Le rôle de la profession médicale dans la gouvernance du système

Le rôle
de la
profession
médicale
dans la
gouvernance
du système
de santé
québécois
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION 1
DES SYSTÈMES DE SANTÉ EN MUTATION 2
A. CROISSANCE ET CHANGEMENT DE NATURE DE LA DEMANDE 2
| La démographie 2
| L’épidémiologie 2
| Le pouvoir croissant des patients 3
B. CROISSANCE ET CHANGEMENT DE NATURE DE L’OFFRE 3
| Les sciences et les technologies 3
| Laugmentation et la spécialisation des ressources humaines 5
C. CROISSANCE CONSTANTE DES DÉPENSES DE SANTÉ ET
PRESSIONS POUR UNE MAÎTRISE DE CETTE CROISSANCE 5
| Un taux de croissance éle 5
| Des pressions de plus en plus fortes pour maîtriser la croissance 6
LA PROFESSION MÉDICALE DANS UN SYSTÈME EN TENSION 10
| Quatre logiques de régulation en tension 10
| Les projets de loi 10 et 20 11
| Les effets sur le public 11
DES ENJEUX POUR LA PROFESSION MÉDICALE AU QUÉBEC 12
LE PROFESSIONNALISME MÉDICAL ET LA GOUVERNANCE CLINIQUE
AILLEURS DANS LE MONDE 13
| Évolution du professionnalisme médical 13
| Évolution de la gouvernance clinique 16
LA POSITION DE L’AMQ 22
A. LES PRINCIPES RELIÉS AUX RESPONSABILITÉS DES MÉDECINS 23
| La responsabilité populationnelle 23
| Lengagement de la profession médicale 23
| Les ententes contractuelles avec les groupes de médecins 23
B. LES PRINCIPES RELIÉS AUX RESPONSABILITÉS DES MÉDECINS ET
DE LEURS PARTENAIRES 24
| L’imputabilité et la responsabilité conjointes des médecins et des gestionnaires 24
| L’interdisciplinarité 24
C. LES PRINCIPES « STRUCTURANTS » OU PLUS SYSTÉMIQUES 24
| Le partage de l’information clinique 24
| La mesure d’indicateurs clés de performance 24
| Les incitatifs reliés aux modes de rémunération 25
| La formation en gestion et en leadership 25
ANNEXE 1 – LES TERMES DU CONTRAT SOCIAL 26
ANNEXE 2 – LA CHARTE SUR LE PROFESSIONNALISME MÉDICAL 28
RÉFÉRENCES ET NOTES 31
1
INTRODUCTION
Les systèmes de santé, au Québec comme ailleurs dans le monde occidental, sont
l’objet de transformations majeures. Elles visent à relever les défis de plus en plus
complexes d’accessibilité, de qualité, de pertinence et de coûts des soins et ser-
vices de santé. Le Québec a connu plusieurs réformes de son système de santé
au cours des 30 dernières années, et des changements majeurs sont actuellement
en cours. Il faut reconnaître qu’il n’y a pas de solutions simples et rapides aux pro-
blèmes. Les quatre variables d’accessibilité, de qualité, de pertinence et de coûts
sont interdépendantes. Il faut nécessairement tenter de trouver un équilibre entre
elles, ce qui exige de faire des choix, de trouver des compromis. Conséquemment, il
est difficile de prendre des décisions à ce sujet, car ces décisions touchent à la fois
la santé de la population et la profession médicale. C’est dans ce contexte de trans-
formation que l’Association médicale du Québec (AMQ) a entrepris une réflexion
sur l’avenir de la profession médicale et sur sa relation avec la société québécoise.
Le dossier du contrat social a été le thème du récent congrès de l’AMQ, tenu en
avril 2015. Les discussions des congressistes ont fait ressortir des points de tension
entre la profession médicale et la société québécoise, cette dernière étant repré-
sentée soit par la population (résultats d’un sondage), soit par le gouvernement
(projets de loi et de règlements). Si ces points de tension ne se résorbent pas ou
se détériorent, le risque est grand, car la profession médicale pourrait perdre une
partie importante de sa crédibilité comme partie prenante au contrat social qui la
lie à la population du Québec. À l’égard de ce constat, l’AMQ se doit d’agir.
