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Bulletins
économiques n° 60 18 octobre 2016
La demande intérieure reste le moteur de la conjoncture mondiale. La contribution du com-
merce mondial demeure en effet modeste, mais la situation diffère largement d’un pays à
l’autre. En Chine, des données meilleures que prévu réduisent en outre le risque à court terme
d’un atterrissage forcé. La hausse récente des prix des matières premières soutient également
la conjoncture de nombreuses autres économies émergentes. La probabilité de voir une nou-
velle crise éclater dans les marchés émergents s’en trouve ainsi diminuée. Entre-temps, la
forte dépréciation de la livre sterling, qui dope la compétitivité des exportations, empêche le
Royaume-Uni de sombrer dans une récession post-Brexit. Tôt ou tard, laccélération de l’infla-
tion à lorigine de cette dépréciation pèsera toutefois sur la consommation en ralentissant la
croissance des revenus réels. L’inflation reste particulièrement basse dans le reste du monde
occidental. La baisse des prix à l’importation, qui révèle une surcapacité considérable per-
sistante à l’échelon mondial, demeure un ément déterminant. Récemment, le débat sur la
durée et les modalités précises du programme dachat de la BCE a cependant déclenché une
hausse limitée du taux à dix ans allemand et des différentiels de taux au sein de la zone euro.
En décembre, nous aurons sans doute plus de précisions sur la politique future de la BCE. Nous
pensons également que la Réserve fédérale va effectuer un nouveau relèvement de taux en
décembre, ce qui pourrait maintenir une légère pression baissière sur leuro.
La demande intérieure tire la conjoncture
Dans les économies développées, la confiance des producteurs
dans l’industrie manufacturière a poursuivi son redressement
le mois dernier. Le mouvement a été un peu moins prononcé
dans les économies émergentes. Dans le secteur des services,
davantage axé sur la demande intérieure, la confiance des pro-
ducteurs à l’échelon mondial s’est en revanche plus ou moins
stabilisée à un niveau synonyme d’une croissance vigoureuse.
La conjoncture mondiale reste par conséquent soutenue par la
demande intérieure, dans le contexte de la croissance durable-
ment atone des échanges commerciaux internationaux.
Cette tendance est particulièrement marquée aux États-Unis,
où la croissance est essentiellement tirée par la consomma-
tion privée, celle-ci s’appuyant sur la vigueur persistante des
créations d’emplois (156 000 en septembre) et la hausse des
salaires réels. Lexiguïté croissante du marché du travail améri-
cain engendre une hausse modérée du salaire horaire moyen
(2,4% en septembre), qui, grâce à la basse inflation, entraîne
un accroissement sensible du revenu réel. La croissance de la
consommation privée s’en trouve soutenue, malgré le taux
d’épargne élevé selon les critères américains.
Dans la zone euro également, la croissance est essentiellement
UPDATE PERSPECTIVES ÉCONOMIE MONDIALE
La conjoncture mondiale poursuit son redressement
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tirée par la consommation privée. Avec l’extinction progressive
de l’incitant positif des revenus consécutif à la forte baisse des
prix de l’énergie, l’amélioration graduelle du marché du travail
européen est le principal moteur de la consommation. Les
écarts entre pays sont toutefois importants (taux de chômage
en Allemagne en août de seulement 4,2%, contre 23,4% en
Grèce en juin). Pour la zone euro dans son ensemble, le taux
de chômage suit une tendance baissière malgré la stabilisation
de ces derniers mois. En août, il a atteint 10,1%, contre encore
10,7% un an plus tôt (graphique 1).
Les investissements occidentaux restent
modestes...
Tant aux États-Unis que dans la zone euro, la croissance des
investissements reste le talon d’Achille de la conjoncture. Aux
États-Unis, la contribution des investissements pour le deu-
xième trimestre a, il est vrai, été revue à la hausse (bien qu’elle
reste négative). En outre, l’incertitude entourant la politique
budgétaire qui sera menée après les élections présidentielles
américaines pèsera encore au moins jusqu’à la fin 2016 sur la
croissance des investissements.
