www.comediedevalence.com direction : Richard Brunel Les Sonnets de Shakespeare Shakespeare / Pascal Collin / Fred Fresson / Norah Krief / Richard Brunel REVUE DE PRESSE CRÉATION À LA COMÉDIE DE VALENCE - déc. 2014 CONTACT PRESSE / COMMUNICATION Coline Loger : +33 4 75 78 41 77 / +33 6 03 43 77 21 [email protected] 29 SEPTEMBRE 2015 CULTURE Norah Krief, feu follet et Dark Lady L'actrice et chanteuse donne des accents rock aux « Sonnets » de Shakespeare, au Théâtre de la Bastille, à Paris SPECTACLE I I y a bien des manières d'arpenter cette planète fabuleuse qu'est l'œuvre de Shakespeare. Il y a bien des façons d'habiter un plateau de théâtre, d'en prendre possession, de le faire vibrer comme un champ magnétique. Norah Krief a sa manière bien à elle de faire et l'un et l'autre. C'est en actrice-chanteuse qu'elle s'empare des Sonnets de Shakespeare, et c'est une belle soirée au Théâtre de la Bastille, où se chante l'amour désenchanté, réenchanté par les mots du poète. La scène est un cabaret rock un peu louche, où clignotent les loupiotes de deux loges de théâtre dont les miroirs renvoient de nombreux échos, de multiples reflets. La voilà, Norah Krief, créature en rouge et noir, guêpière et pantalon, résille rouge, dentelle et satin noirs. La voilà qui, d'emblée, joue avec le masculin et le féminin, la séduction et la fragilité, à la fois femme-femme et lutin lunaire, fou du roi et reine de la nuit. Simple, clair et moderne La Krief, qui est une des actrices les plus singulières et inventives de notre paysage théâtral, a rencontre les Sonnets de Shakespeare en 1999, quand elle a joué Henry VI sous la direction de Yann-Joël Collin, au Festival d'Avi- gnon. Elle y chantait, déjà, trois de ces poèmes, puis elle en a fait un spectacle mis en scène par Eric Lacascade, en 2001. Ensuite, elle a été un mémorable fou-Cordélia dans Le Roi Lear mis en scène par Jean-François Sivadier, en 2007: petit clown, elfe dansant dans l'immensité de la Cour d'honneur du Palais des papes, à Avignon. Elle revient aujourd'hui aux Sonnets - sous la direction cette fois de Richard Brunel - avec pour bagage tout ce chemin avec Shakespeare. Et dans ce baluchon d'actrice vagabonde, elle puise une liberté de jeu et de chant digne de l'univers du grand Will, où tout peut toujours se retourner comme un gant en un clin d'ceil, l'homme et la femme, le fou et le roi, le sordide et le sublime, le comique et le tragique. On ne saura probablement jamais qui était le mystérieux W. H. pour qui Shakespeare composa, entre sa vingt-neuvième et sa trente-deuxième année, ce recueil de 54 poèmes - un jeune homme de la noblesse anglaise, sans doute, grâce à qui est né ce joyau sans pareil de la poésie occidentale, où Shakespeare chante la brûlure du désir et la fuite du temps, la quête désespérée de cette harmonie céleste qu'est l'amour, ce havre où se rejoignent le beau et le vrai. Les Sonnets, que traverse aussi une mystérieuse «Dark Lady», sont à la fois un moyen de conquérir l'être aimé qui se dérobe et de rendre cet amour immortel, par-delà le temps. Norah Kriet et Pascal Collin, qui les a retraduits de manière impeccablement simple, claire et moderne, en ont choisi une petite vingtaine. Ils ont été mis en musique par Frédéric Fresson dans un esprit plutôt rock, qui glisse par moments vers la variété un peu standard. Mais c'est la belle énergie de plateau qui l'emporte dans ce spectacle. Celle des trois musiciens - Frédéric Fresson au piano, Philippe Thibault à la basse et Philippe Floris à la batterie. Et celle de Norah Krief, diablotine androgyne, feu follet et Dark Lady qui restitue avec fraicheur et malice le parfum de ces Sonnets. Le temps inexorablement flétrit la fleur dè la jeunesse et de l'amour, mais Shakespeare a gagné sa bataille contre les «faussaires du coeur», rn FABIENNE IJAKOh Les Sonnets de Shakespeare, par Norah Krief. Musique : Frédéric Fresson. Mise en scène: Richard Brunel. Théâtre de la Bastille, 76, rue de la Roquette, Paris if. Tél : 01-43-57-42-14. Du lundi au samedi à 20 heures jusqu'au 3 octobre, et à 21 heures du s au g octobre. De 14 € à 24 €. Durée : i h 15. Puis tournée jusqu'en décembre, à Luxembourg, Toulouse, Valence, Béziers et Béthune. SEPTEMBRE 2015 Théâtre - Spectacle musical Les Sonnets de Shakespeare On aime beaucoup On savait que la comédienne Norah Krief aimait chanter… Dans ce minicabaret où elle est entourée de trois musiciens (pianiste, bassiste et batteur), elle fait vibrer les sonnets de Shakespeare comme s'ils avaient été écrits hier, pour nous. Grâce à la simple et sensuelle traduction de Pascal Collin, sans aucun doute. Et à sa conviction d'actrice surtout, tellement habile à donner aux chansons de plus en plus de qualité expressive au fur et à mesure du spectacle. Sur deux ou trois tapis persans, avec quelques rampes de lumière et des tempi rock, blues ou tango, elle fait monter la sauce avec brio. Et William, par sa voix, nous parle à l'oreille d'amour et du temps qui passe, de l'injustice des hommes aussi. Emmanuelle Bouchez. DÉCEMBE 2014 25 septembre 2015 « Sonnets » de Shakespeare au Théâtre de la Bastille (Mise en scène : Richard Brunel) « Alleluia, Shakespeare is a woman ! » Qui mieux qu'une femme pouvait chanter l'amour, le temps qui fuit, la jeunesse insolente ? Comédienne aussi à l'aise dans les grandes tragédies anglaises que dans Molière ou Feydeau, chanteuse arc-enciel, lyrique, réaliste et rock, Norah Krief se met dans la peau du grand Will pour interpréter ses « Sonnets ». En 2001, déjà, elle en avait donné une première version chantée. Mais, c'est un tout autre spectacle qu'elle nous propose (avec les mêmes musiciens) : un véritable show pop-élisabéthain mis en scène par Richard Brunel. Lire la suite. Video : https://www.youtube.com/embed/5bu2CWVLRL8 « Sonnets » de Shakespeare au Théâtre de la Bastille. Mise en scène : Richard Brunel. (01 43 57 42 14), du 21 septembre au 9 octobre. 