Emmanuelle ROZIER Cours Terminales / La culture
COURS TERMINALES
Langage : entre nature et culture, l’accès au symbolique
PLAN DU COURS
I Langage et animalité
II Le langage et l’homme
III Le langage et le réel
IV Langage et pensée
PROBLÉMATIQUE PRINCIPALE DU COURS
Le langage permet l’absence des choses : il fait exister l’ordre symbolique et sort l’homme du
seul monde naturel ; il fait exister un monde proprement humain, peuplé de signes et de
symboles artificiels donc culturels. En quoi cet ordre symbolique devient-il notre milieu
naturel ?
REPÈRES
Persuader/convaincre
En acte/en puissance
Médiat/Immédiat
TEXTES ELEVES
Montaigne,
Essais
, I, §26
Descartes,
Lettre au marquis de Newcastle
23 novembre 1646.
DEFINITION PRÉALABLE
Du latin
lingua
: à la fois organe de la parole et langue parlée.
1) Philosophie : faculté qualifiée de symbolique, de constituer et d’utiliser une langue quelle
qu’elle soit.
2) Linguistique : activité se déployant dans des paroles et plus largement des discours, à
partir de langues systématisées.
PHILOSOPHIE
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INTRODUCTION
Lisons pour commencer Montaigne (penseur du XVIe siècle) car il a dit quelque chose de
fondamental :
- le langage ne compte pas, et
- il n'est rien qui compte davantage.
Dans le cadre de cette tension qu'on inscrira une réflexion sur le langage.
Montaigne est défiance envers les discoureurs (rappelez-vous ce qu'on en a vu concernant
l'interprétation il dénonçait alors les interprétations sur les interprétations).
Exemple de deux architectes Athéniens donné par Montaigne,
Essais
, I, §26 :
l'un se présente avec un beau discours sur le sujet de son projet
l'autre dit seulement « ce qu'il vient de dire, je le ferai ».
Qui préférer?
* Le second transforme le concurrent en orateur voire en bonimenteur.
* Le beau parleur au risque qu'il ne soit ni compétent, ni actif dans la alisation de
son projet, l'autre qui sait que l'importance réside dans le fait de construire, non de dire (non
de séduire par le langage).
= D'emblée, le langage et l'action sur le monde sont mis en relation.
Montaigne écrit « je veux que les choses surmontent, et qu'elles remplissent de telle façon
l'imagination de celui qui écoute qu'il n'ai aucune souvenance des mots ».
= le langage remplit sa fonction quand il se fait oublier.
Autre enjeu pour Montaigne : « si le langage nous trompe, il rompt tout notre commerce et
dissout toutes les liaisons de notre police »,
Essais
, II, 28.
= Le langage est aussi le lien par lequel les hommes se tiennent entre eux.
Quoi que ce soit ce dont nous parlons, c'est toujours à autrui que nous en parlons.
= nous venons de dégager les différents pôles autour desquels se structure toute étude du
langage : le moi, le monde, les autres.
Difficulté à analyser le langage : il nous faut composer la polarité objective et la polarité
intersubjective dans l'analyse d'une production linguistique concrète. On ne parle pas de la
même manière à deux interlocuteurs différents, et en même temps, tous deux nous
comprennent.
Le langage a une visée d'objet : les architectes visent la construction d'un temple. Mais
comment parler de ce qui n'existe pas?
Platon déjà se posait la question, dans le Sophiste (262e) « le discours est forcément des
qu'il est, discours sur quelque chose ».
Peut s'étonner de ce fait basique que le langage est seul à nous donner de pouvoir nous
rapporter à ce qui n'existe pas, alors qu'aucun moyen par lequel nous entrons en contact
avec le réel ne nous le permet.
= aucun de nos sens ne nous met en contact avec autre chose que le donné. L'objet du
discours est ici indépendant de ce qui est dit de lui.
Le langage nous permet donc de parler de choses qui n'existent pas et aussi de celles qui
existent. Il nous permet d'accomplir des actes de discours qu'on ne saurait analyse en disant
qu'ils parlent de quoi que ce soit (AUSTIN).
PHILOSOPHIE
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Quelles sont les conditions dans lesquelles nous produisons et comprenons les énoncés que
nous échangeons? Quelle variabilité peut-on imaginer? Nous disposons de mécanismes
psychophysiologiques d'une déconcertante subtilité : ces conditions phylogénétiques et
ontogénétiques a fait de nous des êtres affranchis de l'animalité mais qui en émergent pour
s'inscrire dans une histoire et une culture dont on ne trouve pas d'équivalent ailleurs dans le
règne animal.
Ce prodige de la parole humaine ne s'arrête jamais. Pouvons-nous imaginer une journée
sans parole?
Examinons pour commencer ce qui rend spécifique le langage, ce qui nous distingue des
animaux.
I/ LANGAGE ET ANIMALITÉ
Première difficulté à lever : considérons-nous le langage en un sens large ou bien en un sens
restreint?
* sens large : s'applique à tout système de communication
* sens restreint : système de communication qui se réalise par des moyens mettant
en jeu la parole, comme c'est le cas chez l'homme.
Il faut d'emblée résoudre le pb de sa délimitation. Que les animaux d'une même espèce
puisse communiquer entre eux, personne ne le conteste. Mais faut-il pour autant parler de
langage?
