DOCUMENT 27
Image d’un intervalle par une fonction continue
La continuit´e d’une fonction en un point est une propri´et´e locale : une fonction est continue
en un point x0si et seulement si sa restriction `a un intervalle ouvert contenant x0est continue
en ce point. Ici nous allons ´etudier l’image d’un intervalle par une fonction continue et montrer
que la continuit´e poss`ede aussi des propri´et´es globales.
1. Les intervalles de R
Posons R=R∪ {−∞,+∞} et prolongeons l’ordre de R`a Rpar :
xR,−∞ ≤ x+.
Muni de cet ordre, Rest totalement ordonn´e et toute partie non vide de Rposs`ede une borne
sup´erieure et une borne inf´erieure. Une partie non vide de Rqui poss`ede un majorant (resp. un
minorant) dans Radmet une borne sup´erieure (resp. inf´erieure) dans R.
D´
efinition 27.1.Une partie Ide Rest un intervalle s’il existe a, b R,ab, tels que I
soit l’un des quatre ensembles suivants :
• {xR|axb}, not´e [a, b];
• {xR|ax < b}, not´e [a, b[;
• {xR|a < x b}, not´e ]a, b];
• {xR|a < x < b}, not´e ]a, b[.
L’ensemble Iest un intervalle de Rsi IRet si Iest un intervalle de R.
Exemples. Les ensembles , ]1,2[, [2,+[, R=] − ∞,+[ sont des intervalles de R.
Proposition 27.1.Soit IR. Il y a ´equivalence entre :
a) Iest un intervalle ;
b) Isatisfait la condition :
x, y Iet xyimpliquent [x, y]I.
Preuve. Il est clair que a) implique b) et que b) implique a) si Iest vide. Supposons donc I
non vide et consid´erons a= inf Iet b= sup I. On a abet I[a, b]. Distinguons les quatre
cas suivants:
aI,bI. D’apr`es la condition b), [a, b]Id’o`u I= [a, b] et Iest un intervalle.
aI,b6∈ I. Si xIalors xaet x < b donc x[a, b[. R´eciproquement, si x[a, b[
on a x<bdonc xn’est pas un majorant de Iet il existe yItel que xy. D’apr`es
b), [a, y]Iet donc xI. Finalement, I= [a, b[.
a6∈ I, b I. On montre que I=]a, b].
a6∈ I,b6∈ I. On montre que I=]a, b[.
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296 27. IMAGE D’UN INTERVALLE PAR UNE FONCTION CONTINUE
Remarque
1) L’implication b) a) est fausse dans l’ensemble ordonn´e Q. Par exemple I={xQ|
x22}v´erifie b) et In’est pas un intervalle de Qau sens de la d´efinition 1.
2) Dans un espace vectoriel r´eel, une partie Aest dite convexe si xAet yAimpliquent
λx + (1 λ)yApour tout r´eel λtels que 0 <λ<1. La proposition 1 signifie donc que les
intervalles sont exactement les parties convexes de R.
3) Pour tout intervalle Ide Ron a :
] inf I, sup I[I[inf I, sup I]
2. Image d’un intervalle par une fonction continue
Donnons d’abord un r´esultat utile lorsque l’on consid`ere la borne sup´erieure ou inf´erieure l
d’un ensemble et une fonction continue au point l.
Proposition 27.2.Soit Xune partie non vide de Rqui poss`ede une borne sup´erieure (resp.
inf´erieure) dans R. Il existe une suite de points de Xqui converge vers sup X(resp. inf X).
Preuve. Supposons d’abord sup XRet soit nN. Comme sup X1/n n’est pas un
majorant de X, il exite xnXtel que sup X1/n < xn. On a aussi xnsup Xd’o`u
|sup Xxn|<1/n et donc lim
n→∞ xn= sup X. Maintenant si sup X= +alors aucun entier
n’est un majorant de X. Soit, pour tout entier naturel n,xnXtel que xn> n. Il est clair
que lim
n+xn= +.
La preuve dans le cas de la borne inf´erieure est analogue.
Proposition 27.3.(Le th´eor`eme des valeurs interm´ediaires) Soit fune application
continue sur un intervalle I,aet bdeux ´el´ements de Itels que a < b. Tout ´el´ement compris
entre f(a)et f(b)est l’image par fd’un ´el´ement de [a, b].