23 SEPTEMBRE 2015 Tous les chemins mènent au théâtre Deux itinéraires singuliers au service de la création. Arnaud Desplechin est allé du cinéma au théâtre pour mettre en scène « Père » d’August Strinberg, à la Comédie Française. Norah Krief est allée du théâtre à la chanson avec « les Sonnets de Shakespeare » au Théâtre de la Bastille. En invitant le cinéaste Arnaud Desplechin, la Comédie Française succomberait-elle à son tour au phénomène de la peoplelisation qui balaie tout sur son passage ? Ce serait prendre l’actualité par le petit bout de la lorgnette. Certes, la venue du cinéaste dans la maison de Molière pour la mise en scène de « Père », d’August Strinberg, a créé l’une de ces bulles médiatiques dont le Tout Paris raffole. Mais ce serait lui faire un mauvais procès que de le mettre dans le même sac que certaines vedettes invitées à faire du racolage médiatique pour remplir des salles. Ce n’est ni le genre d’Arnaud Desplechin, ni le style d’Eric Ruf, administrateur de la Comédie Française à qui l’on ne saurait reprocher d’abattre la carte de l’audace. Reste que le cinéaste a attiré la grande foule pour la générale de « Père », et qu’il s’en est tiré avec des honneurs amplement mérités. Cette œuvre n’avait jamais été reprise dans l’enceinte du Français depuis 1991, date à laquelle Patrice Kerbrat s’était attaqué au texte de Strinberg, avec Jean-Luc Boutté dans le rôle du Capitaine. Arnaud Desplechin, qui dit avoir été marqué par ce spectacle, a pris le relais. Il a su donner à cette pièce sur l’amour/haine qui déchire un couple la puissance qui lui sied afin d’en faire une plongée dans l’âme humaine, découpée au scalpel par ce chirurgien des sentiments qu’est Strinberg, père spirituel d’Ingmar Bergman, auquel on ne peut pas ne pas penser. « Père », c’est d’abord le face à face entre un homme et une femme, entre le Capitaine (Michel Vuillermoz) et son épouse Laura (Anne Kessler). La pièce démarre sur leur opposition quant à l’éducation de leur fille Bertha (Claire de la Rüe Du Can). Lui en tient pour une voie strictement laïque, elle pour un cheminement religieux. Mais on devine vite que c’est un faux prétexte, que le conflit va bien au-delà de ce désaccord. Quelque chose de profond ronge le couple, qui va se manifester à travers la question qui hante le Capitaine : suis-je le père de ma fille ?Et au-delà : comment un homme peut-il être assuré d’être le géniteur proclamé ? En un temps où l’ADN était un fantasme, Strinberg – homme d’un pessimisme noir et d’une misogynie décomplexée – creuse ainsi le sillon d’un couple voué à s’écharper jusqu’à la disparition de l’un des deux acteurs protagonistes. Ici, ce sera le Capitaine, emportée par la folie, rongé par le doute, taraudé par l’angoisse, paniqué par une femme qu’il voudrait dominer et qui se joue de lui. Dans une ambiance feutrée, nimbée de lumières sombres, on assiste à ce face à face poignant entre deux êtres qui se sont peut-être aimés, mais qui sont désormais pris dans l’engrenage de la lutte à mort. Ils se rendent coup pour coup, phrase pour phrase, nonobstant les interventions de leur fille, mais aussi de Margret, la nourrice du Capitaine (Martine Chevallier), du Pasteur, frère de Laura (Thierry Hancisse), du soldat appartenant à l’escadron du capitaine (Pierre Louis-Calixte), et du docteur (Alexandre Pavloff) qui aidera involontairement Laura dans l’opération déstabilisation psychologique du Capitaine. Le huis-clos est d’une rare force. Au fil des scènes, on saisit le parcours de ces deux êtres de chair, marqués par leur parcours personnel, réduits par la force des choses à s’opposer l’un à l’autre parce qu’il ne peut pas en être autrement. La faille s’agrandit à chacun de leurs échanges, inexorablement, comme dans « Scènes de la vie conjugale » de Bergman. Plus Laura et le Capitaine tentent de s’expliquer, ou de se justifier, plus ils s’éloignent l’un de l’autre, plus ils se méfient, jusqu’à ce que s’instaure un climat de haine réciproque. On pense à ce commentaire de Bergman : «Le plus fascinant, à propos de Strindberg, c’est cette prodigieuse conscience que chaque chose dans la vie, à tout moment, est complètement amorale, entièrement ouverte, avec une base très simple». La mise en scène est menée au cordeau, afin de donner toute leur place au jeu des acteurs, qui tiennent la pièce à bouts de bras et de répliques ciselées. En femme résolue à ne pas se laisser déposséder de ses droits, Anne Kessler est superbe, même si elle est parfois pleurnicharde. En Capitaine décidé à sombrer avec le navire du patriarcat face à la tempête féministe, Michel Vuillermoz est sublime. Après un cinéaste monté sur les planches, voilà une actrice qui descend dans l’arène pour chanter Shakespeare. Cela se passe au Théâtre de la Bastille, où l’on aime à sortir des sentiers battus. Norah Krief y propose une version rock de Shakespeare en chantant certains de ses Sonnets. Gonflé. Le spectacle, mise en scène par Richard Brunel, a été créé en décembre dernier, à la Comédie de Valence, et après son escale parisienne, il tournera aux quatre coins de la France. C’est mérité et on lui souhaite bon vent, tant il est porté par la grâce, l’audace créative et l’émotion. Accompagnée de Fred Fresson (piano, voix), de Philippe Thibault (basse, voix) et de Philippe Floris (batterie, voix), Norah Krief interprète quelques uns des sonnets du grand Will. Elle donne à voir et à entendre ses émois amoureux, son angoisse existentielle, son dépit devant le sablier du temps qui se vide, son regard désabusé qui lui fait dire : « Fatiguée de ce monde je demande à mourir / Lassée de voir qu’un homme intègre doit mendier / Quand à côté de lui des nullités notoires / se vautrent dans le luxe et l’amour du public ». La scène est recouverte de grands rideaux bleus devant lesquels sont disposés deux glaces sans tain. Des tapis orientaux sont disposés sur le sol. C’est dans cet univers féérique que se meut Norah Krief, vêtue en homme, comme si l’on était dans une salle de spectacle du Londres de l’époque médiévale. Elle chante, joue de son corps, danse, va et vient, esquisse une scène de striptease, se roule par terre, rebondit au micro, sans jamais oublier qu’elle est là pour faire entendre Shakespeare et que la petite Noah n’est pas la grande Zoa. C’est parfois border line, mais c’est toujours maîtrisé. Sacha Guitry affirmait : « Le silence après Mozart, c’est encore du Mozart ». Grâce à Norah Krief, on peut dire que Shakespeare en version rock, c’est toujours du Shakespeare. Lundi 28 Septembre 2015 SEPT/OCT 15 LES SONNETS DE SHAKESPEARE Théâtre de la Bastille - Paris Norah Krief Chanter Shakespeare Norah Krief aime chanter. On l'a vue dans La tête ailleurs de François Morel, dans Irrégulière d'après les sonnets de Louise Labbé et encore dans Revue rouge, un récital de chants