Dans la zone euro également, l’accroissement des investisse-
ments reste médiocre. Au deuxième trimestre, il n’a absolu-
ment pas contribué à la croissance. Ainsi que nous l’avons indi-
qué, la consommation privée participe
largement à la croissance tant dans la
zone euro qu’aux États-Unis. La grande
différence avec l’économie américaine
réside toutefois dans la part nette-
ment plus importante des exportations
nettes dans l’économie européenne.
Cette tendance démontre que les réformes structurelles visant
à restaurer la compétitivité portent leurs fruits, mais cela reflète
également la politique d’austérité budgétaire menée pendant
plusieurs années, à l’origine de l’envolée du taux d’épargne de
la zone euro. Après une longue période déquilibre extérieur,
l’excédent de la balance courante de la zone euro par rap-
port à son PIB est aujourd’hui supérieur à celui de la Chine et
comparable à celui du Japon. Cette dépendance à l’égard des
exportations a son revers : une vulnérabilité accrue à un éven-
tuel essoufflement conjoncturel mondial et à l’appréciation de
l’euro. La stabilité récente du cours de change de l’euro pondé-
ré par les échanges commerciaux est toutefois rassurante dans
ce contexte. La dépréciation de leuro attendue cette année et
l’année prochaine pourrait en outre donner un coup de pouce
supplémentaire aux exportations nettes.
...alors que les économies émergentes se
stabilisent
Il est également rassurant de constater qu’en Chine, les indica-
teurs conjoncturels les plus récents ont dépassé les attentes des
analystes, ce qui réduit d’ores et déjà le risque d’un atterrissage
forcé de son économie. La remontée progressive des prix des
matières premières est également une bonne nouvelle pour
d’autres économies émergentes. LAmérique latine et la Russie
profitent notamment de l’augmentation de leurs principaux
prix à l’exportation. Cette stabilisation provisoire de la conjonc-
ture dans les économies émergentes réduit à son tour le risque
conjoncturel pour les économies déve-
loppées.
Jusqu’ici, le Brexit est un
non-événement sur le plan
économique
Contrairement à ce que nous avions redou, l’économie
britannique affiche une vigueur étonnante depuis la décision
du Royaume-Uni de quitter l’UE. La confiance générale des
producteurs britanniques s’est en effet à nouveau fortement
améliorée en août, ainsi que l’excellent chiffre de septembre
le confirme. La livre sterling s’est cependant effondrée. À l’ap-
proche du referendum britannique, la devise s’était déjà affai-
blie face à l’euro et sa chute continue aujourd’hui. Selon nous,
cette tendance devrait se poursuivre dans les trimestres à venir.
La faiblesse de la livre sterling est une arme à double tran-
chant. La vigueur actuelle de la conjoncture britannique lui est
surtout attribuable étant donné qu’elle dope la compétitivité
de l’industrie manufacturière et donc, les exportations bri-
tanniques. Léconomie britannique a ainsi évité (jusqu’ici) de
sombrer dans la récession redoutée, ce qui se reflète également
dans les excellentes performances de la Bourse britannique.
En revanche, les prix à l’importation flambent en raison de
la faiblesse de la livre sterling, alimentant ainsi l’inflation. En
août, l’inflation harmonisée a atteint 0,6% au Royaume-Uni
(source : Eurostat). Le risque est assez élevé de voir cette accé-
lération de l’inflation, tout comme durant la grande récession,
Les exportations nettes jouent un rôle
nettement plus important dans la
conjoncture de la zone euro que dans
celle des États-Unis.