Preuve. En rempla¸cant ´eventuellement fpar fon peut supposer que f(a)f(b). Il suffit
de montrer que, pour tout y]f(a), f(b)[, il existe c[a, b] tel que f(c) = y. Consid´erons
X={x[a, b]|f(x)y}. Cet ensemble est non vide, car aX, et, ´etant major´e par b, il
poss`ede une borne sup´erieure dans Rnot´ee c. Soit (xn) une suite d’´el´ements de Xqui converge
vers c. La fonction f´etant continue sur [a, b], la suite (f(xn)) converge vers f(c) et xnX
implique f(xn)yd’o`u, par passage `a la limite, f(c)y. Pour tout ´el´ement xde [c, b], f(x)> y
et, comme c6=b(f(c)y < f(b)), la continuit´e de fen centraine f(c) = lim
xc,x>c f(x)y.
Finalement y=f(c).
Remarque et exemple. 1). On peut avoir f(a) = f(b) et alors la proposition pr´ec´edente ne
nous apprend pas grand chose (Penser `a f(x) = sin x,a= 0, b= 2π.). Pour ´eviter cela on peut
´enoncer le th´eor`eme des valeurs interm´ediaires sous la forme : si fest continue sur un intervalle I
alors ] inf f(I),sup f(I)[f(I). Autrement dit, fprend toutes les valeurs strictement comprises
entre inf Iet sup I. En effet, si inf I < y < sup Ialors yn’est ni un majorant, ni un minorant
de f(I). Il existe a, b Itels que f(a)< y < f(b) et donc il existe cIavec y=f(c).
Avec le th´eor`eme des valeurs interm´ediaires sous cette forme on voit que tout polynˆome P
de degr´e impair poss´ede un z´ero. En effet, toute fonction polynˆome est continue sur Ret tend
vers l’infini lorsque la variable tend vers l’infini. Si le polynˆome Pest de degr´e impair alors les
limites en +et −∞ sont de signes diff´erents et donc P(R) = Rd’o`u l’existence d’un x0tel
2. IMAGE D’UN INTERVALLE PAR UNE FONCTION CONTINUE 297
que P(x0) = 0. Un corollaire de cette propri´et´e est que tout nombre r´eel poss`ede une racine
n-i`eme lorsque l’entier nest impair.
2). Soit fune application continue d’un intervalle [a, b] dans lui-mˆeme. L’application
g: [a, b]7→ Rd´efinie par g(x) = f(x)xest continue sur [a, b] et v´erifie g(a) = f(a)a0 et
g(b) = f(b)b0. Il existe donc α[a, b] tel que g(α) = 0 et donc f(α) = α.
Notons que l’on obtient le mˆeme r´esultat avec l’hypoth`ese plus faible [a, b]f([a, b]). En
effet, en consid`erant la mˆeme fonction gon peut dire que si cette fonction continue ne prend
jamais la valeur 0 alors elle est strictement positive ou stictement n´egative. Si elle est strictement
positive sur [a, b], f(x)> x aet fne prend jamais la valeur acontrairement `a l’hypoth`ese. Il
existe donc αtel que g(α) = 0.
3). Le thor´eme des valeurs interm´ediaires est `a la base de la preuve de l’galit´e de la moyenne,
voir le document 37, proposition 37.7.
Corollaire 27.1.Soit fune fonction continue sur un intervalle [a, b]de R. Si f(a)f(b)<0
alors il existe c]a, b[tel que f(c) = 0.
Le corollaire pr´ec´edent est tr´es souvent utilis´e en analyse num´erique pour localiser les racines
d’une ´equation f(x) = 0 o`u fest une fonction continue.
Un exemple d’application On peut `a l’aide de ce corollaire donner une peuve du r´esultat
suivant qui est d´emontr´e de fa¸con un peu diff´erente dans le document 28 (Fonctions r´eciproques).
Proposition 27.4.Une fonction finjective, continue sur un intervalle I, est strictement
monotone sur I.
Supposons que fne soit pas strictement monotone. Il existe des ´el´ements de I,x1,x2,x3
et x4tels que x1< x2,x3< x4,f(x1)f(x2) et f(x3)f(x4). Soit g: [0,1] Rd´efinie par :
g(t) = f(tx1+ (1 t)x3)f(tx2+ (1 t)x4).
La fonction gest continue sur [0,1], g(0) = f(x3)f(x4)0 et g(1) = f(x1)f(x2)0. Il
existe donc λ[0,1] tel que g(λ) = 0. Soit x5=λx1+ (1 λ)x3et x6=λx2+ (1 λ)x4.