Il y a communication lorsqu'une information est transmise à un récepteur quelconque par le
moyen d'un canal.
Que la communication se greffe sur un processus physique n'est pas discutable,
mais ce processus ne donne pas par lui-même l'intelligibilité du phénomène.
Introduisons des contraintes supplémentaires :
la source et la cible du processus
le recours à un code de signaux possédés en communau
une contrainte relative à l'objet de la communication
Pour les espèces animales autres que la notre, on peut en effet soutenir que la
communication s'inscrit comme l'une des stratégies par lesquelles l'espèce poursuit ses
finalités biologiques.
En superposant la dimension de la culture à son insertion dans la nature, l'homme s'est doté
d'un langage dont l'une des particularités est de n'avoir pas d'objet prédéfini. Le langage
permet de parler de tout, non simplement de parler de tout ce qui concerne ma survie
quotidienne. Peut même parler du langage lui-même. Si le langage est un moyen de
communication exceptionnel par rapport aux autres, c'est d'abord parce qu'il s'ordonne à des
finalités qui ne sont pas données antérieurement à son exercice.
= tout ce qui relève de la culture relève du langage.
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L'abeille et le singe
L'abeille
K. von Frisch connaissances des abeilles dans
Vie et moeurs des abeilles
, 1955.
L'abeille qui revient à la ruche se livre à deux types de danse
soit elle trace des cercles horizontaux
soit elle forme des 8 dont l'axe présente une inclination variable par rapport au soleil
La première danse indique que le butin se trouve à proximité de la ruche; la seconde forme
indique la distance si celle-ci est plus éloignée (de 100 à 6 kl). LA distance est datant plus
grande que le nombre de 8 tracés en quinze sec est plus petit. L'angle par rapport au soleil
permet d'indiquer la direction par rapport à la ruche.
Elles comprennent cette danse, la réception du message est suivie d'un comportement à
finalité biologique positive qui varie en fonction de son contenu.
Notons deux caractéristiques:
la rigidité de ces messages : l'abeille ne danse pas pour parler de l'absence de butin ou pour
discourir de sa rareté.
Le message ne s'adresse pas à un interlocuteur qui vaut comme personne, mais bien à
l'essaim comme individu uniquement
la finalité uniquement biologique de ce message.
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Le singe
Travail de Premack, avec l'expérience sur les chimpanzés on se rapproche davantage du
langage humain. Chercheurs ont eu l'idée de mettre à la disposition de leur chimpanzé Sarah
un matériel symbolique artificiel et simple.
Ces pièces représentaient
des fruits
des qualités ou propriétés
des actions
des individus
des relations logiques ou empiriques et même métalinguistiques
quelques connecteurs
notions classificatoires
Les Premack ont réussi à obtenir de Sarah qu'elle forme des phrases telles que « Mary
donner pomme Sarah ». Ou alors « si Sarah prend banane, alors Mary donner chocolat
Sarah.
Sarah n'a jamais parler d'autre chose que de besoins immédiats ou proximaux; ils ont établi
la présence chez le chimpanzé de capacités de communications, d'apprentissage et de
représentation qu'on ne soupçonnait pas avant ces recherches. Mais s'agit-il du langage?
Un débat entre Montaigne et Descartes à ce sujet
- Dans l'Apologie de Raimond Sebond, Montaigne propose un naturalisme qui le conduit à
rapprocher l'homme et l'animal
- Descartes défend l'idée qu'il existe une différence de nature entre l'homme et l'animal.
= cette opposition se traduit dans le cadre de leur réflexion sur le langage.
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Montaigne : assouplit la notion de langage afin qu'elle puisse servir de critère de distinction
entre l'homme et l'animal; pour lui la communication animale a toute valeur de langage.
Ramène le langage à la naturalité : « Qu'est-ce autre chose que parler, cette faculté que
nous leur voyons de se plaindre, de se réjouir, de s'entr'appeler au second, se convier à
l'amour, comme ils font par l'usage de leur voix » (
Essai
, II, 12).
= les animaux parlent et pensent comme nous.
Ce ne sont pas les faits, mais l'interprétation qu'en fait Montaigne que Descartes conteste.
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Descartes : il cherche à déterminer quelles capacités il faut prêter à l'animal pour rendre
compte de ses performances et de montrer qu'aucune d'entre elle n'exige qu'on lui accorde
la capacité de penser.
Lettre au marquis de Newcastle
23 novembre 1646.
Les animaux sont capables de faire entendre à d'autres animaux ou de signifier à d'autres
animaux voire aux hommes leurs impulsions naturelles.
Mais rien de tout cela n'exige qu'on leur reconnaisse la pensée : les passion suffisent à
expliquer la communication animalière. Les ruses dépendent des finalités biologiques propres
à l'animal: recherche de la nourriture, besoin sexuel, crainte.
Prend l'exemple d'une pie qui salue sa maitresse, parce qu'on l'a accoutumée à recevoir une
friandise quand elle le fait.
Mais on n'a jamais vu d'animal user de signes, qu'il s'agisse de parole ou de geste, pour
exprimer quelque chose qui n'aurait point de rapport avec des passions et qui put « se
rapporter à la seule pensée ».
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