révolutionnaires dirigé par Eric Lacascade. C'est d'ailleurs lui qui l'avait mise en scène dans Les Sonnets de Shakespeare il y a quinze ans. Un spectacle qu'elle reprend avec Richard Brunel. Théâtral magazine : Est-ce une reprise ou une re-création ? Norah Krief: C'est une re-création Cela fait assez longtemps que je voulais reprendre ce concert avec le trio de musiciens que j'avais et comme je suis artiste associée a la Comédie de Valence, j'ai demande a Richard Brunel, le directeur, de m'apporter un nouveau regard À la création, c'était Éric Lacascade Quinze ans ont passé. Est-ce que cela change beaucoup de choses ? Mes interprétations ont change parce que je ne suis plus dans les mêmes conditions et le même état d'esprit Les sonnets me parlent différemment et j'ai envie de les transmettre aussi différemment Mon chant a évolué, puisque j'ai travaillé beaucoup de tonalités Et mon jeu aussi J'aïquandmêmejouélefouet Cordéha dans Le Roi Lear mis en scène par Jean-François Sivadier Le fou m'a apporté une espèce de liberté qui m'a donné envie de reprendre les sonnets Le spectacle est-il une succession de chansons ou raconte-t-il une histoire 7 Shakespeare a écrit 854 sonnets On en a choisi I 5 qu'on a agences en faisant en sorte qu'ils racontent une histoire C'est un peu chronologique, ça raconte son amour et son désir fous pour un jeune homme dont on ne connaît pas le nom, sa crainte qu'il ait une maîtresse J'ai garde ce qui me plaisait comme aussi ce qui a trait a la politique et qui résonne avec l'actualité d'aujourd'hui Comment interprétez-vous les son nets? C'est toujours directement adresse aux spectateurs Maisj'ai été dirigée par des gens comme Sivadier et Lacascade qui travaillent sur un jeu très frontal, où la parole est donnée aux spectateurs qui sont face à vous au moment où vous jouez Ce qui correspond à ce que je fais avec le chant. J'ai toujours adoré les interprètes comme Barbara, qui écrivait sur elle, sur sa vie, la solitude, les deuils, les insomnies Après, j'interprète aussi les choses avec mes couleurs, en fonction de ce que je ressens Qu'est-ce que Richard Brunel a changé dans la scénographie ? C'est un peu théâtralisé par rapport à la version d'Eric Lacascade qui était plus aride Maîs j'aimais bien Chanter c'est plus fort que de jouer? J'ai peur de répondre parce que je ne vais plus avoir de rôles (rires) C'est un horizon d'interprétations différentes Le chant, ça procure énormément de bonheur C'est puissant dans le corps Propos recueillis par HC DECEMBRE 2015 LES TROIS COUPS 25 septembre 2015 LE JOURNAL DU SPECTACLE VIVANT Des sonnets qui nous parlent à l’oreille Par Anne Cassou-Noguès « Les Sonnets de Shakespeare » mettent en scène une Norah Krief métamorphosée par la musique qui la traverse et les mots du poète anglais traduits par Pascal Collin. Les poèmes de Shakespeare, tels que Pascal Collin les traduit, pourraient avoir été écrits aujourd’hui tant ils développent des thèmes universels. L’amour, bien sûr, est au cœur des sonnets. « Tu es pour moi le seul […] Tu es pour moi l’unique », chante la voix triomphante de la comédienne, qui, plus tard, sera animée par la jalousie, la rage, l’accablement. Mais l’auteur élisabéthain s’intéresse aussi à la vie politique et sociale et constate amèrement les injustices et les inégalités. On aimerait que ces observations soient obsolètes et dépassées, mais elles font douloureusement écho à l’actualité : « Fatiguée de ce monde je demande à mourir, / lassée de voir qu’un homme intègre doit mendier / quand à côté de lui des nullités notoires / se vautrent dans le luxe et l’amour du public ». Les allitérations en n de « nullités notoires » sont un exemple de la pertinence de la traduction. Pascal Collin écrit dans une langue simple, moderne, mais éminemment musicale, qui sert de support à la voix de la chanteuse. On savoure néanmoins les quelques sonnets interprétés en anglais. Un spectacle très émouvant Le concert se révèle extrêmement émouvant. En effet, Norah Krief nous interpelle : au bord au plateau, elle nous regarde, parfois droit dans les yeux, dans une salle dont la taille permet une grande proximité entre le public et les acteurs. Grâce à cette façon de nous adresser des poèmes vieux de plusieurs siècles, nous éprouvons des émotions aussi intenses que différentes. Tantôt, c’est une femme arrogante qui se dresse devant nous, juchée sur ses talons, sanglée dans un corset rouge vif, qui nous soumet et nous force à écouter son éclatant chant de gloire. Tantôt, c’est une femme frêle, pieds nus, plus petite, dont les formes transparaissent sous un mince filet de dentelle qui nous invite à tendre une oreille compatissante à ses plaintes. Le corps de la comédienne paraît se moduler selon les accords de la musique et la tonalité de sa voix, crépiter d’énergie ou s’affaisser, fragile. Les Sonnets de Shakespeare ne sont pas seulement un concert mais bien du théâtre. Si la musique des trois instrumentistes (Philippe Floris, Frédéric Fresson, Philippe Thibault) et la voix de la chanteuse dominent, les corps, les décors, les lumières et surtout la composition du spectacle font de ce dernier une véritable représentation théâtrale. Les références au théâtre sont d’ailleurs omniprésentes sur scène : rideaux rouges, miroirs, costumes mis ou enlevés à vue… Le directeur artistique Richard Brunel semble ainsi rappeler, comme le faisait Shakespeare lui-même, que la vie est une comédie et le monde une scène. À cet égard, les relations amoureuses sont sans doute le domaine dans lequel nous nous plaisons le plus à jouer un rôle. Les Sonnets de Shakespeare enchantent donc aussi bien l’amateur de théâtre que le passionné de musique, celui qui aime la poésie baroque que celui qui se presse d’étudier le monde qui l’entoure. octobre 2015 / N°236 ThéâTre De la BasTille De shakesPeare / mes richard brunel les sonnets de shakesPeare la comédienne norah krief replonge dans la poésie shakespearienne pour un concert qui en exalte les puissantes mélodies. © Jean-Louis Fernandez Longtemps la comédienne Norah Krief berça en douce les vers de Shakespeare aux creux Norah Krief, chanteuse enfiévrée. de son cœur… en 2001, elle butinait dans les Sonnets quelques-unes des plus belles pièces amoureuses pour composer un récital enfiévré, où la passion prenait parfois des airs canailles. « ces sonnets racontent toute la vie de l’homme qu’était Shakespeare » confie-t-elle. elle y revient aujourd’hui, guidée par le metteur en scène richard brunel, qui a travaillé à « l’intelligibilité du texte, de la perception de l’émotion » . Sur les musiques éclectiques de Frédéric Fresson, Norah Krief parcourt l’œuvre et la vie de Shakespeare, sa rencontre ardente avec un homme, sa flamme éperdue, les morsures du désir, les déchirements de la jalousie puis la vieillesse et la sagesse. tout à la fois fougueuse et rieuse, elle exalte la langue du poète, sensuelle et rebelle, précieuse et railleuse, polémique, philosophique…. Éclatante comme un chant d’amour ! Gw. David Théâtre de la Bastille. 