Comme Iest un intervalle x5Iet x6I. On a λx1λx2et (1 λ)x3(1 λ)x4d’o`u,
l’une de ces in´egalit´es ´etant stricte, x5< x6. Or 0 = g(λ) = f(x5)f(x6) et donc fn’est pas
injective.
Proposition 27.5.Soit fune fonction de Rdans Rcontinue sur un intervalle I. L’image
de Ipar fest un intervalle.
Preuve. Elle utilise essentiellement la caract´erisation des intervalles de Rdonn´ee dans la
proposition 27.1. Le r´esultat est ´evident si f(I) est r´eduit `a un point. Sinon, soient y1et y2
deux ´el´ement de f(I) avec y1< y2. Il existe x1et x2dans Itels que f(x1) = y1et f(x2) = y2.
D’apr`es le th´eor`eme des valeurs interm´ediaires tout ´el´ement de [f(x1), f(x2)] est l’image d’un
´el´ement de [x1, x2] ou de [x2, x1] et donc [y1, y2] = [f(x1), f(x2)] f(I) qui est un intervalle.
Remarques
1) On a d´ej`a remarqu´e que les intervalles sont les parties convexes de R. Ce sont aussi les
parties connexes (Dans un espace topologique, Aest connexe s’il n’existe pas deux ouverts non
vides et disjoints Bet Ctels que A= (AB)(AC).) La proposition 27.5 est un cas
particulier du r´esulat suivant de topologie :
298 27. IMAGE D’UN INTERVALLE PAR UNE FONCTION CONTINUE
L’image d’une partie connexe par une application continue est connexe.
En revanche l’affirmation, l’image d’une partie convexe par une application continue est convexe,
est fausse en g´en´eral pour des applications qui ne sont pas de Rdans R. Par exemple, l’image
du convexe [0,2π] de Rpar l’application continue t7→ eit est un cercle et ce n’est pas un convexe
de R2(C’est le disque qui est convexe !).
2) La proposition 27.5 permet de d´emontrer des in´egalit´es. En effet si fest continue sur un
intervalle Iet si 0 6∈ f(I) alorsf(x)>0 sur Iou f(x)<0 sur I.
Par exemple, soit `a ´etudier l’in´equation cos(sin x)>sin(cos x). L’application fdonn´ee
par f(x) = cos(sin x)sin(cos x) est continue sur Ret on montre facilement que l’´equation
cos(sin x) = sin(cos x) n’a pas de solution (Penser `a utiliser l’identit´e sin a±cosa = sin(a±π/4).).
Comme f(0) = 1 sin 1 >0 on a, pour tout xR, cos(sin x)>sin(cos x).
Un second exemple est l’exercice suivant qui est une autre preuve de la proposition 27.4
Exercice. Soit fune fonction continue d´efinie sur un intervalle Iet a,b,x,yquatre points de
Itels que a < b et x < y. On consid`ere la fonction ϕde [0,1] dans Rd´efinie par
ϕ(t) = (f(b)f(a))[f(tb + (1 t)y)f(ta + (1 t)x)].
Montrer que si fest injective alors ϕne prend jamais la valeur 0. En d´eduire qu’avec la mˆeme
hypoth`ese, fest strictement monotone sur I.
3) Le th´eor`eme des valeurs interm´ediaires est loin de caract´eriser les fonctions continues. Il
existe des fonctions de Rdans Rqui v´erifient ce th´eor`eme et qui sont continues en aucun point et
toute fonction qui est la d´eriv´ee d’une fonction le v´erifie mˆeme si elle pr´esente des discontinuit´es
(voir le paragraphe compl´ement). Cependant, il poss`ede une r´eciproque dans le cas des fonctions
monotones. Cette r´eciproque est le principal argument pour montrer que la fonction r´eciproque
d’une fonction strictement monotone et continue sur un intervalle est continue.
Proposition 27.6.Soit fune application monotone d´efinie sur Df. Si l’image d’une partie
Xde Dfest un intervalle alors la restriction de f`a Xest continue. En particulier, si l’image
d’une fonction monotone est un intervalle alors cette fonction est continue.
Preuve. Il suffit de faire la preuve lorsque X=Dfet en rempla¸cant ´eventuellement fpar fon
peut supposer fcroissante. Soient aDfet  > 0. Pour montrer la continuit´e de fen ail suffit
de d´efinir deux ´el´ements de R,αet β, tels que α < a < β et f(]α, β[Df)[f(a), f(a) + ].