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2007 08 09 10 11 12 13 14 15 16
Graphique 1 - Le taux de chômage conserve une tendance
baissière dans la zone euro
(en % de la population active)
Source : Eurostat
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Bulletins économiques
peser lourdement sur l’évolution réelle des salaires et ruiner
ainsi la croissance de la consommation privée. Étant donné
que la consommation privée est la principale composante de
dépense de la livre sterling, l’économie pourrait ainsi encore
s’enfoncer dans la récession.
Cette incertitude conjoncturelle a récemment été renforcée
par la crainte d’un ‘Brexit dur, piste que la première ministre
Theresa May semble privilégier. Dans un tel scénario, le
Royaume-Uni donne notamment la priorité à la souveraineté
totale en matière de politique migratoire par rapport à l’ac-
cès illimité au marché unique européen. Cette approche des
négociations est diamétralement opposée aux intérêts du
secteur exportateur britannique et est donc loin de susciter le
consensus. L’incertitude engendrée par ce débat pourrait dans
les trimestres à venir renforcer la volatilité et l’aversion pour le
risque sur les marchés financiers.
L’inflation est basse
Dans le contexte de l’évolution somme toute favorable de la
conjoncture mondiale, l’inflation reste étonnamment basse
à l’échelon mondial. Nous constatons toutefois quelle est
nettement plus élevée aux États-Unis (1,5% pour septembre)
que dans la zone euro (0,4%). Dans ses Perspectives de l’éco-
nomie mondiale (World Economic Outlook) d’octobre 2016, le
Fonds monétaire international (FMI) défend une fois de plus la
thèse selon laquelle l’inflation dépend de plus en plus de fac-
teurs mondiaux et de moins en moins d’éléments nationaux.
Le FMI souligne ainsi que la (trop) basse inflation s’explique
largement par la baisse des prix à l’importation, elle-même
consécutive à une surcapacité considérable dans d’importants
pays exportateurs. La Chine retient ici
particulièrement l’attention. Selon le
FMI, une deuxième cause importante
de la basse inflation reste le taux de
chômage cyclique moyen (soit la part
du taux de chômage total qui pourrait être éliminée par une
croissance économique plus vigoureuse) résolument élevé.
Lhypothèse selon laquelle la basse inflation d’une économie
mondiale fortement intégrée est provoquée par la surcapacité
au niveau mondial signifie concrètement que cette période de
basse inflation pourrait se prolonger. La basse inflation n’est
pas nécessairement néfaste à la croissance. Cela s’applique
d’autant plus aux économies qui peuvent profiter de la crois-
sance des revenus réels par le biais du bas niveau des prix à
l’importation (leur taux d’échange s’améliore) et de la baisse
des coûts des intrants pour les entreprises.
Leffet déflationniste des prix des matières
premières s’estompe progressivement
En septembre, l’inflation globale a grimpé dans la zone euro de
0,2% à 0,4% (graphique 2). Nous avions prévu cette hausse
étant donné que la variation en glissement annuel des prix de
l’énergie et des matières premières redevient progressivement
positive et contribue donc à nouveau positivement à l’inflation
globale. Ce facteur continuera de jouer jusqu’en 2017. Cette
hausse demeurera toutefois temporaire tant que l’inflation
sous-jacente (hors énergie et alimentation) reste basse. À
l’inverse de la hausse de l’inflation globale, l’inflation sous-
jacente de la zone euro a – selon Eurostat - stagné à 0,8% en
septembre. Elle est inférieure à 1% depuis quelque temps. La
baisse des prix à l’importation et le taux de chômage cyclique
toujours élevé dans la zone euro empêchent toute hausse sala-
riale notable. Linflation sous-jacente restera par conséquent
encore quelque temps en deçà de l’objectif de 2% de la BCE.
Taux obligataires : quo
vadis ?
De par ses mesures non convention-
nelles, la politique monétaire mondiale a contribué ces der-
nières années à une forte baisse du niveau général des taux.
