CHAPITRE 5
SOUS-GROUPES DE BOREL ET VARIÉTÉS DE
DRAPEAUX
Version du 10 janvier 2006
15. Théorème du point fixe et sous-groupes de Borel
15.1. Morphismes propres et variétés complètes.
Définition 15.1. — 1) Un morphisme de variétés algébriques f:XYest
propre s’il est universellement fermé, c.-à-d., si pour toute variété Z, le mor-
phisme f×idZ:X×ZY×Zest fermé.
2) On voit facilement que si Xf
Yet Yg
Zsont propres, alors gf
l’est aussi.
Définition 15.2. — Soit Xune variété algébrique sur k. On dit que Xest
propre (ou encore, complète) si le morphisme Xpt = Max(k)est propre,
c.à.d. si, pour toute variété Zle morphisme prZ:X×ZZest fermé.
Remarque 15.3. — A1=kn’est pas propre car, par exemple, la projection sur
kdu fermé {(x, y)k×k|xy = 1}est k, qui n’est pas fermé dans k.
Théorème 15.4. — Pnest propre, pour tout n.
Démonstration. — Voir, par exemple, [Die, §3.3, Th. 1], [Sp, Th. 6.1.3] ou
[Las, §6.5].
Proposition 15.5. — Soit Xune variété propre.
1) Toute sous-variété fermée Yde Xest propre.
2) Si Yest propre alors X×Yl’est aussi.
3) Si φ:XYest un morphisme surjectif, alors Yest propre.
4) Soit φ:XYun morphisme. Alors φ(X)est une sous-variété fermée
et propre.
5) Si Xest connexe, alors k[X] = k.
100 CHAPITRE 5. SOUS-GROUPES DE BOREL ET VARIÉTÉS DE DRAPEAUX
6) Si Xest de plus affine, alors Xest un ensemble fini. Plus généralement,
si Xest connexe, tout morphisme de Xvers une variété affine est constant.
Démonstration. — Soit Zune variété arbitraire. 1) Y×Zest fermé dans X×Z
donc si Fest fermé dans Y×Zil l’est aussi dans X×Zet donc prZ(F)est
fermé.
2) Notons X×Y×Zp
Y×Zq
Z. Alors prZ=qp. Si Fest un
fermé de X×Y×Zalors p(F)est un fermé de Y×Z, car Xest propre, et
prZ(F) = q(p(F)) est un fermé de Z, car Yest propre.
3) Soit Fune sous-variété fermée de Y×Z. Considérons le diagramme
X×Zπ=(φ,idZ)
Y×ZF
prX
Z
y
yprY
Z
Z Z
Comme φest surjectif, πl’est aussi et donc prY
Z(F) = prX
Z(π1(F)). Par
conséquent, prY
Z(F)est fermé. Ceci montre que Yest propre.
Pour démontrer 4), on a besoin du lemme suivant.
Lemme 15.6. — Soit φ:XYun morphisme de variétés. Alors son graphe
Γφ:= {(x, φ(x)), x X}est une sous-variété fermée de X×Y, isomorphe à
X.
Démonstration. — Considérons le morphisme θ= (φ, idY) : X×YY×Y,
(x, y)7→ (φ(x), y). Alors Γφ=θ1(∆Y), où Yest la diagonale dans Y×Y,
qui est une sous-variété fermée. Donc Γφest une sous-variété fermée. De plus,
si pdésigne la restriction à Γφde la projection prX, alors pet (idX, φ)sont
des morphismes inverses l’un de l’autre.
Revenons à la preuve de 4). On a φ(X) = prYΓφ, donc φ(X)est une sous-
variété fermée de Y. Elle est propre, d’après 3).
5) Soit fk[X]. Alors f(X)est une sous-variété fermée connexe et propre
de k. Comme kn’est pas complet, alors f(X)est un point, i.e. fest constante.
6) Soient X1, . . . , Xrles composantes irréductibles de X. Alors chaque Xi
est propre et connexe, donc k[Xi] = k. Comme Xiest affine, ceci entraîne que
Xiest un point, et donc Xest fini.
Soit φ:XYun morphisme, avec Yaffine. Alors φ(X)est une sous-
variété fermée, donc propre et aussi affine. Donc φ(X)est fini, et égal à un
point si Xest connexe.