76 rue de la Roquette, 75011 Paris. Du 21 septembre au 9 octobre 2015, à 20h sauf du 5 au 9 octobre à 21 h, relâche dimanche. Tél. 01 43 57 42 14. Durée : 1h15. la terrasse SEPTEMBRE 2015 THÉÂTRE DE LA BASTILLE DE WILLIAM SHAKESPEARE / DIRECTION ARTISTIQUE RICHARD BRUNEL en 2001 d'Eric Lacascade, la vingtaine de Sonnets que la comédienne (et chanteuse) reprend au Theâtre de la Bastille, sous la direction de Richard Brunel et dans la traduction de Pascal Collin, parlent d'amour du temps qui passe, de l'art, de l'écriture Accompagnée sur scene par trois musiciens (Philippe Fions, Philippe Thibault et Frederic Fresson, qui signe les compositions musicales), Norah Krief interpelle le public Elle raconte l'histoire d'une actrice perdue, d'une femme explorant les chemins de sa féminité Et cherche a nous faire ressentir toute la violence, la crudité, l'implacabilite de la langue de Shakespeare M. Piolat Solcymat LES SONNETS DE SHAKESPEARE Créée à la Comédie de Valence en décembre 2014, la version des Sonnets ue Shakespeare dirigée par Richard Brune) est aujourd'hui reprise à Paris. Entre théâtre et chant, ('histoire d'une femme incarnée par Norah Krief. «J'avais envie de chanter depuis longtemps, confie Norah Krief J'avais besoin de m'adresser aux gens, j'étais a un moment de mon parcours ou j'avais envie d'être en confrontation directe avec le public, d'être vraiment dans un dialogue avec eux » Présentée dans une premiere mise en scene Phil!ppe Thibault et Norah Krief dans Les Sonnets de Shakespeare. Théàtre de la Bastille, 76 rue de la Roquette, 75011 Paris Du 21 septembre au 3 octobre 2015 a 20h, du 5 octobre au 9 octobre a 21 h Relâche les dimanches Tél 01 43 5742 14 www théâtre-bastille com 28 SEPT / 04 OCT 15 et aussi Les Sonnets de Shakespeare Un show pop-Élisabéthain? C'est ici que ça se passe ! Aussi à l'aise dans les grandes tragédies anglaises que dans Molière ou Feydeau, Norah Krief se met dans la peau du grand William Shakespeare pour interpréter un florilège de ses Sonnets. Avec Frédéric Fresson (piano-voix) mais aussi Philippe Floris à la batterie et Philippe Thibault à la basse, sous la direction de Pdchard Brunel, elle joue de son charme gouailleur-rock pour déployer toute l'étendue d'un spectre musical éclectique - de Kurt Weill à la world music en passant par la pop-rock - et épouser la savante rythmique des vers de Shakespeare._ Jusqu'au 3 octobre à 20 h et du 5 au 9 octobre à 21 h. Relâche le dimanche. Théâtre de la Bastille, 76, rue de la Roquette, ll6, M° Bastille, Tél, : OI 43 57 4214, SEPTEMBRE 2015 Suivez Beauregard ! Atypique. Seize mois après leur précédente édition, les Musiques de Beauregard sont de retour. C ette edition automnale est due au calendrier un peu special de ce petit festival saint génois Un cote imprévisible et seulement quatre soirees spectacles Saint Gems Laval propose pourtant I un des evenements les plus originaux du genre Ici, la ligne assumée est le "baroque contemporain" et cest ainsi que la Comedie de Valence viendra interpréter les Sonnets de Shakespeare a sa sauce en français et sur fond d'une chanson rock déjantée G est au tour de Charles Perrault de se prêter (a titre posthume) au jeu de la relecture a travers une Belle au bois dormant chorégraphiée par la compagnie Les Fêtes Galantes de Beatrice Massin Un spectacle tout public entre danse baroque et contemporaine nous faisant voyager dans le temps et l'espace, de Lully a Mozart Apres Shakespeare et Perrault, la troisieme figure des Musiques de Beauregard n'est autre que Buster Keaton, qui se voit présenter (encore malgre lui) une séance du Mecano de la generale en version cine concert, accompagne a l'orgue par Henri Franck Beauperm Last but not least, Keaton s'offre un double (gagnant) avec le merveilleux spectacle du Poème Harmonique La Mecanique de la generale un petit bijou de theâtre burlesque en musique Tout commence bien, a priori "Un concert parfaitement respectable, des instrumentistes tries sur le volet des oeuvres splendides et exigeantes du premier baroque italien "Maîs voila que tout bascule soudain eu égard aux elucubrations du régisseur general (incarne par le mime comédien Stefano Amori) qui s'arroge le pouvoir sur les musiciens, plongeant le spectacle dans une loufoquerie sans nom Gouvernée par ce fonctionnaire fou, la bande a Vincent Dumestre* se prête au jeu du "zapping sur instruments d'époque" la 5e de Beethoven, Ravel, les (tolling Stones, Billie Jean tout y passe avec humour et une virtuosité qui légitime aussitôt quèlques entorses a la bienséance Un regal ' /// G.M * Voir notre portrait dans le supplement Culture de rentree, joint a ce numero Les Musiques de Beauregard Du 16 au 20 septembre au parc de Beauregard et en I eglise de St Gems Laval www lesmusiquesdebeauregard fr 29 AOUT 2015 LA FACE ROCK DU BAROQUE Vincent Dumestre Pendant cinq jours, le festival des musiques de Beauregard de Saint-Genis-Laval brise les codes du classique. Depuis 2011, depuis que Nathalie Mettay a pris les rênes de ce rendez vous musical, le baroque fait l'école buissonniere sous un chapiteau ou il croise d'autres formes comme le jazz, le rock et le cinéma. La nouvelle édition ne déroge pas à la règle. La seule difference tient au calen dner. Longtemps programmées en mai, les Musiques de Beauregard viennent bousculer l'ouverture de la saison. Cette annee, Shakespeare croisera la route de Charles Perrault et de Buster Keaton dans une affiche qui casse les codes et invite chacun à porter un regard neuf sur de grandes œuvres Une adaptation contempo rame de La Belle au Bois Dormant, par la compagnie des Fêtes galantes de Brigitte Massin, une interpréta tion poignante des cèlèbres sonnets de Shakespeare par Norah