Cela s’explique notamment par l’introduction de taux directeurs
négatifs et l’achat à grande échelle d’actifs financiers par les
banques centrales. En fin de compte, cela a engendré une situa-
tion sans précédent : de nombreux taux obligataires impor-
tants, même pour les longues durées, sont devenus négatifs.
Il en est allé de même pour le taux des emprunts d’État alle-
mands à dix ans, la référence dans la zone euro. À son plancher
fin septembre 2016, celui-ci a atteint -0,20%. Récemment, il a
toutefois regrimpé au-dessus de 0%. Ce mouvement haussier
est un phénomène mondial : le taux à dix ans américain a en
effet remonté à environ 1,8%.
Une explication importante de cette hausse est le débat
croissant sur l’avenir du programme d’achat de la Banque
centrale européenne (BCE). Dans l’état actuel des décisions, ce
La crainte d’un Brexit ‘dur’ alimente
l’incertitude entourant la conjoncture
britannique.
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sep-2013 mrt-14 sep-14 mrt-15 sep-15 mrt-16 sep-16
Graphique 2 - L’inflation globale de la zone euro
a effectué un revirement
(glissement en rythme annuel indice des prix à la consommation en %)
Source : Eurostat
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Bulletins économiques
programme court au moins jusqu’en mars 2017. Les marchés
financiers pensent toutefois qu’il sera prolongé en raison de
la basse inflation dans la zone euro. Deux éléments risquent
cependant de venir tout gâcher. Le premier concerne l’inquié-
tude entourant depuis quelque temps la politique monétaire,
même dans les rangs de la BCE : est-elle encore assez efficace
pour stimuler la croissance économique et l’inflation ? De plus
en plus, la question se pose en outre de savoir s’il reste encore
suffisamment d’actifs financiers pour que la BCE puisse pour-
suivre son programme d’achat au-delà de la fin 2017.
Les annonces d’une possible extinction anticipée du pro-
gramme d’achat (tapering), passant par exemple par la réduc-
tion progressive du volume d’achats en vue dun arrêt fin 2017,
influencent par conséquent l’évolution récente des taux. Nous
pensons que les décisions sur la durée du programme d’achat
et la composition du panier d’actifs concernés seront prises
conjointement lors de la réunion du comité de politique moné-
taire de la BCE en décembre.
En décembre, nous saurons également si la Réserve fédérale
américaine (Fed) franchit une nouvelle étape vers la norma-
lisation de son taux directeur. Nous pensons qu’elle le fera
car la conjonction d’un marché du travail vigoureux, de la
croissance soutenue de la consommation et d’une inflation qui
n’est guère inférieure à l’objectif de la Fed
le permet. Le creusement du différentiel de
taux entre les États-Unis et la zone euro qui
en résulte favorisera la dépréciation de l’euro
face au dollar. Lévolution récente du cours
de change montre que les marchés financiers
commencent eux aussi à intégrer ce scénario. Dieter Guffens
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Bulletins économiques Graphiques
Taux obligataire allemand (10 ans)
Taux dépôt BCE
Taux obligataire (10 ans)
Taux directeur Fed
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Obligatierente (10-jaar)Beleidsrente
Évolution des taux États-Unis
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Obligatierente (10-jaar)Depo-rate
Évolution des taux zone euro
(en %)
États-Unis OCDE
Zone euro
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VS EMU OESO
Inflation
(indice des prix à la consommation, variation annuelle en %)
Pétrole (Brent, dollar par baril)
Métaux industriels (Economist)
Agriculture et alimentation (S&P GSCI)
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Olie (brent, dollar per vat)Industriële metalen (S&P GSCI)Landbouw en voeding (S&P GSCI)
Prix des matières premières
(janvier 2010 = 100)
PIB (réel)
Indicateur avancé
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BBP (reëel) Voorlopende indicator
Activité économique dans l’OCDE
(variation trimestrielle en base annuelle, en %)
Entrepreneurs
Consommateurs
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Ondernemers Consumenten
Confiance G4
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