Corollaire 15.7. a) Toute variété projective est propre.
b) Toute variété quasi-projective propre est projective.
Démonstration. a) résulte du théorème et de 1) ; b) résulte de 4).
15. THÉORÈME DU POINT FIXE ET SOUS-GROUPES DE BOREL 101
Lemme 15.8. — Soient Gun groupe algébrique, X, Y des G-variétés homo-
gènes, et φ:XYun morphisme bijectif G-équivariant. Si Yest complète,
Xl’est aussi.
Démonstration. — Soient Zune variété et θ= (φ, idZ) : X×ZY×Z.
Alors θest un morphisme bijectif ; il est ouvert, d’après le corollaire 14.6, c’est
donc un homéomorphisme. Donc, si Fest un fermé de X×Z,θ(F)est un
fermé de Y×Z. Or, prX
Z(F) = prY
Z(F)θ, donc si Ycomplète alors prX
Z(F)
est un fermé de Z. Ceci prouve le lemme.
Remarque 15.9. On peut en fait montrer que tout morphisme bijectif entre
variétés normales est propre, cf. la sous-section suivante.
15.2. Morphismes finis et normalisation. Cette sous-section ne sera
pas utilisée dans la suite.
Définition et proposition 15.10. — Soit f:XYun morphisme de variétés.
1) On dit que fest affine si, pour tout ouvert affine Ude Y,f1(U)est
un ouvert affine de X. On peut montrer qu’il suffit que ce soit le cas pour un
recouvrement donné (Ui)de Ypar des ouverts affines.
2) On dit que fest fini s’il est affine et si, pour tout ouvert affine Ude
Y, le comorphisme ffait de k[f1(U)] un k[U]-module de type fini. On peut
montrer qu’il suffit que cette propriété soit vérifiée pour un recouvrement donné
(Ui)de Ypar des ouverts affines.
En particulier, si Y= Max(A)et X= Max(B)sont affines, alors fest fini
si, et seulement si, ffait de Bun A-module de type fini.
3) Il résulte de la définition que si Xf
Yet Yg
Zsont finis, alors
gfl’est aussi.
Proposition 15.11. — Tout morphisme fini est propre.
Démonstration. — Soit f:XYun morphisme fini. Alors, pour tout Z,
le morphisme f×idZest fini. Par conséquent, il suffit de montrer que tout
morphisme fini est fermé. Ceci résulte du théorème de montée (going-up) de
Cohen-Seidenberg ; voir [Die, §4.4, Prop. 11] ou [Sp, Lemma 5.2.3]. Pour une
autre démonstration, voir [Las, Prop.6.7.10], qui montre que tout morphisme
fini est projectif, et donc propre.
Soit Xune variété. On rappelle (cf. 13.31) qu’un point xXest dit normal
si l’anneau local OX,x est intègre et intégralement clos, et Xest normale si
chaque point xXest normal. D’après la proposition 13.29 et le théorème
13.32, l’ensemble des points normaux de Xcontient un ouvert dense de X.
D’autre part, toute variété irréductible Xest birationnellement dominée par
une variété normale, d’après le théorème ci-dessous.
102 CHAPITRE 5. SOUS-GROUPES DE BOREL ET VARIÉTÉS DE DRAPEAUX
Théorème 15.12 (Normalisées d’une variété). — Soit Xune variété iréductible.
1) Il existe une variété irréductible normale e
Xet un morphisme fini biration-
nel π:e
XXvérifiant la propriété universelle suivante : pour tout morphisme
birationnel fini f:X0X, où X0est irréductible, il existe un unique mor-
phisme π0:e
XX0tel que fπ0=π. On appelle e
Xla normalisée de
X.
2) Plus généralement, soit Lun corps, extension de degré fini de k(X). Il
existe une variété irréductible normale e
XLtelle que k(e
XL) = L, et un mor-
phisme fini πL:e
XLXvérifiant la propriété universelle suivante : pour tout
morphisme surjectif fini f:X0X, où X0est irréductible et k(X0)L, il
existe un unique morphisme π0
L:e
XLX0tel que fπ0
L=πL. On appelle e
XL
la normalisée de Xdans L.