Knef dans une mise en scene de Richard Brunel, une version musicale du film Le Mecano de la Generale créeront une atmosphère joyeuse et décalée. Le Poeme harmonique de Vincent Dumestre remporte le coup de cœur de ce festival, avec un concert comédie qui remonte aux sources de l'humour musical dans l'Italie du XVIIe. En prélude aux Te Deum de Charpentier et Lully qu'ils donneront a l'Auditorium, le 30 septembre dans le cadre du festival d'Ambronay, les baroqueux travaillent leur zigomatiques dans La Mecanique de la generale Que se passe-t il lorsqu'un technicien maladroit fait exploser la fragile mecanique de la generale du concert ? Des rencontres improbables entre le meilleur du répertoire du premier baroque italien (Fontana, Uccellmi, Trabacci, Merula, Falconien) et des personnalités musicales aussi differentes que Ravel et les Rollmg Stones Ou l'ovn voit Vincent Dumestre et ses musiciens tenter de garder leur sérieux malgré les facéties du mime Stefano Amori. Une vision médite de l'humour musical, mis en scène par Nicolas Vial, ou le rire jaillit du decalage entre la gravite des musiciens et un trublion qui réveille le souvenir de Buster Keaton et de Chaplin (le 19 septembre à 20 h 30). •A.M. Musiques de Beauregard de SaintCenis Laval, 16 au 20 septembre. festhfal.baroque@mairie saintgenislaval.fr 01 JUIN 2015 Norah Krief. Inépuisable Shakespeare ! Norah Krief et ses excellents musiciens Entre la comédienne chanteuse Norah Krief et William Shakes peare, c'est une longue histoire d'amour En 2001 de|a, elle avait chante plusieurs de ses célèbres Sonnets Aujourd'hui, elle reprend ces courtes « chansons », apres les avoir retravailles et demande a Richard Brunel de les mettre en scene |eudi, elle était en concert au Theatre de Cornouaille, entou ree d'un superbe compositeur pia niste, Frederic Fresson, d'un magni figue bassiste, Philippe Thibault et d'un nom moins magmfigue bat teur Philippe Fions D'une grande modernité Dans un somptueux decor de rideaux et de tapis precieux, Norah Krief entre en scene La lumiere cree des climats propices a Tepa nouissement de ses chansons Sa voix, fine, presgue fragile, reprend joliment les mots gué Shakespeare adressa a sa maîtresse, a un homme a gui il recommande d'avoir des enfants Norah Krief choisi les Sonnets gui lui « parlent » Tous paraissent d'une grande modernite En rouge et noir, Norah Krief est l'm terprete parfaite de ces courts textes auxguels elle donne vie Sou vent touchante, elle pleure parfois, elle y met de la vie Elle chante l'amour, la tristesse, la joie Puis, soudain, elle apparaît comme tout droit sortie d'une piece du grand dramaturge Assise devant son miroir, elle verse guelgues larmes sur le temps gui passe Puis, derrière un miroir sans tam, elle change d'apparence, comme pour mieux s'engager sur un autre terrain ll arrive gué le piano, haut perche, égrené ses notes cristal Imes De temps a autre, la chan teuse et le bassiste s'unissent C'est le temps de l'émotion, celui tou chant gu'on aimerait prolonger longtemps Ainsi interprètes, les Sonnets ont guelgue chose d'actuel gui nous parle Déjà a son epogue, Shakes peare défendait bec et ongle la culture Rien n'aurait donc change depuis le XVIe, le XVII e siecle ? Un peu rock, un brin jazzy, la musigue changeante encadre la voix, cree de nouveaux climats La fm du concert est superbe, tou chante émouvant On en rede mande E.F.-D. Mercredi, 04 Février 2015 LES SONNETS INCANDESCENTS DE NORAH KRIEF Les Sonnets de Shakespeare, étaient programmés dans l’exceptionnel festival Shake Nice. L’amour selon Shakespeare, cette aventure sentimentale quelque peu scandaleuse qui a franchi 400 ans, homosexuelle véritable ou passion ardente, peu importe, l’anecdote ici s’efface pour prendre corps et rythmes musicaux contemporains. Voici les Sonnets du grand Will de Norah Krief. Les Sonnets © Jean-louis Fernandez Norah Krief, amoureuse des Sonnets de Shakespeare, a enflammé pendant trois jours le public niçois. Cette comédienne excellente dans Molière, Feydeau, comme dans la tragédie Shakespearienne, est une chanteuse lyrique, réaliste et rock absolument magnifique. Dans une ambiance boite de nuit, trois musiciens s’installent dans l’obscurité : Philippe Floris batterie/percussion, Frédéric Fresson au piano, Philippe Thibault à la basse. Norah Krief, apparait, tenue de scène noire et rouge, pantalon et cape, nous sommes dans une taverne anglaise avec des tapis au sol et les loges d’artistes éclairées. Immédiatement l’artiste chante, danse et rythme la joie de l’amour jusqu’à la débauche, la langue du poète imagée, violente et sensuelle circule. Norah Krief devient si intime avec Shakespeare Si mon amour est trahi, rappelle-toi, ce que tu m’as donné ne se reprend jamais que les mots traduits et revisités par Pascal Collin, deviennent les siens accompagnés par toute l’énergie de son corps. Une énergie dirais-je du feu de dieu ! Gouailleuse, charmeuse, dans cette ambiance enfumée, avec une vingtaine de chansons, elle s’enflamme et embarque le public dans sa course folle allant de la passion au remords métaphysique. De surprise en surprise, elle nous entraîne dans un rock endiablé, une coulée de lave incandescente, accompagnée par les musiciens engagés dans cette puissante danse d’amour ! En véritable comédienne, elle maitrise son jeu, ses mots sont toujours parfaitement audibles, sa gestuelle s’ajuste, elle nous conduit ensuite avec autant de talent vers d’autres contrées, loin de la jeunesse insolente, alors que le temps fuit et que vient la mélancolie. « Fatiguée de tout ça, je veux quitter le monde sauf que si je me tue, mon amour sera seul. » Les mots passent, la magie de Shakespeare opère avec un parfum obsédant qui perdure à travers les siècles. Brigitte Chéry 1ier février 2015 23 SEPTEMBRE 2015 Les Sonnets de Shakespeare, traduction et adaptation de Pascal Collin, composition et direction musicale de Frédéric Fresson, direction artistique de Richard Brunel. © Jean-Louis Fernandez Les Sonnets de Shakespeare, rassemblent plus de cent-cinquante poèmes dédiés à l’amour, à la beauté et à la brièveté de la vie : «Alors je fais la guerre au temps, puisque je t’aime Et, ce qu’il prend de toi, je te le restitue. » Que ce soit le quiproquo amoureux, situation où l’on n’aime pas qui l’on devrait, l’éblouissement de la beauté de l’ami célébré, le comportement équivoque