pro-
pos qui ont au moins le mérite de sus-
citer une discussion.
Au titre d’un savoir, l’on rencontre
« Les découvertes philosophiques
négatives de la physique contempo-
raine » ou « Neurosciences et recher-
ches cognitives » ; les analyses offrent
alors de resituer, et de restituer, les
débats, dans un contexte historique
déterminé, à l’intérieur desquels des
réflexions de différents auteurs ont
trouvé leur centre de gravité.
Cette histoire de la philosophie se
présente moins comme une histoire de
la philosophie à proprement parler que
comme une histoire contextuelle et syn-
thétique des idées. Elle décrit la
manière dont la philosophie a pu
répondre aux grandes questions de son
temps, confrontée à l’émergence de
savoirs nouveaux ou bien à des boule-
versements politiques ou religieux dont
elle devait prendre la mesure. C’est ce
qui constitue sans doute l’une de ses
profondes originalités. Celle-ci se
révèle jusque dans sa forme, classique
et novatrice grâce à l’existence de
notices transversales thématiques.
Nous devons aussitôt nous corriger :
il ne s’agit pas seulement de philoso-
phie occidentale au sens restreint. Par
exemple, deux riches chapitres, l’un
sur Damas et Bagdad, l’autre sur Aver-
roès/Ibn Rushd, nous font sentir com-
bien furent riches en terre d’islam le
mouvement de transmission de l’héri-
tage grec, durant lequel les traduc-
teurs, les savants et les professeurs des
trois religions d’Abraham travaillèrent
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