Démonstration. — Voir [Die, §5.3, Prop.5]
Définition 15.13. Une extension de corps L/K est radicielle si L=Kou
bien si car(K) = p > 0et si pour tout xLil existe n1tel que xpnK.
Théorème 15.14 (Autre version du théorème principal de Zariski)
Soient X, Y des variétés irréductibles normales et f:XYun morphisme
bijectif. Alors l’extension k(Y)k(X)est radicielle, donc algébrique et de
degré fini, Xs’identifie à la normalisée de Ydans k(X), et donc fest un
morphisme fini.
Démonstration. — Voir [Die, §5.4, Cor. 4]
15.3. Théorème du point fixe de Borel.
Lemme 15.15. — Soient Hun groupe algébrique et Zune H-variété. Alors
ZH:= {zZ|hz =z, hH}
est une sous-variété fermée de Z.
Démonstration. — En effet, ZH=ThHZh, et Zh=φ1
h(∆Z), où Zest la
diagonale de Z×Zet φhle morphisme ZZ×Z,z7→ (z, hz).
Théorème 15.16 (Théorème du point fixe de Borel). — Soit Gun groupe réso-
luble connexe, et Xune G-variété complète non vide. Alors Ga un point fixe
dans X.
Démonstration. Démontrons le théorème par récurrence sur d= dim G.
C’est vrai si d= 0, car alors G={1}. Si G6={1}alors D(G) := Nest un
sous-groupe fermé connexe propre, donc de dimension < d. Par hypothèse de
récurrence, XN:= Yest non-vide. D’après le lemme, c’est une sous-variété
15. THÉORÈME DU POINT FIXE ET SOUS-GROUPES DE BOREL 103
fermée, et donc complète, de X. Puisque Nest normal dans G, alors Yest
G-stable ; en effet, si yY,gG, h Nalors hgy =g(g1hg)y=gy.
Soit yYtel que l’orbite Gy soit de dimension minimale, et donc fermée.
Comme Gycontient D(G), c’est un sous-groupe fermé normal et donc la variété
G/Gyest affine et connexe.
D’autre part, le morphisme φ:G/GyGy est équivariant et bijectif, et
Gy est complète. Donc, d’après le lemme 15.8, G/Gyest complète.
On a donc obtenu que G/Gyest complète, connexe et affine. Elle est donc
réduite à un point, et il en est de même de Gy ; par conséquent yest un point
fixe. Le théorème est démontré.
On déduit du théorème du point fixe une autre démonstration du théorème
de Lie-Kolchin pour les groupes résolubles connexes :
Corollaire 15.17 (Théorème de Lie-Kolchin, cas résoluble connexe)
Soient Gun groupe résoluble connexe et Vun G-module rationnel de dimen-
sion finie. Alors Ga un point fixe dans la variété des drapeaux F(V), c.-à-d.,
Gstabilise un drapeau de V.
Démonstration. — La variété des drapeaux F(V)de Vest une sous-variété
fermée de la variété projective Qn1
i=1 Gri(V)Qn1
i=1 PiV)(où n= dim V),
et Gy agit morphiquement. Par conséquent, Gy a un point fixe.
15.4. Sous-groupes et paires de Borel. Soit Gun groupe algébrique
affine.
Définition 15.18. — On appelle sous-groupe de Borel de Gtout sous-groupe
fermé résoluble connexe maximal.
Théorème 15.19 (Sous-groupes de Borel). — Soit Gun groupe algébrique affine
connexe. Tous les sous-groupes de Borel de Gsont conjugués, et si Best l’un
d’eux la variété G/B est projective.
Démonstration. — Soit Sun sous-groupe de Borel de dimension maximale.
D’après le théorème de Chevalley, il existe un G-module rationnel de dimension
finie Vet une droite V1Vtels que S= StabG(V1); de plus on peut supposer
que Vest fidèle, quitte à remplacer Vpar VE, où Eest un G-module
rationnel fidèle de dimension finie.
Observons que Sstabilise un drapeau F0= (V1V2 · · · Vn=V)
dont le premier terme est V1. En effet, Sagit dans V/V1, et on peut ap-
pliquer le théorème de Lie-Kolchin dans V/V1(Sétant résoluble connexe).
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