d’une maîtresse infidèle, le thème poétique tient ici au désir incertain : aspirations profondes, contradictions intimes et mouvements bousculés : «Ton amour, ta tendresse effacent le vulgaire Emblème du scandale imprimé sur mon front Qu’on dise alors de moi bien ou mal je m’en fous Si tu blanchis mon vice et dores ma vertu » Le chemin personnel qui mène à la reconnaissance, à l’amour ou à la gloire, est semé de contrariétés, sentiments ambivalents et jalousies, à l’intérieur d’une existence sentie comme évanescente, dès qu’on veut la retenir : «Tu es pour moi le monde… Tu es pour moi l’unique, aucun autre ne peut Changer ma soif du pire en désir du meilleur.» Le poète amoureux ne semble pas recevoir de réponse de l’être aimé, nulle consolation, et l’apparition de la femme apporte un désordre plus grand dans l’entrelacement des désirs de ces trois personnages : l’amant, l’aimé et l’aimée. La douleur de la non-réciprocité des sentiments donne à la parole libérée une belle ardeur : l’écriture ciselée, juste et acérée trouve sa légitimité dans la nécessité de se confier. La fin du recueil de sonnets résonne de façon plus apaisée avec le consentement à la vieillesse et l’acceptation de la mort, telle une leçon de philosophie. Ces Sonnets de Shakespeare résonnent comme des chansons, un envol de paroles poétiques interpellant, maudissant la vie, ou bien suppliant l’amant à travers prières, serments et regrets. Et c’est avec un plaisir étrange que l’on écoute ces si jolis pleurs amers : «Fatiguée de ce monde je demande à mourir lassée de voir qu’un homme intègre doit mendier quand, à côté de lui, des nullités notoires se vautrent dans le luxe et l’amour du public, qu’on s’amuse à cracher sur la sincérité, que les places d’honneur sont pour les plus indignes… Fatiguée de tout ça, je veux quitter ce monde sauf que, si je me tue, mon amour sera seul.» La relation au monde et à la vie ne quitte pas le prisonnier amoureux et jaloux. Comme dans une loge de comédienne, avec miroirs sans tain, instruments et panoplies d’artistes, masculines et féminines, pantalons, robes et voiles, Norah Krief chante ces poèmes avec amusement, facétie et passion. Accompagnée de Philippe Floris à la batterie et aux percussions, Frédéric Fresson au piano, et Philippe Thibault à la basse, elle danse et vole de l’un à l’autre, sûre de ses appâts, sollicitant ses partenaires ou bien les rejetant, épousant avec énergie le rythme musical installé : pop, rock, world music, refrains et mélodies anciennes. Familière de la langue de Shakespeare, elle passe du français à l’anglais, de la gaieté à la mélancolie, de l’humour aux pincements de cœur, traversant toutes les ondes que dégage un monde brutal et mensonger. En échange, reste la voix acidulée de l’interprète, sa liberté sur scène et ses sourires naturels, au milieu des regrets, et de la fuite éperdue du temps et des amours. Véronique Hotte Théâtrorama 29 SEPTEMBRE 2015 Shakespeare en diable Ce n’est pas encore tout à fait la scène, mais déjà plus la réalité. Quant au temps, il est tel qu’il s’écrit dans quelques-uns des plus illustres sonnets jamais composés, ce temps contre lequel il convient de « partir en guerre » pour lui échapper. Au théâtre de la Bastille, par la note de Norah Krief, Shakespeare se chante dès la coulisse et le tempo donné à ses vers suit le rythme d’une nuit sans fin aux tonalités jazz, blues et rock. © Jean-Louis Fernandez Corps mutin et agité lové dans une guêpière incandescente et des bas noirs, la comédienne et chanteuse se plaît à étirer les consonnes à l’évocation du bonheur du sentiment amoureux, pince les lèvres sur les quatrains faisant allusion au désir, gesticule, minaude et crie invoquant sa muse, puis suspend son émotion au moment des adieux. Autour d’elle, Richard Brunel a placé un orchestre de musiciens – Philippe Floris à la batterie, Frédéric Fresson au piano et Philippe Thibault à la basse – qui répercute ses moindres strophes, parfois aussi ses moindres mouvements, et qui s’assemble en chœur soufflant et inspirant. L’ambiance feutrée, bleue et rouge, froide et chaude, cache des miroirs en bord et en fond de scène, là où les artistes d’ordinaire répètent et se concentrent avant le lever de rideau, sans doute aussi là où les voix de maîtres demeurent et s’entendent le mieux. Norah Krief s’apprête à offrir et à s’offrir une vingtaine de sonnets shakespeariens. Elle les déroule lorsqu’elle emprunte la voix du poète. Elle les reçoit lorsqu’on la devine prenant la place de la femme et de l’homme auxquels ils étaient destinés. Citant les mots du poète dans le texte, elle prévient immédiatement : ce que le temps a pris de l’être aimé, Shakespeare l’a restitué. Il s’agira donc précisément et de la même façon de retrouver, et de redonner, à ces sonnets leur pleine mesure. Mais en musique, cette fois. La « loi unique des émois du cœur » Se mettant ainsi à nu au fur et à mesure qu’elle dévoile les vers et transforme les strophes en refrains, Norah Krief, habituée des tirades de Shakespeare pour avoir joué dans « Henry IV » ou encore dans « Le Roi Lear », en dégage des airs et des images insoupçonnés. En lutin espiègle ou confinée dans une robe de tragédienne en dentelle noire, elle se fait messagère d’une lettre qui résonne encore et à laquelle elle prête des articulations polymorphes, comme elle. Si elle s’en tient aux seules lignes, elle en explore tous les accents, les prenant à sa charge de comédienne. Elle endosse par exemple ici la tenue d’une « actrice égarée sur la scène, qui par la crainte passe à côté de son rôle », et là celle de l’éplorée du plus célèbre des sonnets, demandant à mourir puis résolue à vivre pour que puisse vivre son unique amour. Le drame musical, même enjoué, même électrique, se tisse ainsi à la fois lourd et léger, mélancolique, fou et survolté, ancien et contemporain. Sur le livret de Frédéric Fresson, Shakespeare se dit en français, mais aussi dans sa propre langue, voire en latin. Sur les partitions, les notes sont originales ou inspirées, tendent parfois vers la variété, puis accueillent des airs des Beatles caressant la « rondeur du monde ». Car les vingt sonnets constituent chacun la pièce d’une œuvre qui se recompose par morceaux choisis, faisant de ces sonnets de véritables répliques – tirades ou monologues – de théâtre, découvrant l’histoire de ce personnage à part entière