Definition de α. Si f(a)f(I) alors il existe αI,α < a, tel que f(α) = f(a)et
si f(a)6∈ f(I) alors on pose α=−∞. Soit x]α, a]Df. Si α=−∞ alors la croissance
de fentraine f(x)f(a) et, comme f(a)n’appartient pas `a l’intervalle f(I), f(a)est
un minorant de f(I) (en g´en´eral, si un ´el´ement n’appartient pas `a un intervalle alors c’est un
majorant ou un minorant de cet intervalle) et donc f(a) < f(x). Maintenant si f(a)f(I)
alors f(α) = f(a)et la croissance de fimplique f(a)=f(α)f(x)f(a). Finalement,
f(]α, a]Df)[f(a), f(a)].
Definition de β. Si f(a) + f(I) alors il existe βI,β > a, tel que f(β) = f(a) + et si
f(a) + 6∈ f(I) alors on pose β= +. On d´emontre que f([a, β[Df)[f(a), f(a) + ] ce qui
ach`eve la d´emonstration.
Remarques. 1). Le r´esultat pr´ec´edent est intuitivement presque ´evident si l’on dit qu’une
fonction monotone a en chaque point une limite `a droite et une limite `a gauche et donc si
3. IMAGE D’UN SEGMENT 299
son image est un intervalle ces limites co¨ıncident et la fonction est continue. Si l’on essaye de
formaliser un peu plus ce raisonnement, il y a plusieurs cas particuliers `a envisager et la preuve
rigoureuse n’est pas plus courte que la pr´ec´edente. (Voir le document 28 pour plus de d´etails.)
2). Soit fune fonction monotone d´efinie sur un intervalle. La fonction fest continue si et
seulement si son image est un intervalle.
Soit Iun intervalle et fune fonction continue sur I. En g´en´eral, Iet f(I) ne sont pas
des intervalles de mˆeme nature. Par exemple, si f(x) = x2alors on a f(] 1,1]) = [0,1]. Les
intervalles Iet f(I) ne sont pas non plus tous les deux born´es ou tous les deux non born´es :
l’image de ] π/2, π/2[ par la fonction tangente est R. L’objet du paragraphe suivant est de
montrer que si Iest ferm´e et born´e alors f(I) poss`ede aussi ces propri´et´es.
3. Image d’un segment
On appelle segment un intervalle non vide, ferm´e et born´e.
Proposition 27.7.Soit fune application continue sur un segment [a, b]. L’image par fde
ce segment est un segment.
Preuve. On sait d´ej`a que f([a, b]) est un intervalle. Soient cet d,cd, les bornes de cet
intervalle. Si c=dalors, comme f([a, b]) est non vide, cRet f([a, b]) est le segment [c, c].
Supposons maintenant c<d. On a d= sup]c, d[, donc il existe un suite (yn) de points de ]c, d[
qui converge vers dsi dRou qui tend vers +si d= +. Pour tout nN, il existe
xn[a, b] tel que yn=f(xn). La suite (xn) ´etant born´ee, le th´eor`eme de Bolzano-Weierstrass
(voir le paragraphe compl´ement) entraine qu’elle poss`ede une suite extraite (xφ(n)) qui converge
vers un point αde [a, b]. La continuit´e de fentraine que lim
n→∞ f(xφ(n)) = f(α). Mais (f(xφ(n)))
´etant une suite extraite de la suite (f(xn)), (f(xn)) ne tend pas vers +et donc dR. Les
suites (f(xn)) et (f(xφ(n)) ont la mˆeme limite d=f(α) ce qui entraine df([a, b]). De mˆeme
cf([a, b]) et f([a, b]) = [c, d].
Le corollaire suivant est une autre fa¸con d’´enoncer la proposition 27.7.
Corollaire 27.2.Une fonction continue sur un segment est born´e sur ce segment et atteint
ses bornes.
Preuve. Si fest continue sur le segment I= [a, b] et f([a, b]) = [c, d] on a c= inf(I), d= sup I
et il existe deux ´el´ements x1et x2de Itels que f(x1) = cet f(x2) = d. D’autre part, pour
x[a, b], |f(x)|≤ max(|c|,|d|).
Remarques
1) La proposition 6 r´esulte imm´ediatement du r´esultat de topologie : l’image d’une partie
compact d’un espace topologique s´epar´e par une application continue est compact. En effet, les
compacts de Rsont les parties ferm´ees et born´ees et donc les segments sont les parties `a la fois
compactes et connexes.
On peut aussi ´enoncer la proposition 27.7 sous la forme plus g´en´erale :
L’image d’une partie ferm´ee et born´ee Ade Rpar une application continue fest ferm´ee et
born´ee.
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