Le principal point de tension identifié est l’opposition entre, d’une part, une inter-
vention grandissante de l’État visant à réguler la pratique médicale pour améliorer
l’accessibilité et, d’autre part, l’exercice d’un leadership plus grand des médecins,
individuellement et collectivement, dans le but d’atteindre le même objectif.
C’est donc le rôle, la responsabilité et l’imputabilité des médecins dans la gouver-
nance du système de santé, comme corps professionnel et comme individus, qui
sont au cœur de ce débat sur le contrat social entre la profession médicale et la
société québécoise.
LAMQ occupe une position stratégique unique au Québec. Elle est la seule organisation
qui regroupe les médecins en pratique, omnipraticiens et spécialistes, les résidents et les
étudiants en médecine, ainsi que les médecins à la retraite. Libre de toute attache syndi-
cale, elle choisit d’agir sur les principaux enjeux touchant le système de santé québécois
et l’avenir de la profession médicale. Au cours des deux dernières années, l’AMQ a pris
position sur trois dossiers d’envergure :
Surdiagnostic et optimisation de la pratique clinique (campagne Choisir avec soin);
Mourir dans la dignité;
Vers un nouveau contrat social entre la profession médicale et la société québécoise.
2
DES SYSTÈMES
DE SANTÉ
EN MUTATION
L’environnement dans lequel se pratique la méde-
cine a beaucoup changé au cours des 30 dernières
années. On peut certainement anticiper qu’il en sera
de même au cours des 30 prochaines années. La très
grande partie de ces changements survient hors du
contrôle direct de la profession médicale. Ils sont
démographiques, épidémiologiques, scientifiques,
technologiques, sociaux, économiques, politiques,
culturels. Ils ont des effets sur l’ensemble du sys-
tème de santé, sur la profession médicale et sur la
santé de la population.
A. CROISSANCE
ET CHANGEMENT
DE NATURE
DE LA DEMANDE
| La démographie
La population du Québec augmente. En 2011, la popu-
lation québécoise était de huit millions d’habitants.
En 2026, elle sera de neuf millions. Sa composition
change aussi. Au cours des 40 dernières années, le
Québec est pas d’une société comptant relative-
ment peu de personnes âgées de 65 ans et plus à une
société qui compte une proportion d’aînés plus élevée
que l’Ontario, le Canada ou les États-Unis. Ce phé-
nomène devrait s’accentuer encore davantage dans
l’avenir. En 2034, le Québec devrait compter 24,9 %
de personnes âgées de 65 ans et plus, contre 24,1 %
en Ontario, 23,6 % au Canada et 20,6 % aux États-Unis.
| L’épidémiologie
L’amélioration des conditions de vie et les progrès de
la médecine ont permis l’amélioration de l’espérance de
vie. Cependant, le vieillissement n’est pas la principale
variable de la croissance de la demande. Le dévelop-
pement de maladies chroniques et la croissance de
la prévalence de multimorbidité sont des variables
beaucoup plus importantes.
Les maladies chroniques « nécessitent une interven-
tion complexe sur une période prolongée
1
». De plus,
elles requièrent « la participation coordonnée d’une
vaste gamme de professionnels de la santé, un accès
à des médicaments essentiels et à des systèmes de
suivi qui doivent tous s’inscrire de manière optimale
dans le cadre d’un système qui favorise l’autonomi-
sation du patient.
2
»
Au Québec, 52,6 % de la population âgée de 12 ans
et plus souffre d’au moins une maladie chronique.
Chez les jeunes, l’adoption de mauvaises habitu-
des de vie explique en partie cet état de fait. Par
exemple, l’obésité est en croissance continue. Entre
1987 et 2010, le taux d’embonpoint et d’obésité dans
la population canadienne est passé de 34 % à plus de
50 %. Par ailleurs, les maladies chroniques se retrouvent
plus fréquemment chez les personnes âgées. Au Québec,
74 % des personnes âgées de plus de 65 ans déclarent
être atteintes d’une affection chronique. Chez les plus
de 75 ans, c’est plus de 80 %.
L’augmentation de la prévalence des maladies chro-
niques a des effets sur l’utilisation des services de santé.
Les personnes atteintes
de maladies chroniques uti-
lisent plus souvent les services de santé et les utilisent
en plus grand nombre que le reste de la population.
« Par exemple, 33 % des Canadiens ayant au moins une
maladie chronique induisent 51 % des consultations
chez un médecin de famille, 55 % des consultations
chez un spécialiste, 66 % des consultations infir-
mières et 72 % des séjours hospitaliers
3
» .