en train d’éclore et de détoner. Signe que le cercle shakespearien, comme son écho, bat sans fin. Cathia ENGELBACH hottellotheatre.wordpress.com 23 SEPTEMBRE 2015 Les Sonnets de Shakespeare, mise en scène de Richard Brunel, avec Norah Krief Les Sonnets de Shakespeare , texte William Shakespeare , traduction, adaptation Pascal Collin , composition et direction musicale, Frédéric Fresson , direction artistique Richard Brunel , chant Norah Krief Les Sonnets de Shakespeare , dits aussi Les Sonnets , rassemblent plus de cent-cinquante poèmes dédiés à l’amour, à la beauté et à la brièveté de la vie : « Alors je fais la guerre au temps puisque je t’aime Et ce qu’il prend de toi je te le restitue. » Que ce soit le quiproquo amoureux, situation où l’on n’aime pas qui l’on devrait, que ce soit l’éblouissement de la beauté de l’ami célébré, que ce soit le comportement équivoque d’une maîtresse infidèle, le thème d’inspiration poétique tient au désir incertain – aspirations profondes, contradictions intimes et mouvements bousculés. : « Ton amour, ta tendresse effacent le vulgaire Emblème du scandale imprimé sur mon front Qu’on dise alors de moi bien ou mal je m’en fous Si tu blanchis mon vice et dores ma vertu. » Le chemin personnel qui mène à la reconnaissance, à l’amour ou à la gloire est semé d’embûches – contrariétés, sentiments ambivalents et jalousies, à l’intérieur d’une existence sentie comme évanescente dès qu’on veut la retenir : « Tu es pour moi le monde… Tu es pour moi l’unique, aucun autre ne peut Changer ma soif du pire en désir du meilleur. » Le poète amoureux ne semble pas recevoir de réponse de l’être aimé, nulle consolation, et l’apparition de la femme apporte un désordre plus grand dans l’entrelacement des désirs de ces trois personnages – l’amant, l’aimé et l’aimée. La douleur de la non-réciprocité des sentiments donne à la parole libérée une belle ardeur : l’écriture ciselée, juste et acérée trouve sa légitimité dans la nécessité de se confier. La fin du recueil de sonnets résonne de façon plus apaisée avec le consentement à la vieillesse et l’acceptation de la mort, telle une leçon de philosophie. Les sonnets résonnent comme des chansons, un envol de paroles poétiques interpelant, maudissant la vie, ou bien suppliant l’amant à travers prières, serments et regrets. Et c’est avec un plaisir étrange que l’on écoute ces si jolis pleurs amers : « Fatiguée de ce monde je demande à mourir lassée de voir qu’un homme intègre doit mendier quand à côté de lui des nullités notoires se vautrent dans le luxe et l’amour du public, qu’on s’amuse à cracher sur la sincérité, que les places d’honneur sont pour les plus indignes… Fatiguée de tout ça, je veux quitter ce monde sauf que si je me tue, mon amour sera seul. » La relation au monde et à la vie ne quitte pas le prisonnier amoureux et jaloux. Comme posée sur le plateau d’un cabaret – miroirs sans tain et loge de comédienne, entre instruments et panoplies d’artistes, masculines et féminines, pantalons, robes et voiles – Norah Krief chante ces poèmes avec amusement, facétie et passion. Accompagnée de ses trois musiciens – Philippe Floris à la batterie et aux percussions, Frédéric Fresson au piano et Philippe Thibault à la basse, elle danse et vole de l’un à l’autre, sûre de ses appâts, sollicitant ses partenaires ou bien les rejetant, épousant avec énergie le rythme musical installé – pop, rock, world, refrains et mélodies anciennes. Familière de la langue de Shakespeare, elle passe du français à l’anglais, de la gaieté à la mélancolie, de l’humour aux pincements du cœur, traversant toutes les ondes que dégage un monde brutal et mensonger. En échange, reste la voix acidulée de l’interprète, sa liberté sur la scène et ses sourires naturels au milieu des regrets de la fuite éperdue du temps et des amours. Théâtre de La Bastille , du 21 septembre au 3 octobre à 20h, et du 5 octobre au 9 octobre à 21h, relâches les dimanches. Tél : 01 43 57 42 14 FROGGYDELIGHT.COM SEPTEMBRE 2015 Les Sonnets de Shakespeare Théâtre de la Bastille (Paris) septembre 2015 Spectacle musical conçu par Richard Brunel et Frédéric Fresson interprété par Norah Krief, Philippe Floris, Frédéric Fresson Basse et Philippe Thibault. Petit OTNI (Objet Théâtral Non Identifié) musical de cette rentrée conçu par Richard Brunel et Frédéric Fresson, "Les Sonnets de Shakespeare", à mi-chemin entre le concert théâtralisé et le spectacle chanté, déroutent tout autant qu'il séduisent. Sur un plateau faussement sobre, scénographié dans le moindre petit détail, avec ses lourds rideaux rouges et ses coiffeuses aux miroirs sans qui trônent à côté des instruments des musiciens prêts à en découdre, surgit Norah Krief, menue et énergique, androgyne et féminine dans son corset rouge, son filet de lycra, son pantalon noir fluide et ses bottines, lady faite homme, entre tradition et modernité, assumant toutes les ambiguïtés et tous les personnages. Norah Krief, charmeuse, gouailleuse, (Frédéric Fresson au piano, Philippe Thibault à la basse) s'empare des vers Pascal Collin, semblent avoir été écrits hier, actuel. entourée de musiciens complices Floris à la batterie et Philippe du poète anglais qui, traduits par tant la langue est moderne et le propos L'amour, la jalousie, l'art, l'écriture, le temps qui passe, l'âge et la vieillesse sont autant de thèmes abordés tout au long des 17 sonnets qui, dans un agencement parfaitement orchestré de poèmes et par petites touches impressionnistes, brossent le portrait d'un homme, de sa vie intime et de ses insatisfactions, au commencement jeune et passionné, puis amèrement lucide et finalement fatigué, fatigue qui lui a inspiré un magnifique sonnet éponyme, éminemment politique, vibrant et à la résonance contemporaine, sur sa lassitude face aux errements et injustices de la société de son temps. Le travail dramaturgique fragmenté de Richard Brunel, centré sur le texte et son intelligibilité, la langue, l'émotion, la voix et la musicalité, rend un vibrant hommage à la violence, la crudité et l'implacabilité de la langue de Shakespeare tout en jouant de l'aspect énigmatique, et peut-être pour cela universel, de ses vers. Noirceur gothique des costumes de Eric Massé, énergie rock des arrangement épurés de Frédéric Fresson qui entremêle avec talent les styles musicaux, de la balade au pop rock en passant par la ritournelle, limpidité des lumières parfaitement maîtrisées de Kevin Briard, présence charismatique de Norah Krief transcendée en rock-star habitée, "Les Sonnets de Shakespeare", bien plus qu'un montage aléatoire de vers et de musiques, forment un subtil tableau polyphonique au service du poète. Cécile B.B. MÉDIAS EN LIGNE / PODCAST / TV Le nouveau rendez-vous│France-Inter à partir d’1h34, à écouter : TV5Monde│Shakespeare en sonnets et en musique, interview Norah Krief jusqu'à 2min35 : > JEANNE CANDEL ● BRUNDIBÁR Hans Krása /Karine Locatelli/ Jeanne Candel - 1 > 4 mars 2016 – La Comédie de Valence / 25 mars > 3 avril 2016 - Opéra de Lyon au Théâtre de la Croix-Rousse ● LE GOÛT DU FAUX ET AUTRES CHANSONS 14 > 24 avr. 2016 - Théâtre de la Cité Internationale, Paris / 4 mai 2016- Théâtre de Nîmes / 10 > 12 mai 2016 - Théâtre national de Bordeaux-Aquitaine UN CENTRE DRAMATIQUE NATIONAL PARTAGÉ 2015/2016 9 artistes dans le Collectif artistique 16 créations et premières en France 231 représentations de 10 productions LE COLLECTIF ARTISTIQUE Aux côtés de Richard Brunel : Samuel Achache, Catherine Ailloud-Nicolas, Mathurin Bolze, Jeanne Candel, Éric Massé, Caroline Guiela Nguyen, Norah Krief, Lancelot Hamelin. > RICHARD BRUNEL ● ROBERTO ZUCCO Bernard Marie Koltès | Richard Brunel - 12 > 19 nov. 2015 – La Comédie de Valence / 26 & 27 nov. 2015 – Domaine d'O, Montpellier / 06 & 07 janv. 2016 – Le Théâtre de Lorient / 13 > 16 janv. 2016 – Théâtre National de Toulouse / 29 janv. > 20 févr. 2016 – Théâtre Gérard Philipe, Saint-Denis / 02 > 04 mars 2016 – Théâtre de Caen / 10 > 12 mars 2016 – Centre dramatique national Orléans-Loiret-Centre / 17 & 18 mars 2016 – La Comédie de Clermont-Ferrand, Scène nationale ● AVANT QUE J’OUBLIE Vanessa Van Durme / Richard Brunel – 05 & 06 nov. 2015 – Le Fracas, CDN Montluçon-Région Auvergne / 23 > 30 nov. 2015 – Le Poche, Genève / 04 déc. 2015 – MA scène nationale - Pays de Montbéliard / 05 > 08 janv. 2016 – La Comédie de Clermont-Ferrand, Scène nationale / 17 > 19 févr. 2016 – Théâtre 140, Bruxelles ● L’EMPEREUR D’ATLANTIS Viktor Ullmann / Pietr Kien / Vincent Renaud / Richard Brunel – 9 & 10 fév. 2016 - La Comédie de Valence - 17 > 24 mars 2016 - TNP Villeurbanne > CAROLINE GUIELA NGUYEN ● MON GRAND AMOUR Les Hommes Approximatifs / Caroline Guiela Nguyen – 23 mai > 27 mai 2016 – La Comédie de Valence ● LE CHAGRIN Les Hommes Approximatifs / Caroline Guiela Nguyen – 13 & 14 oct. 2015 – Nouveau Théâtre d’Angers - CDN Pays de la Loire, Angers / 03 > 05 nov. 2015 – La Comédie de Valence / 01 > 05 déc. 2015 – MC2: Grenoble / 10 & 11 déc. 2015 – SortieOuest – Domaine de Bayssan, Béziers / 05 > 07 janv. 2016 – CDN Besançon Franche-Comté / 12 > 14 janv. 2016 – Comédie de Béthune / 19 & 20 janv. 2016 – Le Parvis, Scène nationale de Tarbes / 02 & 03 févr. 2016 – Théâtre d'Arles / 09 > 13 févr. 2016 – Théâtre de la Croix-Rousse, Lyon > SAMUEL ACHACHE ● FUGUE – 15 > 22 juil. 2015 – Festival d'Avignon, 69e édition / 05 > 24 janv. 2016 – Théâtre des Bouffes du Nord, Paris / 29 & 30 janv. 2016 – Romans Scènes, Romans-sur-Isère / 02 > 06 févr. 2016 – Théâtre de la Croix-Rousse, Lyon / 09 févr. 2016 – Espace des Arts, Scène nationale Chalon-sur-Saône / 12 > 20 févr. 2016 – Théâtre Garonne, Scène européenne Toulouse / 23 > 25 févr. 2016 – Le Trident, Scène nationale Cherbourg-Octeville / 8 mars 2016 – Théâtre de Vanves / 14 > 16 mars 2016 – La Comédie de Valence > ÉRIC MASSÉ ● MALENTENDUS, UN HÉRITAGE - Bertrand Leclair / Éric Massé – 19 > 20 janv. 2016 - La Halle aux Grains, Scène Nationale Blois / 23 janv. 2016- L'Echappé, Centre Culturel de Sorbiers / 26 janv. > 4 févr. 2016- La Comédie de Valence / 9 > 12 févr. 2016- Théâtre de la Renaissance, Oullins / 14 févr.2016 - Théâtre de L'Atrium , Tassin la Demi-Lune / 1 mars 2016 -Théâtre d'Annonay / 12 mars 2016 - Espace Paul Jargot, Crolles / 25 > 26 mars 2016 Théâtre National de Nice ● FEMME VERTICALE – 05 nov. 2015 – Scènes du Jura, Saint-Amour / 8 mai 2016 – Théâtre Jean Marais, Saint-Fons > NORAH KRIEF ● LES SONNETS DE SHAKESPEARE William Shakespeare / Pascal Collin / Frédéric Fresson / Norah Krief / Richard Brunel – · 16 sept. 2015 – Festival Les musiques de Beauregard, SaintGenis-Laval / 21 sept. > 09 oct. 2015 – Théâtre de la Bastille, Paris / 17 & 18 nov. 2015 – Les Théâtres de la Ville de Luxembourg / 04 & 25 nov. 2015 – Théâtre Sorano Jules Julien, Toulouse / 01 déc. 2015 – La Comédie de Valence / 04 & 05 déc. 2015 – sortieOuest – Domaine de Bayssan, Béziers / 08 > 10 déc. 2015 – Comédie de Béthune > MATHURIN BOLZE ● FENÊTRES / BARONS PERCHÉS – 1 > 04 déc. 2015 - Bonlieu, Annecy / 03 > 05 mars 2016 - Cirque Théâtre Elbeuf, PNAC Haute-Normandie / 12 > 27 mars 2016 - Le Monfort, Paris / 12 > 14 mai 2016 - Espace Malraux, Chambéry / 02 > 10 juin 2016 - Festival utoPistes, Lyon / 02 & 03 juill. 2016 - Festival des 7 Collines, SaintÉtienne ● SOMNIUM Mathurin Bolze et Séverine Chavrier / Juan Ignacio Tula & Stefan Kinsman - 26> 28 nov. 2015 - La Comédie de Valence / 26 janv. 2016 - L’Agora, PNAC Aquitaine, Boulazac / 5 fév. 2016 - Théâtre Louis Aragon, Tremblay-en-France / 12 > 20 mars 2016 - Le Monfort ● ICI OU LÀ, MAINTENANT OU JAMAIS Mathurin Bolze & Cheptel Aleikoum - 10 & 11 mai 2016 - Espace Malraux / 28 mai 2016 Festival Ambivalence(s), La Comédie de Valence / 08 > 11 juin 2016 - Célestins, Théâtre de Lyon LES CONTROVERSES CRÉATIONS JEUNE PUBLIC > SAMIRA SEDIRA / JULIE BINOT ● TU HONORERAS TON PÈRE ET TA MÈRE / TU NE TUERAS PAS - 18 janv. > 03. fév. 2016 - La Comédie de Valence > JULIE ROSSELLO / LUCIE RÉBÉRÉ ● CROSS OU LA FUREUR DE VIVRE - Julie Rossello / Lucie Rébéré 10 > 18 mars 2016 - La Comédie de Valence / 30 mars > 21 avr. 2016 - La Comédie de Valence, Comédie itinérante > LANCELOT HAMELIN / MAÏANNE BARTHÈS ● UNE ABEILLE D’ARMÉNIE – 8 oct. > 13 nov. 2015 – La Comédie itinérante LES PREMIÈRES EN FRANCE > LA VRAIE DANSE ! ● Pere Faura - 9 > 24 sept. 2015 > WERTHER ! (version bilingue) ● Johann Wolfgang von Goethe, Nicolas Stemann LES COLLECTIFS À LA COMÉDIE La Vie Brève - Théâtre Pôle Nord - Collectif In Vitro - Les Hommes Approximatifs – Cie Vous êtes ici – Cie Théâtre déplié LE FESTIVAL AMBIVALENCE(S) 2016 Samuel Achache, Richard Brunel, Jeanne Candel, Caroline Guiela Nguyen, Eric Massé, Tiago Rodrigues, Christian Lucas, Cheptel Aleïkoum, Mathurin Bolze, Ontroerend Goed, et leurs invités