La multimorbidité est aussi en croissance. Selon
l’Association québécoise d’établissements de san-
et de services sociaux (AQESSS)
4
, 45 % de la
population du Québec ayant plus de 20 ans, soit
2,7 millions de Québécois, est atteinte de deux
maladies chroniques ou plus. De ce 45 %, 20 % a
deux maladies chroniques, 11 % en a trois, 6 % en
a quatre et 8 % en a cinq. Tout comme les mala-
dies chroniques, la multimorbidité augmente dans
le temps et avec l’âge. Aussi, les patients atteints
de multimorbidité utilisent plus de services de mé-
decins de famille, de spécialistes, de services d’ur-
gence et d’hospitalisation.
Bref, de plus en plus de personnes vivent de plus
en plus longtemps, mais elles vivent accompagnées
d’un traitement médical. Les maladies chroniques
et la multimorbidité associées au vieillissement de
la population ont et continueront d’avoir un effet
majeur sur la demande et, donc, sur l’utilisation des
soins et des services.
3
B. CROISSANCE
ET CHANGEMENT
DE NATURE DE L’OFFRE
| Les sciences
et les technologies
Le développement de nouvelles connaissances
scientifiques et de nouvelles technologies est la prin-
cipale variable de la croissance de l’offre de soins. Ce
développement est le résultat de la convergence de
plus en plus poussée entre les sciences de la vie, la
physique, la chimie et les sciences du génie, incluant
la science des matériaux. C’est souvent à l’interface
de ces sciences que les innovations technologiques
émergent dans le domaine de la santé.
La médecine est de plus en plus tributaire des tech-
nologies. On les utilise tant pour la prévention que
pour le diagnostic, le traitement, la réadaptation ou
le maintien à domicile. Le domaine des technologies
en santé inclut tous les médicaments, les équipe-
ments, les dispositifs médicaux, les implants ainsi
que les systèmes de soutien nécessaires pour offrir
des soins comme les processus de stérilisation, les
systèmes d’information, les systèmes de télécom-
munication, etc. Au cours des dernières décennies,
non seulement le volume de l’offre de soins a aug-
menté sous l’effet des technologies, mais la nature
de cette offre a changé.
Un autre facteur de croissance de la demande,
sur le plan épidémiologique, est l’émergence et la
résurgence de maladies infectieuses. Au Canada,
nous avons assisté à l’apparition de nouvelles ma-
ladies infectieuses qui ont eu un effet sur la de-
mande et sur l’utilisation des soins, par exemple
le SIDA et le SRAS. L’éclosion du C-Difficile au
Québec a mis en évidence l’enjeu de la résis-
tance aux antibiotiques qui est en croissance au
Canada. On voit même apparaître des souches
pharmacorésistantes de tuberculose, maladie que
l’on croyait vaincue.
| Le pouvoir croissant
des patients
Un autre facteur de croissance de la demande de
soins et de services est le pouvoir grandissant
des patients. Les patients sont de plus en plus
conscients de leurs droits. Ils se constituent en
associations de patients qui se transforment en
groupes de pression pour défendre leurs droits et
réclamer la pleine accessibilité aux dernières in-
novations diagnostiques et thérapeutiques. Ils ont
accès à de plus en plus d’information, pertinente
ou non, via Internet. Bien que de nombreux pa-
tients assument une plus grande responsabilité par
rapport à leur état de santé, de nombreux autres
agissent surtout comme des « consommateurs »
par rapport à un « produit ». Ainsi, on entend :
« Docteur, donnez-moi des antibiotiques pour ma
grippe, prescrivez-moi un scan pour mon mal de
dos. »
Les patients et les groupes de patients utilisent les
médias traditionnels et les médias sociaux comme
moyens de pression. Cette tendance est plus forte
au Québec que dans d’autres provinces. Certains
médias papier et médias électroniques en font
presque un « fonds de commerce ». Ce recours aux
médias vise à influencer les décideurs et à obtenir
gain de cause.
En résumé, la croissance de la demande
et la plus grande complexité de cette
demande auront un impact grandissant
sur l’utilisation des soins et des services,
tant en quantité qu’en qualité. Elle conti-
nuera de se développer dans un contexte
démographique, épidémiologique, socio-
économique et politique qui se trans-
forme. Elle exigera un changement ma-
jeur tant des pratiques cliniques que de
l’organisation des soins et des services.
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